Sur l'histoire correcte du Salon: cinq erreurs par Marco Goldin (en six minutes)


Marco Goldin s'est récemment improvisé professeur d'histoire de l'art. Mais lors d'un de ses "cours", il a fait cinq erreurs en six minutes.

Depuis quelques semaines, sur mon mur Facebook personnel, les posts de Linea d’Ombra, la société de l’indomptable Marco Goldin, se déchaînent. Le conservateur le plus prolifique d’Italie semble avoir entamé une bataille publicitaire pressante, également sur les médias sociaux, afin d’attirer le plus de monde possible à sa énième exposition sur les impressionnistes qui se tiendra bientôt à Trévise. Les posts qui apparaissent sur mon mur sont en fait des posts sponsorisés (et c’est aussi pour cette raison qu’ils parviennent à obtenir beaucoup d’interactions), j’imagine donc que Goldin ne lésine pas sur les moyens. Aussi parce que, d’après la teneur des posts, je pense qu’il veut véhiculer plus qu’une simple publicité. En d’autres termes, Goldin essaie aussi de répéter son mantra sur Facebook: exciter le visiteur avant même qu’il ne se rende au musée où se tiendra l’exposition.

Je pense que Goldin est un véritable maître de l’ écriture créative. Si quelqu’un veut apprendre à écrire un texte qui réussit à faire ressentir des sensations au lecteur lorsqu’il parle d’art, je pense que les écrits de Goldin sont toujours une bonne lecture, à tel point qu’il m’arrive moi-même de visiter sa page sociale, ou de recevoir ses textes, pour y puiser des idées. Je pense qu’il est normal que ceux qui font de la vulgarisation essaient aussi d’étudier ceux qui sont meilleurs pour s’engager. Le revers de la médaille, le côté négatif des textes de Goldin, c’est qu’ils ne vous laissent rien. Il suffit de lire ses carnets de voyage sur Facebook, ses descriptions de lieux sur les impressionnistes, pour avoir l’impression qu’au final, sur l’art de Monet, van Gogh et tous ces artistes chers à Goldin, on en sait exactement autant qu’avant de commencer à lire.



Il est probable que Goldin ait également pris conscience de cette limite et qu’il ait pensé à la combler par une série de"leçons" (sa définition) d’histoire de l’art qu’il a données ces dernières semaines au Teatro Comunale de Trévise. Il a pris la peine d’en diffuser des extraits, téléchargés sur Youtube, sur sa page Facebook. Poussé par la curiosité, j’ai essayé d’écouter la première conférence, consacrée, comme on peut le lire dans le titre(j’inclus ici le lien vers la vidéo), à Jean-Auguste-Dominique Ingres et au Salon. Et j’ai trouvé une Goldin complètement différente de celle, vive et enjouée, des textes “créatifs”, appelons-les comme ça: une Goldin très inintéressante, parfois ennuyeuse, souvent confuse, qui donne une conférence bourrée de dates et de notions, peu encline àapprofondir et à se demander pourquoi certaines situations se présentent. Goldin déclare pourtant ne pas vouloir offrir au public une histoire “livresque” et pense y parvenir simplement en partant “de loin”, c’est-à-dire du XVIIIe siècle, pour expliquer les processus qui ont conduit à la naissance de l’impressionnisme. Je ne pensais pas que pour éviter une vulgarisation “livresque”, il suffirait d’allonger la chronologie des sujets abordés, mais voulant laisser à Goldin le bénéfice du doute, j’ai décidé de me lancer et de regarder sa première “conférence” sur l’Impressionnisme. Pour faire court, après ses déclarations d’intention, Marco Goldin commence par l’histoire du Salon, l’exposition historique qui était l’expression de la culture académique française, nommée d’après le Salon Carré du Louvre, lieu d’exposition depuis 1699. Le problème de Goldin réside dans le fait qu’à partir du moment où il commence à débiter l’histoire du Salon, il commet une série d’erreurs et d’inexactitudes que l’on n’attendrait vraiment pas de quelqu’un qui travaille sérieusement sur l’histoire de l’art. J’en ai compté au moins cinq, ce qui, sur six minutes d’exposé de l’histoire du Salon, ne constitue pas un résultat vraiment enthousiasmant.

