La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli est un chef-d’œuvre pour lequel on manque d’adjectifs. Célébrée par les poètes et les hommes de lettres, l’image même de la Renaissance, florentine en particulier et italienne en général, s’est transformée en icône pop et même en image publicitaire. La signification de la Vénus de Botticelli va cependant au-delà de ce que l’on voit sur la toile, la merveilleuse déesse de la beauté portée par le coquillage dont elle est née sur les rivages de Chypre, l’île qui lui est chère, poussée par les vents, avec toute la probité de Zéphyrus et d’Aura, et accueillie par une belle jeune femme, peut-être l’une des Grâces ou l’Ora personnifiant le printemps, la saison de Vénus. L’œuvre de Botticelli est l’incarnation la plus vivante de l’idée de beauté selon les artistes et les penseurs de la Florence du XVe siècle, c’est un manifeste de la culture néo-platonicienne qui l’a produite, c’est aussi une œuvre d’intonation politique puisqu’elle a été commandée, selon toute vraisemblance, par un membre de la famille Médicis, qui régnait effectivement sur Florence à l’époque où le tableau a été réalisé.
Il est toutefois curieux de constater que pour l’une des œuvres d’art les plus célèbres au monde, il n’existe aucune trace contemporaine. En fait, la première attestation dans les sources se trouve dans l’édition Torrentini des Vies de Giorgio Vasari, publiée en 1550, où l’œuvre est mentionnée avec l’autre chef-d’œuvre de Botticelli aujourd’hui aux Offices, la Primavera: “Dans toute la ville, dans diverses maisons, il a réalisé des rondeaux de sa propre main et de nombreuses femmes nues, dont il reste aujourd’hui deux tableaux à Castello, la résidence du duc Cosimo à l’extérieur de Florence, dont l’un représente Vénus naissante, avec ces auras et ces vents qui la font venir sur terre avec amour, et une autre Vénus avec les Grâces qui la fleurissent, illustrant le printemps ; ce qu’il a gracieusement exprimé”. La Villa Médicis de Castello, dont parle Vasari, à l’époque où Botticelli travaillait, appartenait à une branche cadette de la famille (celle dite “Popolano”, descendante de Laurent le Vecchio, frère de Cosimo le Vecchio, premier seigneur de fait de Florence) et en particulier aux frères Giovanni et Laurent de Médicis, fils de Pierfrancesco et petits-fils de Laurent le Vecchio. Il est probable que le commanditaire soit Lorenzo di Pierfrancesco lui-même, dans la maison duquel se trouvait la Primavera à la fin du XVe siècle, Via Larga (aujourd’hui Via Cavour). La Naissance de Vénus ne figure pas dans les inventaires de la Villa di Castello dressés en 1498, 1503 et 1516. Il est donc certain que l’œuvre n’a pas été réalisée pour cette résidence: elle y a été déplacée avant que Vasari ne la voie, mais nous ne savons pas quand exactement, ni pour quelles raisons, ni qui en a décidé ainsi. Ce n’est qu’en 1598 qu’elle apparaît pour la première fois dans les inventaires de la villa.
On ne sait même pas avec certitude qui a pu suggérer le thème du tableau à Botticelli, mais compte tenu des relations à la cour des Médicis, l’hypothèse la plus plausible est la suivante que le programme iconographique est à attribuer au poète Agnolo Poliziano, auteur après 1478 d’un poème en octaves intitulé Stanze per la giostra del magnifico Giuliano di Pietro de’ Medici, et écrit pour célébrer la victoire dans un tournoi (organisé le 29 janvier 1475 sur la place Santa Croce à Florence) de Giuliano de’ Medici, frère cadet de Laurent le Magnifique, qui avait organisé la joute. Dans ce poème, Poliziano décrit une histoire d’amour entre Giuliano de’ Medici et la jeune noble Simonetta Vespucci: Dans l’une des scènes, Cupidon, après avoir rendu les deux amoureux, retourne au palais de sa mère Vénus à Chypre, où le poète décrit des reliefs représentant précisément la naissance de la déesse (“Dans la tempétueuse mer Égée, sur les genoux de Téti / On voit la hampe génitale accueillie / Sous différents volger di pianeti / Errar per l’”).Et en elle, née dans des actes vagues et heureux / Une jeune fille sans visage humain, / Par des zéphyrs lascifs poussés vers le rivage / Tournant autour d’une niche, et il semble que le ciel s’en réjouisse. // On dirait que l’écume est vraie et la mer vraie, / Et la niche vraie et les vents soufflants: / On verrait la déesse dans ses yeux éblouissants, / Et le ciel riant autour d’elle et les éléments: / Les heures pressant le sable en robes blanches ; / Le vent l’ébouriffant et ses cheveux détendus et lents: / Pas un d’eux n’est différent, / Comme il semble convenir à des sœurs si bien. // On jurerait que des vagues est sortie / La déesse pressa sa crinière de sa main droite, / De l’autre elle couvrit sa douce pomme ; / Et imprimée de son pied sacré et divin, / D’herbes et de fleurs elle se vêtit dans le sable ; / puis avec un visage heureux et errant / Elle fut reçue par les trois nymphes sur ses genoux, / Et enveloppée d’une robe étoilée"). On a supposé que Simonetta Vespucci elle-même était la muse inspiratrice de Botticelli(un mythe qui a été largement démenti), alors qu’il est beaucoup plus probable que l’image s’inspire, au moins en partie, des vers de Poliziano.
