La Dame à l'hermine de Léonard de Vinci, le "premier portrait de l'histoire moderne".


La "Dame à l'hermine" mérite une place à part parmi les chefs-d'œuvre de Léonard de Vinci: elle peut être considérée, comme l'a dit Cecil Gould, comme le "premier portrait de l'histoire moderne". Voici pourquoi.

Un tableau entré dans l’imaginaire collectif, copié et reproduit, une source d’inspiration continue même au-delà de l’art, le sujet de mille parodies: on peut affirmer sans l’ombre d’un doute que la Dame à l’hermine de Léonard de Vinci (Vinci, 1452 - Amboise, 1519) est l’un des portraits les plus célèbres de l’histoire de l’art. Il est désormais convenu d’identifier, bien que sans aucune certitude étayée par des preuves ou des documents, la dame représentée par Léonard avec la jeune Cecilia Gallerani (Milan, 1473 - San Giovanni in Croce, 1533), la jeune maîtresse du duc de Milan, Ludovic le Moro (Ludovic Maria Sforza ; Vigevano, 1452 - Loches, 1508), à la cour duquel Léonard travaillait à l’époque où le tableau a été réalisé, que l’on peut situer entre 1486 et 1488. Cecilia n’est alors qu’une enfant et une différence d’âge de vingt ans la sépare du Maure, alors régent du duché de Milan (il deviendra duc de 1494 à 1499). Le premier à émettre l’hypothèse que la dame était un portrait de Cecilia Gallerani fut l’historien de l’art polonais Jan Bołoz Antoniewicz en 1900 (comme nous le verrons, le tableau, aujourd’hui conservé au musée Czartoryski de Cracovie, est arrivé en Pologne dès le XIXe siècle): l’essai qui avançait l’hypothèse eut peu d’écho à l’époque, en partie parce qu’il était écrit en polonais, mais peu de temps après, certains historiens de l’art comme Wilhelm Suida et Giulio Carotti relancèrent l’idée d’Antoniewicz, sanctionnant ainsi le début d’un débat qui s’est poursuivi pendant longtemps, bien qu’à l’heure actuelle il y ait peu de raisons de douter de l’identité de la jeune fille.

Le problème de l’identité de la jeune femme est d’autant plus intrigant qu’il existe un sonnet, inclus dans les Rime, publié à titre posthume en 1493, du poète florentin Bernardo Bellincioni (Florence, 1452 - Milan, 1492), contemporain et compatriote de Léonard et, comme lui, Florentin à la cour de Ludovic le Moro, qui semble presque décrire le tableau: “De quoi t’affliges-tu ? À qui la nature vous envie-t-elle ? / À Vinci qui a représenté une de vos étoiles: / Cécile est si belle aujourd’hui / Que le soleil semble une ombre sombre à ses beaux yeux. / L’honneur vous revient, si avec votre peinture / Vous faites en sorte qu’elle semble écouter et non parler: / Pensez combien elle sera plus vivante et plus belle, / Plus vous aurez de gloire dans tous les âges à venir. / Maintenant tu peux remercier Ludovic / Et le génie et la main de Léonard, / Qui voudront la partager avec la postérité, / Qui la verront ainsi, bien qu’il soit tard, / La voir vivante, et qui diront: ” Il nous suffit / de comprendre maintenant ce qu’est la nature et l’art ". Bellincioni, en substance, fait l’éloge de la jeune fille, la décrivant comme étant même susceptible d’être enviée par la nature en raison de sa beauté. Il a ensuite été noté que la traduction grecque du mot “hermine”, c’est-à-dire galé, peut représenter un jeu de mots qui rappelle le nom de famille de la jeune fille.



