Le Royaume-Uni bloque l'exportation de la Crucifixion de Fra Angelico

Le Royaume-Uni a bloqué l’exportation de la rare Crucifixion précoce de Fra Angelico, un chef-d’œuvre découvert et publié dans le Burlington Magazine en 1996 par Francis Russell, et mis aux enchères cet été chez Sotheby’s, où l’œuvre a atteint 5 millions de livres sterling (5,8 millions d’euros) pour une estimation de 4 à 6 millions de livres ster ling. Angelo Tartuferi, l’un des plus grands spécialistes de l’artiste de la Renaissance, a décrit ce panneau de jeunesse comme un “chef-d’œuvre absolu et incontestable de la première phase de Fra Angelico, qui n’appartient pourtant pas au noyau restreint des œuvres de jeunesse de Fra Angelico”. Datée du début des années 1520, la Crucifixion montre comment Fra Angelico s’est placé dans l’intense période d’innovation créative qui caractérisait Florence au début du XVe siècle, lorsque les artistes développaient de nouvelles formes d’expression.

L’interdiction d’exportation, qui fait suite à la demande de licence de la partie qui a acheté l’œuvre chez Sotheby’s, a été décidée par le ministre britannique des arts et du patrimoine, Stephen Parkinson, car l’œuvre risque de quitter le Royaume-Uni à moins qu’une partie britannique ne soit intéressée à l’acheter. La décision du ministre fait suite à l’avis de la Review Commission on the Export of Works of Art and Objects of Cultural Interest (RCEWA). “Cette œuvre magnifique d’une figure importante du début de la Renaissance, a déclaré Lord Parkinson, représente un moment clé dans l’histoire de la peinture européenne. Elle se trouve au Royaume-Uni depuis deux siècles et j’espère qu’un acheteur national se manifestera afin qu’elle puisse rester ici pour être étudiée et admirée par les générations à venir”.

Exécuté à la détrempe sur panneau de bois, le tableau a conservé son cadre d’origine et se trouve en Grande-Bretagne depuis le début du XIXe siècle. Le premier propriétaire connu est Lady Ashburton, qui a hérité de l’œuvre de son mari, William Bingham Baring, selon Lord Ashburton (il a probablement acheté l’œuvre sur le marché italien). La Crucifixion est ensuite passée à la fille de Lady Ashburton (qui devait conserver l’œuvre soit dans sa maison de Londres, soit dans sa résidence de Melchett Court dans le Hampshire), Mary Florence Baring, épouse de William Compton, puis à leur deuxième fils, Lord Spencer Compton (1893-1915) : c’est de ce dernier que l’œuvre est descendue jusqu’aux propriétaires qui l’ont vendue aux enchères l’été dernier.

Selon les autorités britanniques, le tableau constituerait un ajout important à la collection publique du Royaume-Uni. La RCEWA a formulé sa recommandation sur la base du fait que le tableau répondait aux deuxième et troisième critères de Waverley. Les critères de Waverley sont des paramètres utilisés au Royaume-Uni pour déterminer si un objet doit être considéré comme un trésor national et si son départ du territoire national ne rendrait pas service à la communauté. Le premier critère est de savoir si l’œuvre est étroitement liée à l’histoire de la nation. Le deuxième critère est l’importance esthétique exceptionnelle de l’œuvre. Le troisième critère est qu’elle est exceptionnelle pour l’étude d’un domaine particulier de l’art ou de l’histoire. La Crucifixion de Beato Angelico a été considérée comme ayant une importance esthétique exceptionnelle et une signification exceptionnelle pour l’étude de l’évolution de la peinture en Italie au début de la Renaissance.

Que se passe-t-il maintenant à la suite du blocus ? La décision sur la demande de licence d’exportation, demandée comme indiqué par l’acheteur qui a remporté l’œuvre chez Sotheby’s, est reportée au 7 avril 2024. Après cette date, les propriétaires actuels de l’œuvre disposeront d’un délai de 15 jours pour examiner toute offre d’achat dépassant le prix recommandé de 5 001 000 livres sterling plus la TVA de 180 200 livres sterling. A l’issue de cette première période, une seconde période de six mois commencera, qui suivra la signature d’un accord d’option : la seconde période de report sera utilisée pour permettre aux entités publiques de formuler leurs offres après un éventuel accord avec un nouvel acquéreur potentiel. Le ministre pourra également prendre en considération des offres d’entités publiques inférieures au prix recommandé dans le cadre de la procédure de vente négociée. Ce type d’achat offre souvent des avantages financiers substantiels à l’institution publique qui souhaite acquérir l’objet.

Christopher Baker, membre du RCEWA, déclare : “Fra Angelico a été l’un des grands innovateurs dans l’évolution de l’art florentin du début du XVe siècle. Cette peinture de dévotion très émouvante, avec ses délicates harmonies de couleurs et ses figures expressives profondément réfléchies, démontre la puissance durable de son œuvre. Il s’agit d’une rareté extraordinaire qui nous aide à comprendre une période de formation dans la carrière de l’artiste et, plus généralement, dans le développement de la peinture de la Renaissance italienne. Sa fascination va bien au-delà de ces études en raison de sa beauté surnaturelle”.

Le Royaume-Uni bloque l'exportation de la Crucifixion de Fra Angelico

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