La valise pour la Biennale de Venise


Comment visiter la Biennale de Venise ? Quelques suggestions: laissez vos idées préconçues à la maison, mettez de la disponibilité dans votre sac, emportez votre esprit critique avec vous, commencez à exercer votre regard à l'avance.

Comment visiter la Biennale de Venise ?

  1. Laissez vos idées préconçues et vos attentes à la maison - pour tout voir, pour tout comprendre, pour en saisir la signification intime.
  2. Emportez avec vous la volonté de tomber sur l’inattendu, de vous perdre et de perdre du temps.
  3. Surtout, emportez votre esprit critique - le fameux esprit critique - c’est-à-dire la capacité à passer au crible les informations, les sentiments et les émotions. Vous découvrirez plus tard lesquelles se seront installées en vous.
  4. Quelques mois à l’avance, commencez à exercer votre regard. Puis mettez-y du vôtre. Développons ce dernier point. Exercer son regard est aussi banal - en apparence - qu’épuisant. Regarder n’est pas du tout facile, surtout lorsque nous sommes confrontés à quelque chose d’inhabituel, de caché, voire de répugnant. Le terme “regard” est utilisé ici dans un sens large, suffisamment large pour inclure tous les sens dont notre organisme est doté, en surface et en profondeur. Ainsi, en se dégageant du primat de la vision, convainquons-nous que l’on peut regarder avec les mains, avec le nez, avec les oreilles, mais aussi avec la peau, avec l’équilibre, avec le sens de l’orientation. On pourrait dire que l’exercice demandé est celui d’un regardincarné, "embodied" (dans ce cas, l’anglais est plus efficace que le duo équivalent italien). Un regard étendu au-dessus et au-dessous de la peau, incluant les organes des sens mais aussi une écoute attentive des réactions viscérales et émotionnelles, et de la mémoire.
  5. La conscience somaesthésique est donc un ensemble. Somaesthetics“ est un mot inventé par Richard Shusterman en combinant deux termes d’origine grecque: ”soma“, qui désigne le corps en tant qu’unité de chair et d’esprit, et ” aisthesis ", au sens étymologique de connaissance dérivée des sensations. Ainsi, la somesthésie signifie la capacité de sentir à travers le corps, en fait à travers le soma en tant qu’unité indivisible du corps et de l’esprit. La prise de conscience de cette capacité nécessite, là encore, de l’exercice.
Biennale de Venise 2022. Photo de Marco Cappelletti
Biennale de Venise 2022. Photo de Marco Cappelletti
Biennale de Venise 2022. Photo de Marco Cappelletti
Biennale de Venise 2022.
Photo de
Marco Cappelletti
Biennale de Venise 2022. Photo de Roberto Marossi
Biennale de Venise 2022.
Photo de
Roberto Marossi

À ce stade, il convient que je vous dise comment vous entraîner à préparer votre valise de la meilleure façon possible. Pas de recette, pas de certitude. Plutôt des essais (et des erreurs) dans un parcours pédagogique qui dure depuis quelques années. J’enseigne l’histoire de l’art contemporain aux étudiants de la cinquième année de l’école de conservation et de restauration de l’université d’Urbino. Après cinq années de contact étroit avec l’art ancien, l’immersion dans l’art contemporain représente pour les aspirants restaurateurs un défi comparable à celui de visiter la Biennale en tant que néophyte, ou en tant que non-expert. C’est pourquoi l’exercice que je leur propose chaque année peut aussi avoir un sens ici.



Je consacre les premières leçons du cours à une promenade à travers les bâtiments conçus par Giancarlo De Carlo à l’extérieur et à l’intérieur des murs d’Urbino. La proposition est généralement accueillie avec surprise et un peu de méfiance. Qu’est-ce que De Carlo a à voir avec l’art contemporain ? Pourquoi consacrer du temps à l’architecture ? Tout d’abord parce que De Carlo a conçu pour Urbino une période allant du début des années 1950 au début des années 2000, enregistrant dans ses espaces, ses matériaux et ses formes les changements de goût et de coutumes, mais aussi le développement du débat international sur le modernisme et son dépassement, qui a également joué un rôle si important dans les lignes d’évolution de l’art contemporain.

Cependant, ces raisons viennent après la principale, qui est la suivante: De Carlo prépare des espaces qui invitent à se perdre. Ou plutôt, qui obligent à se perdre. Il ne s’agit pas d’une fin malveillante en soi, bien sûr. Il s’agit plutôt d’une indication de la manière dont nous devrions toujours traverser l’espace, c’est-à-dire en activant le regard incarné et la capacité somesthésique. Un mur courbe et continu sans arêtes, une rampe aux marches basses et longues, un changement d’élévation inattendu accompagné de l’entrée soudaine de la lumière naturelle dans une zone d’ombre, un plan vertical en miroir divisé en portions inclinées à différents degrés qui reflètent l’environnement et nous font perdre nos coordonnées, sont autant de pièges architecturaux que De Carlo utilise pour maintenir nos sens en alerte, pour lutter contre l’anesthésie de la traversée quotidienne de l’espace. Se rendre compte que l’on est perdu est le premier pas dans la construction d’un chemin de réorientation. À l’intérieur des architectures de De Carlo, la réorientation et le rééquilibrage sont des processus indispensables, continuellement engagés par des environnements qui ne sont minimalistes qu’en apparence, parfois brutalistes, et pourtant fortement empathiques, dirait Harry Francis Malgrave(The Empathy of Spaces, 2015).

Les collèges de Giancarlo De Carlo (Urbino). Photos du MiC
Les collèges de Giancarlo De Carlo (Urbino). Photo MiC
Les collèges de Giancarlo De Carlo (Urbino). Photos du MiC
Les collèges de Giancarlo De Carlo (Urbino). Photo MiC
Faculté d'éducation, Giancarlo De Carlo (Urbino). Photo Fondation Cà Romanino
Faculté de Magistero, Giancarlo De Carlo (Urbino). Photo Fondation Cà Romanino
Palazzo Battiferri, Giancarlo De Carlo (Urbino). Photo Fondation Cà Romanino
Palais Battiferri, Giancarlo De Carlo (Urbino).
Photo Fondation Cà
Romanino

Se promener avec les étudiants dans les bâtiments de De Carlo à Urbino, les stimuler à observer et à enregistrer leurs réactions somatiques, devient un exercice préparatoire à l’utilisation d’un regard plus conscient et plus critique, qui sera exigé d’eux au cours des leçons. On brise ainsi la glace et on se débarrasse de la peur de ne pas comprendre. Lorsque l’on prend conscience que le corps sent et “regarde”, la perception de la distance avec ce que l’on ne connaît pas change et la disposition à l’accepter s’amplifie.

Loin de vouloir donner un mode d’emploi, cette brève intervention a pour but de lancer une réflexion sur l’opportunité d’établir une relation “somatique” avec ce dont on jouit afin de retrouver une dimension perceptive sur laquelle on pourra plus tard - et seulement plus tard - construire des lectures et des interprétations, des études et des recherches. Sur ce thème, je crois qu’il est opportun de signaler ici les contributions parues dans le numéro 36 de Roots&Routes consacré à “L’éducation au corps”. Per una somatica della relazione pedagogica" (L’éducation dans le corps. Vers une somatique de la relation pédagogique), une mine de repères indispensables pour l’éducation au patrimoine, mais aussi pour préparer les valises de la Biennale.


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