L’existence d’un portrait de Cecilia Gallerani est également confirmée par une correspondance entre Cecilia Gallerani et la marquise de Mantoue, Isabella d’Este, qui écrit à la maîtresse du Maure le 26 avril 1498 pour lui demander d’envoyer à Mantoue son portrait réalisé par Léonard afin de lepour le comparer avec certains portraits de Giovanni Bellini que la marquise avait vus (“Depuis qu’il nous est arrivé de voir certains beaux portraits de la main de Zoanne Bellino, nous en sommes venus à discuter des œuvres de Léonard avec le désir de les voir au parangone de celles-ci, et nous souvenant que ”je vous ai rétracté du naturel, nous vous prions de nous envoyer votre portrait pour le présent cheval, que nous envoyons par la poste pour cela, parce qu’après cela “je me contenterai du parangone”. au parangone nous verrons aussi volontiers votre visage et immédiatement après la comparaison nous vous le renverrons“). Cécile ne tarde pas à satisfaire la demande de la marquise puisqu’elle envoie déjà le portrait à Mantoue le 29 avril, en y joignant un éloge du maître qui l’a peint, bien qu’elle prévienne Isabelle que le tableau date d’une période où elle était beaucoup plus jeune (il a en fait une dizaine d’années) et que, par conséquent, l’image d’elle a changé depuis lors: ”et en vérité je crois qu’il n’y a pas un mot à trouver en lui, mais seulement six pour avoir fait ce portrait à un âge si imparfait que j’ai ensuite changé toute cette effigie, de sorte que de le voir et moi ensemble n’est pas suffisant pour que quelqu’un juge qu’il a été fait pour moi". Un mois plus tard, Isabella rendit le portrait à Cecilia.

Léonard de Vinci, Dame à l'hermine (vers 1486-1488 ; huile sur panneau, 54,8 x 40,3 cm ; Cracovie, musée Czartoryski)
Léonard de Vinci, Dame à l’hermine (vers 1486-1488 ; huile sur panneau, 54,8 x 40,3 cm ; Cracovie, musée Czartoryski)

La Dame à l’hermine est un portrait apparemment très simple: Cecilia Gallerani est représentée en demi-longueur, mais en torsion (le torse tourné vers la droite, la tête vers la gauche), et donc avec un sujet qui n’est plus de trois-quarts comme dans les portraits antérieurs. La jeune fille ne porte aucun bijou, à l’exception du collier d’agate noire porté selon la mode de l’époque: une boucle plus courte autour du cou et une plus large qui tombe plutôt sur les seins. La robe est soignée mais pas luxueuse: c’est une robe de velours, aux manches ouvertes selon la mode de l’époque, et ornée de rubans. Sur l’épaule gauche, la jeune fille porte une bernia, un lourd manteau en tissu typique de la mode espagnole de l’époque (en 1489, Isabelle d’Aragon a épousé Gian Galeazzo Sforza, le neveu du Maure, ce qui a contribué à la diffusion du goût vestimentaire espagnol à Milan), en l’occurrence d’un bleu vif. La coiffure particulière de la jeune femme, connue sous le nom de coazzone ou tresse à l’espagnole, qui s’était répandue en Italie quelques années auparavant, toujours à partir de la Naples aragonaise, est également un reflet de la mode espagnole. Les cheveux bruns de Cecilia, ramassés avec une raie au centre, sont retenus par un voile de gaze transparente bordé de fils d’or entrelacés, lui-même fixé sur le front par un lacet noir. Sur la nuque, on aperçoit également la tresse qui descend le long du cou. Son visage est d’un ovale presque parfait, que Léonard laisse en pleine lumière afin de ne cacher aucun détail aux yeux du spectateur. Cecilia présente une expression qui dénote un léger mouvement de surprise: on le voit à ses yeux intrigués et à sa bouche, admirablement peinte avec un essai exemplaire du sfumato typique de Vinci, qui laisse entrevoir un sourire, ainsi qu’au mouvement de son cou lorsqu’elle se tourne, la jeune femme étant manifestement distraite par quelqu’un qui vient d’entrer dans la pièce. À la pâleur de la peau, aux tons presque ébène, répond le pelage de l’hermine, dont la blancheur de neige évoque la pureté de la jeune femme: L’animal, lui aussi poussé par la curiosité, est tenu fermement dans les mains de la jeune femme, le corps étendu le long du bras gauche de la jeune fille, qui lui sert de support, et la main droite, longue, effilée et réaliste, étudiée dans ses moindres détails anatomiques (les plis de la peau, les os, les tendons), qui le caresse tout en évitant de le faire trembler.

