Savoldo incognito au Palais des Diamants


La récente exposition sur le XVIe siècle à Ferrare, organisée par Vittorio Sgarbi et Michele Danieli, a de nouveau attiré l'attention sur la Pala Da Varano, autrefois attribuée à Dosso. L'exposition renforce toutefois la possibilité d'une attribution à un autre artiste : Savoldo.

La récente exposition sur le XVIe siècle à Ferrare, organisée par Vittorio Sgarbi et Michele Danieli, a de nouveau attiré l’attention sur la Vierge à l’Enfant en gloire, les anges musiciens et les saints Paul, un saint, Matthieu, Catherine d’Alexandrie et Pierre (fig. 1), provenant de la chapelle da Varano de l’église Santa Maria in Vado et conservée au palais archiépiscopal de Ferrare depuis 1945. Le retable présente une composition bipartite verticale : dans le bandeau supérieur, la Vierge tenant son fils est entourée d’un concert d’anges allongés en demi-cercle au-dessus d’une couverture nuageuse qui rappelle la Madone de Foligno de Raphaël et la Madone et l’Enfant dans la Gloire et les Anges de l’Ortolano conservés à Bologne .Dans le bandeau inférieur, une disposition symétrique non différente implique les cinq saints - au premier plan Paul, Matthieu et Pierre, entre les épaules desquels émergent les visages des deux femmes, dans une analogie évidente avec l’Extase de sainte Cécile (fig. 2) - tournés vers l’apparition divine, à l’exception du saint inconnu qui a l’intention de les fixer directement.

La toile est exposée et répertoriée comme une œuvre “déjà attribuée à Giovanni Luteri dit Dosso” et exécutée entre 1515 et 1519, mais dans le texte du catalogue, elle est retenue parmi les œuvres du maître1. Cette contradiction démontre la difficulté persistante de prendre position sur l’attribution formulée en 1981 par Carlo Volpe2, reprenant une notation de Cesare Cittadella de la fin du XVIIIe siècle qui identifiait le retable comme l’une des premières œuvres de Luteri. À vrai dire, cette reconnaissance, partagée ensuite par Sgarbi3, a été l’aboutissement d’un parcours rendu tortueux par les différences stylistiques constatées par rapport aux œuvres d’auteur plus certain de Doss, à la lumière desquelles la littérature locale avait déjà dérapé. La littérature locale avait déjà déréférencé la toile comme œuvre scolaire et Amalia Mezzetti l’avait omise de sa reconnaissance4; Alessandro Ballarin5, lui aussi, dans sa tentative de faire du retable de Varano le point de passage fondamental entre le groupe de jeunes réunis par Longhi et les œuvres de sa maturité, se serait déplacé sur un terrain accidenté. Après la reconsidération des années de formation de Luteri effectuée à l’occasion des expositions de Ferrare, de New York et de Los Angeles et culminant, d’une part, dans l’anticipation à 1513 du début de l’exécution du retable central du polyptyque Costabili avec Garofalo et, d’autre part, dans le retrait du catalogue de l’œuvre de l’architecte, l’œuvre de Longhi devait être considérée comme le “point clé de transition” entre le groupe de jeunes réunis par Longhi et les œuvres de sa maturité.D’autre part, dans l’expulsion du catalogue d’une grande partie du groupe de Longhi, les aspérités rencontrées par les études antérieures sur le retable conduiront plus tard Mauro Lucco6 à récuser son attribution à Dosso au profit d’un “anonyme de la vallée du Pô”. Dans ce contexte, la comparaison avec la Madonna di San Sebastiano (fig. 3) de Luteri proposée par la récente exposition confirme définitivement combien les profondes différences linguistiques qui les séparent rendent indéfendable l’attribution du retable de Santa Maria in Vado au même auteur.

