Lorsque l’on pense aux impressionnistes, on a tendance à énumérer les noms typiques des manuels: Monet, Manet, Renoir, Degas, parfois Sisley et Pissarro. Après tout, les peintres que nous venons de citer peuvent être considérés comme les chefs de file de ce qui est peut-être le courant artistique le plus connu de toute l’histoire de l’art. Mais à côté de ces grands noms, il y a aussi un grand nombre d’artistes qui, malheureusement ou heureusement (selon le point de vue), ne sont pas entrés dans l’imaginaire collectif. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’étaient pas des figures tout aussi (et peut-être plus) suggestives que leurs collègues plus célèbres. Gustave Caillebotte (1848 - 1894) est l’un de ces artistes généralement oubliés du grand public.
Pourtant, Caillebotte était l’un des impressionnistes les plus modernes et les plus novateurs, définitivement en avance sur son temps. Peu de gens, comme Caillebotte, ont réalisé dans les années 1870 l’importance de l’aide que la photographie naissante pouvait apporter à la peinture. Ainsi, les tableaux de Caillebotte nous apparaissent comme de véritables instantanés de la vie parisienne de la fin du XIXe siècle, ou de l’oisiveté campagnarde des classes aisées (Caillebotte était issu d’une famille très riche). Le peintre avait compris que la photographie était le meilleur moyen de documenter la vie quotidienne. Il a donc décidé de donner à ses tableaux un aspect photographique. Les sujets dépassent souvent des bords du tableau, les vues semblent tracées à l’aide d’un objectif grand angle, les personnages qui peuplent les rues de son Paris nous apparaissent en mouvement, représentés dans tout leur naturel, sans filtre ni pose, et les points de vue sont souvent inédits, voire audacieux: les vues d’en haut, typiques du style du peintre, semblent presque anticiper un type de photographie qui ne verra le jour que quelques décennies plus tard.
Gustave Caillebotte, Jour de pluie à Paris (1877 ; Chicago, Art Institute) |
Gustave Caillebotte, Toits sous la neige (1878 ; Paris, Musée d’Orsay) |
Outre ces tableaux, il convient de mentionner les œuvres représentant des rameurs en train de ramer, typiques de la production de Caillebotte. Dans certaines de ces œuvres, l’artiste a introduit une représentation particulière que l’on peut considérer comme un précurseur de la prise de vue subjective moderne: Caillebotte a représenté des rameurs et des rameuses comme s’il était assis en face d’eux, dans le canot. Tout cela avec une technique très particulière: Caillebotte n’a sans doute jamais été pleinement impressionniste, car son style combinait des éléments de l’académisme, du réalisme et, bien sûr, de l’impressionnisme.
Gustave Caillebotte, Rameur avec cylindre (1878 ; Yerres, Propriété Caillebotte) |
Pourquoi alors un artiste aussi novateur a-t-il été longtemps oublié, puisqu’après sa mort, personne ne s’est plus intéressé à sa peinture, du moins jusqu’aux années 1950? Et pourquoi son nom peine-t-il encore à être comparé à celui des impressionnistes les plus célèbres? Le talent de l’artiste était connu de ses contemporains. Émile Zola, dans son article Le naturalisme au Salon en 1880, dit de Caillebotte qu’il est “un artiste très scrupuleux”, “qui a le courage de faire de grands efforts et qui cherche les solutions les plus viriles”. En 1894, au lendemain de sa mort, Camille Pissarro, écrivant à son fils Lucien, dit que Caillebotte était “une bonne et généreuse personne et, ce qui n’est pas mal, un peintre de talent”. Mais il faut aussi tenir compte du fait que Caillebotte a toujours porté l’étiquette de "garçon riche ", comme l’appelait Zola lui-même, ce qui a fait que beaucoup l’ont considéré comme un simple amateur, un riche rejeton qui pouvait se permettre de paresser en peignant. Comme nous l’avons déjà mentionné, Caillebotte est issu d’une famille parisienne très aisée de la haute bourgeoisie: son père, Martial, est à la tête d’une entreprise de textile militaire depuis des générations et possède une maison à Paris, où Gustave est né, ainsi qu’une grande propriété à Yerres, une petite ville de campagne où la famille passait ses étés (et où Gustave reviendra plus tard à plusieurs reprises pour peindre ses célèbres rameurs). À la mort de son père, Gustave hérite, avec ses frères, d’une grande fortune avec laquelle le jeune homme, alors âgé de 26 ans, décide de subventionner son activité d’artiste.