L’œuvre, en effet, trouve une correspondance précise dans les octaves de la Joute. Vénus, nue, saisie dans ses longs cheveux blonds, une main couvrant son pubis, l’autre tenant ses seins, est au centre de la composition, au-dessus d’une “niche” (un coquillage) labourant la mer Égée parmi les vagues écumantes, “poussée” par les “zéphyrs”, c’est-à-dire les vents, que l’on voit à gauche, à gauche, au milieu de la scène. les vents, que l’on voit à gauche, saisis en plein vol, gracieux, ailes déployées, vêtus de légers tissus de soie bleu irisé, en train de souffler par la bouche pour ramener la déesse sur le rivage, où l’attend une côte déchiquetée, avec des éléments du paysage réduits au minimum (seuls quelques arbres sont visibles ici et là). En fait, il ne s’agit pas d’une image de la naissance de la déesse au sens strict, comme le suggère le titre sous lequel elle est universellement connue (et qui remonte au XIXe siècle, lorsqu’on a pensé que l’artiste voulait en fait peindre le moment de la génération de la déesse): Botticelli représente le moment suivant, celui de l’arrivée sur l’île de Chypre. Le répertoire de Poliziano n’est pas de son invention: en effet, la description de l’arrivée de Vénus à Chypre s’inspire de la tradition classique, à commencer par l’un des deux hymnes connus d’Homère à Aphrodite, imprimé pour la première fois à Florence en 1488 par l’humaniste grec Demetrios Chalcondylis (dans la traduction d’Ettore Romagnoli: “La veneranda, la bella dall’aureo serto, Afrodite / io canterò, che tutte le cime di Cipro marina / protegge, ove la furia di Zefiro ch’umido spira /la trasportò, sui flutti del mare ch’eterno risuona, / sopra la morbida spuma”) et de la Théogonie d’ Hésiode (toujours dans la traduction de Romagnoli: “Et les honteux, comme auparavant il les avait coupés avec du fer, / du continent au loin il les jeta dans les vagues de la mer. / Ainsi, pendant longtemps, ils errèrent dans la mer ; et autour / de la chair immortelle s’éleva une écume blanche ; et nourrie / une jeune fille en naquit, qui vint d’abord vers les très saints / hommes de Cythère. De Chypre, elle arriva sur l’île / et là, de la mer, sortit la vénérable déesse, la belle / et l’herbe poussa sous ses pieds souples ; et Aphrodite / les Dieux l’appellent, les hommes l’appellent: elle / fut nourrie par l’écume”). La Vénus de Botticelli présente toutefois des différences évidentes avec le texte de Poliziano: en effet, ce ne sont pas trois nymphes qui l’attendent sur le rivage, mais une seule femme, le manteau de soie dans lequel elle s’apprête à être enveloppée est orné de fleurs et n’est pas étoilé, et le vent qui la pousse porte un tourbillon de fleurs roses.
