Un comité d’intellectuels (46 personnalités dont des surintendants, des inspecteurs, des directeurs de musée, des professeurs d’académie, des collectionneurs, des académiciens des Lincei, des membres du CNR, des rédacteurs de revues, des peintres, des sculpteurs, des architectes, des écrivains) lance un appel aux Galeries des Offices pour qu’elles reconsidèrent la destination des deux tableaux “ siennois ” de Daniele da Volterra (Daniele Ricciarelli ; Volterra, 1509 - Rome, 1566), dites “peintures d’Elci”(ici notre articleapprofondi à l’occasion de l’exposition qui les a présentées en 2017 au Palazzo Corsini), ainsi appelées parce qu’elles ont appartenu aux comtes Pannocchieschi d’Elci de Sienne, qui les ont héritées des descendants directs du peintre de Volterra. Les deux tableaux, un Élie dans le désert et une Vierge à l’enfant, saint Jean et sainte Barbe, ont été achetés par les Offices : le premier en 2018, le second cette année, pendant la Biennale Internazionale dell’Antiquariato de Florence. Le comité propose, comme indiqué dans le texte intégral publié ci-dessous, d’impliquer la Pinacothèque nationale de Sienne dans la discussion sur la localisation de ces deux œuvres importantes, deux chefs-d’œuvre de l’artiste du XVIe siècle. Ci-dessous, les images des deux tableaux et le texte de l’appel, avec la liste complète des signataires. L’appel est ouvert et tout le monde peut y participer : il suffit d’envoyer son nom à l’adresse électronique comitatointellettuali@gmail.com.
Daniele da Volterra, Élie dans le désert (vers 1543 ; huile sur toile, 81 x 115 cm ; collection privée). Photo : Andrea Lensini, Sienne |
Daniele da Volterra, Vierge à l’enfant, saint Jean et sainte Barbe (1548 env. ; huile sur panneau, 131,6 x 100 cm) |
L’achat par les Offices de la Vierge à l’Enfant avec les saints Jean et Barbara de Daniele da Volterra (1509-Rome 1566) a été présenté à la Biennale dell’Antiquariato de Florence, un achat qui fait suite à celui, en 2018, d’Élie dans le désert, une autre œuvre du même artiste.
L’opération menée par les Offices est certainement d’une grande importance et assure à l’État italien deux chefs-d’œuvre du XVIe siècle que le public pourra apprécier dans leur intégralité ; ainsi la presse, unanime, a salué à juste titre l’initiative orchestrée par Eike Schmidt, directeur des Offices, qui a toujours été attentif à un programme d’acquisition, tant en sensibilisant aux donations qu’en surveillant le marché des antiquités, afin de garantir une action de connaissance et d’enrichissement du patrimoine national.
Les deux chefs-d’œuvre de Daniele da Volterra étaient conservés depuis deux siècles au palais Pannocchieschi d’Elci, qui donne sur la Piazza del Campo de Sienne, chez une famille apparentée à celle de l’artiste. Leur présence à Sienne documente l’un des épisodes les plus importants de la collecte historique de la ville et témoigne du développement de l’école locale, Daniele da Volterra ayant été formé dans l’environnement siennois.
Au-delà des diverses positions critiques exprimées dans la presse locale et sur les réseaux sociaux qui ont formulé des objections justifiées à la destination finale des deux tableaux, la question encore ouverte de savoir comment le patrimoine historique et artistique peut accroître la visibilité et la prise de conscience de l’identité culturelle des territoires, sur laquelle le ministère des Biens et Activités culturels concentre son attention, est touchée, parfois même centrée. L’identité n’est pas le bord abstrait d’une frontière, mais plutôt le seuil qui lie les parties, construit, dans la multiplicité, le territoire.
