Contre les barbares du tourisme. Comment défendre le patrimoine en 10 règles


Le tourisme irresponsable cause de plus en plus de dégâts à notre patrimoine. Une partie de la responsabilité incombe toutefois à la manière dont nos sites sont mis en valeur. Comment défendre notre patrimoine ? Voici dix règles.

Il existe un problème lié au tourisme, également de nature purement culturelle, à savoir l’insistance sur les lieux de culture. Et peu importe que ces lieux soient des sites monumentaux, des musées, des parcs naturels : en tant que patrimoine culturel, ils font partie de ce patrimoine dont la protection et la jouissance sont explicitement sanctionnées par notre Constitution, dans le “top ten” de ses articles, le numéro neuf.

Il peut s’agir du “tag” sur le mur d’Herculanum, des dommages causés par le football à la “Barcaccia” du Bernin sur la place d’Espagne, de l’incendie du parc de Portofino en Ligurie. Lorsque l’une de ces choses se produit, le tam-tam dans les journaux, à la télévision, sur les réseaux sociaux est immédiat, la condamnation bipartisane, l’évocation de sanctions draconiennes sans faille. Et pourtant, par une simple métaphore médicale, il suffirait de s’arrêter un instant pour comprendre que tous ces événements ne sont que des symptômes, issus d’une maladie que l’on ne sait pas combattre, ou plutôt que l’on ne veut pas combattre, mais que l’on se contente de maintenir là, en sommeil, au son de la tachipirine. Pour s’en sortir. Je n’ai même pas besoin de préciser comment la métaphore se termine : à la centième tachipirine, la maladie - sous la peau - a pris des proportions démesurées, et rien ne peut l’arrêter : à ce moment-là, les symptômes ne s’atténuent plus et l’hospitalisation s’impose, si l’on est encore à temps pour se sauver.

En sortant de la métaphore, les dégâts qui nous scandalisent tant sont évidemment le symptôme d’une maladie comme l’incapacité à gérer les flux touristiques, l’inconscience et l’impréparation de nos territoires et de nos administrations (des ministères aux municipalités) à construire une utilisabilité durable sans aller jusqu’à la consommation des biens eux-mêmes. Les punitions draconiennes, les billets pour le Panthéon, Venise, ou les prélèvements épisodiques (billets dont le prix augmente ou diminue comme les fruits de saison, coût du train doublé sur les lignes à fort intérêt...) sont, au contraire, de la tachipirine. “Vous avez vu cette performance au football à cinq ce soir ? Pensez qu’hier, j’étais au lit avec 102 de fièvre !pourrait être la traduction métaphorique de communiqués, hélas beaucoup plus concrets, émis par nos lieux de culture, tels que ”Des billets pour le Panthéon comme remède au surtourisme : en trois mois un million pour la restauration“, dans lesquels il semble - justement - que les phénomènes touristiques galopants soient ”gérés“ grâce à un billet ou que les dégâts causés puissent être ”réparés" avec les recettes de celui-ci.

Il n’y a rien de plus illusoire. Les dégâts qui - je le répète - font bondir tout le monde, indignent et mettent en colère tout le monde, scandalisent tout le monde (même les politiques, qui sont insensibles à presque toutes les tragédies) ne s’arrêteront pas. Au contraire. La prévision, non pas la mienne mais celle de ceux qui s’occupent de prévoir les flux au niveau mondial, dit que dans 10 ans, le trafic touristique sur le sol italien sera trois fois plus important qu’aujourd’hui. Et si - bien sûr - la satisfaction dérivant du développement économique potentiel ne peut que nous pousser à penser en termes de business, nous devons en même temps nous rendre compte que si - aujourd’hui déjà - la situation est totalement ingérable, dans dix ans nous devrons peut-être recourir à la FERMETURE du patrimoine artistique pour le PRÉSERVER.

L'inscription sur l'ancien mur d'Herculanum
L’écriture sur l’ancien mur d’Herculanum
La Barcaccia après un raid des supporters de Feyenoord en 2015. Photo : Francesco La Rosa
La Barcaccia après l’attaque des supporters de Feyenoord en 2015. Photo : Francesco La Rosa

Il s’agit d’une prédiction extrême, et quiconque connaît le travail que cet auteur effectue à Gênes depuis une quinzaine d’années sait que les fermetures et les restrictions sont la dernière chose que l’on souhaite invoquer, surtout de la part de ceux qui invoquent le patrimoine artistique et culturel comme un instrument de citoyenneté. Mais alors, que peut-on faire ? La réponse, je le crains, est qu’il faut prendre conscience du problème (cette maladie que l’on fait semblant de ne pas voir), cesser d’utiliser des mesures inutiles pour faire semblant de la gérer (les fameux antipyrétiques), et concevoir - mais surtout METTRE EN ŒUVRE - des stratégies de gestion à long terme (la thérapie vraiment efficace).

