La modernité d'Andrade, peintre avant d'être architecte: la Temporale au GAM


Nous connaissons aujourd'hui Alfredo d'Andrade (Lisbonne, 1839 - Gênes, 1915) comme l'un des plus grands architectes de son temps, mais dans sa jeunesse, il était un peintre extraordinairement moderne. Le "Temporale sulla palude di Castelfusano", qui se trouve actuellement au GAM de Turin, est son chef-d'œuvre.

En feuilletant un manuel d’histoire de l’art du XIXe siècle, il ne sera pas difficile de rencontrer le nom d’Alfredo d’Andrade, le grand architecte italien d’origine portugaise (son nom complet était Alfredo Cesar Reis Freire de Andrade) mais naturalisé, que l’on associe aujourd’hui aux principaux projets de la renaissance gothique en Italie: le Castello d’Albertis à Gênes, par exemple, ou le Borgo Medievale à Turin, puis toute une série de restaurations effectuées selon les théories et le goût de l’époque, où l’on intervenait lourdement sur les monuments anciens en réinterprétant et en révisant, souvent de manière arbitraire, certains éléments. Il suffit de rappeler la restauration du baptistère paléochrétien d’Albenga, lorsque Andrade fit abattre la coupole: il pensait qu’il s’agissait d’un remaniement de la Renaissance, alors autant la refaire, puisqu’elle n’était de toute façon pas d’origine. Le problème, c’est qu’on a découvert par la suite que, une fois les plaques d’ardoise enlevées et replacées à une date ultérieure, la structure était en fait de l’antiquité tardive. Mais il est inutile de blâmer Andrade: la pratique dominante à l’époque était la restauration stylistique, et le Lusitanien était de toute façon l’un des professionnels les moins violents à l’égard du patrimoine antique.

Moins connue, mais extrêmement intéressante, est sa carrière de peintre: l’architecture, en effet, Alfredo d’Andrade n’y viendra que plus tard. Lorsque, à l’aube de ses vingt ans, il s’installe à Gênes, abandonnant sans cérémonie le monde des affaires et du commerce (la famille voulait que le rejeton entame une brillante carrière financière), le jeune Alfredo part étudier auprès de Tammar Luxoro, l’un des plus grands peintres génois de l’époque, avec la ferme intention de devenir lui-même peintre. Sa détermination est telle qu’il décide de s’installer quelque temps à Genève, entre 1860 et 1861, notamment pour suivre les cours d’Alexandre Calame. Dès lors, la peinture d’Alfredo d’Andrade, même si elle se nourrit constamment de la comparaison avec ses confrères, surtout avec le Piémontais Vittorio Avondo, autre référence incontournable de son art, continuera à révéler tout le charme des vues de Fontanesi. Souvent, d’ailleurs, il rivalise de modernité avec son maître idéal: c’est ce qui vient à l’esprit lorsqu’on observe un chef-d’œuvre comme le Temporale sulla palude di Castelfusano, aujourd’hui conservé à la Galleria d’Arte Moderna de Turin, où il est entré en 1931 à la suite d’une donation de Ruy de Andrade, le petit-fils de l’artiste.

L’œuvre date de 1867, une époque où Andrade voyageait constamment à travers l’Italie: il veut connaître tout le pays, visiter chaque ville, voir les plus beaux paysages, s’initier à la recherche figurative contemporaine, s’inspirer du calme de la campagne, explorer les villages et les centres urbains pour approfondir ses études sur le Moyen Âge et la Renaissance qui l’intéressaient déjà tant à l’époque, et qui allaient changer sa profession et faire de lui l’un des architectes les plus célèbres de son temps. Mais en 1867, Andrade est encore peintre et il se retrouve à parcourir la campagne romaine, sur les traces d’Avondo lui-même, qui a fait (et continuera à faire) de nombreux voyages autour de Rome, en laissant un souvenir dans ses peintures et surtout dans un important noyau de dessins. Imaginons donc un Alfredo d’Andrade, un jour de pluie, devant un marais des pinèdes de Castelfusano, attentif à enregistrer avec sa mémoire, et inévitablement aussi sur quelques feuilles de papier, les premières impressions du vent, des nuages, des reflets de l’eau, de la faible lumière du soleil.Nous l’imaginons alors dans son atelier, en train de réélaborer les impressions de cette journée à la campagne, pour peindre l’une des vues les plus originales et les plus audacieuses de son époque.

