Quand Venise rembourse une dette avec... des œuvres d'art: l'hommage des provinces vénitiennes à l'empire autrichien


En 1816, l'ancienne République de Venise doit payer un lourd tribut à l'Autriche. Le grand Leopoldo Cicognara, pour la soulager de ce fardeau, imagine de payer une partie de la dette... en œuvres d'art. Un article sur l'incroyable exploit de ce que l'on appelle l'Hommage des provinces vénitiennes.

Le 10 novembre 1816 fut célébré à Vienne le mariage solennel de l’empereur d’Autriche François Ier (Florence, 1768 - Vienne, 1835), alors âgé de quarante-huit ans, et de la princesse Caroline Charlotte Augusta de Bavière (Mannheim, 1792 - Vienne, 1873), de vingt-quatre ans sa cadette, en présence d’une délégation de Venise qui, après la chute de Napoléon, faisait partie du royaume de Lombardie-Vénétie, dépendant directement de l’empire autrichien. La mission de la délégation vénitienne, composée de quatre illustres citoyens, avait également un but politique: l’empereur avait en effet décrété que chaque province de l’empire devrait payer un tribut substantiel en argent en guise de cadeau pour les mariés. Même la partie vénitienne du Royaume devait y contribuer, avec une somme très importante pour les caisses de l’ancienne République de Venise. À l’époque, la Vénétie traversait en effet une grave crise économique: la stagnation qui, en Europe, a suivi la décennie des guerres napoléoniennes, a entraîné une baisse de la production agricole et industrielle et, par conséquent, un effondrement des prix agricoles, ce qui a conduit à une réduction des salaires, à l’appauvrissement de nombreuses personnes et à la faillite d’entreprises et de banques. Venise avait donc un gros problème à résoudre: un nouvel impôt aurait sapé les premières tentatives timides de redressement.

La solution à ce dilemme a été imaginée par le comte Leopoldo Cicognara (Ferrare, 1767 - Venise, 1834), alors président de l’Accademia di Belle Arti de Venise, intellectuel raffiné et surtout personnage jouissant d’un grand prestige international et d’une grande considération à la cour d’Autriche. L’idée était aussi simple qu’ingénieuse: faire en sorte que l’émolument puisse être converti, au moins en partie, en œuvres d’art à offrir aux mariés pour leurs appartements viennois. Cicognara aurait ainsi obtenu un double effet positif: d’une part, libérer Venise de la lourde dépense. D’autre part, faire circuler à Vienne les noms des meilleurs artistes vénitiens de l’ époque, afin que de riches mécènes locaux les remarquent: une sorte d’investissement publicitaire. Ainsi, en janvier 1817, le président prend la plume et écrit aussitôt à son ami Antonio Canova (Possano, 1757 - Rome, 1822), alors l’artiste le plus célèbre, le plus célébré et le plus recherché au monde, pour l’associer au projet: “Je dois vous faire une grande confidence: sachez que toutes les provinces sont obligées de faire un cadeau à l’empereur à l’occasion du mariage - et que la section du royaume lombard donnera déjà 30 000 zecchini pour cet objet. La section vénitienne donnera ce qu’elle pourra. Je ne souhaite donc pas donner tout l’argent, et je voudrais donner 10 000 zecchini dans de nombreuses œuvres de pinceau et de scarpello entièrement vénitiens. Je n’oublierai certainement pas Hayez et Rinaldi, et tous les autres qui sont capables de travailler ici. Mais tout cela ne vaut rien si la première partie de ce projet n’est pas votre œuvre”. Cicognara, grâce aussi à ses relations avec le chancelier impérial Klemens von Metternich (Coblence, 1773 - Vienne, 1859), réussit sans trop de difficultés à convaincre l’Autriche de la bonté de ses intentions, d’autant plus que le trésor autrichien avait déjà été abondamment alimenté par les tributs versés par les Lombards et les Autrichiens eux-mêmes. Le succès du projet dépendait toutefois de la présence de Canova et l’Autriche n’aurait probablement pas donné son accord si elle n’avait pas eu la certitude que, parmi les œuvres que les souverains recevraient, il y aurait également une sculpture créée de la main du génie le plus illustre de l’époque.