Le décalogue, que j’essaie d’expliquer en quelques points, pourrait être le suivant :

  1. Ledroit d’accès au patrimoine culturel ne peut être régulé uniquement par le prix, car l’idée s’est désormais imposée que celui qui paie peut revendiquer des “droits” sur ce qu’il achète. L’accessibilité des biens, pour lesquels il n’est certainement pas interdit de demander des contributions financières, doit être subordonnée non pas au concept “tu paies, donc tu vois”, mais au concept éducatif de partage d’un espace culturel commun qui - pour se maintenir, compte tenu également de la nature variée de ses propriétés - a besoin d’une contribution économique. En outre, il serait très opportun que les musées d’État et les musées civiques étudient des bandes de gratuité ou des tampons appropriés pour s’assurer que les musées et les institutions culturelles en général sont libres non seulement de barrières architecturales, mais aussi - surtout de nos jours - de barrières économiques.

  2. Lepatrimoine ne peut pas être transmis aux citoyens uniquement par le biais d’activités de “promotion”. La promotion, qui a son propre rôle, si elle est utilisée comme seul véhicule de communication, transforme la culture en un “produit” soumis aux règles du marché (offre et demande) qui entraînent une profonde transformation : d’un droit inaliénable et fondamental pour la constitution du citoyen, à un bien de consommation. Au contraire, il est important de revenir à l’idée de l’éducation au patrimoine : enseigner que ce patrimoine est la propriété de tous, mais qu’à côté des droits d’en jouir, nous avons aussi des devoirs, de l’étude à la protection, en passant par le simple respect.

  3. Laculture n’est pas un divertissement. Elle n’est pas un passe-temps pour occuper les soirées d’été ou d’hiver, ni un simple moteur pour les circuits touristiques, conçu uniquement pour attirer quelqu’un. La culture (sous toutes ses formes) doit ignorer le “divertissement” et le “consensus”, en essayant, avec tous les outils dont elle dispose, de trouver les canaux de communication des contenus avec le public le plus large possible, mais sans faillir à sa nature d’équité, de clarté et d’exhaustivité. En bref : ce qu’il faut, c’est une formation active à la divulgation scientifique.

  4. Le nombre de visiteurs n’est qu’un des nombreux indicateurs possibles à prendre en compte pour évaluer la proposition culturelle d’un musée ou d’un institut. Quelques minutes avant l’annonce du graffito d’Herculanum, le Parc archéologique de Pompéi annonçait sur les ondes un nouveau “record” de visiteurs en une journée : un chiffre monstrueux et inhumain de 30 000 entrées. En une journée, sur un seul site archéologique. Mais les records, par nature, sont faits pour être battus : si vous poursuivez cette rhétorique, vous aurez toujours plus de monde, avec pour conséquence inévitable (je vous le jure, je ne veux pas jouer les Cassandre, mais c’est vraiment INÉVITABLE) une consommation et une dégradation toujours plus rapides du patrimoine. Le nombre d’entrées est-il important ? Oui. Des journées hyper bondées avec des dizaines de milliers de personnes et des entrées non régulées (voir les dimanches gratuits au musée) ? NON.

  5. De même, on ne peut pas évaluer la qualité d’une proposition culturelle uniquement en fonction des recettes qu’elle génère. Il ne s’agit pas de vendre quelque chose, et même si l’on voulait le faire, les règles doivent être très claires et il faut expliciter ce qui peut être vendu et ce qui ne peut pas l’être. Sinon, nous pourrions bientôt recevoir une offre d’un milliard de dollars pour fixer le bilan de sorte que, par exemple, un charmant village de bord de mer ou un ancien hameau fortifié devienne la propriété exclusive d’un quelconque paperon. L’argent est utile ! Mais n’oublions pas que ceux qui veulent dépenser pour avoir l’exclusivité de ces biens le font parce qu’ils sont uniques au monde, qu’ils sont une extraordinaire langue vivante de notre pays et que nous avons le devoir de préserver leur “son” et leur “vue” pour tous, et non pour quelques-uns.

  6. Laqualité ne peut être sacrifiée à la quantité. Cela me semble très clair, mais je vais essayer de l’expliquer. La qualité, c’est construire des parcours de communication et de participation du public basés sur les résultats de la recherche scientifique, ceux qui sont consolidés et non les trouvailles souvent étalées dans les journaux et prononcées par le premier hurluberlu qui pense avoir découvert Léonard ou Raphaël. La qualité, c’est investir dans la formation des jeunes et dans leur emploi FAST. La qualité, c’est penser qu’utiliser un langage compréhensible par tous et s’adresser à un large public ne signifie pas abaisser le niveau des connaissances et des contenus. La qualité, c’est donner à chacun la possibilité de profiter de l’approche du patrimoine culturel au bon rythme. La qualité, c’est garantir à chacun l’accès au patrimoine (économique, physique, intellectuel, linguistique) en étant conscient qu’il y a des limites et que ces limites doivent être respectées. Par tous.