Par ailleurs, on constate que la pose de la jeune femme est inédite dans l’art du portrait de la Renaissance. Léonard avait déjà travaillé sur une pose similaire dans sa Vierge des rochers, comme l’atteste non seulement le tableau lui-même, mais aussi un Volto di fanciulla (Visage de jeune fille ) souvent identifié comme une étude préparatoire pour l’ange de la Vierge des rochers, conservé à la Biblioteca Reale de Turin, qui semblerait être le prédécesseur le plus direct de l’image de la jeune maîtresse de Ludovico Sforza. La pose sert à communiquer sans équivoque l’état d’esprit de la jeune femme: pour l’historien de l’art Cecil Gould, nous sommes en présence du “premier portrait de l’histoire moderne”, car c’est le premier portrait dans lequel Léonard de Vinci a voulu donner une image concrète des mouvements de l’âme, des sentiments ressentis par la jeune femme au moment précis où elle est représentée: un moment de surprise, en l’occurrence. Léonard avait commencé ses recherches sur les mouvements de l’âme, les sentiments que Leon Battista Alberti appelle “mouvements de l’âme” dans son De Pictura, au moins à partir de l’Adoration des Mages conservée aux Offices. L’artiste de Vinci démontrera son adhésion aux principes de la science d’Alberti non seulement à travers ses œuvres, mais aussi à travers ce qu’il laissera par écrit: dans le Traité de la peinture, nous lisons une indication au peintre-lecteur (“Tu feras les figures dans un acte tel qu’il suffise à démontrer ce que la figure a dans l’âme ; sinon ton art ne sera pas digne d’éloges”) résolument indicative de sa poétique, expliquée plus avant dans ses notes, dans ses carnets, dans ses griffonnages. Lamise en scène lumineuse du tableau, reflet des études de Léonard sur l’illumination des corps, est également innovante: la source lumineuse se trouve à droite et la lueur qui en émane investit le visage adolescent de Cecilia Gallerani, son épaule gauche, sa main et évidemment le museau de l’hermine, contribuant à renforcer la tridimensionnalité des formes et suggérant aussi symboliquement une continuité entre la dame et l’animal.

Il est intéressant de noter que selon Pietro C. Marani, l’un des plus grands spécialistes de Léonard de Vinci, la Dame à l’hermine est une œuvre qui “a certainement [...] contribué à révolutionner l’art du portrait européen”. Les raisons de cette révolution résident dans un ensemble précis d’éléments qui rendent l’image de cette jeune fille particulièrement vivante: comme nous l’avons dit, elle semble presque distraite par l’arrivée de quelqu’un dans sa chambre, et c’est pour cette raison qu’elle tourne son regard vers la gauche, tout comme l’animal qu’elle tient dans ses mains: “Le résultat est donc, écrit Marani, une image très vivante, ”du naturel“, extraordinairement innovante par rapport aux portraits officiels de l’époque, qui montrent généralement le personnage inerte et de profil. Exemple admirable de la technique picturale de Léonard (on peut même y voir ses empreintes digitales), c’est aussi un tableau riche en significations symboliques, faisant allusion non seulement aux vertus de la dame (”modération“, suggérée par le collier d’agate noire, et chasteté, suggérée par l’hermine), mais aussi à Ludovic le Moro, lui-même comparé à l’hermine, qui préférerait mourir plutôt que de perdre son immaculation: une allusion courtoise aux qualités morales de Ludovic et à son union amoureuse avec l’effigie”. Nous n’avons aucune certitude, comme nous l’avons mentionné plus haut, quant au commanditaire de cette peinture, mais on suppose que Léonard a été chargé par Ludovic le Moro lui-même, qui souhaitait manifestement l’admirer en privé, ce qui explique pourquoi l’image de Cecilia Gallerani semble si intime, si éloignée du portrait officiel, d’autant plus que la jeune fille ne porte pas de robes particulièrement élaborées ou somptueuses: Ce qui intéressait le probable commissaire, c’était d’avoir devant lui un portrait qui communiquait les vertus de sa bien-aimée, décrite en 1485, dans une lettre envoyée par Ludovic le Moro à son frère, le cardinal Ascanio Sforza Visconti, comme une jeune femme “remarquable par son sang, aussi honnête et bien formée qu’il pouvait le souhaiter”.