Et c’est grâce à cette fortune que Caillebotte a beaucoup soutenu le groupe des peintres impressionnistes, dont il faisait partie intégrante. Il les soutient également financièrement: il achète de nombreuses toiles de ses collègues, parvient à constituer une importante collection (qui entrera plus tard dans les collections de l’État: nombre de ces œuvres sont aujourd’hui exposées au musée d’Orsay) et va même jusqu’à payer le loyer de l’appartement de Claude Monet, rue Saint-Lazare, dans le centre de Paris. Bref, il devient non seulement l’un des peintres majeurs du groupe, mais aussi l’un de ses principaux mécènes. Et c’est parce qu’il se sent si attaché au groupe qu’il fait tout son possible pour en maintenir l’unité, même lorsque des désaccords commencent à en miner l’intégrité. Les tentatives échouent cependant et l’artiste, probablement déçu de voir que l’unité du groupe est pratiquement compromise, décide en 1882 d’exposer pour la dernière fois avec les autres impressionnistes, dans ce qui sera leur avant-dernière exposition, suivie seulement de l’ultime en 1886. Dans le même temps, Caillebotte décide de mettre un terme brutal à ses achats de tableaux et, surtout, de raccrocher presque complètement ses pinceaux: jusqu’à la fin de ses jours, il se consacre à d’autres activités, telles que la navigation de plaisance, la philatélie et le jardinage, et ne revient à la fixation de ses impressions sur la toile qu’à quelques occasions, sans participer à aucune exposition d’envergure.
Gustave Caillebotte, Autoportrait au chevalet (vers 1880 ; collection privée) |
Après sa mort prématurée, ses exécuteurs testamentaires ont fait respecter ses volontés. En effet, il avait écrit dans son testament, déjà rédigé en 1876: “Je fais don à l’État des tableaux que je possède ; cependant, comme je désire que ce don soit accepté au point que les œuvres ne finissent pas dans un grenier ou dans un musée de province, mais d’abord au Luxembourg et ensuite au Louvre, il est nécessaire qu’il s’écoule quelque temps avant que cette clause soit exécutée, c’est-à-dire jusqu’à ce que le public ne dise pas qu’il comprendra ces œuvres, mais du moins qu’il les acceptera”. Caillebotte l’avait bien prévu: certains membres de l’Académie des Beaux-Arts ont en effet protesté contre l’entrée d’œuvres impressionnistes dans les collections de l’Etat, estimant qu’il s’agissait d’une “insulte à notre école”. Cependant, les souhaits de Caillebotte furent finalement exaucés et, pour la première fois dans l’histoire, un noyau d’œuvres impressionnistes (bien que certaines aient été rejetées) entra dans une collection publique.
Sur les 67 œuvres que Caillebotte a laissées à l’État, pas une seule n’avait été peinte par lui. C’est pourquoi, pendant longtemps après sa mort, Gustave fut davantage considéré comme un grand mécène et un riche collectionneur que comme un peintre moderne et novateur comme ses amis. Sa générosité avait en somme éclipsé son importance artistique: il faut en effet ajouter que la quasi-totalité de sa production, après sa mort, est restée la propriété de sa famille (et beaucoup d’œuvres le sont encore), et donc cachée aux yeux du plus grand nombre. Cela s’explique par le fait que Gustave, riche, n’avait pas besoin de vendre ses tableaux. L’artiste, en somme, peignait par pure passion: ce fait, cependant, au lieu de lui valoir une bonne réputation, a conduit les historiens de l’art à sous-estimer l’étendue réelle de son art.
L’intérêt pour Gustave Caillebotte commence à s’affirmer à partir d’une date précise, 1951, lorsque la Galerie Wildenstein à Paris organise une première petite rétrospective de quelques-unes de ses œuvres, en collaborant activement avec l’historienne de l’art Marie Berhaut, qui travaille depuis quelques années sur l’artiste oublié, également encouragée dans son travail par la famille Wildenstein elle-même. L’exposition fut l’occasion pour Marie Berhaut d’entamer la rédaction d’un premier catalogue raisonné des peintures de l’artiste, qui fut publié, après d’autres études parues entre-temps, en 1978, sous le titre Gustave Caillebotte , sa vie et son oeuvre: catalogue raisonné des peintures et pastels. À la même époque, probablement stimulé par les études de Marie Berhaut et de ses collègues, l’historien de l’art américain Kirk Varnedoe commence lui aussi à s’intéresser à Caillebotte: en 1976, alors âgé d’une trentaine d’années, Varnedoe organise une grande exposition monographique sur l’artiste au Museum of Fine Arts de Houston. Une exposition qui s’est arrêtée au Brooklyn Museum de New York l’année suivante: ce fut l’exposition décisive pour la redécouverte de l’artiste.
Aujourd’hui, le nom de Gustave Caillebotte compte parmi les grands impressionnistes, même si, compte tenu de son passé, il a encore un peu de mal à s’imposer auprès du grand public. Mais il ne faudra sans doute pas attendre longtemps pour qu’une figure aussi remarquable que ce grand peintre atteigne la notoriété qu’il mérite.
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