Mais Cicognara avait aussi des idées claires sur la manière d’atteindre cet objectif. La lettre de janvier 1817 poursuit: “Ici, nous aurions besoin de la sécurité d’une statue de vous, et ce serait la Polinnia qui pourrait aussi être nommée pour la Muse de l’Histoire. Quels que soient les engagements, tout le reste pourra être arrangé plus tard, mais à supposer mon projet, vous seriez tenu d’achever au plus tôt une statue pour votre Province, qui vous prierait formellement de l’offrir à l’Empereur. Il n’y a pas de réponse à un cas aussi imprévisible. Je garde dans le fil de mes idées trois mille zecchini destinés à cette œuvre qui manque un peu de votre travail. De cette façon, en commençant par envoyer une de vos œuvres sans trop tarder, le reste pourra venir plus tard comme accessoire, et donner du temps. J’ai besoin d’une réponse très rapide, car le gouverneur m’a écrit hier à Vienne, et mon idée lui a beaucoup plu, et si elle est acceptée, comme je suis presque sûr qu’elle le sera, il faut que je sois dans la mesure de toutes mes idées pour concrétiser le tout le plus vite possible. Vous voyez que je ne dors plus tant que cette chose n’est pas terminée”. La sculpture de Canova à laquelle Cicognara pensait était la Musa Polimnia, la muse de la danse et du chant sacré, qui avait été commandée en 1809 à l’artiste de Possagno par Elisa Baciocchi, grande-duchesse de Toscane et sœur de Napoléon (la muse de Canova avait été modelée sur les traits de la grande-duchesse, selon sa ferme volonté): Après la chute de Napoléon, Elisa Baciocchi, ne pouvant plus payer l’œuvre, l’avait vendue au noble bolonais Cesare Bianchetti, qui l’avait ensuite cédée (également convaincu par Cicognara) pour la remettre à l’Accademia de Venise. Une fois en possession de l’œuvre, Canova prend soin de modifier légèrement le visage de la muse, afin qu’il apparaisse plus idéalisé.

Francesco Hayez, Portrait de la famille Cicognara
Francesco Hayez, Portrait de la famille Cicognara (1816-1817 ; huile sur toile ; Venise, Collection privée)


Antonio Canova, Musa Polimnia
Antonio Canova, Muse Polyhymnia (1812-1817 ; marbre ; Vienne, Hofburg, Kaiserappartements)

Après avoir convaincu Canova, il faut déterminer qui doit participer au projet. Cicognara, dans la lettre susmentionnée, montre qu’il a déjà au moins deux noms en tête: Francesco Hayez (Venise, 1791 - Milan, 1882) et Rinaldo Rinaldi (Padoue, 1793 - Rome, 1873), âgés respectivement de vingt-six et vingt-quatre ans, et donc identifiés comme les deux artistes vénitiens les plus prometteurs, le premier dans la peinture et le second dans la sculpture. Aux deux jeunes hommes s’ajoute un groupe d’ artistes plus expérimentés, presque tous trentenaires ou quadragénaires, et donc en quête d’affirmation. Pour la peinture, outre Hayez, Lattanzio Querena (Clusone, 1768 - Venise, 1853), Liberale Cozza (Venise, 1768 - 1821), Giuseppe Borsato (Toppo, 1770 - Venise, 1849), Giovanni De Min (Belluno, 1786 - Tarzo, 1859) et Roberto Roberti (Bassano del Grappa, 1786 - 1837) auraient participé. En ce qui concerne la sculpture, Canova et Rinaldi seront rejoints par Angelo Pizzi (Milan, 1775 - Venise, 1819), Luigi Zandomeneghi (Colognola ai Colli, 1778 - Venise, 1850), Antonio Bosa (Pove del Grappa, 1780 - Venise, 1845) et Bartolomeo Ferrari (Marostica, 1780 - Venise, 1844), tandis que Giuseppe De Fabris (Nove, 1790 - Rome, 1860) s’y ajoutera plus tard. Aux peintures et sculptures des artistes s’ajouteront plus tard des œuvres d’orfèvres et d’artisans de luxe.