Léonard de Vinci, Vierge des rochers, première version (1483-1486 ; huile sur panneau, 199 x 122 cm ; Paris, Louvre)
Léonard de Vinci, Vierge aux rochers, première version (1483-1486 ; huile sur panneau, 199 x 122 cm ; Paris, Louvre)
Léonard de Vinci, Volto di fanciulla (étude pour l'ange de la
Léonard de Vinci, Volto di fanciulla (étude pour l’ange de la “Vierge des rochers”) (vers 1483-1485 ; pointe de métal et rehauts de plomb blanc sur papier préparé, 182x160 mm ; Turin, Musei Reali-Biblioteca Reale, Dis. It. Scat. 1/19 ; 15572. A.D.)
Léonard de Vinci, Adoration des Mages (1481-1482 ; dessin au fusain, aquarelle à l'encre et huile sur panneau, 246 x 243 cm ; Florence, Galerie des Offices)
Léonard de Vinci, Adoration des Mages (1481-1482 ; dessin au fusain, aquarelle à l’encre et huile sur panneau, 246 x 243 cm ; Florence, Galerie des Offices)

Une référence précise à Ludovic Sforza a été suggérée par Carlo Pedretti, qui a rappelé qu’en 1488 le Maure avait reçu de Ferrante d’Aragon, roi de Naples, l’ordre de l’Hermine, un grand honneur de son règne, et que le portrait pouvait donc être une façon de célébrer l’événement. Mais il se peut aussi que l’hermine ait été incluse dans le tableau en tant que symbole des qualités de la dame, et aussi parce qu’elle est le symbole de l’ordre de l’Hermine, et qu’elle a été incluse dans le tableau en tant que symbole des qualités de la dame. Léonard lui-même, dans le “bestiaire” (trois petits carnets de notes sur les animaux datant de 1494), décrit les caractéristiques supposées de l’animal en précisant qu’il “veut d’abord mourir plutôt que d’être mangé” (allusion à sa blancheur), et que “grâce à sa modération, il ne mange qu’une fois par jour, et se laisse d’abord attraper par les chasseurs plutôt que de s’enfuir dans la tanière boueuse”, afin de “ne pas maculer sa gentillesse”. Il existe d’ailleurs un dessin conservé au Fitzwilliam Museum de Cambridge dans lequel Léonard représente une hermine qui se rend aux chasseurs précisément pour éviter de se salir en se réfugiant dans la tanière. Curieusement, une inscription apocryphe, probablement ajoutée au XIXe siècle (“La bele feroniere / Leonard D’Awinci”) est également visible dans le coin gauche du portrait, ce qui a laissé supposer par le passé que le tableau représentait Madame Ferron, maîtresse du roi François Ier de France: Cette même identité a d’ailleurs été attribuée à un autre des portraits les plus célèbres de Léonard de Vinci, celui connu sous le nom de “La Belle Ferronnière” d’après une note figurant dans un inventaire du XVIIIe siècle, et pour lequel le problème de l’identification de la dame représentée est décidément plus complexe que pour la Dame à la main. Le problème de l’identification de la dame représentée est décidément plus complexe que celui de la Dame à l’hermine (il n’a d’ailleurs pas manqué d’affirmer que le tableau conservé au Louvre représentait également Cecilia Gallerani).