Giovanni Girolamo Savoldo, Vierge à l'Enfant en gloire, anges musiciens, saints Paul, Matthieu, Pierre et deux saints (vers 1515-1519 ; huile sur toile, 233 x 146 cm ; Ferrare, palais de l'archevêque)
1. Giovanni Girolamo Savoldo, Vierge à l’Enfant en gloire, anges musiciens, saints Paul, Matthieu, Pierre et deux saints (vers 1515-1519 ; huile sur toile, 233 x 146 cm ; Ferrare, Palais archiépiscopal).

L’élément le plus frappant qui distingue le retable de Varano de celui peint par Luteri pour la cathédrale de Modène est l’absence presque totale de paysage, sur lequel l’artiste a exercé ses audacieuses recherches luministes et météorologiques dans la lignée de Giorgione et du Titien, donnant voix à un lyrisme enflammé. Dans la Vierge à l’enfant et les saints de Ferrarese, on assiste en effet à une inversion complète du rapport de domination et d’absorption de la figure par la nature qui caractérise les premiers petits formats de Luteri, dont témoignent dans l’exposition des œuvres significatives comme la Zingarella di Parma et les Viaggiatori nel bosco di Besançon, et qui trouve ensuite un équilibre dans la Madone de Saint-Sébastien de la maturité, sur le site Internet . Dans la toile de Santa Maria in Vado, les corps recroquevillés des saints érigent au contraire un mur massif pour faire écran à la ville que l’on entrevoit à peine à leurs côtés, faisant écho au bandeau inférieur de la Sainte Cécile de Raphaël avec une fidélité introuvable - ce qui n’avait pas empêché Volpe lui-même d’en faire un tableau. qui n’avait pas empêché Volpe lui-même d’être surpris, même dans une œuvre dosserienne marquée par une fascination pour la Madone de Foligno et les salles du Vatican, comme l’Apparition de la Madone et de l’Enfant avec les saints Jean-Baptiste et Évangéliste de Codigoro aux Offices. À cet égard, il convient de noter qu’une disposition bipartite similaire à celle du retable anime également l’esquisse d’un Couronnement de la Vierge qui apparaît au dos de la toile et qui est confiée à une reproduction difficilement lisible7. Le bandeau supérieur s’inspire de modèles florentins - Beato Angelico, Botticelli, Ghirlandaio - tandis que la pose sculpturale du saint qui se détache au centre du bandeau inférieur dans la même position que saint Matthieu s’inspire de l’Argo peint à fresque par Bramantino au Castello Sforzesco ; autant de références qui n’étaient sans doute pas à la portée du jeune Dosso.

Si le retable de Varano et le retable de Saint-Sébastien semblent unis par une même recherche de monumentalité dans la disposition et le rendu volumétrique des figures, en revanche, à y regarder de plus près, ces dernières sont décrites de manière bien différente : Exaltés par leurs membres athlétiques et classiquement proportionnés, soulignés encore plus par leurs poses héroïques, les personnages à moitié nus du retable de Modène ; beaucoup plus compacts et simples sont les trois saints du premier plan du retable de Ferrare dont la solidité, déjà notée par Volpe, semble se fonder d’abord sur la générosité du drapé plutôt que sur la puissance intrinsèque des corps enveloppés, qui sont d’ailleurs surdimensionnés par rapport à la petitesse des visages. Un autre facteur de différenciation décisif coïncide précisément avec l’un des traits les plus distinctifs de la personnalité de Dosso, à savoir sa direction chromatique : les tons brûlants et sulfureux du retable de Modène se dissolvent dans ceux plus habitables, bien que percés par de soudains éclairs de givre, du retable de Ferrare - voir l’humble chemise d’un vert acide saupoudré de lumière portée par saint Paul, placée dans une nuance contrastée, étrangère à tout tonalisme, avec l’orange terreux des manteaux de Lucia et de Pietro. À cet égard, le retable de Santa Maria in Vado, dans lequel les mêmes teintes réapparaissent d’une figure à l’autre, semble marqué par une plus grande parcimonie de moyens que l’opulence du retable de San Sebastiano, qui fait étalage des potentialités de la couleur vénitienne éclairée par une flamme intérieure. Dans le retable de Ferrare, en revanche, une sensibilité luministe, si possible encore plus subtile que celle déjà aiguë de Dosso, se manifeste dans l’œuvre, comme le révèle l’ombre qui traverse proprement, sans raison apparente, le visage de Matthieu pour se répandre plus doucement sur le front ridé, la bouche et les joues du vieux Pierre. Il y a très peu de vénitien, mais beaucoup de flamand dans cette utilisation investigatrice de la lumière latérale et tout autant de lombard, ou plus précisément de milanais, dans le dialogue pressant entre la lumière et l’ombre.

