Un train est arrêté dans une station de métro, nous le voyons de face. On distingue une silhouette à l’intérieur du convoi, peut-être celle du conducteur. La foule typique des jours précédant Noël envahit le quai. Au-dessus de la locomotive, on remarque une étoile, une comète qui brille non pas dans le ciel mais sur les voies souterraines. C’est une image que Melotti avait fixée dans ses petites feuilles de notes et de réflexions, conservées avec grand soin et rassemblées ensuite dans Linee, cette sorte de zibaldone de pensées éparses publié en 1981 par Adelphi. Un quatrain: “ Le métro à Noël / Siffle comme une comète / Dans l’escalier le froid le brouillard la neige / Ils se bousculent ”. C’est la même image qui apparaît dans le final du roman de 2018 de Giosuè Calaciura, lorsque les pauvres marginaux qui fréquentent le terminus d’un tramway à la périphérie d’une grande métropole voient le véhicule rouler la nuit de Noël, voient sa masse disparaître dans l’obscurité, voient les étincelles que le pantographe laisse pendant le trajet: “il a semblé à tout le monde comme une comète”.
Dans la nouvelle de l’écrivain sicilien, c’est le mysticisme qui imprègne la crèche des derniers qui transforme le tramway en comète ; dans l’œuvre de Melotti, le miracle est possible grâce à la poésie. Son Metrò de Noël, une sculpture en laiton de 1965 qui dilue et ralentit un sujet typique de la poétique futuriste à laquelle l’artiste s’était approché dans sa jeunesse, est une image du quotidien qui devient poésie, c’est l’ordinaire qui devient lyrique grâce à la légèreté et à l’imagination de Melotti.
La fantaisie est au service constant de l’univers de Fausto Melotti, comme l’écrit Giorgio Zampa dans la préface de Lines. Et cette fantaisie “apparaît partout, fulgurante et imprévisible”, tandis que les apparitions de l’artiste trentin apparaissent et se dissolvent “dans une dimension euclidienne, régie par le calcul, le rythme, la mesure, sous la splendeur glacée du Cipher”. C’est ainsi que l’on peut résumer l’art de ce singulier ingénieur électricien né à Rovereto, tombé amoureux de la Renaissance florentine lorsqu’il termina ses études secondaires dans la capitale toscane, puis devint l’élève de Wildt à l’Académie de Brera. Son art est “géométrique angélique”, comme il le définit dans le texte qu’il a rédigé pour le catalogue de sa première exposition personnelle, qui s’est tenue à la Galleria del Milione de Milan en 1935. C’est presque un unicum dans l’art italien du milieu du XXe siècle: peu d’autres (le nom d’Osvaldo Licini, par exemple, me vient à l’esprit) ont réussi cette union de la poésie et de l’abstraction à travers le signe qui rend possible l’art de Melotti. C’est l’union de l’esprit de géométrie et de l’esprit de finesse qui génère la musique, pour reprendre la formule que Maurizio Fagiolo dell’Arco, recourant à Pascal, a utilisée pour définir l’œuvre de Melotti dans une étude sur l’art abstrait italien publiée en 1986. C’est la poésie qui épouse la musique et c’est à son tour le sentiment poétique qui épouse la sculpture, paraphrasant une de ses notes: la vie des arts, selon Melotti, réside dans leur mariage. Et célébrer ce mariage, c’est la rigueur géométrique, c’est l’ordre, c’est l’harmonie.
Fausto Melotti, Metrò de Noël (1965 ; laiton, 82 x 53 x 32 cm ; Collection privée © Fondazione Fausto Melotti) |
L’ordre régit également le Metrò natalizio, même s’il s’agit d’un ordre différent de celui des œuvres plus abstraites: la sculpture date d’une période où Melotti avait déjà expérimenté ses rigueurs de contrepoint et d’harmonies, la dématérialisation des figures, l’abstraction des formes pour répondre aux recherches des Spatialistes, les petits théâtres attentifs de la Métaphysique. Dans le Metrò de Noël, il concrétise ce rapprochement avec la figuration qui revient souvent dans sa production des années 60, une période où son activité prend un nouveau départ après vingt ans consacrés presque exclusivement à la production de céramiques. Et l’œuvre rappelle ses petits théâtres des vingt années précédentes, ces boîtes qui évoquaient des intérieurs habités, avec les mêmes atmosphères suspendues que les peintres métaphysiques, mais dépourvues de leur agitation et de leur angoisse. Le métro de Noël est aussi une sorte de boîte où le spectateur observe un morceau de la réalité ordinaire. Trois dalles verticales et une horizontale suffisent à créer une station, avec ses murs, ses piliers, son quai. Une quatrième dalle, perpendiculaire au mur de la gare, avec une face supérieure convexe et une ouverture au milieu, représente le train. Un groupe de tiges filiformes se terminant par des sphères irrégulières, toutes différentes comme s’il s’agissait de descriptions de personnalités et de caractères individuels, représente les gens qui se pressent sur le quai. Certaines de ces figures, qui rappellent vaguement les personnages de Giacometti, ont un cône sur la tête: un chapeau, en d’autres termes. Ils sont comme des notes qui dictent le rythme sur la partition. La comète est suspendue au-dessus de la silhouette du train par une paire de chaînes: ce sont les mêmes que celles qui pendent du mur voisin, insérées par Melotti pour évoquer, par synesthésie, des sensations sonores, pour suggérer le cliquetis du convoi, comme un sceau supplémentaire du mariage entre différentes formes d’art.
Le Metrò de Noël est une sculpture du signe, une œuvre dans laquelle la forme est dématérialisée dans une synthèse musicale, c’est une “modulation” plutôt qu’un “modelage”. Pour Melotti, l’équivalence est claire: le modelage vient du modèle, le modèle s’inspire de la nature, la nature est désordre. La modulation vient du module, le module est l’expression d’un canon, il est donc ordre. Il l’explique dans l’introduction de son exposition de 1935, mais c’est une implication qui s’applique à toute sa sculpture. Et le signe est ce qui “rend la peinture figurative”, écrit Melotti dans ses brochures. Ce n’est pas à la figuration que revient cette tâche, car l’art “ne représente pas, mais transfigure la réalité en symboles”.
Nous profiterons donc de ces vacances de Noël pour monter dans le métro de Melotti et commencer un voyage: après tout, “l’œuvre d’art est un voyage”, disait l’artiste. Peu importe où elle mène et peu importe si, comme le prévoyait Calvino, ami de Melotti, à la fin du voyage on n’arrive pas “à contempler les essences extrêmes, les idéogrammes d’un alphabet absolu”. L’important est que l’œuvre soit un voyage libre, offert, écrit Melotti, “même au plus pauvre des hommes”, et qui nous conduira “vers des régions inconnues qui sont tellement plus belles que les plus agréables de la terre”. Ce n’est pas nécessairement un voyage facile, ce n’est pas nécessairement un voyage exigeant: il ne l’est presque jamais. Alors, pour ne pas courir le risque de manquer quelque chose, pour ne pas rester les yeux fermés tout au long du voyage, il faut lire attentivement le “programme”. Cela peut coûter un effort de lecture, mais cette lecture sera l’énergie qui éclairera les wagons, qui éclairera la vue, qui nous évitera d’aborder le voyage dans l’obscurité.
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