Un jardin dans une pièce du Ier siècle avant J.-C.: le viridarium de Livie au Musée national romain


Le musée national romain du Palazzo Massimo abrite l'un des sommets de la peinture romaine antique: le viridarium de Livie, un splendide jardin peint à fresque datant des années 30 à 20 avant J.-C. et provenant de la villa de l'épouse d'Auguste.

Tous ceux qui visitent pour la première fois le Musée national romain dans les locaux du Palazzo Massimo alle Terme, juste en face de la gare Roma Termini, ont du mal à contenir leur étonnement lorsque, dans les salles des peintures, vers la fin de la visite, ils tombent sur un jardin à fresque du Ier siècle avant J.-C. magnifiquement conservé. Il s’agit des extraordinaires fresques de la salle souterraine de la villa de Livia Drusilla, troisième épouse d’Auguste, qui se trouvaient autrefois dans sa villa de Prima Porta, un quartier de la banlieue nord de Rome. Les fresques, bien que fragmentaires et en partie ruinées (il s’agit en tout cas d’œuvres datant de deux mille ans), ont été conservées sur les quatre murs. Elles représentent, sans interruption, un jardin luxuriant décrit avec un grand sens du réalisme: des arbres et des plantes fruitières décrits dans les moindres détails, des fleurs, des arbustes, des oiseaux qui volent et tournoient entre les branches et sur la pelouse, une clôture et une balustrade en marbre. Ils inspirent le calme, la sérénité, la tranquillité, ils favorisent une dimension contemplative. Elles constituent l’un des sommets de la peinture romaine.

La villa de Livie n’a été découverte qu’au 19e siècle. Elle est également connue sous le nom de “Villa ad Gallinas Albas”, c’est-à-dire “aux poules blanches”: la légende, rapportée par Suétone, raconte qu’après son mariage avec Auguste, Livie vit passer à Veio un aigle qui déposa dans son ventre une poule avec un brin de laurier dans le bec: Livie interpréta cela comme un bon présage et décida d’élever l’oiseau, qui donna naissance à des poussins. Les siècles précédents n’ont pas manqué d’érudits de l’Antiquité qui, trouvant mention de la villa dans des sources écrites, se sont interrogés sur son emplacement, qui n’a toutefois été localisé avec précision qu’en 1828, à proximité du carrefour de Prima Porta. Les premières fouilles remontent à 1863, lorsque le propriétaire du terrain sur lequel se trouvait la villa, le comte Francesco Senni, ordonna des fouilles “pour retrouver des objets de l’Antiquité dans le domaine de Prima Porta appelé ad Gallinas en dehors de Porta Flaminia à environ 8 miles de Rome”, comme l’indique une note conservée dans les Archives d’État de Rome. Les travaux portèrent les fruits escomptés: les fouilles mirent au jour des statues (dont le célèbre Auguste de Prima Porta, aujourd’hui conservé aux Musées du Vatican), des fragments d’architecture, du verre et divers objets. Au printemps, on découvrit des fresques qui se trouvent aujourd’hui au Museo Nazionale Romano: “Le 30 avril 1863”, peut-on lire dans les rapports de fouilles, “un escalier a été découvert vers l’est, près de la substruction des murs d’enceinte de la Villa d.ta, menant aux pièces n° 2, dont l’une est ornée de blanc, et dont l’autre est en bois. 2 pièces, dont une aux murs blancs, avec un sol en mosaïque noire et blanche de construction ordinaire, et une pièce à gauche de l’escalier aux murs peints en bon état représentant des arbres fruitiers et des fleurs, avec des aides diverses, la voûte est complètement ruinée, et les stucs qui l’entouraient peuvent être retrouvés parmi les décombres qui recouvrent la pièce”.