Le sujet ouvre des questions qui ne concernent pas seulement Sienne, comme dans ce cas, mais le critère même des achats par les musées d’État italiens. Les grands musées, également soutenus par de généreux financeurs privés, doivent accroître et stimuler la connaissance du patrimoine et des mémoires historiques dans un contexte local plus large, en devenant les moteurs d’une reconnaissance généralisée et capillaire du patrimoine artistique qui qualifie l’Italie de “musée diffus”. Une caractéristique particulière bien reconnue par le ministre Franceschini, qui entend exalter le territoire et confirmer ses chefs-d’œuvre en tant que dépositaires de l’identité dans lesquels chaque citoyen peut retrouver les valeurs, l’histoire et la dimension culturelle de la communauté à laquelle il appartient.
Les intentions du ministre (et les interventions qui en découlent), si elles sont pratiquées avec sagesse, permettront de réactiver un lien fructueux entre les réalités locales individuelles et la sphère nationale. En bref, comme l’a fait remarquer Alberto Magnaghi(The Local Project), il s’agit de soutenir une “relation vertueuse entre la ville et son patrimoine territorial et environnemental : une relation qui devient une source régénératrice d’énergies abandonnées et détruites”. Cette attention au local, il faut le souligner pour éviter les malentendus, n’a rien à voir avec un simple esprit de clocher ; elle vise plutôt à guérir “l’amnésie collective et destructrice” qui s’abat parfois sur les villes, comme l’a souligné Salvatore Settis dans Se Venezia muore. La conservation des œuvres du passé sur le territoire permet de revitaliser la mémoire et de comprendre le sens et la valeur du patrimoine de nos villes, et en l’occurrence de Sienne. Il ne s’agit donc pas de choisir un isolement anachronique, mais de stimuler les citoyens à une plus grande conscience de leur propre histoire, non pas pour des raisons purement antiquaires, mais pour vivre le présent et l’avenir de manière évolutive et active, au sein d’un réseau de relations solidaires, capable de dialoguer avec d’autres centres, régionaux, nationaux et extra-nationaux.
D’autre part, décontextualiser les témoignages artistiques signifierait renoncer à endiguer le vide mental collectif rampant qui affecte les communautés locales à l’égard de leur propre tradition culturelle ; et pourrait même accroître le désintérêt mortel pour notre patrimoine, qui exige l’engagement de tous les habitants, région par région, ville par ville, pays par pays. Un désintérêt qui, par essence, favoriserait également le déclin du sentiment civique et, par conséquent, de la qualité de vie.
Puisque le processus d’acquisition des deux tableaux de Daniele da Volterra ne semble pas encore conclu (du moins pour la Vierge à l’Enfant et les Saints), nous demandons à la direction des Offices et aux financiers qui ont rendu possible cette intervention, de reconsidérer leur destination, en offrant à la ville de Sienne, à sa Pinacothèque Nationale, de se sentir partie prenante d’un processus de renouvellement culturel, visant à tisser une collaboration plus étroite dans le “système muséal” de la Toscane et de la Nation.
Un comité d’intellectuels : historiens de l’art, artistes, écrivains, architectes. Signatures : Marcello Aitiani, Cecilia Alessi, Giovanni Antonucci, Mario Ascheri, Duccio Balestracci, Azelia Batazzi, Duccio Benocci, Mauro Berrettini, Massimo Bignardi, Marco Bussagli, Pierluigi Carofano, Maria Assunta Ceppari Ridolfi, Marco Ciampolini, Mauro Civai, Alberto Cottino, Mauro Cozzi, Giovanna Damiani, Cordelia von den Steinen, Pietro Di Loreto, Marcello Fagiolo, Marco Figura, Dalma Frascarelli, Silvia Guidi, Matteo Guidotti, Riccardo Lattuada, Fabrizio Lemme, Alessandro Leoncini, Enrico Lucchese, Giovanni Marziali, Giorgio Mencattini, Emilio Negro, Paolo Neri, Paolo Nucci Pagliaro, Ettore Pacini, Ettore Pellegrini, Francesco Petrucci, Massimo Pirondini, Antonio Prete, Nicosetta Roio, Roggero Roggeri, Stella Rudolph, Vinicio Serino, Simona Sperindei, Nicola Spinosa, Anabel Thomas, Enrico Toti, Patrizia Turrini, Vincenzo Vizzini.
Appel des intellectuels aux Offices : "repenser la destination des tableaux de Daniele da Volterra". |
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