DossoDossi avait une imagination débordante : sa fantaisie, sa versatilité, son ingéniosité et sa fantaisie sont parmi les plus célèbres de l’histoire de l’art, et peu de gens à son époque ont été capables d’approcher son imagination visionnaire. Un mythe, un texte littéraire, un épisode biblique devenait pour Dosso Dossi une source d’innombrables indices, suggestions, fantaisies qu’il déversait sur ses toiles, sur ses panneaux, sur tous les produits de son pinceau extravagant. Mauro Lucco l’a défini comme un peintre doté d’une “capacité qui a quelque chose de magique, de sorcier”. Un peintre sorcier : c’est ainsi que l’on pourrait qualifier cet artiste magique. De son vrai nom Giovanni Luteri, il est né vers 1487, peut-être à Tramuschio, entre Mantoue et Ferrare, ou peut-être à San Giovanni del Dosso, village alors connu sous le nom de Dosso Scaffa (d’où son nom), également dans les environs de Mantoue. On ne sait rien de ses premières années, car le premier document le concernant date de 1512, et à cette date chronologique, il était déjà un artiste reconnu, capable de recevoir une commande du marquis Francesco II Gonzaga. Mais dès l’année suivante, il se trouve à Ferrare, ville à laquelle il est étroitement lié : c’est là, à la cour des Este, que Dosso développe son flair de sorcier, c’est là qu’il se plonge dans la lecture des classiques et des contemporains (surtout l’Arioste), c’est là que son pinceau s’imprègne de cette culture de cour qui fait que ses tableaux apparaissent souvent à peine déchiffrables. Sprezzatura traduite en images. Des œuvres réservées à quelques-uns.
Ses œuvres les plus célèbres sont nées à Ferrare. L’Apollon et Mélissa de la Galleria Borghese de Rome, la Psyché abandonnée, le cycle de l’Enéide et les tableaux de la mandole, tous exécutés pour Alphonse Ier, l’Hercule chez les Pygmées, peut-être la Circé de la National Gallery de Washington, certainement le Jupiter et Sémélé qui est réapparu sur le marché il y a quelques années. Et cette liste ne comprend pas le Jupiter peintre de papillons , qui est l’un des tableaux les plus importants de toute la production de Doss, bien qu’il soit peu connu parce qu’il est conservé dans un lieu peu habituel pour les amateurs d’art, à savoir le château royal du Wawel à Cracovie. Le public italien a toutefois eu l’occasion de la voir à quelques reprises : l’exposition Dosso Dossi. Rinascimenti eccentrici al Castello del Buonconsiglio, organisée à Trente en 2014 sous la direction de Vincenzo Farinella, puis l’exposition, également en 2014, sur l’Este à Venaria Reale sous la direction de Stefano Casciu et Marcello Toffanello, et enfin, dix ans plus tard, la grande exposition Il Cinquecento a Ferrara. Mazzolino, Ortolano, Garofalo, Dosso au Palazzo dei Diamanti de Ferrare, du 12 octobre 2024 au 16 février 2025, sous la direction de Vittorio Sgarbi et Michele Danieli.
Le tableau se trouve en Pologne depuis 1888, lorsqu’un collectionneur polonais, Karol Lanckoroński, l’a acheté lors de la vente aux enchères d’œuvres de la collection de l’Autrichien Daniel Penther, qui s’est tenue à la galerie d’antiquités Miethke. Pendant longtemps, elle est restée l’une des pièces maîtresses de la collection familiale conservée au palais de la Jacquingasse à Vienne, où se trouvait une galerie consacrée à la peinture italienne. Comme beaucoup de biens appartenant à la noblesse polonaise, le Chasseur de papillons Jupiter a également subi les vicissitudes de la Seconde Guerre mondiale, bien qu’il en soit sorti indemne : Confisqué par les nazis au moment de l’Anschluss, il fut retrouvé à la fin du conflit par le Monuments Man, comme tant d’autres œuvres d’art, dans la mine d’Altaussee qui avait servi de cachette aux trésors pillés par les nazis pendant la guerre. Le tableau est ainsi restitué à la famille Lanckoroński en 1947 : Anton, le fils de Karol, décide de faire don de l’œuvre au Kunsthistorisches Museum de Vienne en échange de l’autorisation d’exporter une partie de la collection familiale. Cependant, quelques années plus tard, une héritière, Karolina Lanckorońska, est redevenue propriétaire du tableau à l’issue d’un procès : un tribunal a jugé que le don d’Anton avait été fait sous la contrainte. Et par décision de son propriétaire, le tableau a été donné à la collection du château de Wawel après la fin du litige. C’est grâce à ces longues vicissitudes historiques que le chef-d’œuvre de Dosso Dossi est là aujourd’hui.