Le premier à décrire les fresques en détail fut l’archéologue allemand Heinrich Braun, dans un rapport publié dans le Bulletin de l’Institut de correspondance archéologique (mai-juin 1963): "les peintures, ou plutôt une peinture unique et continue, courent sur les quatre murs, représentant un jardin ; il faut imaginer que la salle elle-même forme presque un carré au milieu d’une épaisse plantation, qui ne laisse à aucun moment une vue libre sur la campagne [...]. Ce sont tous des arbres de jardin, les uns portant des fruits, comme les pommiers et les grenadiers, les autres servant plutôt à l’ornementation, et montrant que le goût des anciens s’efforçait aussi de réunir dans leurs villas des végétaux de différentes régions, en plantant diverses espèces de sapins et autres arbres du nord à côté des palmiers du sud. Ce bois ne manque pas non plus d’habitants: ce sont divers oiseaux qui chantent, picorent des fruits, nourrissent leurs couvées et s’amusent. Aucun être humain n’assiste à la rencontre: l’artiste a cependant su souligner avec finesse que nous ne sommes pas dans un lieu qui a peut-être été habité et qui est aujourd’hui abandonné: au contraire, une belle cage ronde en fil de fer, comme on en utilise aussi aujourd’hui, avec un chardonneret à l’intérieur, nous fait immédiatement supposer que des hommes doivent vivre à proximité, non pas des hommes grossiers, mais des hommes cultivés. Au départ, les fresques ont été laissées en place afin de ne pas compromettre davantage leur état de conservation. Ainsi, au fil des ans, plusieurs tentatives de restauration ont été effectuées, qui n’ont toutefois pas permis de conserver les fresques en place. C’est ainsi qu’en 1951, l’Institut central de restauration a décidé d’enlever les fresques, de les restaurer dans leur intégralité et de les transférer d’abord au musée des thermes de Dioclétien, puis, depuis 1998, au musée national romain du Palazzo Massimo, où elles se trouvent encore aujourd’hui.

Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
Le viridarium de Livie au Musée national romain de Rome
La salle des fresques au moment de la découverte
La salle des fresques au moment de la découverte

Les fresques, datées entre 30 et 20 av. J.-C., sont parmi les exemples les mieux conservés de peinture murale romaine et les plus intacts. Curieusement, si les fresques se sont si bien conservées malgré leur emplacement souterrain, c’est parce que le peintre les a peintes sur un enduit appliqué sur des carreaux qui étaient en fait détachés du mur et restaient ainsi protégés grâce à une cavité, de sorte que l’humidité ne les affectait pas. Nous ne savons pas exactement quelle était l’utilisation de la pièce: il s’agissait probablement d’un triclinium, c’est-à-dire d’une salle à manger. Certainement une pièce où les habitants de la vie se rendaient pour se distraire, surtout en été, étant donné la fraîcheur que la pièce pouvait procurer. La décoration de la pièce, écrit l’archéologue Salvatore Settis, “forme un contraste strident et intentionnel avec le caractère hypogé de la pièce. Toute la surface disponible sous le plafond voûté est décorée d’une peinture de jardin grandeur nature, aérée et ininterrompue, qui n’est même pas interrompue aux angles, mais qui se poursuit, avec une grande variété d’arbres, de plantes et d’oiseaux. Aucun élément architectural (ni pilier, ni colonne) ne ponctue la composition dans le sens vertical, mais l’artifice de la perspective qui organise les murs en une habile ”architecture de jardin“ s’articule sur une double clôture qui court tout autour”. Comme nous l’avons déjà mentionné, bien qu’il n’y ait pas d’éléments architecturaux, nous sommes néanmoins en présence d’un environnement modifié par l’homme: l’espace du jardin est en effet délimité par la double clôture, qui a pour fonction narrative de suggérer l’extension du jardin et pour fonction technique de fournir au visiteur de la pièce son point de vue. Il est également intéressant de noter que le peintre, qui n’est pas connu, a utilisé un ingénieux expédient (plus tard typique de la peinture de la Renaissance) pour suggérer la profondeur: les éléments du premier plan apparaissent très détaillés, tandis que ceux de l’arrière-plan sont plus flous.