Goldin davanti a un dipinto di Van Gogh
Goldin devant un tableau de Van Gogh. Photo par Vicenza Report distribuée sous une licence Creative Commons.

  • 1. Le Salon “a continué et continué jusqu’au début du 20e siècle”. Dès sa création, le Salon a été parrainé par le gouvernement français. Ce “parrainage” a pris fin en 1881, lorsque la tâche d’organiser le Salon a été reprise par la Société des Artistes Français, une association fondée en 1881. Et dont l’activité se poursuit encore aujourd ’hui: la société organise toujours une exposition appelée le Salon, sur laquelle on peut également trouver des informations sur le site web de la société. Ainsi, lorsque Goldin affirme que le Salon “a continué jusqu’au début même du 20e siècle”, il commet une première erreur: s’il se réfère au Salon parrainé par le gouvernement, la fin a une année précise, 1881. Si, en revanche, il se réfère au “Salon” dans un sens générique, l’exposition, que l’on peut considérer en quelque sorte comme l’héritière du Salon historique, continue d’être organisée jusqu’à aujourd’hui.
  • 2. Le Salon “est le lieu de formation, de fondation et d’exposition de la peinture française à partir de 1648”. Légère inexactitude, Goldin confond les dates: 1648 n’est pas l’année du premier Salon, comme on pourrait le déduire de sa phrase, mais l’année de la fondation de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, qui organisera le premier Salon dix-neuf ans plus tard, en 1667. Pas mal, mais on attendrait un peu plus de précision.
  • 3. Le Salon “était la seule occasion pour les peintres, mais aussi pour les sculpteurs, mais aussi pour les graveurs, d’exposer leurs œuvres”. Il n’est pas clair à quelle période Goldin fait référence, car parler du Salon, c’est parler d’une histoire d’au moins deux cents ans, mais si le commissaire fait référence à toute l’histoire du Salon, il n’est pas du tout vrai que c’était la seule occasion pour les artistes d’exposer leurs œuvres. L’une des expositions les plus célèbres était celle de la place Dauphine à Paris, qui se tenait chaque année pendant la procession de la Fête-Dieu. La procession est documentée au moins depuis 1644, et nous savons que déjà à cette époque, les Parisiens avaient accroché des objets, des peintures et des objets d’art le long du parcours de la procession (qui se déroulait entre la place Dauphine et le Pont-Neuf). Au fil des ans, cette tradition est devenue l’occasion pour les artistes d’exposer leurs œuvres. Plusieurs des plus grands artistes français ont participé à ces expositions, comme Nicolas Lancret, Jean-Baptiste Oudry, Jean Restout et d’autres. Au XVIIIe siècle, des expositions sont également organisées par une autre institution regroupant les artistes de l’époque, l’Académie de Saint-Luc, et l’on peut également citer les deux expositions organisées par le duc d’Antin dans la troisième décennie du XVIIIe siècle. En résumé, la scène des expositions dans le Paris des XVIIe et XVIIIe siècles n’était pas aussi restrictive que Goldin le croit. Au contraire, le succès du Salon était dû au fait qu’il s’agissait de l’exposition la plus importante et la plus prestigieuse, compte tenu des noms des promoteurs.
  • Une remarque: peu après avoir commis l’erreur ci-dessus, Goldin affirme que le Salon “est devenu le point de médiation entre l’effort que fait politiquement l’État central pour exposer les œuvres des artistes et rehausser l’image de la nation, et l’intérêt que portent les particuliers, qu’il s’agisse des artistes eux-mêmes ou d’éventuels acheteurs. Donc une sorte de synergie entre le public et le privé, qui est un des grands thèmes que l’on entend constamment analyser en ce moment”. Plus qu’une erreur (que je ne veux d’ailleurs pas considérer comme telle), c’est un argument qui n’a aucun sens: c’est un peu comme si l’on disait que les Académies des Beaux-Arts modernes sont le résultat d’une “synergie” entre public et privé dans la mesure où elles mettent en valeur des citoyens privés (les artistes) au profit d’autres citoyens privés (les acheteurs éventuels de leurs œuvres). Les “synergies” entre public et privé, y compris celles d’aujourd’hui, auxquelles Goldin fait allusion lorsqu’il parle des “big issues” d’aujourd’hui, sont autres (par exemple, celles qui impliquent des personnes privées dans la gestion des musées publics). Bref, si Goldin cherchait un point d’appui pour justifier l’utilisation par son entreprise des espaces qui lui sont concédés par les administrations publiques, il s’est complètement trompé d’étalon.