Raphaël, Extase de sainte Cécile (1514 ; huile sur panneau transportée sur toile, 236 x 149 cm ; Bologne, Pinacoteca Nazionale)
2. Raphaël, Extase de sainte Cécile (1514 ; huile sur panneau transportée sur toile, 236 x 149 cm ; Bologne, Pinacoteca Nazionale)
Giovanni Luteri dit Dosso, Vierge à l'enfant entre les saints Laurent, Roch, Jean-Baptiste, Sébastien et Job, dite Vierge à saint Sébastien (1518-21 ; huile sur panneau, 272 x 190 cm ; Modène, Basilique métropolitaine de Santa Maria Assunta)
3. Giovanni Luteri dit Dosso, Vierge à l’enfant entre les saints Laurent, Roch, Jean-Baptiste, Sébastien et Job, dite Vierge à saint Sébastien (1518-21 ; huile sur panneau, 272 x 190 cm ; Modène, Basilique métropolitaine de Santa Maria Assunta)

Si le retable de Varano ne peut être inclus dans le catalogue de Dosso, la comparaison proposée dans l’exposition avec l’Apparizione della Madonna col Bambino ai santi Giovanni Evangelista e Giovanni Battista alla presenza di Ludovico Arrivieri e della moglie del Calzolaretto (1522), à qui la toile a été attribuée par Giuliano Frabetti, ne vaut que par la relativisation des points communs entre les “faciès chromatiques” et les “faciès des faciès chromatiques” et les “faciès des faciès chromatiques”, et entre les “faciès des faciès chromatiques” et les “faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès des faciès”.Le “faciès chromatique” et la "structure compositionnelle serrée sans aucun artifice scénique"8 - en vérité appliqués de manière plus rigoureuse dans le retable de Santa Maria in Vado et plus probablement suggérés à Cappellini par le retable de Codigoro - ne sont que relativisés.

Pour rechercher la paternité du tableau en question, il semble opportun, à ce stade, de revenir sur les chemins vers d’autres directions que Ferrare qui ont déjà été tracés et immédiatement interrompus pour tenter d’assurer - au milieu d’apories de nature également chronologique, comme si la peinture bresciane des années 1920 pouvait expliquer la peinture ferraraise de la décennie précédente - une convergence avec la voie encore largement obscure empruntée par le jeune Dosso. C’est Volpe lui-même, sur les traces de Longhi, qui suggère une “amitié mentale entre le Ferrarais et le Brescian Moretto”, marquée par un "penchant dévotionnel commun et sincère, à la fois ancien et sincère"9 qui englobe Ballarin a suivi ces indications en enregistrant dans la Pala da Varano la rencontre de Luteri avec "l’originalité d’une culture de la vallée du Pô différente de celle de la lagune"11. À l’inverse, la toile a été exposée lors de l’exposition sur Giovanni Gerolamo Savoldo en 1990 comme "précédent stimulant"12 pour les œuvres sacrées du peintre brescian, tout en maintenant l’attribution à Dosso. Enfin, selon Lucco, l’auteur padouan anonyme de la toile avait "des connaissances allant de Ferrare, à Mantoue, à Crémone, et peu ou pas de Giorgionesco et de Titianesque dans son bagage"13, caractéristiques qui l’éloignent du responsable du “groupe Longhi”, identifié comme Sebastiano Filippi, qui s’occupait du “groupe Longhi”.Le chercheur a également reconnu la même main dans uneAscension du Christ avec les douze apôtres sur panneau, alors dans une collection privée, puis acquise en 2005 par la Fondazione Carife pour la Pinacoteca Nazionale de Ferrare (fig. 4), suggérant au passage une juxtaposition significative avec une Tête d’homme du musée de Beaux-Arts de Dijon attribuée à Savoldo.

