Il arrive que l’office du tourisme local vous demande quelle est l’exposition en cours. Si vous répondez “Aucune en ce moment”, la réaction peut être la suivante (cela m’est arrivé): "Vous n’avez donc rien ! Oui, car pour les responsables de l’offre touristique, un musée sans exposition n’a aucun intérêt. Même si ce musée raconte de manière exhaustive l’histoire de ce lieu à travers ses collections, en faisant comprendre au citoyen, au touriste, au migrant l’identité culturelle du territoire dans lequel il vit, qu’il visite ou qui l’accueille. Les choses sont différentes si le musée a été conçu par un archistar: dans ce cas, peu importe ce qu’il contient ou propose, ce qui compte c’est l’architecture, qui agit souvent comme un extraordinaire accroche-regard. Ainsi, si votre musée n’a pas été conçu par Renzo Piano mais est simplement installé dans un bâtiment historique, qui plus est situé à côté de la cathédrale de la ville, sur l’une des plus belles places d’Italie, si de plus vous n’avez pas d’exposition à proposer, vous n’êtes pas dans le coup.
Dans cette optique, il devient presque inévitable de devoir inventer des expositions conçues davantage pour attirer le public que comme le résultat d’un parcours de recherche. En effet, nous savons bien que l’évaluation de la performance d’un musée repose avant tout sur le nombre de visiteurs concernés, indépendamment de ce que chacun d’entre eux aura rapporté en termes de connaissances ou d’enrichissement culturel. Or, si la grande boîte de la promotion touristique ne prend pas en considération votre proposition parce qu’elle est jugée peu attrayante, si vous n’avez pas les moyens suffisants pour vous faire de la publicité ou pour engager un bon service de presse, les médias et une certaine critique d’art, qui a renoncé à une fonction autonome d’orientation, ne s’empareront pas de votre exposition et les visiteurs seront inévitablement peu nombreux. Un serpent qui se mange la queue.
Rien de nouveau bien sûr: les mécanismes liés à ce que l’on a appelé “l’effet exposition” sont connus de tous. Un document d’ICOM Italia signé par AMACI, AMEI, ANMLI, ANMS, SIMBDEA et intitulé Expositions-spectacles et musées: les dangers d’une monoculture et le risque d’annulation de la diversité culturelle date de 2008, un texte vraiment exhaustif qui met bien l’accent sur les problèmes liés à la difficile relation (et/ou contraste) qui s’établit entre les expositions et les musées. Les recommandations du document, toujours valables aujourd’hui, n’ont pas toujours été mises en œuvre. Le phénomène ne cesse de s’amplifier, comme en témoigne une étude récente qui montre qu’en Italie, onze mille expositions sont ouvertes chaque année, 32 par jour, une toutes les 45 minutes. Et cette “monstruosité” quotidienne risque de submerger tout le monde, en mettant à rude épreuve, entre autres, l’éthique professionnelle de ceux qui travaillent dans les musées.
Étymologiquement, le terme “exposition” remonte au latin monstrare, lui-même dérivé de mostrum. Monstrare signifie “indiquer, désigner, élire, choisir, présenter” ou, dans le cas d’une exposition temporaire, proposer, documenter, illustrer, développer un certain thème à travers une sélection de matériaux, accompagnés d’outils de communication, traditionnels ou novateurs, également dans le but de prouver un point. Mostrum renvoie à un fait prodigieux, à un événement exceptionnel qui suscite l’étonnement, la stupéfaction: le caractère temporaire de l’exposition, par rapport à la dimension permanente qui caractérise le musée, constitue l’“outlier”, l’exception qui attire le public. A tel point qu’un tableau exposé quotidiennement à la Brera parvient mieux à catalyser l’intérêt du visiteur s’il fait partie d’une exposition temporaire, surtout si celle-ci est bien médiatisée et liée dans son titre (mais pas nécessairement pour la plupart des œuvres qu’elle propose) à un artiste célèbre. S’agissant d’une initiative éphémère, écrit Francis Haskell, l’effet Cendrillon est déclenché: “l’émotion devient plus intense, la capacité d’observation plus aiguë”. Dans l’exposition, d’ailleurs, le tableau de Brera devient le rouage d’une “machine argumentative-narrative” plus à même d’impliquer le visiteur, surtout s’il n’a pas les compétences requises.
Salle XXI de la Galerie d’art de Brera |
“S’est-on jamais demandé, demandait Giulio Carlo Argan en 1955, pourquoi les expositions attirent le public beaucoup plus que les musées? Évidemment parce que, dans l’exposition, la présentation des objets est plus vivante et stimulante, les juxtapositions plus convaincantes, les comparaisons plus rigoureuses, les problèmes plus clairement délimités”. “L’exposition est au musée ce que la piste d’essai est à la route”, ajoutait-il en 1982. Ce fut le cas après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les expositions (conçues comme le dernier maillon d’un projet de recherche sérieux) servirent de “champ d’expérimentation” à la muséographie italienne, dont le point fort, on le sait, résidait dans ses liens étroits avec la muséologie.
Il ne s’agit donc pas de diaboliser les expositions, mais de mettre en valeur leur potentiel de laboratoire interconnecté avec le musée qui les a créées et le territoire sur lequel l’institution gravite. Mais cela suppose que les objectifs de l’exposition soient cohérents avec la mission du musée qui la propose, avec ses collections et avec le lieu qui l’accueille ; que sa valeur scientifique et innovante et sa contribution au processus de connaissance soient évaluées ; que sa programmation ne soustraie pas des ressources à la bonne conservation et à la mise en valeur des collections. Le problème est que, trop souvent, ce n’est pas le cas: la plupart du temps, en effet, la planification des expositions fait partie d’un mécanisme géré par des parties extérieures aux institutions muséales, alimenté par l’entreprenariat touristique et la convergence d’intérêts économiques et politiques.
Partant du principe que les expositions doivent être l’occasion pour les visiteurs de s’enrichir, en termes de connaissances ou de citoyenneté active, il est essentiel que les musées retrouvent leurs fonctions propres: à l’instar de l’éducation au patrimoine, la conception d’expositions temporaires ne doit pas être déléguée ou externalisée. Elle doit rester la prérogative de l’institution muséale. Mais tout cela est possible à condition, bien sûr, que le musée dispose des ressources humaines et financières nécessaires.
Il est tout aussi important, à mon avis, que les professionnels des musées respectent le code de conduite élaboré au niveau international pour établir un équilibre des droits et des devoirs entre les prêteurs et les organisateurs, afin que les uns et les autres ne soient pas accablés par des charges inutiles ou injustes. L’exposition ne doit pas être une occasion de gagner de l’argent en imposant des prêts payants, des restaurations d’œuvres qui n’ont rien à voir avec l’exposition, des indemnités journalières, le remboursement de voyages ou de séjours pour des coursiers surdimensionnés ; en imposant le recours à certaines compagnies d’assurance ou entreprises pour le transport, l’entretien, les reproductions photographiques, etc. si celles qui sont proposées sont tout aussi fiables et peut-être moins chères. Le Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, en vigueur depuis 1986, énonce clairement à l’article 2.16 le principe selon lequel “les collections des musées ont été constituées pour les communautés de citoyens et ne doivent en aucun cas être considérées comme des actifs financiers”. Il est bon de garder cela à l’esprit à tout moment.
Domenica Primerano
Directrice du Musée diocésain tridentin et présidente de l’Amei (Association des musées ecclésiastiques italiens)
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