Le ciel au-dessus du jardin est clair, sans nuages, il s’ouvre sur l’infini, et la minutie descriptive du peintre est telle que pas moins de vingt-trois espèces d’arbres ont été reconnues dans le jardin peint de la villa de Livia, toutes typiques des milieux méditerranéens à l’exception de deux (le palmier dattier, caractéristique des climats plus chauds, et le palmier nain, caractéristique des climats plus humides). caractéristiques des climats plus chauds, et l’épicéa de Norvège, qui vient plutôt du nord) et soixante-neuf espèces d’oiseaux, une circonstance qui, selon Settis, rend le jardin “plus artificiel que jamais”, notamment parce que l’on peut y observer en même temps des floraisons qui, en réalité, sont appréciées à des saisons différentes. L’universitaire Giulia Caneva a fourni une liste complète des plantes que l’on peut reconnaître dans le jardin de Livia: le scolopendre(phyllitis scolopendrium), l’épicéa(picea abies), le pin sylvestre (pinuspinea), le cyprès(cupressus sempervirens), le chêne vert(quercus ilex), le chêne pédonculé (quercus robur), le chêne rouvre (quercus robur) et le chêne vert (quercus robur). le chêne vert(quercus ilex), le laurier(laurus nobilis), lepavot (papaver somniferum), la rose(rosa centifolia), le coing(cydonia oblonga), le buis(buxus sempervirens) la violette sauvage(viola reichenbachiana), le myrte(myrtus communis), la grenade(punica granatum), le lierre(hedera helix), l’arbousier(arbutus unedo), le laurier-rose(nerium oleander) l’acanthe (acanthus mollis), laviorne (viburnum tinus), le chrysanthème(chrysanthemum coronarium), la camomille fétide(anthemis cotula), l’iris(iris), le palmier dattier(phoenix dactylifera). Les oiseaux comprennent des pigeons, des moineaux, des merles, des rouges-gorges et des chardonnerets. Il est certain que le viridarium de Livie n’est pas un véritable portrait de jardin, mais plutôt une sorte de “catalogue botanique”, pour reprendre une expression de Settis. On note une certaine prédominance dulaurier, qui peut être lue dans une clé symbolique, en relation avec le mythe de la poule blanche qui aurait conduit à la construction de la villa elle-même: selon le récit de Suétone, en effet, il y avait dans la villa un bosquet de lauriers où l’on ramassait des branches pour les empereurs et les triomphateurs, qui avaient la coutume de planter un nouvel arbre après un triomphe.

Le viridarium de Livie, détail
Viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail

En ce qui concerne les éléments constructifs de l’environnement, “l’extension de l’espace, la négation du mur, la construction perspective plus ou moins habile et graduée”, écrit encore Settis, “sont construits pour capter le regard de l’observateur, pour le transporter de la perception de l’ensemble à l’observation du détail”. Il s’agit d’une illusion convenue, qui ne prétend pas tant tromper qu’imposer les règles d’un jeu, fondé avant tout sur l’effet de distanciation que produit sur l’observateur le décor “jardinier” d’une pièce fermée, a fortiori si elle est souterraine". Le décor vise notamment à souligner deux points: d’une part, l’art des jardins(ars topiaria), particulièrement apprécié par l’aristocratie romaine, et d’autre part, l’habileté du peintre à proposer au spectateur un jardin illusionniste qui, en franchissant le mur, nie l’architecture qui le contient. Une manière de surprendre les visiteurs, un désir d’avoir une pièce où il est possible d’admirer le produit d’une des plus grandes passions de la noblesse romaine, un endroit où se détendre en observant un jardin luxuriant. Les objectifs d’une telle représentation peuvent être multiples. Néanmoins, de nombreux chercheurs se sont interrogés sur l’éventuelle signification symbolique des fresques du jardin de Livie, au-delà des aspects purement décoratifs. Est-il donc possible que ces peintures puissent également être interprétées sur un plan allégorique ?

Le problème est d’autant plus complexe que nous ne disposons que de très peu d’exemples de décorations similaires à celles du jardin de Livie. Et même dans la littérature, les sources sont rares: Settis ne donne qu’un seul exemple, celui de Pline le Jeune, qui décrit une pièce de sa villa, “un cubiculum, enveloppé de vert et d’ombre par un platane qui se dresse près de lui, et dont la base est recouverte de mamo ; la peinture n’est pas moins gracieuse que le marbre, montrant un feuillage peuplé d’oiseaux”. Pas d’aide, cependant, sur le sens possible. L’érudit calabrais note que les décorations de jardin, dans l’antiquité romaine, ne se trouvent que dans deux contextes: les pièces des villas comme celle de Livie, et les tombes. Dans ce dernier cas, la décoration avec des plantes et des arbustes ferait idéalement référence aux jardins funéraires qui entouraient souvent les tombes, tandis que dans le cas des décorations résidentielles, elles feraient simplement référence, écrit Settis, aux “formes courantes d’expression du prestige social dans la structure et la décoration de la maison, comme le jardin”. Un jardin, donc, comme ostentation du prestige social. D’autres, comme Giulia Caneva elle-même, se sont plutôt attardés sur les significations symboliques des plantes, émettant l’hypothèse que le jardin de Livia pouvait avoir une connotation spirituelle ou religieuse. Il est tout à fait improbable, écrit l’universitaire, que dans un lieu d’une telle valeur et d’une telle importance, la nature soit représentée comme une simple description d’un paysage idyllique et fertile, ou comme un ornement qui satisfait un plaisir purement esthétique. La cadence ponctuelle et ordonnée des arbres, des plantes et des oiseaux contient sans doute une clé qui pourrait être non seulement un corollaire à la lecture, mais un support essentiel et fondamental".