Les événements de ce qui allait entrer dans l’histoire comme l’Hommage des provinces vénitiennes ont été reconstitués avec précision dans un essai récent de l’historien de l’art Roberto De Feo, publié dans le catalogue de l’exposition Canova, Hayez et Cicognara. La dernière gloire de Venise (à la Gallerie dell’Accademia de Venise du 29 septembre 2017 au 8 juillet 2018), qui pour la première fois, exactement deux cents ans plus tard, a ramené dans la lagune les œuvres que Cicognara avait rassemblées pour être envoyées en Autriche. Le président de l’Académie des Beaux-Arts a été l’habile metteur en scène de toute l’opération: les œuvres envoyées à François Ier et à Caroline Carlotta Augusta devaient susciter, comme l’a écrit l’universitaire Fernando Mazzocca, “une réflexion sur les perspectives d’un bon gouvernement, dans la continuité de l’époque des réformes liées au despotisme éclairé”. Ainsi, pour les peintures, l’un des premiers à se mettre au travail fut Hayez, qui traita de la Purification du temps par Ézéchias: le protagoniste est Ézéchias, roi du royaume de Juda dont les actes de miséricorde sont rappelés dans la Bible, et qui, dans la peinture, est surpris en train de faire des sacrifices en l’honneur de Dieu, renforçant ainsi l’alliance entre Dieu et le peuple d’Israël. Il s’agit d’une œuvre qui révèle encore une approche néoclassique claire, tout comme le tableau de Lattanzio Querena, qui avait été chargé de peindre Moïse demandant à Pharaon la liberté pour Israël, avec le prophète biblique impérieux et à la tête de son peuple, affirmant ses exigences face à l’oppresseur. C’est à Liberale Cozza qu’est revenu le soin de peindre Le retour d’Assuérus dans la salle de l’internat, que De Feo qualifie de “tableau le plus mystérieux de l’Hommage”, parce qu’il n’a jamais été retracé et parce qu’il n’a jamais fait l’objet d’une étude approfondie. Le thème fait référence à un épisode biblique dans lequel le roi perse Assuérus, entrant dans une salle de banquet, trouve sa femme Esther, une juive, en compagnie du diabolique ministre Aman: la reine avait en effet découvert un plan d’Aman visant à la détruire, elle et son peuple, et Assuérus avait ordonné la mise à mort du ministre. Le sens de l’œuvre était donc de démontrer aux souverains autrichiens la nécessité d’avoir de bons conseillers et de punir les mauvais. Le dernier des quatre tableaux à sujet biblique est confié à Giovanni De Min: le thème choisi est La reine de Saba devant le roi Salomon, symbole de conciliation.

Le lot de tableaux est complété par quatre vues de Venise, un genre particulièrement populaire en dehors de la Vénétie, sur lequel Cicognara avait également voulu greffer des thèmes politiques d’actualité, en demandant à Giuseppe Borsato et à Roberto Roberti de réaliser “quatre vues de Venise avec des fêtes qui se sont déroulées pendant le séjour de l’empereur”: Borsato a ainsi réalisé une Vue de Saint-Marc le jour où les provinces vénitiennes ont prêté serment d’allégeance à Sa Majesté Impériale et une peinture représentant le Débarquement des chevaux de bronze sur la place Saint-Marc, un autre hommage à l’Autriche qui était célébrée comme celle qui avait ramené à Venise les chevaux de Saint-Marc volés par Napoléon pendant l’occupation de la ville (un événement qui, pour Venise, avait été un énorme camouflet). Borsato a également dessiné la table, qui a été réalisée par l’artisan de Murano Benedetto Barbaria. Roberti, quant à lui, a peint Le passage de la cour impériale sous le pont du Rialto, qui célèbre l’entrée de François Ier à Venise le 31 octobre 1815, et Vue de la riva degli Schiavoni jusqu’aux Giardini Reali, un tableau apparemment dépourvu de références historiques, mais capable de représenter “l’un des souvenirs les plus clairs pour l’œil et l’esprit du souverain”, comme le dit la description du tableau dans le volume qui accompagnait l’Hommage des provinces vénitiennes.