Les deux tableaux exposés au Palais des Diamants sont en effet unis par une composition divisée en deux bandes horizontales, qui oppose dans le panneau la raréfaction céleste des anges entourant le Christ ressuscité à la foule des disciples, constructivement semblable à celle du retable mais expressivement plus animée.Le rythme et la disposition sont proches de l’Assomption de Rosso dans le Chiostrino dei Voti, commandée en 1513. Mais les disciples du panneau semblent beaucoup plus rustiques et ancrés dans le sol lombard que leurs homologues lagunaires et florentins, de même que les cinq saints du retable de Varano semblent être des figurants pris dans la mise en scène de l’Extase de Raphaël lors d’une fête de village. Dans l’Ascension, en revanche, la recherche de grandeur qui sous-tend le retable du palais archiépiscopal semble s’être atténuée en raison de la taille réduite du panneau et des dimensions plus modestes que les figures prennent par rapport à l’espace - signe possible d’une plus grande distance par rapport au premier impact avec sainte Cécile et d’une influence de Mazzolino -, libérant une lueur suffisante sur la marge gauche pour qu’une bande de paysage puisse s’ouvrir. Celle-ci est investie par une lumière éblouissante qui fait fondre les formes, plus proche de l’effritement des ruines à l’arrière-plan de l’ancien portrait de Cesare Borgia par Altobello que du feu d’artifice tiré dans le brouillard par Dosso.

Plutôt que de réitérer des digressions déjà entreprises en vain ou de faire remonter la rencontre de Dosso avec Savoldo au moment du Pala da Varano, la double confrontation mise en scène au Palazzo dei Diamanti nous incite à sortir de l’impasse et à proposer une attribution explicite des deux tableaux au Palazzo da Varano.l’attribution explicite des deux tableaux au peintre brescian, conforté en cela par les relations avec la cour d’Este révélées par Vincenzo Farinella en 2008 avec la publication d’un paiement reçu par Savoldo le 2 février 1515 pour avoir vendu trois figures non précisées à Alphonse Ier14.

Il est en effet possible de discerner dans les deux œuvres de Ferrare, plus clairement encore que dans le groupe d’œuvres rassemblées avant le Retable de San Nicolò de 1521, certaines anticipations significatives des œuvres de la maturité de Savoldo. Au niveau de la composition, la "grandiose disposition spatiale"15 du retable de San Domenico di Pesaro (fig. 5) à Brera peut être interprétée comme une simplification du retable de Varano, où l’élimination de la figure centrale et la disposition symétrique des quatre saints ouvrent la vue sur le célèbre paysage marin, une brèche qui se refermera bientôt dans le retable de Santa Maria in Organo. Le choix de Savoldo d’une composition divisée entre un niveau terrestre et un niveau céleste, contrairement aux indications des mécènes dominicains qui étaient encore liés à la formule de la Vierge trônant entourée de saints, peut donc révéler non seulement une réaction au retable Gozzi de 1520 de Titien pour l’église San Francesco d’Ancône, mais aussi une volonté de reprendre et de faire évoluer le modèle ferrarais qui avait fait ses preuves. C’est ce que semble indiquer la licence demandée et obtenue pour ajouter un deuxième ange musicien à “l’ange qui soni uno violone”, peut-être prévu dans le contrat au pied du trône comme dans le retable de San Nicolò, projetant de trois quarts le profil de l’ange droit de la toile de Ferrare, reproduisant le raccourcissement vers le haut de la tête qui, dans les deux cas, est légèrement sous-dimensionnée par rapport au corps. Ce trait morellien distingue également le même ange musicien du retable de San Nicolò qui, rappelons-le, est selon toute probabilité la seule invention autonome de Savoldo à l’intérieur de la composition préparée par Pensaben. Par ailleurs, dans le bandeau inférieur du retable de Pesaro, Pierre et Jérôme sont représentés dans des poses presque superposées à celles de Pierre et Paul du retable de Varano, avec lequel ils partagent également les draperies superposées aux tonalités chromatiques consonantes.