De nombreux éléments suggèrent une fonction symbolique des plantes: le fait qu’il y ait des éléments répétitifs, la présence de plantes essentiellement autochtones, les incohérences saisonnières, la disposition des plantes qui présente souvent des contrastes et des géométries, l’absence de l’élément humain, la présence d’une abondance d’oiseaux de différentes espèces qu’il est difficile de trouver dans la nature en général. L’arrière-plan, note Caneva, est constitué de plantes liées à des significations funéraires: cyprès, laurier-rose, chêne vert, buis. Ceux-ci sont opposés à des arbres qui rappellent la vie, comme le palmier, le laurier, l’arbousier et la viorne, selon des motifs répétitifs. Les fleurs (rose, chrysanthème, camomille et pavot) ont également des significations liées à la ritualité funéraire. Les oiseaux, quant à eux, peuvent être des représentations de l’âme ou d’états spirituels, et leur vol le lien entre le ciel et la terre. En résumé, écrit Caneva, “il est raisonnable de penser qu’il s’agit donc d’une représentation d’un jardin idéal dans lequel l’élément spirituel et religieux domine clairement, conduisant à une vision de la vie humaine comme transitoire, mais éternellement capable de se renouveler et de se régénérer, comme dans le cycle cosmique de la nature. Il s’agit d’une vision du monde dans laquelle la mort n’est pas fatale, mais seulement un moment de passage vers une nouvelle naissance, et il semble également y avoir une référence claire à l’Héraclès mystique, symbole de la lutte soutenue par l’homme pour atteindre la spiritualisation qui lui assurera l’immortalité”. Selon une autre théorie, le jardin luxuriant représenterait la prospérité de Rome sous la Pax Augustea.

Le viridarium de Livie, détail
Viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail
Le viridarium de Livie, détail

Aujourd’hui, la Villa de Livie à Prima Porta, bien que dépourvue de ses fresques (qui, comme nous l’avons dit, peuvent être admirées au Musée national romain: des reproductions fidèles ont été installées dans la salle souterraine), est un site archéologique visitable, ouvert au public selon un calendrier préétabli, dont les dates sont décidées par la Surintendance spéciale de Rome et publiées sur son site web. L’ouverture au public a nécessité un long et complexe processus de récupération et de restauration des salles, des mosaïques et des peintures murales, ainsi qu’un projet de mise en valeur permettant au public de mieux connaître ce lieu extraordinaire. C’est l’une des villas romaines les plus importantes de son époque: y pénétrer, visiter les pièces où se trouvaient les chambres de l’empereur et de Livie, les cours, les élégantes salles de réception, c’est se faire une idée de ce que devait être la vie de l’aristocratie romaine à l’époque.

La villa était l’une des résidences les plus appréciées d’Auguste: il s’agissait d’un complexe qui, comme l’a écrit l’érudit Gaetano Messineo, “se distinguait et pouvait donc susciter un sentiment de nostalgie chez la jeune Livie, en raison de sa position particulière qui, bien que n’étant pas caractérisée par l’altitude ou une morphologie accidentée, offrait une vue très large et apaisante sur la vallée du Tibre, enfermée dans une chaîne de montagnes lointaine”. Un contexte d’une rare beauté, une villa somptueuse, des bois luxuriants, un jardin riche en essences, reproduits ensuite dans le triclinium. Aujourd’hui, nous ne pouvons que nous faire une idée de ce à quoi devait ressembler ce magnifique complexe. Mais les peintures qui nous sont parvenues représentent l’une des survivances les plus intéressantes et les plus incroyables de la Rome antique.

Bibliographie de référence

  • Salvatore Settis, La villa de Livie. Les murs trompeurs, Electa, 2002
  • Gaetano Messineo (ed.), Ad Gallinas Albas. Villa di Livia, L’Erma di Bretschneider, 2001
  • Giulia Caneva, Ipotesi sul significato simbolico del giardino dipinto della Villa di Livia (Prima Porta, Roma) in Bullettino della Commissione Archeologica Comunale di Roma, Vol. 100 (1999), pp. 63-80

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