Une terre merveilleuse entre la mer et les montagnes juste derrière: c’est la Ligurie, et même dans les musées de la région, on peut trouver la présence d’animaux et de créatures fantastiques. Des côtes de la Riviera di Levante au Ponente, près de la frontière française, en passant par Gênes, voici les animaux que nous avons trouvés en Ligurie. Le projet est mené par Finestre sull’Arte en collaboration avec le Ministère de la Culture et vise à faire connaître les musées à tous à travers des points de vue inédits sur les œuvres, en rappelant que les musées sont des lieux sûrs et adaptés à tous, familles, couples, amis, collègues, visiteurs individuels. Voici donc un autre voyage !
L’Hydre de Lerne, selon la mythologie grecque, était un monstre ressemblant à un grand reptile marin à neuf têtes: extrêmement venimeuse, elle était capable de tuer d’un seul souffle et était également dotée d’une grande intelligence. Ses têtes pouvaient repousser si elles étaient coupées. Il fut affronté par Hercule (Héraclès en grec) lors du deuxième de ses douze travaux: le héros fut aidé par son ami Iolaus, qui cautérisa les têtes une fois coupées pour qu’elles ne repoussent pas, et finalement Hercule réussit à en venir à bout en écrasant la tête centrale. La toile peinte par Gregorio de Ferrari (Porto Maurizio, 1647 - Gênes, 1726), l’un des peintres les plus importants de la fin du XVIIe siècle en Ligurie et l’un des grands noms de la décoration baroque génoise, fait partie d’une série de tableaux consacrés au célèbre héros mythologique qui ornaient autrefois les salles du Palazzo Cattaneo Adorno. Les quatre œuvres du cycle des Travaux d’Hercule ont été acquises par le Palazzo Spinola en 2014, en même temps que trois autres toiles, également de Gregorio de Ferrari, ayant pour thème les Métamorphoses d’Ovide. Dans le tableau de De Ferrari, Hercule est représenté bondissant sur le redoutable monstre, représenté à ses pieds sur le point d’être vaincu, dans une composition plutôt convulsive mais à travers laquelle il est possible d’entrevoir un grand équilibre formel.
Ce tableau problématique, autrefois attribué à Pieter Bruegel le Jeune et aujourd’hui attribué au peintre flamand Jan Verbeeck (Malines, vers 1520 - vers 1569), représente l’épisode des Tentations de Saint Antoine Abbé: de monstrueuses apparitions démoniaques auraient tourmenté le saint en essayant de menacer sa foi, mais le saint a su résister. Conformément à l’iconographie nordique typique, les tentations sont représentées non seulement sous la forme de jeunes femmes belles et provocantes (ce sont celles que l’on voit à côté du saint), mais aussi sous la forme de créatures fantastiques bizarres résultant du croisement de plusieurs animaux, de petits monstres singuliers qui sont le fruit d’une grande imagination qui renvoie aux précédents plus célèbres de Jheronimus Bosch, un autre artiste connu pour les créatures qui peuplent ses tableaux. Une curiosité: on dit que cette peinture a beaucoup fasciné Gustave Flaubert, qui a vu l’œuvre lors d’une visite au Palazzo Balbi en 1845. La vision de cette œuvre aurait donné naissance à La Tentation de Saint Antoine, écrite dans pas moins de trois versions.
Dans les salles du Palazzo Reale de Gênes, et plus précisément dans la Galleria della Cappella, sur le mur ouest, si vous levez les yeux, vous remarquerez une fresque dont le protagoniste est à nouveau Hercule, aux prises avec un autre monstre mythologique: il s’agit de Cerbère, le chien à trois têtes qui montait la garde à l’entrée des enfers. Le combat avec Cerbère représente le dernier des douze travaux, les exploits auxquels Hercule avait été contraint pour avoir tué sa femme et ses enfants dans un accès de rage provoqué par la déesse Héra. Le dernier travail consistait précisément à ramener Cerbère vivant à Mycènes. Et dans cette fresque de Giovanni Battista Carlone (Gênes, vers 1603 - 1684), autre grand protagoniste du baroque génois, Hercule, revêtu de la peau du lion de Némée vaincu lors du premier effort, est pris en flagrant délit de capture de Cerbère, vaincu par sa seule force. Carlone représente Hercule agrippant le corps de l’animal infernal à l’aide d’une puissante chaîne qui l’immobilise. La galerie comprend d’autres représentations du mythe d’Hercule et des images d’un grand effet scénographique, avec des personnages grandeur nature qui se profilent au-dessus du visiteur (la scène du dernier effort est peinte au-dessus d’une porte) pour l’entraîner dans les événements avec une forte théâtralité qui a peu d’autres parallèles dans les palais génois de l’époque.
