La présence fréquente d’œuvres représentant Tobie et son ange dans presque toutes les collections italiennes comprenant un nombre important d’objets du XVIIe siècle s’explique par une raison précise, à la fois théologique et politique. Le fait est que les ailes les plus intransigeantes de la Réforme protestante avaient rejeté la croyance en la tutelle angélique de l’individu croyant, qui était au contraire l’un des fondements les plus solides de l’Église romaine, fermement établi depuis l’époque de la patristique. Dans son Instutio, Calvin avait expressément rejeté l’idée que chaque chrétien avait son propre ange gardien, en discutant tous les passages des textes du Nouveau et de l’Ancien Testament sur lesquels les catholiques s’étaient appuyés pour soutenir cette idée. Si Jésus-Christ dit dans l’évangile de Matthieu que les anges des enfants voient toujours le visage de Dieu, cela ne signifie pas que chaque petit a le sien. Si, dans les Actes des Apôtres, les compagnons de Pierre reconnaissent l’ange qui leur est assigné, cela ne signifie pas que cet ange soit son gardien perpétuel. Et ainsi de suite: sur la base de ces hypothèses, la discussion se poursuivra longtemps, jusqu’au XVIIe siècle. Et aux textes des théologiens réformés, les catholiques romains opposent fermement le récit contenu dans le livre du prophète Tobie, en prenant soin de le faire illustrer adéquatement par des artistes. Sculptures, fresques, peintures, œuvres imprimées: il n’y a pas un support qui n’ait été utilisé pour diffuser l’histoire du voyage légendaire et aventureux que le jeune Tobie entreprit avec son ange gardien, l’archange Raphaël, pour guérir son père Tobi.
En 1622, lorsque Jacopo Vignali peint son Tobie provenant des collections du cardinal Carlo de’ Medici et aujourd’hui conservé à la Pinacothèque du Palais Mansi de Lucques, la vexata quaestio de l’ange gardien est encore un thème d’actualité, et dans la Florence des premières décennies du XVIIe siècle, on pratique encore une peinture lumineuse d’inspiration manifestement contre-réformiste. L’œuvre de Lucques appartient à une série de variantes sur le même thème, dont la plus significative est la toile peinte l’année suivante par Vignali pour la Spezieria di San Marco, dans un cycle centré sur les guérisons miraculeuses, comme celle qui, dans le livre de Tobie, permet au père du prophète de retrouver la vue perdue. Le premier biographe de Vignali, Sebastiano Benedetto Bartolozzi, auteur d’une Vita di Jacopo Vignali pittor fiorentino written, mentionne l’œuvre comme un “arcangiolo Raffaello che col giovinetto Tobiolo sépare le poisson acheté sur les rives du Tigre pour en tirer le médicament avec lequel le vieux Tobias devait être guéri de sa cécité”. Et c’est bien ce moment que saisit l’élégant peintre de Pratovecchio: Le jeune Tobias (ou “Tobiolo”, à la florentine, comme l’appelaient les textes anciens pour ne pas le confondre avec son père presque homonyme) s’applique à ouvrir le poisson avec un couteau, pour en extraire l’onguent médicinal: sous son coude, il a déjà préparé la jarre où sera déposé le miel miraculeux. L’ange-guide l’aide dans l’opération, en tenant une bande de peau du poisson, et le fidèle petit chien, qui accompagne Tobie et Raphaël tout au long du voyage, observe avec une curiosité vive et évidente, en posant ses pattes sur le rocher où le prophète a placé le grand poisson, qui l’avait attaqué pendant le voyage, et qui regarde maintenant le poisson.Le grand poisson, qui l’avait attaqué pendant le voyage et contre lequel, poussé par Raphaël, Tobias s’était battu, avait fini par le vaincre et, toujours sur la suggestion de l’ange gardien, l’avait dépouillé de ses entrailles pour en extraire le singulier remède.
Jacopo Vignali, Tobie et l’ange (1622 ; huile sur toile, 132,8 x 164,5 cm ; Lucques, Pinacoteca Nazionale di Palazzo Mansi) |
Jusqu’à présent, il pourrait s’agir de la description de l’une des nombreuses peintures du XVIIe siècle traitant du sujet de Tobias, capturé alors qu’il travaillait avec des poissons pour trouver le remède qui permettrait à son père de continuer à voir. Mais Vignali, peintre pieux, parvient à exalter un thème devenu banal en réalisant une peinture d’une grâce équilibrée et d’une élégance sans pareille, en l’enveloppant de ce raffinement qui sera toujours le trait le plus distinctif de son pinceau, à tel point que pour certains Vignali pourrait apparaître comme un artiste pudibond, excessivement languissant, trop proche du sentimentalisme et de la douceur dévotionnelle d’un Francesco Curradi, peintre auquel il vouait une grande admiration.un Francesco Curradi, peintre dont Vignali s’était rapproché dans la deuxième décennie du XVIIe siècle, à tel point qu’un historien de l’art comme Carlo Del Bravo a indiqué, dans Tobie et l’Ange, le produit d’un abandon excessif aux “minuties” de son aîné. Un tempérament mélancolique, celui qui transparaît de la toile de Lucchese, que même Franca Mastropierro reconnaît à Vignali: elle y voit la preuve d’un tempérament partagé avec Curradi.