La nouveauté du portrait de Léonard ne tarde pas à se manifester dans les milieux artistiques milanais, et même au-delà des frontières du duché. Parmi les dérivations les plus anciennes et les plus ponctuelles, on trouve la Madeleine de Bernardino Luini (Dumenza, vers 1480 - Milan, 1532), dont la pose (surtout si l’on regarde l’attitude du corps) rappelle immédiatement le chef-d’œuvre de Léonard. Luini a d’ailleurs copié le visage de la Dame à l’hermine sur une feuille aujourd’hui conservée à la Biblioteca Ambrosiana de Milan, mais en miroir, preuve supplémentaire de la fortune de l’œuvre de Léonard de Vinci. Mais la première œuvre qui semble se référer directement à la Dame à l’hermine est le Portrait d’une dame de Giovanni Antonio Boltraffio (Milan, 1467 - 1516), l’une des œuvres les plus importantes de Léonard. Provenant de la collection de la noble famille milanaise Pusterla, on pense qu’il s’agit d’un portrait de Clarice Pusterla, une autre amie de Ludovic le Moro, bien qu’il n’ait jamais été possible d’établir avec certitude l’identité de la jeune femme. Boltraffio s’éloigne de son maître en introduisant un mouvement du cou vers le bas (afin d’éviter le croisement des regards avec l’observateur, rendant ainsi le portrait plus insaisissable), qui sera repris dans la Dame au chien de Lorenzo Costa (Ferrare, 1460 - Mantoue, 1535), aujourd’hui conservée à Hampton Court, une autre peinture clairement influencée par la Dame à l’hermine. L’œuvre de l’artiste de Ferrare est souvent identifiée à celle qu’Isabelle d’Este (qui avait demandé avec insistance un portrait à Léonard) avait peinte: Cependant, lorsque le Toscan séjourna à Mantoue entre 1499 et 1500, il ne réussit à obtenir qu’une caricature, aujourd’hui conservée au Louvre) lui aurait demandé expressément de “traduire le portrait articulé de Cecilia Gallerani en un portrait plus domestique de celle-ci”. Un portrait domestique dans lequel la marquise souhaitait être représentée avec un petit chien", écrit Marani, qui rappelle toutefois que ni le tableau de Boltraffio ni celui de Costa n’atteignent, même de loin, les qualités introspectives de la Dame à l’hermine, qui parvient au contraire à communiquer, “au plus haut degré”, le “mouvement de l’esprit” du personnage. Et pourtant, remarque Marani à juste titre, de Boltraffio et de Costa “on ne pouvait pas s’attendre à mieux”. Vers le début du XVIe siècle, cependant, la célébrité du portrait de Léonard a dû s’étendre au point de lancer une mode, celle de l’hermine remplacée par un chien, dont le tableau de Lorenzo Costa a été en quelque sorte l’initiateur. De plus, le visage de Cecilia Gallerani, comme l’atteste le dessin de Luini lui-même, a fini par devenir un modèle de beauté pour tout le cercle des artistes de Léonard de Vinci.

