Comme s'il n'y avait plus de critique. En Italie, la critique d'art existe et vit, mais elle est diluée


La critique d'art est-elle morte ? Non: même en Italie, elle existe et est vivante, mais elle est bien diluée dans le fleuve de mots qui coule chaque jour. Une comparaison entre la critique d'art et la critique cinématographique.

L’invitation de Finestre sull’arte à discuter du sort de la critique d’art mérite une “réponse critique” et, à mon avis, il est bon de partir de quelques points fixes. La critique d’art est un métier de fond, qui exige préparation et expertise ; un métier, donc, qui s’affine avec l’expérience, mais aussi avec l’intuition et, surtout, la curiosité. Curiosité de comprendre, d’approfondir, d’argumenter et d’analyser un processus artistique arrivé à son terme et à son arrêt (temporaire). Le discours critique ajoute toujours quelque chose de plus et de dérivé à l’œuvre de l’artiste et produit des textes qui sont le résultat d’une pratique créative et génératrice de sens qui est latérale et tangente à l’œuvre d’art. La critique naît d’un dialogue qui, selon qu’il se déroule dans une position proche ou lointaine, silencieuse et solitaire, ou partagée et réciproque, prend des connotations différentes et change de forme. L’importance de la rencontre entre ces deux instances, celle de l’artiste et celle du critique, est vitale pour l’art et l’artiste.

En Italie, la critique d’art contemporaine existe et vit, bien que diluée dans le fleuve de mots qui coule sans cesse sur les publications et les plateformes en ligne et hors ligne, à tel point qu’il n’est pas immédiat de l’isoler et d’en tirer profit. Et pourtant, je dois avouer qu’il m’est arrivé de partager avec des amis et des collègues qui travaillent dans les rédactions des magazines du secteur, le constat qu’une certaine critique d’art est de plus en plus rare, si l’on entend par là un discours critique détaché de la direction à sens unique du jugement positif sémaphore et de l’appréciation en tant qu’acte dû (il faut dire aussi qu’il n’arrive même pas à un jugement de goût, très souvent, se contentant d’un stade encore plus involué de commentaire). L’une des hypothèses les plus plausibles est que, dans la ligne éditoriale de certains journaux, la critique négative a été remplacée par une indifférence plus juste et plus opportuniste : une sorte de passage à côté, de non mention, d’ignorance de ce qui n’est pas considéré comme digne d’être noté et commenté. Le résultat est une revue (qui devrait donc être une sélection) de textes critiques positifs. En laissant de côté certaines conséquences immédiates et collatérales d’une telle attitude “positiviste” - comme, par exemple, une certaine homologation indéniable de la critique “de service” - le doute demeure que, au moins statistiquement, tout ce qui est mis en visibilité n’est pas réussi, efficace et consommable dans un discours critique. Ce qu’Alfonso Berardinelli a dit à propos du journalisme culturel(Repubblica, 3 décembre 2021) peut également se refléter partiellement dans l’art contemporain: il fait partie de la logique du marché, à laquelle les magazines d’art et les magazines grand public répondent dans une bonne mesure (mais pas totalement), que certains artistes, projets, organisations ou sujets reçoivent également une plus grande visibilité en raison d’un crédit social accumulé, et donc en raison d’une influence potentielle discrète sur les fonctions vitales du magazine lui-même.



Henri Gervex, Le jury au Salon (1885 ; huile sur toile, 299 x 419 cm ; Paris, Musée d'Orsay)
Henri Gervex, Le jury du Salon (1885 ; huile sur toile, 299 x 419 cm ; Paris, Musée d’Orsay)

La critique publiée dans les volumes mérite une discussion à part. “Qui lit encore les textes des catalogues ?”, aimait à constater Enrico Crispolti ces dernières années, poursuivant: “si nous nous faisons l’illusion d’écrire pour nos contemporains, nous nous trompons, nous écrivons pour la mémoire future... à condition qu’elle soit bien ordonnée”. Le sens éthique de notre profession devrait aussi passer par la conscience que ce que nous écrivons aujourd’hui pourrait favoriser une analyse plus poussée, un verdissement du discours critique dans un avenir proche ou lointain. La critique, en effet, ajoute toujours quelque chose à l’existant, donnant naissance à un discours et à une série de discours, qui se poursuivent et s’épaississent. Soulever des doutes, contester, écraser (si c’est jugé utile), c’est une partie constitutive du discours critique et si on la supprime, si on s’en prive en tant que communauté du système, non seulement on nuit à la communauté (en ralentissant son développement rhizomatique) mais on prive la communauté de la possibilité de s’exprimer et de se faire entendre.une partie non négligeable du discours autour de son œuvre, limitant inévitablement non seulement son impact mais aussi sa permanence dans la mémoire ; en effet, plus un discours critique complexe est structuré autour d’une œuvre, plus sa présence dans l’imaginaire et dans le discours critique lui-même sera fortifiée.