Francesco Hayez, Purification du temps par Ézéchias
Francesco Hayez, Purification du temps par Ézéchias (1817 ; Persenbeug-Gottsdorf, château de Persenbeug)


Lactantius Querena, Moïse demande au Pharaon la liberté pour Israël
Lactantius Querena, Moïse demande au Pharaon la liberté pour Israël (1817 ; Persenbeug-Gottsdorf, château de Persenbeug)


Giovanni De Min, La reine de Saba devant le roi Salomon
Giovanni De Min, La reine de Saba devant le roi Salomon (1817 ; lieu inconnu)


Giuseppe Borsato, Vue de Saint-Marc le jour où les provinces vénitiennes ont prêté serment d'allégeance à Sa Majesté Impériale.
Giuseppe Borsato, Veduta di San Marco nel giorno che le Provincie Venete prestarono a Sua Maestà Imperiale il giuramento di fedeltà (1817 ; Venise, Fondazione Musei Civici di Venezia, Cabinet des estampes du musée Correr)


Roberto Roberti, Vue de la riva degli Schiavoni jusqu'aux Giardini Reali
Roberto Roberti, Vue de la riva degli Schiavoni jusqu’aux Giardini Reali (1817 ; Collection du château d’Artstetten, Basse-Autriche)

Les groupes sculpturaux, en revanche, étaient d’un signe différent, avec lequel Cicognara avait voulu faire passer “un autre message symbolique”, explique De Feo, “soulignant la tempérance des souverains dans la référence à l’éducation généreuse et prudente des jeunes, capable d’enraciner les sentiments les plus élevés tels que l’amour de la patrie”. En ce sens, les thèmes mythologiques des sculptures, qui représentent toutes des jeunes gens en train d’être éduqués, sont très clairs: Rinaldi a sculpté Le Centaure Chiron apprenant à Achille à jouer de la cithare, Angelo Pizzi s’est vu confier Le Serment d’Hannibal (où l’enfant Hannibal est exhorté par son père Hamilcar à jurer une haine éternelle aux Romains, ennemis acharnés des Carthaginois), une œuvre complétée par la suite par Bartolomeo Ferrari en raison de la mort de Pizzi, tandis que Ferrari s’engageait dans un sujet identique à celui de Rinaldi, en produisant Chiron enseignant la musique à Achille (qui remplaça l’œuvre de Rinaldi, qui ne partit pas pour Vienne, comme nous le verrons dans un instant). Zandomeneghi et De Fabris travaillèrent plutôt sur deux grands vases classiques, qui reproduisaient la forme du Vaso Borghese (un grand cratère de marbre pentélique du Ier siècle avant J.-C., aujourd’hui conservé au Louvre) et étaient décorés de thèmes nuptiaux: le Mariage d’Aldobrandine pour Zandomeneghi, le Mariage d’Alexandre et de Rossane pour De Fabris. Les thèmes des deux vases ont été choisis par Canova: Zandomeneghi devait s’inspirer de la peinture d’un mur de l’époque romaine découverte en 1601 et conservée à la Villa Aldobrandini au Quirinal, tandis que De Fabris devait s’inspirer du thème de la fresque de Girolamo Siciolante da Sermoneta à la Villa Borghese (que l’on pensait à l’époque être de Raphaël), et qui, à son tour, était liée à la peinture du même sujet que le peintre grec Aezione avait réalisée au IVe siècle avant J.-C. et dont nous avons des informations parce que Lucien de Samosate la mentionne dans ses Dialogues. À ces sculptures se sont ajoutés plus tard unAutel aux Bacchantes sculpté par Bosa et unAutel aux Faunes de Ferrari.