Marsyas, dans les récits de la mythologie grecque, était un satyre, c’est-à-dire une créature mi-homme, mi-chèvre. Comme les autres satyres, il excellait dans la musique et était en particulier un extraordinaire joueur d’aulos, la flûte à un ou deux tuyaux typique de la Grèce antique. Il était si doué que les habitants de l’Anatolie, où il vivait, pensaient qu’il était meilleur qu’Apollon, le dieu de la musique: la nouvelle parvint à Apollon lui-même, qui décida de le défier. Apollon finit par l’emporter, bien qu’avec des méthodes peu “sportives” (selon une version du mythe, après une première égalité décrétée par les muses, il obligea Marsyas à jouer avec la flûte retournée, tandis que selon d’autres versions, il proposa de chanter et de jouer en même temps: dans les deux cas, l’instrument de Marsyas ne lui permettait pas de battre le dieu), et décida de punir l’orgueil de Marsyas en l’écorchant. Domenico Parodi (Gênes, 1672 - 1742), quant à lui, a décidé de représenter non pas le moment le plus sanglant, mais le concours, dans la fresque qui orne la Galleria degli Specchi (Galerie des miroirs) du Palazzo Reale, l’une des salles les plus célèbres et les plus renommées de l’édifice. En 1650, la galerie n’était décorée que par les peintures et les statues qui faisaient partie de la collection de Giovanni Battista Balbi, fils de Stefano, le premier propriétaire de l’édifice. L’aspect actuel est dû à Domenico Parodi lui-même qui, vers 1725, pour le nouveau propriétaire Gerolamo Ignazio Durazzo, imagina la Galerie scénographique avec des stucs, de l’or, des miroirs et des peintures qui devaient envelopper le visiteur pour le captiver et le fasciner le plus possible. Même la scène avec Apollon et Marsyas franchit illusoirement le plafond: c’est comme si la voûte de la galerie s’ouvrait sur le ciel (même les nuages recouvrent les stucs pour donner un effet plus réaliste) pour nous faire assister au combat. À côté d’Apollon se trouvent quelques-unes des muses: Melpomène, muse de la tragédie, avec une épée ; derrière elle, nous voyons Uranie, muse de l’astronomie avec un globe, et à la gauche d’Apollon, Euterpe, la musique, représentée avec une trompette.
Œuvre importante de la fin du XVIIe siècle, La lutte entre Persée et Phinée de Luca Giordano (Naples, 1634 - 1705) est conservée au Palazzo Reale: elle représente un épisode du mythe de Persée, tiré des Métamorphoses d’Ovide. Il s’agit de celui qui suit la libération d’Andromède, que Persée sauve des griffes du monstre marin qui la minait: la belle jeune femme avait en effet été fiancée à Phinéas, fils de la nymphe Anchinoé et donc descendant de Poséidon, le dieu de la mer qui avait envoyé le monstre contre Andromède pour punir l’orgueil de sa mère, qui croyait sa fille plus belle que toutes les Néréides, les nymphes de la mer. Pour avoir sauvé Andromède, Persée l’obtint en mariage, ce qui provoqua la colère de Phinée, qui se présenta au banquet de noces avec ses guerriers. Persée prit le dessus sur ses ennemis en exhibant la tête de Méduse, cette redoutable créature au visage de femme et à la chevelure de serpent, capable de pétrifier par son regard. La tête coupée a conservé ce pouvoir et, dans le tableau, Persée l’utilise comme une arme contre ses adversaires: Phineas le sait et tente de se protéger avec son bouclier (curieusement la carapace d’une tortue). Il s’agit d’un autre tableau emblématique du baroque, caractérisé par une grande théâtralité et des expédients scéniques, comme l’idée de placer la figure de Phinée au-dessus d’un groupe de guerriers surpuissants, et celle d’insérer les deux hautes colonnes avec le drapé rouge qui les entoure pour diviser clairement la scène en deux parties.