Les fleurs et les plantes que nous observons tout au long du tableau sont liées à la déesse de la beauté, se retrouvent en partie au printemps et sont facilement identifiables. Les fleurs portées par le vent ne sont autres que des roses: selon le mythe, en effet, elles seraient apparues sur Terre en même temps que la déesse, conduites précisément par le vent de printemps. La jeune fille qui attend Vénus sur le rivage (comme on l’a dit, peut-être l’une des Heures, personnifications des saisons selon la mythologie grecque: il s’agirait évidemment de celle du printemps) porte une robe tissée de bleuets, une fleur symbole de l’amour, liée au mariage. Sur sa poitrine, la même jeune femme porte une guirlande de myrte, la plante sacrée de la déesse. Dans la prairie, sous les pieds de l’Ora, on aperçoit des anémones bleues, une fleur liée au caractère éphémère de l’amour, puisque sa vie est courte. Sur le manteau de soie dont l’ORA s’apprête à couvrir Vénus, on voit la marguerite, symbole de l’amour, puis d’autres primevères de l’espèce Primula elatior (grande primevère, fleur typiquement printanière), et ce qui semble être des fleurs de coucou, autres fleurs typiquement printanières qui fleurissent au mois de mai. Le grand arbre que l’on voit derrière l’Ora est un oranger: c’est la plante de la famille Médicis, en raison du nom sous lequel les oranges étaient connues à l’époque(mala medica, ou “pommes médicinales”, pour les effets bénéfiques déjà connus dans l’antiquité). En bas, à gauche, nous trouvons des tife, plantes typiques des milieux marécageux de toute l’Italie et présentes en abondance en Toscane, qui se distinguent par leurs inflorescences particulières en forme de cigare (elles étaient autrefois utilisées pour fabriquer des rembourrages de matelas): on a suggéré que la forme particulière de la quenouille renvoie au mythe même de la naissance de Vénus, née de la mer fécondée par la semence de son père Uranus, qui s’était échappée des organes génitaux châtrés de son fils Cronus.
Pour la figure de la déesse, Botticelli a dû se tourner vers des statues antiques conservées dans les collections des Médicis. On a notamment émis l’hypothèse que l’artiste s’était inspiré d’une Vénus Anadiòmene (c’est-à-dire sortant de la mer) mentionnée en 1375 par l’érudit Benvenuto Rambaldi, que nous ne connaissons pas. On peut cependant supposer que l’aspect de la sculpture devait être similaire à celui de la Vénus de Médicis, le chef-d’œuvre de la sculpture grecque hellénistique qui aurait été apporté à Florence en 1677 par le grand-duc Cosimo III: la déesse, dans la statue signée par Cleomene di Apollodoro, a une pose tout à fait similaire à celle de la Vénus de Botticelli, ainsi représentée dans l’attitude de la Vénus pudica, ainsi appelée parce qu’elle tente de se couvrir avec ses mains après être sortie du bain. Nous ne connaissons donc pas l’œuvre qui a servi de référence à Botticelli, mais il est certain que le type de la Vénus pudique était déjà largement connu à Florence et en Toscane, comme en témoignent les précédents de Masaccio (la Veille de l’Expulsion de la chapelle Brancacci) et la Prudence de Giovanni Pisano qui orne la chaire de la cathédrale de Pise. Quant aux figures des deux vents sur la gauche (la figure masculine est Zephyrus, le vent chaud d’ouest annonçant le printemps, tandis que pour la figure féminine l’identification est plus incertaine, mais il s’agit probablement d’Aura, une divinité associée à la brise), elles sont représentées par des personnages qui ont été créés par des artistes de l’époque. ), il est tout à fait plausible que Botticelli se soit inspiré des personnifications des vents éthérés qui figurent sur la célèbre coupe Farnèse, ce grand camée aujourd’hui conservé au Musée archéologique national de Naples et qui faisait partie de la collection de Laurent le Magnifique à l’époque de Botticelli.
Les proportions de la déesse de Botticelli ne sont cependant pas naturelles: "le peintre, écrit l’universitaire Diletta Corsini, ne se préoccupe pas ici de la justesse du dessin: les épaules de Vénus sont trop inclinées, son cou est anormalement long, son avant-bras gauche se plie d’une manière impossible, les yeux de la déesse eux-mêmes sont asymétriques. Des yeux qui, en outre, ont des pupilles plus grandes que la normale: à la Renaissance, les Florentines utilisaient des gouttes de belladone pour les dilater (on pensait que le regard acquérait ainsi plus de charme). “Pourtant, poursuit Corsini, le corps et le visage de cette Vénus étaient considérés comme des symboles de l’esprit et de la beauté de la Renaissance. La composition, précisément à cause de ces ”erreurs“ (ou plutôt licences) du peintre, est un miracle d’harmonie et d’équilibre parfait: la beauté naît de ces légères irrégularités qui interrompent la symétrie trop facile, les correspondances prévisibles”.