La première preuve certaine remonte à 1659, bien que l’œuvre soit déjà loin de Ferrare : elle se trouve alors à Venise, dans la collection du comte Widmann. C’est là qu’elle fut vue quatre ans plus tard par l’homme de lettres Giustiniano Martinioni, qui, décrivant la collection du noble, déclara : “par Dossi on voit un Jupiter, peignant des papillons, avec la Vertu, qui demande une audience, empêchée par Mercure. La fable est de Luciano, mais très bien exprimée par le peintre”. Il est cependant certain, même en l’absence de certains documents, que le tableau, en raison notamment des dimensions et de la complexité du sujet, a été commandé par Alphonse Ier d’Este, bien que nous ne sachions pas à quelle résidence ducale il était destiné : peut-être à la Delizia del Belvedere, comme l’a supposé Vincenzo Farinella, ou aux loges de la Via Coperta, où elle aurait rejoint les “9 tableaux à la mandole” que Dosso a peints pour la chambre à coucher d’Alphonse Ier. Cependant, la culture qui anime ce tableau est incontestablement celle de Ferrare.
Dans un paysage boisé, avec un village à l’arrière-plan (on le voit en bas à droite), Jupiter, à gauche, s’applique à peindre des papillons sur une toile déjà fixée au chevalet et déjà préparée. Il peint avec aisance, avec assurance : ses jambes, à peine cachées par sa tunique cramoisie, sont croisées, son regard est absorbé, inspiré, sa tête légèrement inclinée en signe de concentration. Ses outils de travail - des éclairs - sont posés sur le sol. Derrière lui, Mercure, reconnaissable au pétase (le casque), au caducée qu’il tient dans sa main gauche et aux chaussures ailées (notons la bizarrerie de Dosso qui place de véritables ailes de colombe aux pieds du dieu), adresse un geste harpocratique, un geste de silence, à la jeune femme derrière lui, toute parée de guirlandes de fleurs. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le texte littéraire d’où est tirée cette image singulière était attribué au Grec Lucien de Samosate, comme le montre d’ailleurs la description de Martinionio. En réalité, la source de Dosso Dossi est le dialogue Virtus de Leon Battista Alberti, qui faisait partie de la collection Intercenales. L’histoire raconte comment la Vertu, la jeune fille représentée à droite dans le tableau, demande à être reçue par Jupiter, alors qu’elle est contrainte de subir les humiliations de la Fortune. Contrainte de passer par une longue antichambre, éprouvante et mortifiante, alors qu’elle est sur le point d’être reçue par Jupiter (aucun des autres dieux ne l’a en effet reçue), elle est renvoyée avec mépris par Mercure, qui lui ordonne de se taire parce que Jupiter n’est pas disposé à l’écouter. “On dit que les dieux doivent faire fleurir les courges à temps ou veiller à rendre plus colorées les ailes des papillons”, dit la Vertu dans le texte d’Alberti. “Mais comment se fait-il qu’ils aient toujours des affaires plus importantes à régler pour me tenir à l’écart et ne pas s’occuper de moi ? Pourtant, les courges ont fleuri, les papillons volent magnifiquement, le paysan a veillé à ce que les courges ne meurent pas de soif, mais je ne me soucie ni des dieux ni des hommes”.
La fable n’est rien d’autre qu’une métaphore pour signifier que l’on ne cultive pas la vertu lorsqu’on s’adonne à des activités frivoles, mais en réalité, certains éléments éloignent la peinture de Dosso Dossi du texte de Leon Battista Alberti. L’artiste réalisera par la suite, vers 1531, une autre œuvre sur le même thème, pour le cardinal Bernardo Clesio au Castello del Buonconsiglio de Trente : ici, cependant, la scène, plus conforme au texte, est différente. En effet, Jupiter n’apparaît pas dans le tableau et la Vertu est représentée en position de supplication, à l’exception de la porte du palais de l’Olympe qui lui est fermée au nez par Mercure. L’interprétation libre de la source littéraire par Dosso Dossi a donc raisonnablement conduit les spécialistes à remettre en question le sens de l’allégorie, l’élément Jupiter peignant des papillons étant le fruit de l’imagination débordante, bizarre et visionnaire de l’artiste. L’un des plus grands historiens de l’art de tous les temps, Julius von Schlosser, écrivait déjà en 1900 qu’il n’était pas difficile de comprendre pourquoi Dosso avait pris de telles libertés : tout comme les poètes, les artistes font appel à leur imagination, et la référence aux papillons dans le texte d’Alberti aurait suffi à inspirer le portrait absurde de Jupiter en peintre. Bien des années plus tard, en 1978, son idée sera reprise par Paul Barolsky, selon lequel il serait risqué de vouloir attribuer une signification excessivement intellectuelle au Jupiter peintre de papillons, à lire plutôt comme un essai sur l’espièglerie et l’imagination de Dosso Dossi. Cependant, nombreux sont ceux qui continuent à chercher le sens de l’œuvre, insatisfaits à l’idée de la considérer comme une simple naissance imaginative pour elle-même. Quelle est donc la signification du tableau ?