Oui, nous savons, nous ne parlons pas vraiment d’un animal fantastique, puisque l’elephas antiquus du musée préhistorique Balzi Rossi de Vintimille a réellement existé, mais il s’agit tout de même d’un animal préhistorique qui a... Les aspects fantastiques sont nombreux, à commencer par le fait que d’anciennes découvertes de restes tels que ceux conservés à Vintimille (sur le crâne, les trous nasaux sont fusionnés en une seule ouverture au centre du front et le squelette a de très longues pattes), dans des grottes de Sicile et de Grèce, ont alimenté la naissance de mythes et de légendes dans les temps passés. La découverte de tels vestiges a même donné naissance au mythe des Cyclopes ! Celui de Vintimille, en revanche, a une histoire beaucoup moins mythologique: c’est en 1899 que l’anthropologue français René Vernau signale la découverte d’un éléphant d’Europe ou éléphant antique (un animal de la taille de l’éléphant d’Afrique actuel, répandu dans toute l’Europe à l’époque préhistorique: il s’est éteint il y a environ 30 000 ans, en raison de la dureté de l’eau et de l’humidité).000 ans, en raison du durcissement du climat sur notre continent) trouvé en 1894 par un carrier dans la grotte de la Barma Grande. Il s’agit d’un animal de grande taille, âgé de 10 ans, probablement un mâle. Certains éléments de ce jeune animal, probablement abattu au fond de la grotte, sont anatomiquement liés, comme l’avaient déjà suggéré les découvreurs. Il s’agit essentiellement des pattes (antérieures et postérieures) qui ont été abandonnées sur place, au profit d’autres parties plus riches en nourriture. Quelques traces de brûlage et de chauffage ont produit des variations de couleur des os, ainsi que des traces des outils utilisés par les Néandertaliens pour dépecer l’animal. Des traces de façonnage sont également documentées sur des fragments d’ivoire qui ne correspondent pas au reste du matériel des Balzi Rossi. Ces objets témoignent d’ailleurs d’une complexité technologique insoupçonnée par les Néandertaliens. Les restes d’elephas antiquus témoignent donc d’un scénario complexe, dans lequel la Barma Grande a été une zone de refuge pour l’éléphant ancien pendant la période de refroidissement climatique. Les Néandertaliens ont su faire face à cette période et se sont installés à plusieurs reprises aux Balzi Rossi. Ils ont su exploiter la conformation particulière du site, pouvant pousser les proies dans le piège naturel formé par la Barma Grande, afin d’abattre ces proboscidiens, de les découper et de les consommer directement sur place.
Les anciens Ligures sont également connus comme le peuple du cygne: la référence est faite à la légende du roi mythique des Ligures Cicno, grand ami de Phaéthon, fils du dieu Soleil, qui obtint de son père la permission de conduire le char du soleil. Mais, incapable de le diriger, il s’approcha trop près de la Terre, risquant d’y mettre le feu: pour l’empêcher de détruire la planète, le dieu Zeus électrocuta le jeune homme, qui tomba dans les eaux du fleuve Eridanus (le Pô), où il se noya. Cicno fut choqué par la mort de son ami et les dieux, émus de compassion, le transformèrent en cygne. Selon une autre version du mythe, Cicno aurait plutôt été transformé en cygne par Apollon après sa mort. Quoi qu’il en soit, le splendide animal est un symbole des Ligures et se retrouve donc dans de nombreuses représentations, comme dans ce pendentif en bronze, trouvé dans la tombe d’une femme appartenant à la tribu ligure des Tigullii de l’âge du fer, qui est aujourd’hui exposé au musée archéologique national de Chiavari. L’objet présente des projections en forme d’oiseau sur les deux côtés, avec le bec dirigé vers le bas et la tête reliée à l’anneau de suspension. Les pendentifs de la même forme étaient produits en Italie centrale et étaient généralement attachés à un bouclier ; les deux exemplaires trouvés à Chiavari, en revanche, faisaient partie d’un trousseau féminin et étaient reliés par une chaîne à un objet ornemental, peut-être un collier.