  • 4) "L’idée du Salon vient d’une sorte d’institutionnalisation de l’idée de l’Académie italienne. C’est donc une idée que la France reprend de quelque chose qui s’est passé en Italie à la Renaissance, avec les Académies, pensez par exemple aux Académies de la sphère florentine, et à ce qui s’est passé dans les cercles néoplatoniciens, notamment les cercles de Marsilio Ficino". Oubliant une expression sans fondement historique comme “institutionnalisation de l’idée de l’Académie italienne” (les Académies italiennes, à l’époque de la naissance du Salon, étaient déjà des instituts officiellement reconnus avec leurs propres règlements), Goldin confond ici les Académies du XVIe siècle, comme l’Accademia delle Arti del Disegno fondée à Florence en 1563, avec les cénacles du XVe siècle, qui aimaient souvent s’appeler “Académies” (Marsilio Ficino lui-même aurait utilisé l’expression “Accademia”, bien qu’un débat ait récemment surgi autour de cette dénomination, à tel point que certains ont même proposé de ne plus utiliser l’expression susmentionnée pour désigner le cercle de Marsilio Ficino - ou présumé tel, car certains doutent de son existence tout court), mais qui avaient une nature totalement différente. Les soi-disant “académies” du XVe siècle ne poursuivaient pas de fins didactiques, elles n’avaient pas de caractère officiel, mais avaient plutôt pour objectif de diffuser un certain type de culture: je préfère toutefois ne pas entrer dans les détails et, le cas échéant, reporter l’étude approfondie du sujet à un prochain article. Les Académies telles que nous les concevons plus ou moins aujourd’hui sont plutôt nées au XVIe siècle: ce sont les académies italiennes du XVIe siècle, notamment l’Accademia delle Arti del Disegno et l’Accademia di San Luca à Rome, qui ont inspiré les fondateurs de l’Académie Royale. L’“institutionnalisation de l’idée d’Académie” n’a donc pas eu lieu dans la France du XVIIe siècle, mais dans l’Italie du XVIe siècle.
  • 5. Les“cercles néo-platoniciens” sont “des lieux où les artistes, qui ne sont pas seulement peintres mais aussi graveurs, sculpteurs, dessinateurs, parviennent à échapper au pouvoir central qui les opprime en quelque sorte”. D’emblée, les cénacles du XVe siècle ne rassemblent pas seulement des artistes, mais des intellectuels de toutes sortes: poètes, historiens, hommes de lettres, philosophes. Marsilio Ficino lui-même était philosophe. Par ailleurs, il n’est pas du tout vrai que les artistes qui fréquentaient les cénacles intellectuels de l’Italie du XVe siècle étaient “opprimés par le pouvoir central” (à supposer que l’on puisse comparer l’exercice du pouvoir dans la France du XVIIe siècle avec celui de la Florence médicéenne), bien au contraire: ils travaillaient souvent précisément grâce à la protection d’un seigneur. Marsilio Ficino lui-même a été subventionné par Cosimo de’ Medici pour mener à bien ses études, et pensons à la vaste gamme d’artistes qui, dans la Florence du XVe siècle, ont travaillé grâce aux commandes des Médicis.

Après avoir terminé l’histoire du Salon, j’ai décidé d’arrêter de regarder la “conférence” de Goldin: j’en avais assez. On se demande comment il est possible qu’une personne qui parle devant un public aussi vaste (le théâtre, comme on peut le voir sur les plans, était plein) et qui organise des expositions qui attirent des milliers de visiteurs, arrive à truffer un discours somme toute banal, linéaire, presque encyclopédique, d’inexactitudes aussi grossières. Il faut tout de même reconnaître que réussir à faire cinq erreurs en six minutes, sur un sujet qui n’est finalement pas si compliqué que l’histoire d’une exposition, demande un certain effort... ! Dommage que cela ne fasse pas de lui un bon vulgarisateur. Même si je suis persuadé que, même après avoir lu cet article et peut-être même après avoir regardé sa “conférence”, il y aura encore beaucoup de gens qui continueront à penser qu’il l’est.


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