Outre le retable ferrarais lui-même, un terme de comparaison compositionnelle pour l’Ascension peut être trouvé dans la Crucifixion autrefois à Monte Carlo, aujourd’hui dans la collection Alana à Newark et attribuée à Savoldo par Mina Gregori avec une date dans la première moitié de la deuxième décennie16 (fig. 6), qui semble similaire au panneau en raison de la taille plus petite des figures par rapport à la surface peinte, de la participation sincère mais mesurée des spectateurs à l’événement et de la même sensibilité météorologique - plus lombarde que ferraraise ou vénitienne - qui se concrétise dans l’amoncellement orageux de nuages sur la droite. Les modules des figures plus allongées par rapport au Retable de Varano, bien que liés aux têtes également petites, peuvent en revanche représenter un écho des exemples brescians à l’aube de la deuxième décennie, tels que les premières pièces de Romanino entre la Lamentation de l’Académie et le Polyptyque du Corps du Christ.

Un autre élément éloquent en faveur de la paternité de Savoldo sur les deux œuvres étudiées consiste en la ressemblance étroite que l’on peut déceler entre les physionomies des personnages : le Saint Pierre du retable est très proche du Nicodème de la Lamentation du Kunsthistorisches (fig. 7) et du Saint Antoine l’Ermite des Galeries de l’Accademia et pareillement sculpté “par une lumière intense” permettant "une admirable acuité optique dans le rendu de l’épiderme et de l’abondante dogie"17; la Vierge à la petite bouche, au long nez droit et au regard rêveur comme les Marie du Retable de Pesaro et de tant d’Adorations des Bergers; saint Matthieu presque jumeau du Christ de la Lamentation et désireux de goûter l’espace avec sa main droite raccourcie “à la flamande” comme le Philosophe (fig. 8) signé dans le même musée ; le vieux disciple à la barbe blanche effilochée sur la marge droite de l’Ascension, proche du saint Jérôme de Pesaro et pris dans le même raccourci vers le haut ; les deux jeunes apôtres aux cheveux épais et ébouriffés représentés de dos presque comme des études pour le même philosophe viennois.

La même sensibilité lumineuse lombarde sans équivoque met en valeur les visages des saints et des disciples de Ferrare, touchant à des réalisations véritablement pré-caravagesques - ou post-caravagesques, comme Testori l’a suggéré - dans Saint Pierre de l’Archevêché, dans l’apôtre à l’extrême droite de l’Ascension représenté à contre-jour à la Bramantino et dans la main raccourcie de l’apôtre de droite. La représentation de l’Ascension à contre-jour à la Bramantino, et dans la main raccourcie de l’apôtre à l’extrême gauche, anticipe les exploits abordés par l’artiste brescien dans les galeries de visages enveloppés de ténèbres qui peuplent la Lamentation à Vienne, le Tobiolo de la Galerie Borghèse, l’Adoration des Bergers à Turin et la Transfiguration ambrosienne. Le pagne clair-argenté du Ressuscité ne peut pas non plus être le prélude à autre chose que la robe blanche comme neige du Christ flamboyant du tableau milanais ou celle, tout aussi surnaturelle, de la Transfiguration ambrosienne.Les lueurs d’argent glacé qui s’allument sur le manteau de Paul dans le retable évoquent déjà les reflets opalins des robes de la Madeleine, qui trouvent un précédent commun dans les robes de la magicienne à droite de l’Adoration londonienne de Bramantino (1495-1500).