Si tout s’est bien passé pour les peintures (seul De Min a connu quelques retards trop importants dus au fait qu’il était plus à l’aise avec la fresque qu’avec la peinture à l’huile), il n’en a pas été de même pour les sculptures qui ont connu plusieurs accrocs. Le premier problème fut le deuil qui frappa le groupe: Angelo Pizzi ne parvint en effet pas à achever son œuvre avant sa mort, et la recherche d’un remplaçant, qui, comme on l’a dit, fut plus tard identifié en la personne de Bartolomeo Ferrari, ne pouvait que se traduire par une lenteur dans l’avancement des travaux. Il faut ajouter que Ferrari se trouvait face à une œuvre sculptée dans un marbre de mauvaise qualité, un détail qui rendait difficile la poursuite du groupe sculptural laissé inachevé par Pizzi. Rinaldi, le plus jeune sculpteur, celui auquel Cicognara pensait depuis le début, connut également des problèmes: il fut frappé par une maladie non précisée qui l’affaiblit tellement que, malgré l’aide constante et présente de Canova (Rinaldi était l’un de ses meilleurs élèves), même son travail avançait lentement et, une fois terminé, n’était pas de la qualité espérée. Rinaldi se remit donc au travail, mais ne parvint à livrer la deuxième version de son Chiron qu’en 1821. Cependant, même cette œuvre ne part pas pour Vienne, et une nouvelle sculpture sur le même sujet est confiée à Ferrari, qui ne l’achève qu’en 1826. Les vases ont également connu des problèmes, mais leurs créateurs ont tout de même réussi à les livrer avant la date limite du printemps 1818: à cette date, toutes les œuvres devaient être prêtes à partir pour Vienne. Finalement, l’exploit est presque entièrement réussi, puisque seules les sculptures de Pizzi et de Rinaldi manquent à l’appel.

Cicognara souhaita alors que l’hommage des provinces vénitiennes soit célébré de la manière la plus appropriée: une médaille commémorative avec les portraits des jeunes mariés, dessinée par Angelo Pizzi (l’un des plus beaux exemples de l’art médaillier vénitien du XVIIIe siècle), fut frappée, et les œuvres furent reproduites au moyen de gravures, avec des descriptions écrites par des lettrés, et rassemblées dans un volume qui fut imprimé en quelques exemplaires spéciaux décorés de médaillons, et dans un autre exemplaire précieux, décoré avec des reproductions de reliefs de Canova, qui fut offert à Caroline Carlotta Augusta.

Bartolomeo Ferrari, Chiron enseigne la musique à Achille
Bartolomeo Ferrari, Chiron enseigne la musique à Achille (après 1826 ; marbre ; Artstetten, collection du château). Œuvre photographiée lors de l’exposition Canova, Hayez, Cicognara (crédit Finestre sull’Arte)


Angelo Pizzi et Bartolomeo Ferrari, Le serment d'Hannibal
Angelo Pizzi et Bartolomeo Ferrari, Le serment d’Hannibal (1818-1821 ; marbre ; Artstetten, collection du château). Œuvre photographiée lors de l’exposition Canova, Hayez, Cicognara (crédit Finestre sull’Arte)


Rinaldo Rinaldi, Chiron enseigne la musique à Achille
Rinaldo Rinaldi, Chiron enseigne la musique à Achille (1821 ; marbre ; Venise, Gallerie dell’Accademia, prêté au Polo Museale del Veneto - Galleria Giorgio Franchetti at Ca’ d’Oro). Ph. Crédit Galleria Giorgio Franchetti at Ca’ d’oro


Giuseppe De Fabris, Vase avec le mariage d'Alexandre et Rossane
Giuseppe De Fabris, Vase avec le mariage d’Alexandre et Rossane (1817 ; marbre ; Vienne, Hofmobiliendepot, Möbel Museum). Œuvre photographiée lors de l’exposition Canova, Hayez, Cicognara (crédit Finestre sull’Arte)