Léonard de Vinci, L'Hermine (vers 1494 ; plume et encre brune avec traces de craie noire sur papier, diamètre 91 mm ; Cambridge, Fitzwilliam Museum)
Léonard de Vinci, L’Hermine (vers 1494 ; plume et encre brune avec traces de craie noire sur papier, diamètre 91 mm ; Cambridge, Fitzwilliam Museum)
Léonard de Vinci, Portrait d'une dame dite La Belle Ferronnière ou portrait présumé de Lucrezia Crivelli (1493-1495 ; huile sur panneau, 63 x 45 cm ; Paris, Louvre)
Léonard de Vinci, Portrait d’une dame dite La Belle Ferronnière ou portrait présumé de Lucrezia Crivelli (1493-1495 ; huile sur panneau, 63 x 45 cm ; Paris, Louvre)
Bernardino Luini, Madeleine (vers 1525 ; huile sur panneau, 58,8 x 47,8 cm ; Washington, National Gallery of Art)
Bernardino Luini, Madeleine (vers 1525 ; huile sur panneau, 58,8 x 47,8 cm ; Washington, National Gallery of Art)
Bernardino Luini, Due studi di volto e di bust femminile (1522-1525 environ ; crayon rouge sur papier blanc, 198 x 139 mm ; Milan, Biblioteca Ambrosiana, cod. F 263 inf. 18r)
Bernardino Luini, Deux études d’un visage et d’un buste de femme (v. 1522-1525 ; crayon rouge sur papier blanc, 198 x 139 mm ; Milan, Biblioteca Ambrosiana, cod. F 263 inf. 18r)
Giovanni Antonio Boltraffio, Portrait d'une femme (Clarice Pusterla ?) (vers 1500 ; panneau, 49,3 x 38,5 cm ; collection privée)
Giovanni Antonio Boltraffio, Portrait d’une dame (Clarice Pusterla ?) (vers 1500 ; panneau, 49,3 x 38,5 cm ; collection privée)
Lorenzo Costa, Portrait d'une dame avec un chien (vers 1500-1505 ; huile sur panneau, 45,4 x 35 cm ; Hampton Court, Hampton Court Palace)
Lorenzo Costa, Portrait
d’
une dame avec un chien (vers 1500-1505 ; huile sur panneau, 45,4 x 35 cm ; Hampton Court, Hampton Court Palace)
Léonard de Vinci, Portrait d'Isabelle d'Este (vers 1495-1500 ; fusain, sanguine et pastel sur papier, 630 x 460 mm ; Paris, Louvre, Cabinet des Dessins)
Léonard de Vinci, Portrait d’Isabelle d’Este (vers 1495-1500 ; fusain, sanguine et pastel sur papier, 630 x 460 mm ; Paris, Louvre, Cabinet des Dessins)

Une question reste cependant sans réponse: qui était Cecilia Gallerani? Comme prévu, elle s’est retrouvée maîtresse du Maure alors qu’elle n’avait pas encore quinze ans, bien qu’à l’époque, une relation entre une si jeune fille et un homme décidément plus mûr n’était pas considérée comme étrange ou inconvenante. C’était une noble issue d’une famille d’origine siennoise: son grand-père, Sigerio, avait quitté Sienne pour des raisons politiques et s’était réfugié à Milan, et son fils Fazio, le père de Cecilia, était un haut dignitaire de la cour milanaise. La jeune fille, âgée de seulement dix ans, avait déjà été fiancée par sa mère Margherita au noble Giovanni Stefano Visconti, un autre homme beaucoup plus âgé que Cecilia (une différence d’âge de vingt-quatre ans les séparait). La promesse fut cependant rompue en 1487, pour des raisons encore inconnues: peut-être parce que la famille voyait la possibilité de marier Cecilia à Ludovico il Moro, qui à l’époque était déjà fiancé à Beatrice d’Este, la jeune fille du duc de Ferrare, qu’il épousa en 1491, bien que ce soit un mariage qui n’enthousiasmait pas le Maure (il ne rencontra sa fiancée que peu de temps avant le mariage). On ne sait pas quand l’histoire d’amour entre Cécile et le futur duc a commencé, mais sur la base de la lettre mentionnée ci-dessus, il est probable que la liaison entre les deux avait déjà commencé à cette époque, entre 1484 et 1485. Nous savons cependant avec certitude, grâce à des documents de l’époque, que Cécile était présente à la cour des Sforza en 1489. Deux ans plus tard, Cecilia aurait donné naissance à un fils de Ludovic: Cesare Sforza, qui devint plus tard abbé de la basilique de San Nazaro in Brolo à Milan et fut peut-être représenté enfant par le maître de la Pala Sforzesca dans son célèbre retable de la galerie d’art de Brera. C’est précisément à l’occasion de la naissance de son fils Cecilia, qui jusqu’alors vivait encore à la cour sans apparemment créer trop de problèmes à Béatrice d’Este (même la naissance de Cesare n’a pas été cachée, bien qu’elle n’ait pas pu être légitimée), qu’elle fut éloignée pour éviter des situations inconvenantes, mais elle reçut en échange des donations substantielles, surtout le fief de Saronno. Elle s’installa ensuite à San Giovanni in Croce, après avoir épousé le comte Ludovico Carminati, seigneur féodal de la ville dans la région de Crémone. Cécile mène une existence sereine: femme cultivée, amoureuse des arts et des lettres, elle entretient des relations avec de nombreux grands hommes de lettres de l’époque (à commencer par Bernardo Bellincioni déjà cité), elle est l’amie d’Isabelle d’Este, comme nous l’avons vu dans les lettres citées plus haut, et elle disparaît en 1533 à San Giovanni in Croce, qu’elle n’avait pas quitté depuis son mariage.

