Raphaël selon Roberto Longhi. De l'iconoclasme précoce à la réévaluation


Le cinq centième anniversaire de Raphaël en 2020 a été l'occasion de rouvrir une grande partie de la bibliographie sur Raphaël. Y compris celle de Longhi: mais Roberto Longhi détestait-il vraiment Raphaël? Le fait est que son jugement doit être considéré sur une longue période.

Le 500e anniversaire de l’œuvre de Raphaël, qui vient de s’achever, n’a pas manqué d’occasions d’attirer l’attention du public sur la fortune critique que le peintre d’Urbino a eue pendant des siècles, presque interrompue, et, en ce sens, l’un des jugements les plus connus sur Raphaël est celui du jeune Roberto Longhi, souvent utilisé comme une sorte de crosse contre la vulgate selon laquelle tout le monde aime Raphaël, et tout aussi souvent mal compris dans le cadre de vaines tentatives de confondre le goût avec l’histoire: en d’autres termes, s’il est tout à fait légitime de ne pas aimer Raphaël et de ne pas le trouver adapté à ses propres accords, quelle qu’en soit la raison, il est difficile de ne pas reconnaître sa grandeur et sa place prépondérante au sein d’une histoire de l’art qui n’a cessé de le prendre pour modèle depuis cinq cents ans. Les considérations de Longhi sur Raphaël ne se limitent pas à cette seule incursion de jeunesse, tranchante et apparemment péremptoire, contenue dans le Breve ma veridica storia della pittura italiana, mais s’étendent sur une période de près de soixante ans qui, outre le texte de 1914, comprend d’autres passages fondamentaux. Pour retracer le Raphaël de Longhi, il convient donc de considérer au moins deux autres textes, en plus de la dispense de jeunesse, pour composer un itinéraire qui se déroule sur une période de quarante ans: l’habituelle et inoxydable Officina ferrarese, ajouts compris, et un article publié en 1955 dans le Paragone, intitulé Percorso di Raffaello giovine.

On connaît le jugement du jeune Longhi, âgé de 24 ans, qui écrit Breve ma veridica storia (Histoire brève mais véridique ) pour les élèves de sa classe de lycée, et qui est précédé de considérations tout aussi acerbes que le critique réserve à Urbino dans un article, Rinascimento fantastico (Renaissance fantastique), publié dans un numéro de La Voce en 1912, mais qui, en substance, ne sont pas très éloignées de celles que Longhi formulera deux ans plus tard. Raphaël, pour le jeune professeur d’histoire de l’art Longhi, est un “psychologue plus grossier et plus efficace” que Léonard, c’est un artiste qui “n’appartient pas précisément au rang des purs peintres mais à celui des illustrateurs graphiques des idéaux de la vie”, c’est “de la littérature figurative, pas de la peinture, digne de respect et même d’admiration seulement pour la noblesse et la dignité du choix des idéaux à illustrer par rapport à la bassesse dans laquelle tombent la plupart des illustrateurs d’aujourd’hui”. Ces paroles, qui peuvent sembler à première vue empreintes d’une profonde aversion, doivent être mises en relation, d’une part, avec les idées de Longhi sur l’art et, d’autre part, avec le climat culturel et intellectuel dans lequel écrivait le jeune Longhi. Dans l’introduction de Breve ma veridica storia (Histoire courte mais vraie), Longhi est clair: la peinture et la poésie se situent sur deux plans éloignés, qui n’ont en commun que le processus spirituel de la création, mais diffèrent dans le domaine de la réalité qui les intéresse: “tandis que le poète transfigure l’essence psychologique de la réalité à travers le langage, le peintre transfigure son essence visuelle: sentir pour l’artiste figuratif n’est rien d’autre que voir, et son style, c’est-à-dire son art, est entièrement construit sur les éléments lyriques de sa vision”. La conséquence logique de cette affirmation est la séparation de l’art et de la vie quotidienne: le sujet, pour Longhi, “n’a pas de valeur dans l’art figuratif”. Le Longhi formaliste, le Longhi purvisibiliste (et il le restera tout au long de sa carrière), le Longhi qui a donc une considération de la peinture très éloignée de la sensibilité du public d’aujourd’hui, qui, lorsqu’il observe une œuvre, est habitué à chercher des intrigues plutôt que des sens et des histoires plutôt que des harmonies de formes, de lignes et de couleurs, ne peut pas aimer Raphaël qui, selon lui, subordonne les compositions au sujet: une caractéristique qui, pour Longhi, est au fond une sorte de défaut.