Pour des raisons familiales, je suis souvent confronté à des spécialistes du cinéma et j’envie la vivacité critique de cette communauté systémique ; pour eux, la critique négative côtoie beaucoup plus souvent le discours passionné de la défense et de l’appréciation. La critique devient également routinière, mais elle est presque toujours définie dans un périmètre de respect de l’objet de l’analyse. Même à partir des critiques et des critiques négatives, en fait, un discours de sens est généré qui est ainsi amplifié dans un débat qui enrichit la pensée. Pour ces raisons, j’ai souvent réfléchi aux différences entre le système du cinéma et celui de l’art contemporain. Tout d’abord, les critiques (ainsi que les spectateurs) de cinéma ont un accès quasi instantané aux œuvres, majeures ou mineures, produites au niveau international et, bien qu’il semble rhétorique ou superflu de le mentionner, c’est à mon avis la démonstration simple et non théorique que le cinéma est encore, dans une perspective historique, le “nouveau” médium. Si l’on exclut le net art ou les œuvres vidéo qui peuvent également être appréciées sur le petit écran, il est plus onéreux et compliqué pour nous, amateurs d’art visuel et plastique, de jouir en présence des œuvres que nous voudrions analyser ou sur lesquelles nous voudrions faire le point, et très souvent nous nous en remettons à des reproductions, des re-médiations, des récits, des documentations plus ou moins efficaces. Ceci explique alors, dans une certaine mesure, la quantité de chroniques d’art (donc dépourvues de jugement ou de discours critique) qui peuvent être confondues avec la critique. L’ancrage nécessaire d’une œuvre d’art dans l’espace et le temps, par opposition à la reproductibilité du cinéma sur les écrans, n’est pas une mince différence. Il s’ensuit que la critique d’art des œuvres examinées en présence s’oriente dans une fourchette abordable, en fonction des moyens dont on dispose, du temps que l’on peut consacrer au déplacement et au voyage, et du choix exclusif que l’on finit par faire. C’est aussi pour cette raison que la critique d’art a des caractéristiques nationales, voire régionales, absolument marquées par rapport à la critique cinématographique qui est par nature internationale. En fait, on voit comment, dans l’art contemporain, une certaine critique - même négative - émerge surtout à l’égard des œuvres et des opérations des artistes qui ont un profil et une résonance internationale ou mondiale, et ce en vertu de la distance qui s’établit entre ces artistes et une grande partie de la critique militante. Lorsque, en revanche, on évolue dans un réseau plus restreint, la communauté collabore, dialogue, échange des faveurs et des œuvres, et il est donc dans la nature humaine de préférer parfois la vie tranquille et l’opportunité professionnelle à l’intégrité et à la profondeur du discours critique. Dans ces cas-là, paradoxalement, la critique la plus authentique se fait verbalement, lorsque l’on échange des opinions et des impressions, parfois même impitoyables, mais toujours, pour autant que je puisse en témoigner par expérience, sérieuses, motivées et donc respectueuses. Dans de nombreux cas, l’écriture adoucit le jugement, quand on ne préfère pas (comme on l’a dit au début) négliger, ignorer, passer à autre chose.

Les mots et le langage sont l’outil et la richesse du discours critique, ils peuvent être utilisés pour élargir la narration mais aussi pour offrir une analyse capable de tester, de débusquer ce que l’artiste a fait ou a cru faire. Si cette relation de réciprocité intellectuellement honnête était rétablie entre l’art et la critique, alors même le silence gagnerait son poids et, en un sens, sa signification critique.

Cette contribution a été publiée à l’origine dans le numéro 13 de notre magazineimprimé Finestre sull’Arte Magazine. Cliquez ici pour vous abonner.


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