  7. Lesprofessionnels du patrimoine, au plus haut niveau, doivent être valorisés à leur juste valeur. Comment se fait-il que l’on invoque les historiens de l’art, les architectes, etc. lorsqu’il s’agit de donner un avis ou de trancher un litige et que l’on écarte systématiquement ces hautes personnalités techniques lorsqu’il s’agit de choisir des gestionnaires, des ministres, des directeurs ? Il devrait être IMPÉRATIF que, à côté des personnalités plus administratives et managériales, pour gouverner les instituts culturels italiens, les postes de conseillers dans les administrations civiles, pour remplir le rôle de cadres dans le ministère et les personnalités des ministres eux-mêmes, il y ait des professionnels dans ce domaine. Au lieu de cela, cette nécessité est systématiquement niée, ce qui cause d’énormes dommages à l’ensemble du secteur culturel et conduit au paradoxe de ministères incapables de valoriser l’un des capitaux les plus importants de l’Italie : le capital humain, c’est-à-dire les compétences.

  8. Nous sommes un pays en queue de peloton, dans la zone OCDE, pour l’investissement dans la recherche, la formation, l’éducation. C’est un problème très grave. Car sans cette formation - que j’appellerais primaire - la formation secondaire (technologique, culturelle, tertiaire, manufacturière) ne peut pas se développer. Encore moins dans le domaine humaniste, où la recherche est le fil conducteur qui permet de perfectionner, de développer, d’enrichir et de faire fructifier tous les atouts, qu’ils soient formateurs, communicatifs ou porteurs d’emploi et de retombées économiques. Les dépenses de formation sont toujours des investissements à long terme, un élément qui devrait faire réfléchir sur la stratégie en zigzag de ce pays, incapable de se projeter non seulement à 30 ans, mais même pas à 3 ans, si l’on en juge par les réformes et les “tapullos” proposés de ministre en ministre. En outre - pour citer au moins un fait positif - les universités italiennes ont enfin officiellement assumé la diffusion scientifique en tant que “troisième mission” des universités. Il s’agit d’une réalisation fondamentale pour les sciences humaines : les instituts ont désormais pour mission de trouver un moyen de réaliser ce que nous pourrions appeler le “transfert technologique” des sciences humaines : donner à chacun les outils minimums pour s’orienter sur son propre territoire, dans le langage de l’art et du paysage. Attention : il n’existe pas - sauf dans des cas épars et pionniers, souvent opposés - d’enseignements ou de cursus qui, s’agissant des sciences humaines, travaillent sur la Divulgation de la Connaissance. Tout comme n’est pas réglementée la figure du Divulgateur scientifique, que certains troglodytes confondent encore avec la figure du Guide touristique (qui fait des choses TOTALEMENT différentes et - enfin - à nouveau réglementées).

  9. Laculture (notamment celle liée à la dimension immanente du patrimoine historique, artistique et architectural qui, qu’on le veuille ou non, caractérise notre pays) doit à nouveau voir son rôle d’élément fondateur de la citoyenneté reconnu. Elle doit être, même après le fameux article 9 de la Constitution, un élément indispensable de la vie et de la conscience de chaque citoyen de ce pays. Une langue vivante, comme le disait le visionnaire Roberto Longhi dans une lettre poignante écrite sous les bombes en 1944 à Giuliano Briganti. La tentative de la réduire au luxe, au superflu, au divertissement (voir ci-dessus), et au surplus vise à dépotentialiser sa force constructive capable de diriger les consciences, l’éthique, et surtout d’unir - de manière compacte - le sentiment d’unité de la nation, qui, même si elle est fracturée, face à la protection du patrimoine artistique a - souvent - un sursaut de dignité.

  10. Donner de la dignité aux jeunes. Et je pourrais aussi éviter d’expliquer celui-ci, mais il vaut mieux préciser : des salaires équitables, des emplois, l’évaluation des itinéraires de formation. En Italie, il semble que le fait d’avoir un doctorat soit un crime, même s’il est peu évalué : cela peut et doit changer.

En conclusion, la seule façon sensée que je vois - dans un avenir proche - de traiter les questions liées au tourisme “culturel” est de redonner au mot culture un sens indépendant de son application au phénomène touristique. C’est la perspective culturelle (assaisonnée des ingrédients cités plus haut) qui doit dicter les règles : éduquer au respect, éduquer à la connaissance, éduquer aux règles, mais aussi redonner du sens au fait de voir, de s’impliquer, de parcourir des territoires. Il ne s’agit plus d’une fuite en avant, mais d’un regard plus lent et plus conscient, qui renonce peut-être à des records aujourd’hui, mais qui peut obtenir - demain - des bénéfices plus nombreux et plus importants. Également économique.


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