Vénus comme symbole de beauté, donc: les spécialistes se sont longtemps interrogés sur les significations possibles du tableau, et la plupart des historiens de l’art s’accordent pour situer la Naissance de Vénus dans le cadre de la culture néoplatonicienne. Platon reconnaissait l’existence de deux Vénus: Vénus Uranie, la Vénus céleste, fille d’Uranus, et Vénus Pandémia, la Vénus terrestre, fille de Jupiter et de Dionée. La première inspirait aux êtres humains l’amour entendu comme affection, comme sentiment intellectuel, tandis que la seconde était responsable de l’amour physique, du désir. Et toujours selon Platon, la beauté physique est un moyen d’accéder à la beauté spirituelle. L’être humain se trouve donc entre deux pôles: d’une part, le divin, le spirituel, et d’autre part, la matière: la tâche de l’homme est de s’élever de l’instinct et de la matérialité pour atteindre, guidé par la raison, la contemplation, qui est l’état propre de la divinité. La beauté, selon les philosophes néo-platoniciens de la Florence du XVe siècle, est la manière dont l ’amour se manifeste dans le monde terrestre. Plusieurs chercheurs ont retrouvé cette même pensée dans Vénus, attribuant un rôle précis à chacun des personnages, bien qu’il soit encore difficile d’arriver à des conclusions définitives.
L’une des lectures les plus connues est celle proposée en 1893 par Aby Warburg, reprise en 1945 par Ernst Gombrich: selon le savant allemand, Vénus est le symbole de l’humanitas, c’est-à-dire d’une humanité qui est une synthèse de toutes les vertus. Quelques années avant la réalisation probable du tableau, entre 1477 et 1478, Marsilio Ficino avait écrit une lettre à Lorenzo di Pierfrancesco de’ Medici (alors âgé de 14 ans), dans laquelle il recommandait au jeune homme de s’inspirer précisément de la déesse Vénus, que Ficino considérait comme une incarnation de l’idéal de l’humanitas, une “nymphe d’excellente grâce née du ciel et plus que les autres aimée par le Très-Haut”, pour reprendre les termes utilisés par le philosophe dans la même lettre: “son âme et son esprit sont Amour et Charité, ses yeux Dignité et Magnificence, ses pieds Grâce et Modestie”. Vénus est donc un symbole de l’humanitas qui élève l’être humain des sens à la contemplation divine, et sa nudité, en ce sens, devient un symbole de la pureté de l’âme. Selon Erwin Panofsky, la Vénus du tableau est une allégorie de l’amour spirituel, tout comme la Vénus qui apparaît dans Primavera est, au contraire, une allégorie de l’amour terrestre, selon le dualisme qui remonte directement à Platon.
Une interprétation formulée par Giulio Carlo Argan en 1962 nie que le tableau soit une exaltation païenne de la beauté féminine, et identifie la naissance de Vénus comme une allégorie de l’âme qui naît de l’eau du baptême, ainsi la beauté que le peintre voudrait exalter ne serait que la beauté spirituelle, et non la beauté physique: “la nudité de Vénus, écrit Argan, signifie simplicité, pureté, absence d’ornements ; la nature s’exprime dans ses éléments (air, eau, terre) ; la mer ondulée par la brise [....] est une surface vert-bleu sur laquelle les vagues sont schématisées en signes tous identiques ; le coquillage est également symbolique”. Edgar Wind, quant à lui, interprète la Naissance de Vénus comme l’union des contraires, la passion et la sensualité étant représentées par le couple des deux vents, et la chasteté par Vénus et l’Heure qui s’empresse de la couvrir. Il a également été proposé que Vénus ait pu être une œuvre célébrant une naissance, celle de Maria Margherita de’ Medici, fille de Piero Tolosino de’ Medici (un représentant d’une branche secondaire de la famille), qui est venue au monde en 1484. Parmi les lectures les plus récentes, il convient de mentionner celle de Cristina Acidini Luchinat qui, en 2001, a attribué au tableau une signification politique exquise: selon cette lecture, la côte sur laquelle débarque Vénus serait celle de la Toscane, une région identifiée par la présence de l’oranger, l’arbre des Médicis. Nous nous trouverions donc devant une “version moderne et adaptée de ce mythe”, selon l’universitaire, qui remet en question une fresque du quartier d’été de Palazzo Pitti peinte dans les années 1730 par Cecco Bravo, où Apollon et les muses sont représentés alors qu’ils sont bannis du Parnasse, se réfugient en Toscane, accueillis par Laurent le Magnifique, pour démontrer qu’à son avis certains croisements, que nous dirions aujourd’hui historico-mythologiques, faisaient partie des codes culturels de la cour des Médicis (même si cent cinquante ans se sont écoulés entre la Naissance de Vénus et la fresque de Cecco Bravo, mais selon Acidini ce laps de temps n’est de toute façon pas suffisant pour sa proposition d’un croisement avec la fresque de Cecco Bravo). pas suffisant pour que sa proposition soit considérée comme invraisemblable). Une hypothèse intéressante, mais peut-être plus adaptée à un grand appareil décoratif destiné au hall d’un palais qu’à un tableau qui avait probablement un destinataire précis et qui était placé dans ses pièces privées. En tout cas, l’œuvre aurait pu avoir implicitement une signification politique: Vénus-humanitas, par exemple, aurait pu facilement servir de guide idéal pour un homme destiné à exercer une fonction publique. Lorenzo di Pierfrancesco de’ Medici lui-même, le commanditaire le plus probable de la Vénus, travaillait dans la diplomatie et l’administration de l’État des Médicis.