Les propos sur Raphaël laissent donc transparaître l’impatience de Longhi, profondément vocal et anti-passatiste, à l’égard de cette Académie qui, pendant des siècles, a vu dans le “divin peintre” un pilier inébranlable, une référence de perfection: Dans la même introduction à l’édition Bur de Breve ma veridica storia, Cesare Garboli rappelle comment, entre 1910 et 1915, l’art moderne en Italie se résume à un seul mot, “révolution”, qui inclut les concepts de nouveauté, de liquidation du passé, de rejet des traditions, de renversement des modes de pensée habituels, révolution que Longhi, écrit encore Garboli, “avait épousée” et qui a été décisive pour le conduire à sa passion formaliste. Traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône, avait établi Cézanne: voilà l’humus culturel dans lequel le jeune Longhi a germé. Son iconoclasme intempestif est cependant destiné à ne pas perdurer dans le temps avec la même clarté résolue qui caractérise ses écrits de jeunesse. Et dans L’atelier de Ferrare, qui suit de vingt ans exactement la Breve ma veridica storia (avec des ajouts remontant à 1940), la pertinence de Raphaël n’est pas remise en cause. Raphaël, le peintre de la Rome triomphante qui retrouve sa grandeur latine, est pour Longhi l’inventeur des idées romaines dans la “décennie suprême entre 10 et 20”, l’auteur de “[...] cette émulsion méditée, d’abord entre 10 et 20”.cette émulsion méditée, d’abord entre les différents idiomes italiens, puis entre la latinité et l’italianité, entre l’histoire et la nature, qui semble parfois à l’esprit simple un accommodement facile et qui est au contraire un sommet de goût et de génie devant lequel les Florentins perdent la validité universelle, rividentan provincia comme Andrea del Sarto ou, pour le salut dramatique, comme Michel-Ange, ils doivent se jeter dans la polémique du titanisme, du monde en tant que “torse”".

La salle Signature
La salle Signature


La salle du feu à Borgo
La salle du feu à Borgo


Raphaël (attribué), Résurrection (1501-1502 ; huile sur panneau, 52 x 44 cm ; Sao Paulo, Museu de Arte de São Paulo)
Raphaël (attribué), Résurrection (1501-1502 ; huile sur panneau, 52 x 44 cm ; São Paulo, Museu de Arte de São Paulo)

Pour Longhi, le principal mérite du Raphaël de la maturité, le Raphaël des salles du Vatican, est évident, un mérite qu’il souligne en quelques mots incisifs: il est le seul artiste de son temps à développer un langage qui n’est pas (évidemment) dialectal, ni même un mélange cultivé et actuel d’idiomes régionaux, mais le langage universel et solennel de la grandeur humaniste retrouvée de la Rome antique, un langage qu’un Raphaël, qui n’a pas encore 30 ans, maîtrise avec une étonnante maestria peu après son arrivée dans la ville. Un mérite qui n’était certainement pas reconnu avant-hier: dès le XVIIe siècle, Giovanni Battista Agucchi plaçait Raphaël à la tête de l’école dite romaine dans son système de classification des écoles d’Italie (Agucchi plaçait Michel-Ange à ses côtés, par erreur selon Lanzi, car Michel-Ange restera toujours intrinsèquement et inexorablement florentin: on pourrait bien sûr objecter qu’Agucchi écrivait dans une perspective anti-florentine, mais les éléments de solennité et de grandeur renouvelée de l’antiquité qui caractérisent ce que l’on appelle l’“école romaine” sont indépendants des positions individuelles). Beaucoup peuvent ne pas aimer le Raphaël de la Stanza della Segnatura, mais ce que le peintre d’Urbino a réalisé dans les fresques pour Jules II est un “sommet”, pour reprendre l’expression de Longhi, dont l’importance historique et artistique ne peut être remise en question.

Nous arrivons enfin à l’article de 1955, qui souligne plutôt les mérites du jeune Raphaël: un texte particulièrement intéressant si l’on considère que la peinture de Raphaël ne faisait pas partie des centres d’intérêt de Roberto Longhi. Dans cet essai, qui appartient à la dernière partie de la carrière de l’historien de l’art piémontais et qui s’ouvre sur une polémique contre Oskar Fischel, sur lequel Longhi ne manque pas de déverser son sarcasme féroce, il ne manque pas de rendre compte du penchant du jeune Raphaël pour l’expérimentation et l’innovation, selon une méthode de travail qui distinguera plus tard ses œuvres de maturité: Commentant la Résurrection du musée de São Paulo, un tableau que Raphaël a exécuté à l’âge de seize ans ou un peu plus, Longhi définit l’artiste comme le “ ’premier de la classe’ pérugien qui étonne le maître, mais sans trahir les règles ”, un artiste capable de réunir “ l’ancien et le nouveau, l’espace lointain et pourtant mesuré, et la caresse étroite de la forme ”. Et même les œuvres plus tardives de la période ombrienne, comme la Pala Colonna ou la Pala Ansidei, sont “déjà tangentes d’une certaine manière à la première période florentine”. Nombre des propositions avancées par Longhi dans La voie du jeune Raphaël n’ont pas été suivies et ont été radicalement révisées: une étude récente d’Anna Maria Ambrosini Massari, en 2017, a néanmoins réaffirmé la solidité de la structure de cet essai qui mettait en lumière les liens entre le jeune Raphaël et le Pérugin et rendait évidente l’attitude de l’artiste dès le début de sa carrière. Toujours sans céder à la mythologisation facile ou au culte du génie: une rhétorique, celle-ci, que Longhi a méprisée tout au long de sa carrière.


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