Et pourtant Vignali est un peintre qui surprend par la variété de sa palette, par le rendu tactile des tissus de soie qui abondent dans ses tableaux et par l’inventivité avec laquelle il a toujours su habiller ses élégants personnages, et puis encore par sa recherche originale sur la lumière, par les passages d’ombre du paysage dans lesquels s’insèrent les figures. Dans le tableau de Lucques, par exemple, Vignali se révèle être l’un des interprètes les plus originaux de Guercino au sud de Bologne: les passages de lumière vive, modulés selon différentes intensités, alternant avec de lourdes zones de pénombre aux transitions soudaines, cohabitent harmonieusement avec la préciosité de la peinture florentine du XVIIe siècle, que Vignali a su faire sienne, comme il l’a également démontré dans le tableau de Palazzo Mansi. Et même cette préciosité, qui se traduit par un traitement presque hédoniste des tissus, luxueux, vraisemblables et décrits avec une minutie qui pourrait presque tomber dans l’excentricité, a des motivations précises. D’une part, les motivations historiques, à savoir la diffusion en Toscane des peintures de Correggio et de Carracci, auxquelles les peintres florentins ont emprunté un raffinement poussé jusqu’aux résultats les plus minutieux. D’autre part, sociales, car même entre le XVIe et le XVIIe siècle, en plein climat de Contre-Réforme, la noblesse florentine n’a pas voulu renoncer à ces riches vêtements de velours, de soie et de damas précieux dont le marché, à l’aube du nouveau siècle, était bel et bien florissant. Et la poursuite de cette production de luxe ne pouvait manquer de se refléter dans la peinture contemporaine.
C’est pourquoi deux personnages bibliques, même au milieu d’un long voyage solitaire et dangereux, ne perdent pas leur élégance: au contraire, ils sont très soignés, n’affichant même pas de signes de fatigue sur leur visage, mais se déplaçant avec aisance dans leurs vêtements raffinés. Tobias porte une cape damassée et écarlate, cintrée à la taille par une très fine écharpe verte d’auriser, presque de la même couleur que la tunique, également en soie, qui descend en plis nets. L’ange est encore plus richement vêtu: une tunique de soie jaune, fermée aux épaules par un clou orné d’un rubis, révèle des manches bouffantes élaborées en tissu perlé précieux, brodées de motifs floraux en soie dorée. Et puis, le col blanc à la mode du XVIIe siècle et la couverture bleue à motifs dorés, également en soie épaisse, avec laquelle Raphaël s’assoit sur le rocher pour ne pas salir la précieuse robe de tailleur: une parure exquise de la Florence du XVIIe siècle.
Il est heureux pour Lucques que Vignali ait été un peintre prolifique et que, de plus, il ait dessiné plusieurs variantes du même tableau: autrement, la collection du Palazzo Mansi n’aurait peut-être jamais reçu Tobie et l’ange après l’annexion de la ville fortifiée au Grand-Duché de Toscane. En effet, Carlo Ludovico Borbone, souverain du duché de Lucques créé en 1815 lors du Congrès de Vienne, au mépris de l’histoire républicaine séculaire de la ville, avait vendu pour dettes de jeu une grande partie de la collection conservée au Palazzo Ducale, fruit de siècles de collectes privées et de commandes religieuses. Après l’annexion, les Lucquois ont supplié le grand-duc de Toscane, Léopold II, de restituer les pertes subies par Lucques, en donnant à la ville des œuvres qui, bien que n’étant pas directement liées à l’histoire de la collection locale, pouvaient dignement remplacer ce que le duc imprévoyant avait perdu au jeu. Léopold accepta, notamment parce qu’il considérait que c’était politiquement avantageux. Et parmi les quatre-vingt-deux œuvres données par le grand-duc et qui constituent aujourd’hui la Pinacothèque de Palazzo Mansi, le chef-d’œuvre de Jacopo Vignali en fait également partie.
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