Giovanni Girolamo Savoldo, Ascension du Christ avec les douze apôtres (huile sur toile ; Ferrare, Pinacoteca Nazionale)
4. Giovanni Girolamo Savoldo, Ascension du Christ avec les douze apôtres (huile sur toile ; Ferrare, Pinacoteca Nazionale).
Giovanni Girolamo Savoldo, Retable de San Domenico di Pesaro (1524-1526 ; huile sur panneau, 505 x 212 cm ; Milan, Pinacothèque de Brera)
5. Giovanni Girolamo Savoldo, Pala di San Domenico di Pesaro (1524-1526 ; huile sur panneau, 505 x 212 cm ; Milan, Pinacothèque de Brera)
Giovanni Girolamo Savoldo, Crucifixion (vers 1515 ; huile sur panneau, 94 x 72 cm ; Newark, Alana Collection)
6. Giovanni Girolamo Savoldo, Crucifixion (vers 1515 ; huile sur panneau, 94 x 72 cm ; Newark, Alana Collection)
Giovanni Girolamo Savoldo, Lamentation sur le Christ mort (1513-1520 ; huile sur panneau, 72,5 x 118,5 cm ; Vienne, Kunsthistorisches Museum)
7. Giovanni Girolamo Savoldo, Lamentation sur le Christ mort (1513-1520 ; huile sur panneau, 72,5 x 118,5 cm ; Vienne, Kunsthistorisches Museum)
Giovanni Girolamo Savoldo, Un philosophe (années 1620 ; huile sur panneau, 79 x 57 cm ; Vienne, Kunsthistorisches Museum)
8. Giovanni Girolamo Savoldo, Un philosophe (années 1520 ; huile sur panneau, 79 x 57 cm ; Vienne, Kunsthistorisches Museum)
Giovanni Girolamo Savoldo, Les saints Abbé et Paul l'Ermite (panneau, 165 x 137 cm ; Venise, Galerie de l'Accademia)
9. Giovanni Girolamo Savoldo, Saints Abbé et Paul l’Ermite (panneau, 165 x 137 cm ; Venise, Gallerie dell’Accademia)

L’attribution peut enfin rendre davantage justice aux fréquentations de Savoldo à Ferrare que les Saints Paul et Antoine Ermites de la collection Manfrin des galeries de l’Accademia (fig. 9). En fait, le paiement de 1515 anticipe un peu le placement temporel probable du retable de Varano, que nous aimerions imaginer, comme Volpe l’a fait lorsqu’il a peint l’Extase de sainte Cécile, en 1516. L’absence d’autres références au peintre dans les archives ducales, avec lesquelles Francesco Frangi18 affirmait le caractère épisodique de la relation avec Alphonse, n’exclut pas non plus sa présence plus assidue dans la ville d’Este, puisqu’il s’agit manifestement de commandes privées. D’autre part, Mina Gregori, traitant de la Crucifixion primitive, y voit les signes d’un passage à Ferrare comme un détournement de la route entre Parme et Florence, où Savoldo est documenté en 1506 et 1508 respectivement, et Mantoue, pour laquelle, selon l’érudit, le panneau a été exécuté. La présence dans leCouronnement de la Vierge esquissé au verso du tableau de références florentines datant de la fin du XVe siècle peut contribuer à expliquer une fréquentation de la cité des Médicis au début du siècle suivant.

Dans ce contexte, le retable de Ferrare, avec sa recherche de monumentalité stimulée par le grand format et les exemples de Raphaël et de Fra Bartolomeo, qui anticipe déjà les retables de la maturité, semble suivre les premières absolues de l’époque.L’Ascension, qui sera placée autour de l’autel d’Anvers, semble suivre les premières absolues avec un accent nettement nordique - le même tableau parisien, l’Apôtre de Besançon,Élie nourri par le corbeau de Washington, les Tentations de saint Antoine de San Diego et les deux Ermites. L’Ascension, à situer vers 1518 pour la mise à jour du retable de Frari, semble plutôt marquer la ligne de partage des eaux au-delà de laquelle l’influence lagunaire commence à pénétrer l’arrière-pays de la plaine du Pô dans lequel l’artiste bressan avait grandi, en concomitance substantielle avec les Tourments de saint Jérôme du musée Puš kin, déjà averti de l’Incarnation, déjà conscient de l’importance de l’Incarnation pour la vie de l’artiste, et déjà conscient de l’importance de l’Incarnation pour la vie de l’artiste.kin, déjà au courant de l’Incendio di Borgo que Savoldo aurait connu grâce à la caricature envoyée en cadeau à Alphonse Ier à la fin de l’année 1517 et touchée par un titisme naissant.