Luigi Zandomeneghi, Vase avec le mariage Aldobrandini
Luigi Zandomeneghi, Vase avec le mariage Aldobrandini (1817 ; marbre ; Vienne, Hofmobiliendepot, Möbel Museum). Œuvre photographiée lors de l’exposition Canova, Hayez, Cicognara (crédit Finestre sull’Arte)


Bartolomeo Ferrari, Autel avec faunes
Bartolomeo Ferrari, Autel aux faunes (1818 ; marbre ; Vaduz - Vienne, Liechtenstein. Collections princières)


Hommage des provinces vénitiennes à la majesté de Caroline-Auguste, impératrice d'Autriche, rendu par les provinces vénitiennes.
Hommage à la Majesté de Caroline Augusta Impératrice d’Autriche fait par les provinces vénitiennes. Deuxième édition (1818 ; Venise, Fondazione Musei Civici di Venezia, Bibliothèque du Musée Correr)


Angelo Pizzi, Luigi Ferrari, Médaille de mariage de François Ier et Caroline
Angelo Pizzi, Luigi Ferrari, Médaille pour le mariage de François Ier et Caroline (1816 ; bronze argenté ; Venise, Fondazione Musei Civici di Venezia, Museo Correr)


La salle de l'exposition Canova, Hayez, Cicognara consacrée à l'hommage des provinces de Vénétie
La salle de l’exposition Canova, Hayez, Cicognara consacrée à l’hommage des provinces vénitiennes

Avant de partir, les œuvres ont également dû être soumises à l’examen de la très stricte police autrichienne, qui a dû vérifier qu’elles ne contenaient pas d’éléments susceptibles d’être censurés. Les peintures, les sculptures, mais aussi les sonnets par lesquels les écrivains avaient célébré l’exploit ont été passés au crible, et quelques textes n’ont même pas résisté à l’examen de la censure. Parmi eux, un sonnet de Melchiorre Missirini (Forlì, 1773 - Florence, 1849), coupable d’avoir célébré l’ancienne République de Venise dans ses poèmes. En particulier, les illustrations de trois des quatre tableaux ayant un sujet biblique ont été rejetées, car la censure voyait d’un mauvais œil le fait de suggérer des règles de conduite morale aux souverains, et Cicognara a donc été obligé d’illustrer les œuvres avec des textes qui avaient exclusivement trait à l’art. Et même pour le tableau avec la Vue de la riva degli Schiavoni jusqu’aux Giardini Reali, les censeurs ont eu à se plaindre: “ella forse converrà meco”, écrit à Cicognara le gouverneur autrichien de Venise, Peter Goëss, “de l’opportunité d’insérer une brève mention de la présence de l’empereur”. En pratique, les Autrichiens avaient clairement ordonné à Cicognara et à ses collègues de ne décrire que les sujets des œuvres. Ainsi, pour commenter l’affaire, le grand écrivain Pietro Giordani (Piacenza, 1774 - Parme, 1848) envoie le 20 décembre 1817 une lettre à son confrère Gaetano Dodici dans laquelle, avec une ironie amère et sans bornes, il suggère: “Réjouissons-nous donc qu’un grand repos soit donné et commandé aux intellects de notre époque. Napoléon, plus vaillant, faisait payer aux grippe-sous un droit de timbre sur chaque feuille de livre. Ceux-ci, plus dociles, nous dispensent de penser et de payer”.