En 1964, Friderike Klauner a identifié Jupiter comme l’allégorie de la créativité, Mercure comme l’allégorie du mécénat et la Vertu comme la capacité des êtres humains à résister à la fortune. En ce sens, Mercure jouerait le rôle central dans le tableau : c’est lui qui protège l’artiste des éventuelles chutes que la vertu peut rencontrer. Selon Jan Ameling Emmens , le tableau n’est qu’une satire politique des événements qui se sont déroulés en 1529 (il faudrait donc accepter une date assez tardive du tableau, qui a été daté en dernier lieu vers 1524). Dans ce cas, François Ier serait symbolisé par Jupiter, qui n’écoute pas son allié (Vertu, symbole de Ferrare), repoussé par un courtisan (Mercure). Maurizio Calvesi, en 1969, a proposé une analogie entre la peinture et l’alchimie dans le tableau : elle a été peu suivie. En 1982, Gottfried Biedermann suggère de lire dans le tableau une allégorie du printemps : la figure féminine serait alors Flora, déesse de la belle saison. Toujours en 1984, André Chastel propose d’identifier la jeune femme à la Rhétorique, en raison de ses guirlandes de fleurs, élément souvent associé à cet art. L’éloquence, selon cette lecture, tenterait de s’imposer à l’art (Jupiter), mais Mercure, qui prend ici les traits d’Harpocrate, dieu du silence, l’avertit de ne pas se mêler de l’art silencieux de la peinture, qui parvient à réaliser d’extraordinaires miracles sans l’usage de la parole. Dosso Dossi, selon Chastel, a ainsi abordé à sa manière le thème de la comparaison des arts, le défi, qui a préoccupé de nombreux intellectuels du XVIe siècle, de savoir quel était le premier des arts. En 1992, Giorgia Biasini a repris la lecture de Chastel en y ajoutant quelques éléments : la femme, selon elle, pourrait être identifiée à Iris, la déesse de l’arc-en-ciel (qui apparaît d’ailleurs dans le paysage). Dans Jupiter, en revanche, on pourrait reconnaître, en raison de sa haute caractérisation, un portrait d’Alphonse Ier, le probable commanditaire de l’œuvre, qui serait ainsi célébré ici en tant que mécène.
Plus tard, en 1998, Luisa Ciammitti a noté que le monochrome de Buonconsiglio a un développement plus nettement narratif que la peinture polonaise, et a suggéré que la toile devrait être liée à un volume influent d’Andrea Alciati, l’Emblematum Liber, publié en 1531, mais qui a circulé sous d’autres formes déjà une dizaine d’années plus tôt. Selon Ciammitti, Dosso Dossi aurait ponctuellement repris certains éléments des descriptions allégoriques d’Alciati, mais sans proposer de nouvelles lectures de l’iconographie globale. Parmi les propositions les plus récentes, citons celle de Giancarlo Fiorenza (2008), qui reprend le thème de la jeune fille comme allégorie du printemps (plus précisément, de la fin du printemps, et pour cette raison, elle serait triste). Mercure, par son geste, est chargé de fermer le printemps pour permettre le transit vers l’été : il est le symbole du mois de mai. Jupiter, enfin, personnifierait l’été, et plus précisément le mois de juin, associé aux papillons. Selon Marco Paoli, les papillons doivent également être lus dans un sens allégorique, comme un symbole traditionnel de l’âme, et en particulier de “l’âme libérée du corps par le sommeil ou la mort” : Jupiter est en effet représenté avec les yeux fermés. Jupiter, par essence, serait en train de rêver : selon cette lecture, Mercure le protégerait donc du réveil, provoqué par la présence de la femme, identifiée dans ce cas comme l’Aurore. Le dieu, en somme, interdit à l’Aurore d’illuminer le ciel et de réveiller Jupiter. Reprenant cette lecture, le polonais Marcin Fabianski a établi en 2015 un curieux lien au XVIe siècle entre... Ferrare et Cracovie : en 1518, Sigismond l’Ancien épouse à Cracovie la duchesse de Bari, Bona Sforza, fille du duc de Milan, Gian Galeazzo Sforza. Le roi de Pologne épouse ainsi la nièce d’Anna Maria Sforza, épouse d’Alphonse Ier jusqu’à sa mort en 1497. À l’occasion de ce mariage, l’humaniste Kaspar Ursinus Velius organise un concours poétique entre la Pologne et le “reste du monde”, dirions-nous aujourd’hui. Dans ce contexte, Ursinus lui-même écrivit un poème dans lequel il comparait Sigismond à Jupiter, racontant comment Mercure avait tiré le roi du sommeil en inondant la chambre de la lumière apportée par l’Aurore. Selon Fabianski, cette idée a été apportée à Ferrare par Celio Calcagnini, humaniste et diplomate de la cour des Este, et aurait en quelque sorte chatouillé la fantaisie de Dosso.