Le nœud sur l’éventuel commanditaire est encore compliqué par le fait que la Naissance de Vénus a été peinte sur une toile de lin plutôt que sur un panneau (la Primavera a plutôt été peinte en tempera grassa sur panneau), un support inhabituel pour Botticelli et la peinture florentine du XVe siècle en général, puisque c’est le panneau qui était le plus utilisé: Il n’est pas exclu que les deux tableaux, exécutés au même moment de l’année, aient été destinés à deux commanditaires différents et à deux environnements différents. Sur la toile, avant d’exécuter le tableau, l’artiste applique une mestica, c’est-à-dire un mélange de pigments utilisé pour préparer la peinture. Une autre particularité est que Botticelli décide de ne pas appliquer sur la mestica la typique imprimitura blanche (une préparation généralement à base de colle et de plâtre utilisée pour préparer le support et donner de la solidité à la peinture) et opte plutôt pour une préparation de plâtre bleu qui donne à la peinture sa tonalité bleutée caractéristique. En évitant d’appliquer l’apprêt blanc, Botticelli voulait s’assurer que les couleurs seraient finalement plus claires et plus lumineuses. La technique utilisée par le peintre est celle de la détrempe dite “maigre”, c’est-à-dire à base de colles animales et végétales: Sandro Botticelli souhaite ainsi donner plus de luminosité au tableau et produire un effet de fresque.
En effet, la Naissance de Vénus nous apparaît comme une peinture cristalline, aux tons clairs et limpides, avec le corps élancé et blanc comme neige de Vénus qui se distingue également par l’utilisation du contour doux et net qui est peut-être le trait stylistique le plus reconnaissable de la peinture de Botticelli. Le corps svelte et blanc comme neige se distingue également par l’utilisation d’un contour doux et net, qui est peut-être le trait stylistique le plus reconnaissable de la peinture de Botticelli (l’artiste l’utilisait pour accentuer la grâce de ses personnages), et dont les cheveux balayés par le vent conservent peut-être un écho du traité De pictura de Leon Battista Alberti, et en particulier du passage dans lequel le grand architecte et théoricien prescrit des moyens de donner à une chevelure un aspect ondulé et flottant. Comme nous le lisons dans la version vernaculaire: "Maintenant, puisque les choses non animées se meuvent encore de toutes les manières que nous avons dites plus haut, nous dirons donc et de celles-là. Ils aiment que les cheveux, les crinières, les branches, les frondes et les vêtements soient animés d’un certain mouvement. J’aime certainement voir sept mouvements dans les cheveux, comme je l’ai dit: ils tournent en rond comme s’ils voulaient se plier, et se balancent dans l’air comme des flammes ; certains comme des serpents s’entrelacent parmi les autres, certains poussant ici et d’autres là. Le mouvement des cheveux est produit par les vents qui soufflent de gauche à droite: c’est l’image que nous voyons aujourd’hui sur la toile de Botticelli. Cependant, dans une première ébauche, comme l’ont révélé les diagnostics, Botticelli “avait conçu”, écrit le restaurateur Ezio Buzzegoli, “la scène de Vénus emportée sur la mer par un lent mouvement vers l’avant, vers le spectateur, tandis que les Vents et l’Heure participent au déroulement de l’action presque comme des spectateurs”. La chevelure, dans la première ébauche du tableau, n’était pas mue par le vent, mais encadrait la tête, suivant plus ou moins le parcours de la chevelure de la Vénus aujourd’hui conservée à la Galleria Sabauda de Turin, diversement attribuée à Sandro Botticelli ou à son atelier. Les quelques tourbillons servent simplement à rendre crédible le mouvement de la coquille portée par les vagues vers le rivage. Pourquoi alors cette modification ? Peut-être Botticelli a-t-il changé d’avis en s’inspirant justement des paroles de Leon Battista Alberti: “il semble”, selon Buzzegoli, “que la disposition de Botticelli, comme d’ailleurs celle d’autres maîtres contemporains, à s’inspirer et à faire des suggestions dans le domaine littéraire soit confirmée par ce que la réflectographie de cette œuvre a mis en évidence”. D’autres éléments différencient la version finale de la version originale: la modification des visages des deux vents, qui de spectateurs deviennent participants, et le manteau que l’Ora offre à Vénus (dans la première version, il n’avait pas d’ouverture au col et, sans l’action des vents, il ne voltigeait pas vers la droite mais tombait verticalement pour couvrir le paysage).