Quant aux différences de composition entre les deux œuvres liées à la disparité des formats, plutôt que d’aider à reconstruire une évolution stylistique linéaire, rarement évidente dans la carrière de Savoldo, elles permettent d’apprécier la diversité d’inspiration et d’ambition qui distingue toujours son “ far piccolo ”, quantitativement prépondérant dans le catalogue, des quelques exemples de “ far grande ” coïncidant avec les retables. De même, le rôle marginal auquel le village est relégué dans les deux cas, principal élément de divergence entre les peintures de Ferrare et les autres œuvres de jeunesse, peut être interprété comme un silence nécessaire pour que la vision lenticulaire flamande puisse réapparaître dans les années 1920, imprégnée d’un air qui était alors pleinement vénitien.comme une anticipation du sentiment détecté par Ballarin dans ses œuvres de maturité d’une extranéité fondamentale de l’homme à la nature, qui, même dans les visions apparemment paniques du Repos de la Fuite en Égypte , reste une toile de fond muette et impénétrable à l’investigation humaine19 - dont, à la limite, on peut même se passer.

En conclusion et sous un autre angle, le rapport des deux tableaux avec Dosso semble permettre de démêler en partie l’enchevêtrement des relations et la nature des tangences déjà constatées entre le peintre d’Este et Savoldo. Après que la réattribution de certaines œuvres attribuées au jeune Luteri ait conduit à un redimensionnement des ambiances de la vallée du Pô qui y avaient été identifiées, il semble plus opportun de retracer certaines des expériences de “vérisme” lombard menées plus tard par Dosso avec le peintre brescian. Les expériences lombardes réalisées ultérieurement par Dosso, comme la coupure sur le visage de saint Jean l’Évangéliste dans Codigoro et les masses rustiques estompées par la lumière des Sapienti20, et par Calzolaretto, comme le visage scruté par les ombres de saint Pierre dans Saint François recevant les stigmates avec saint Pierre, saint Jacques le Majeur, saint Louis de France et un franciscain. Le retable de Varano, ainsi que la collaboration avec Garofalo, peuvent également avoir renforcé l’intérêt de Luther pour les innovations romaines qui s’exprimeront quelques années plus tard, tandis que l’impact de l’interprétation originale du giorgionisme élaborée par Dosso peut avoir incité le Brescian à s’engager (ou à reprendre ?) le chemin vers des horizons plus vastes.) le chemin vers les horizons plus vastes de la lagune, où il se serait souvenu de Ferrare, créant les “aurores avec des reflets de soleil” chères à Paolo Pino.

Ce que confirment en tout cas les deux tableaux dont il est question, non sans susciter un moment d’étonnement qui explique toutes les hésitations qui ont empêché jusqu’à présent de les inclure dans son catalogue, c’est la capacité de Savoldo, dans sa jeunesse encore insaisissable de réagir à chacune des rencontres qu’il faisait - avec Raphaël, avec le Titien, avec Dosso lui-même - et de les faire siennes, en les revisitant et en les extrayant de la mémoire pour changer, de temps en temps, de peau sans toutefois, comme le dirait encore Testori, toucher au substrat profond de la matière. La certitude est que même l’addition de ces deux pièces ne suffit pas à éclairer le mystère humain, avant d’être artistique, du Brescian, ni à tracer plus modestement la ligne de partage avec Ferrare. L’espoir est de susciter de nouveaux éclairages et de nouvelles réévaluations qui permettront enfin d’intégrer la dernière pièce du puzzle, celle de l’ami frioulan commun.