Alfredo d'Andrade, Temporale sulla palude di Castelfusano (1867 ; huile sur toile, 118,5 x 78,5 cm ; Turin, GAM - Galleria d'Arte Moderna, inv. P/1024)
Alfredo d’Andrade, Temporale sulla palude di Castelfusano (1867 ; huile sur toile, 118,5 x 78,5 cm ; Turin, GAM - Galerie d’art moderne, inv. P/1024)

Celle de la GAM de Turin n’est pas la seule vue de Castelfusano peinte par Andrade: le Prado, par exemple, en possède une où une partie de l’horizon est fermée par les silhouettes imposantes des pins. Toujours à Turin, il existe une étude dans laquelle l’artiste peint la pinède dans des couleurs plus chaudes, pour donner l’idée que l’orage est passé et qu’au loin une trouée s’est ouverte dans les nuages d’où filtrent les rayons du soleil couchant. L’œuvre de GAM est cependant la vision la plus libre, la plus effrontée, la plus audacieuse de cette partie du littoral romain. C’est aussi le paysage le moins conventionnel de toute la production d’Andrade. Le catalogue du musée lui-même reconnaît qu’il s’agit d’une œuvre “d’une modernité sans précédent”. Et ce, essentiellement pour trois raisons: le découpage de la composition, l’essentialité des formes et des couleurs, et l’implication émotionnelle.

Andrade choisit un point de vue inhabituel: il se place devant le marais, devant l’étendue d’eau, afin que la ligne d’horizon soit exactement au milieu du tableau. Il en résulte une composition symétrique, en miroir, où le contour lointain de la forêt de pins apparaît presque comme une ligne sombre placée là pour séparer le ciel de l’eau, et qui émerge aussi par contraste de la proximité des lignes verticales du tife émergeant de l’eau. Une composition qui offre à Andrade l’occasion de se concentrer exclusivement sur les événements atmosphériques.

Des solutions similaires avaient été expérimentées par Vittorio Avondo, mais Andrade va plus loin, faisant preuve de la même attitude d’explorateur de paysages que celle propre à Antonio Fontanesi, et voulant exprimer, comme le faisait l’artiste de Reggio Emilia, ses propres sensations face à ce qu’il regarde. Pour ce faire, Andrade choisit de simplifier au maximum la composition, la réduisant presque à une impression abstraite, la peignant de manière esquissée, avec des coups de pinceau rapides, liquides et impulsifs, fixant toute la gamme chromatique sur les différentes nuances de gris, à la seule exception des couleurs terreuses des roseaux: ce sont les couleurs que prend la pinède de Castelfusano lorsque le soleil disparaît et qu’il ne reste plus que les nuages qui annoncent la pluie.

La simplification compositionnelle et chromatique d’Andrade n’a pas d’équivalent dans la peinture italienne contemporaine, et c’est peut-être la caractéristique la plus moderne de ce tableau. Mais il y a aussi une sensibilité qui anticipe la poétique de l’état d’esprit paysagiste: on ne peut peut-être pas encore parler à proprement parler d’un artiste qui projette ses sentiments personnels sur le paysage, mais il est évident qu’Andrade exprime une forte participation émotionnelle, suggérée par l’approche de l’orage. Nous pouvons presque voir le mouvement des nuages gonflés de pluie qui arrivent du côté droit du tableau: les nuages noirs, de ce côté, ont maintenant englouti les quelques lueurs de bleu, ils sont sur le point d’obscurcir les dernières lueurs du soleil, que nous voyons également se refléter sur l’eau au centre, et ils ont jeté dans l’ombre presque la moitié de cet aperçu de la forêt de pins, peinte dans des tons beaucoup plus sombres qu’à gauche. C’est là que réside le pouvoir captivant de ce paysage: nous sentons que bientôt des cumulus menaçants vont recouvrir tout le ciel, que l’atmosphère va devenir sombre et que la pluie va tomber sur la pinède.

L’Orage d’Alfredo d’Andrade est un tableau extraordinairement sous-estimé. Peut-être parce que le nom de son auteur est aujourd’hui communément associé à ses réalisations architecturales, et que nous avons donc tendance à oublier ses premières expériences en tant que peintre. Nous savons qu’un tableau intitulé Les marais de Castelfusano a été exposé lors de la Promotrice de 1871 à Turin, mais nous ne savons pas s’il s’agit exactement de celui du GAM qui se trouve au Prado, ou d’une autre œuvre qui est peut-être restée dans une collection privée. Le Temporale était probablement trop en avance sur son temps. Aujourd’hui, cependant, nous disposons des outils appropriés pour le placer en bonne place dans cette très haute tradition qui commence avec Turner et Constable, passe par Fontanesi, Nino Costa, Fattori, les peintres de paysages et d’états comme Previati, Segantini, Khnopff, et arrive jusqu’aux vues visionnaires d’Anselm Kiefer, qui présentent d’ailleurs souvent une incroyable ressemblance avec le Temporale d’Andrade. Nous ne savons pas si Kiefer connaît Andrade, mais cela n’a pas d’importance. Ils nous apparaissent semblables parce que leur sensibilité est semblable.


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