Le remaniement de Botticelli tend à rendre la scène encore plus dynamique. Mais l’une des caractéristiques les plus évidentes du style de Sandro Botticelli, que l’on peut apprécier à son apogée dans la Naissance de Vénus, est le sens particulier du mouvement, donné avant tout par la progression rythmique des lignes, qui s’opposent presque aux volumes solides des corps (Vénus elle-même a une forte présence statuaire, presque monumentale), de sorte que le mouvement et l’immobilité coexistent même dans une seule et même figure. Dans les rythmes de Botticelli, écrit Giulio Carlo Argan, “les parcours récurrents de la ligne tendent à amincir la matière, à lui donner la substance impondérable de la lumière: plus précisément, à devenir lumière et non à recevoir la lumière. C’est à travers ces rythmes linéaires que les figures atteignent une condition de diaphanité parfaite, presque théorique, et tracent en fait les marges d’une plus grande transparence des voiles. En effet, c’est précisément là où la ligne semble atteindre la qualité graphique la plus pure qu’elle se révèle comme l’ultime détermination de la lumière”. Un motif rythmique qui, selon Argan, avait un précédent précis dans les reliefs réalisés par Agostino di Duccio pour le temple Malatesta de Rimini.
Il reste enfin une dernière question autour de la Naissance de Vénus: sa datation, sujet autour duquel les hypothèses les plus disparates ont été formulées. Aujourd’hui, on tend à considérer comme probable que l’œuvre a été peinte vers 1485, après le retour de Botticelli de Rome, où il était allé travailler aux fresques de la chapelle Sixtine (où il séjourna de 1480 à 1482), et à une époque qui n’est pas très éloignée de celle où l’artiste a peint les fresques de la Villa Lemmi à Fiesole, où se trouve une autre représentation de Vénus (nous ne connaissons pas la date exacte de la réalisation de cette œuvre, mais il est probable que l’artiste y ait séjourné après 1483, ou en tout cas au plus tard en 1486: les fresques ont ensuite été détachées, transportées sur toile et mises sur le marché dans la seconde moitié du XIXe siècle, et sont depuis 1882 la propriété du Louvre, où on peut les voir). On a longtemps pensé que la Naissance de Vénus avait été conçue en même temps que le Printemps, une hypothèse qui tend aujourd’hui à être écartée: la Naissance de Vénus est plus petite, apparaît stylistiquement plus tardive que le Printemps et, comme on l’a vu plus haut, a été peinte avec une technique et sur un support complètement différents (la Naissance de Vénus est la plus ancienne œuvre sur toile de grande dimension connue).
Ces détails ne suffisent certainement pas à écarter complètement l’hypothèse selon laquelle les deux tableaux étaient destinés à la même personne, mais il est certain que la Naissance de Vénus, bien qu’elle soit l’une des peintures les plus célèbres et les plus célébrées de l’histoire de l’art, a encore beaucoup de choses à découvrir et à étudier.Nombreux sont ceux qui ont écrit sur la Naissance de Vénus, s’interrogeant sur sa signification, interprétant certains détails, identifiant des personnages ou tentant de reconstituer son histoire. Et beaucoup d’autres écriront sur ce sujet: nous pouvons en être sûrs.
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