Une autre lecture récente (2014), celle de Vincenzo Farinella, est plus articulée. Il propose de se concentrer sur l’arc-en-ciel derrière Jupiter, “qui doit être compris”, écrit-il, “non pas comme un attribut du dieu, mais comme un élément de sa personnalité”.non pas comme un attribut du dieu, un signe astrologique, un symbole de paix ou un simple événement météorologique, mais comme la représentation de ces “phénomènes” célestes qui, selon Philostrate, “peignent” la voûte creuse du ciel“. Ainsi, à un premier niveau de signification, ”nous nous trouvons face à une véritable glorification de l’art de la peinture, à travers l’assimilation du peintre à la divinité païenne suprême". Marialucia Menegatti est également d’accord avec Farinella dans le catalogue de l’exposition Rinascimento a Ferrara: “Le Jupiter, le cryptor-portrait d’Alfonso, doit certainement être lu comme un éloge de l’art de la peinture et en même temps comme une justification des intérêts du duc, amoureux des arts textiles et, selon les sources anciennes, lui-même peintre”. Comme Farinella l’avait déjà souligné, “les sources ne soulignent pas seulement ses habitudes très particulières de travail manuel dans les ateliers spécialement construits dans le palais, où Alfonso pouvait mettre à l’épreuve ses compétences de fondre des métaux, de travailler le bois au tour, de modeler des céramiques d’argile, mais aussi le désir du duc de peindre lui-même, puisqu’en 1493, à l’âge de dix-sept ans, il avait demandé à l’ambassadeur d’Este à Venise de récupérer des couleurs de grande qualité”. Une grande allégorie, en somme, de l’otium auquel s’adonnait le duc pour pouvoir se consacrer aussi aux activités alchimiques qui le passionnaient. L’arc-en-ciel, dans cette lecture, devient le pont entre le ciel et la terre, les papillons sont les substances créées par l’alchimiste, et Mercure la divinité qui préside à l’alchimie, éloignant l’alchimiste (le Jupiter-souverain) des tourments de la vertu, qui lui rappelle ses engagements.
Au-delà des diverses interprétations, dont aucune n’a jamais clarifié le sens ultime du tableau, qui est encore loin d’être dissous (et ne le sera probablement jamais), le Jupiter peintre de papillons de Dosso Dossi conserve sa fascination. En attendant, l’œuvre reste un exemple de la virtuosité technique de Dosso Dossi : il modèle ses figures avec des ombres subtiles, réalise d’excellents contre-jours (regardez la figure de Jupiter lui-même), donne au spectateur des sensations tactiles en rendant les vêtements (regardez les plis froissés de la robe de Vertu), s’amuse à iriser habilement les vêtements et peint le paysage en rappelant sa passion pour la peinture de Giorgione. L’œuvre peut être datée, selon la critique la plus récente, d’une période autour de 1524 car le Jupiter peintre de papillons est un tableau qui marque l’apogée de la première phase de la carrière de Dosso, mais il se situe en marge de l’arrivée de Giulio Romano à Mantoue, qui aura un impact sur l’art de son collègue travaillant à Ferrare, ce qui n’est pas encore visible dans la peinture polonaise. Par ailleurs, l’enchantement de ce tableau ne réside pas seulement dans son sujet singulier, abordé avec une singulière maîtrise par Dosso Dossi, mais aussi dans l’énigme même que l’œuvre renferme. Et qu’elle ne veut pas révéler. Pour ces raisons, nous sommes enclins à considérer qu’il s’agit d’un tableau magique comme il y en a peu.
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