Toutes les œuvres prêtes au printemps 1818 sont exposées du 24 mai au 5 juillet dans la salle capitulaire de l’ancienne Scuola della Misericordia. L’exposition connut un grand succès dès les premiers jours et Cicognara en fut si enthousiaste qu’il écrivit à Canova, le 28 mai, que “l’exposition des œuvres est un grand succès, et tout dépasse toutes les attentes. Les peintures historiques sont belles, Hayez a été admiré par-dessus tout et, à une certaine distance, vient De Min avec une composition raisonnable et bien peinte. Lattanzio s’est soutenu avec de bons tabards très bien colorés, et Cozza avec une composition sage. Mais le triomphe de Hayez est total et mérité. Les peintures en perspective sont magnifiques et d’un style très varié. Il s’agit de quatre œuvres destinées au cabinet royal. Les deux vases sont un objet d’étonnement et de plaisir, et le pauvre Zandomeneghi ne cède en rien au travail sublime de Fabbris, qui, s’il ne l’emporte pas en beauté, le surpasse peut-être en exactitude. Les ares sont une merveille de belle exécution, et en partant d’un beau type nous sommes allés sûrement, et tous les objets se correspondent et concourent noblement les uns avec les autres”. Les artistes impliqués dans l’entreprise ont alors tous reçu une médaille d’argent. Après l’exposition, le 13 juillet, les œuvres, au nombre de dix-neuf, partent pour Vienne, accompagnées personnellement par le président de l’Académie: d’abord exposées au palais impérial, elles sont ensuite placées dans les appartements des souverains. L’accueil est cependant décevant pour Cicognara: seule Carlotta Carolina Augusta manifeste sa reconnaissance en offrant une médaille d’or à chaque artiste et une boîte de brillants au président. À son retour, Cicognara envoya à Canova des paroles profondément amères: “J’ai été malade et fatigué de Vienne ; misère des idées, pauvreté du goût, pas de courage pour une entreprise noble et généreuse, beaucoup d’ignorance, une présomption infinie: il n’y a rien de bon que l’impératrice”.

Des œuvres envoyées en Autriche, seules trois se trouvent encore au palais impérial de Vienne: la Musa Polymnia de Canova et les deux vases. Presque toutes les autres œuvres se trouvent encore en Autriche, mais à des endroits différents, car elles ont connu plusieurs changements de propriétaires au fil des ans. En dehors de l’Autriche, on ne trouve que le groupe de Rinaldi (celui qui n’est jamais parti pour Vienne: on peut aujourd’hui l’admirer à la Galerie Giorgio Franchetti de Ca’ d’Oro, prêté par la Gallerie dell’Accademia de Venise, qui en est propriétaire) et le tableau de De Min, qui se trouve peut-être aujourd’hui aux États-Unis. En revanche, seules deux œuvres n’ont pas été retrouvées: le Retour d’Assuérus de Liberale Cozza et le Serment de Giuseppe Borsato. Presque tous, cependant, ont pu retourner temporairement à Venise, comme on l’a dit plus haut, pour la grande exposition célébrant le bicentenaire de la Gallerie dell’Accademia. Une occasion précieuse, née du travail passionné de Roberto De Feo, qui a duré de nombreuses années et qui doit encore être complétée (après tout, il reste encore deux œuvres à trouver... !) pour rappeler et faire connaître l’une des pages les plus intenses de l’histoire de l’art italien.

Bibliographie de référence

  • Roberto De Feo, L’Omaggio delle Provincie Venete alla Maestà di Carolina Augusta imperatrice d’Austria. Un chapitre glorieux de l’art et de l’histoire vénitiens dans Fernando Mazzocca, Paola Marini, Roberto De Feo (eds.), Canova, Hayez, Cicognara. L’ultima gloria di Venezia, catalogue d’exposition (Venise, Gallerie dell’Accademia, du 29 septembre 2017 au 8 juillet 2018), Marsilio, 2017.
  • Massimiliano Pavan (ed.), Scritti su Canova e il neoclassicismo, Quaderni del Centro studi canoviani, 2004
  • Hugh Honour, Paolo Mariuz (eds.), Antonio Canova, Epistolario, Salerno Editrice, 2003
  • Filippo Ambrosini, L’ombre de la restauration, Il Punto, 2002
  • Fernando Mazzocca, Francesco Hayez. Catalogue raisonné, 24 Ore Cultura, 1994
  • Cesare Mozzarelli, Gianni Venturi, L’Europa delle corti alla fine dell’antico regime, Bulzoni, 1991
  • Alessandro Zanetti, Leopoldo Cicognara: cenni pure biografici, Lampato, 1854


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