En revanche, les événements antérieurs du tableau sont nettement plus obscurs, à tel point que, comme nous l’avons dit, il n’y a même pas de certitude mathématique que la Dame à l’hermine soit en fait un portrait de Cecilia Gallerani, bien que la probabilité soit très élevée. Tout ce que l’on sait, c’est que le tableau a été acheté sur le marché italien des antiquités en 1798 par le prince polonais Adam Jerzy Czartoryski, et qu’il est depuis lors devenu un élément permanent de la collection familiale, qui a donné naissance au musée Czartoryski de Cracovie. Après son achat, le tableau a connu une vie mouvementée, risquant à plusieurs reprises de mal finir: lors de l’Insurrection de novembre, la rébellion des Polonais contre les Russes en 1830, la Dame à l’hermine a été emportée hors de Cracovie, en direction de Sieniawa, plus au sud, pour la protéger des pillages. Après l’exil de la famille, l’œuvre se retrouve à Paris et revient en Pologne en 1869, lorsque les Czartoryski peuvent retourner dans leur pays natal. En 1878, le musée ouvre ses portes, mais les vicissitudes de l’opéra ne sont pas terminées, puisqu’il est déplacé à Dresde pendant la Première Guerre mondiale, toujours pour le mettre à l’abri des pillages, et ne peut revenir à Cracovie qu’en 1920. Un autre risque est pris à l’aube de l’invasion nazie de la Pologne: la famille choisit de ramener le tableau à Sieniawa, mais cela ne suffit pas: les Allemands découvrent le chef-d’œuvre de Léonard, s’en emparent et l’envoient au Kaiser Friedrich Museum de Berlin. Il n’a pu revenir en Pologne qu’en 1940, mais n’a pas été rendu à ses propriétaires légitimes: le gouverneur général de la Pologne occupée, Hans Frank, voulait simplement qu’il soit accroché dans son bureau au château de Wavel. Même après la guerre, Frank a gardé l’œuvre pour lui: elle n’a été retrouvée qu’après la guerre dans sa maison de campagne à Schliersee, en Bavière, et a finalement été restituée au musée Czartoryski en 1946. Par la suite, heureusement, l’œuvre ne s’est déplacée que pour des expositions (deux fois en Italie: à Rome et Milan en 1998 et à Florence en 1999), et plus récemment entre 2017 et 2019, au Musée national de Cracovie, lorsque le Musée Czartoryski était fermé pour des travaux de restauration. Le dernier chapitre de son histoire est la nationalisation du tableau: la Fondation des princes Czartoryski, propriétaire du tableau et représentée par le dernier descendant d’Adam Jerzy, le prince Adam Karol, a en effet vendu la Dame à l’hermine avec l’ensemble de la collection familiale au gouvernement polonais en 2016 pour la somme de 100 millions d’euros. La transaction a fait polémique, la somme étant jugée trop faible par rapport à la valeur de la collection: mais depuis, la Dame à l’hermine est devenue un trésor national de la Pologne. C’est donc au musée Czartoryski qu’il sera à nouveau possible d’admirer, à partir du 29 décembre 2019, l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’art du portrait.


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