Notes

1 MENEGATTI 2024, p. 302.

2 VOLPE 1982.

3 SGARBI 1982, p. 3.

4 MEZZETTI 1965.

5 BALLARIN 1994-1995, I, p. 31, 299-300.

6 LUCCO 1998.

7 BALLARIN 1994-1995, I, fig. 170.

8 FRABETTI 1972, p. 36.

9 VOLPE 1982, p. 8.

10 Ibid, p. 6.

11 BALLARIN 1994-1995, p. 31.

12 MAZZA 1990, p. 271.

13 LUCCO 1998, p. 279.

14 FARINELLA 2008.

15 FRANGI 1992, p. 58.

16 GREGORI 1999.

17 FRANGI 1992, p. 34.

18 FRANGI 2022, p. 135.

19 BALLARIN 1990.

20 FARINELLA 2008.

Bibliographie

A. Ballarin, Un profilo di Dosso (1990), in La “Salomé” del Romanino ed altri studi sulla pittura bresciana del Cinquecento, édité par B. M. Savy, Cittadella, 2006, pp. 197-216.

A. Ballarin, Dosso Dossi : La pittura a Ferrara negli anni del ducato di Alfonso I, Cittadella, 1994-1995, 2 vol.

V. Farinella, Un problematico rilievo bronzeo di Antonio Lombardo (e un documento trascurato su Savoldo a Ferrara), in L’industria artistica del bronzo del Rinascimento a Venezia e nell’Italia settentrionale, atti del Convegno, 2007, edited by M. Ceriana and V. Avery, Vérone, 2008, pp. 97-100.

G. Frabetti, I manieristi a Ferrara, Milan, 1972.

F. Frangi, Savoldo. Catalogue complet, Florence, 1992.

F. Frangi, Giovan Girolamo Savoldo : pittura e cultura religiosa nel primo Cinquecento, Cinisello Balsamo, 2022.

M. Gregori, Savoldo Ante 1521 : riflessioni per una inedita “Crocifissione”, in “Paragone. Arte”, 1999, L, 23, pp. 47-85.

M. Lucco, [Anonimo padano ( ?) 58. Vierge en gloire et anges avec les saints Paul, Matthieu, Catherine, Pierre ( ?) et un saint], in Dosso Dossi. Pittore di corte a Ferrara nel Rinascimento, catalogue d’exposition, Ferrara 26 septembre - 14 décembre 1998 ; New York, The Metropolitan Museum of Art, 14 janvier - 28 mars 1999 ; Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 27 avril - 11 juillet 1999, édité par Peter Humphrey et Mauro Lucco, 1998, Ferrara, pp. 276-280.

A. Mazza, [IV. 16 a Madonna con Bambino in gloria e i santi Matteo, Paolo, Caterina d’Alessandria e altri santa] in Giovanni Gerolamo Savoldo : tra Foppa, Giorgione e Caravaggio, catalogue d’exposition, Brescia, Monastero di Santa Giulia, 3 mars - 31 mai 1990 et Frankfurt, Schirn Kunsthalle, 8 juin - 3 septembre 1990, édité par B. Passamani, Milan, Electa, 1990, pp. 270-271.

M. Menegatti, Giovanni Luteri detto Dosso, in Il Cinquecento a Ferrara : Mazzolino, Ortolano, Garofalo, Dosso, catalogue d’exposition, Ferrara, Palazzo dei Diamanti, 12 octobre 2024 - 16 février 2025, édité par V. Sgarbi et M. Danieli, Ferrara, 2024, pp. 301-311.

A. Mezzetti, Il Dosso et Battista ferraresi, Milan, 1965.

V. Sgarbi, 1518 : Cariani à Ferrare et Dosso, in “Paragone. Arte”, 1982, XXIII, 389, pp. 3-18.

C. Volpe, Un retable du jeune Dosso, in “Paragone. Arte”, 1982, XXIII, 383-385, pp. 3-14.


Avertissement : la traduction en français de l'article original italien a été réalisée à l'aide d'outils automatiques. Nous nous engageons à réviser tous les articles, mais nous ne garantissons pas l'absence totale d'inexactitudes dans la traduction dues au programme. Vous pouvez trouver l'original en cliquant sur le bouton ITA. Si vous trouvez une erreur,veuillez nous contacter.