L’Antiquarium de la ville romaine d’Albintimilium, correspondant à l’actuelle Vintimille, conserve un monument funéraire découvert par l’archéologue Girolamo Rossi (Vintimille, 1831 - 1914) lors des fouilles qu’il a dirigées en 1886.arula (c’est-à-dire un petit autel votif) à tympan chanfreiné, portant sur la face antérieure une inscription relative à la sépulture commandée par un certain Lucius Allius Ligus pour lui-même, sa femme Valeria Thallusa et leur fils Lucius Allius Allianus, mort à l’âge de vingt ans seulement. Le monument était flanqué de deux sphinx en pierre grise. Le premier, complet avec son socle et bien conservé, présente un corps de femme large et allongé, tandis que la tête et les ailes sont petites et disproportionnées. La coiffure ondulée avec des boucles latérales et un chignon sur la nuque reproduit un type attesté à l’époque Tibère-Claudien (14-54 ap. J.-C.). Le second, en revanche, largement restauré dans l’Antiquité et dépourvu de support, a un corps très grand et allongé, les ailes sont très petites et la partie supérieure est mal reconstruite en béton, de même que les jambes. La tête, dont le cou est en béton, ne semble pas pertinente. Le sphinx, animal mythique au corps de lion et au visage de femme, était souvent utilisé dans les monuments funéraires de l’Antiquité: il était en effet considéré comme le gardien des lieux de sépulture. C’est précisément la signification du sphinx dans le monument funéraire d’Albintimilium, où il interprète, dans un langage extrêmement rigide et schématique, une iconographie très répandue dans les contextes funéraires cisalpins.
Dans la villa romaine de Varignano, située juste avant Porto Venere dans l’une des régions les plus belles d’Italie, on a retrouvé une pièce de bronze frappée à l’époque de l’empereur Julien et produite à l’hôtel des monnaies de Lugdunum (aujourd’hui Lyon, France) en 362-363 après J.-C. Elle porte au revers l’image de l’Api et du taureau.Elle porte au revers l’image du taureau Apis, vénéré par les Égyptiens comme le héraut du dieu Ptah, mais aussi comme une divinité à part entière. Il ne s’agit donc pas seulement de l’image d’un animal fantastique, mais même d’un animal divin: les Égyptiens accordaient en effet une grande importance à Apis, symbole de force et d’esprit courageux, et donc lié au concept de royauté.
Datant de la fin du IIIe siècle et du début du IVe siècle après J.-C., cette mosaïque provient de la Domus di Oceano de Luni, une résidence ainsi appelée parce qu’elle possédait également une mosaïque plus grande, toujours visible au Musée archéologique national de Luni, représentant le visage du dieu Océan avec deux cupidons chevauchant des dauphins pêchant dans une mer remplie de poissons, de mollusques et de crustacés. La mosaïque avec le gorgoneion, ou tête de Méduse, se trouvait dans le couloir menant à la salle de la tessellation de l’Océan. Sur un fond blanc est dessiné un rectangle divisé en quatre carrés contenant quatre éléments distincts ; dans le premier se trouve la gorgone. La tête de Méduse est également dotée de deux ailes, tandis que sa chevelure, selon l’iconographie typique, est faite de serpents. Une grande fleur sépare ce panneau de celui qui abrite la représentation d’un Silène, qui a deux points de vue: en entrant dans le couloir, il a l’aspect “sénile” habituel avec une longue barbe ; de l’autre côté, nous voyons le visage d’un jeune homme à qui la barbe du vieil homme sert de chevelure. Une autre fleur à plusieurs pétales clôt le système figuratif. La mosaïque est polychrome, avec des tesselles de marbre noir, gris, bleu, blanc, jaune, ocre, rouge, brun et vert ; les détails sont rendus avec des tesselles en pâte de verre.
Animaux et lieux fantastiques dans les musées italiens: Ligurie |
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