Les temples des ténèbres : sur le néoclassicisme d'Étienne-Louis Boullée


Étienne-Louis Boullée est un architecte visionnaire qui, au siècle des Lumières, introduit l'architecture enterrée, un style architectural qui veut révolutionner la construction monumentale.

À la veille de la Révolution française, avant la chute des têtes de Marie-Antoinette et de Louis XVI, l’aspiration à de nouvelles valeurs morales dans la société et dans les différents arts est perçue dans toute la France. Avec la fin du style baroque, pour l’artiste, le nouveau canon du goût est la raison. C’est pourquoi les grandes civilisations de l’Antiquité, en particulier les Grecs et les Romains, sont prises comme modèles idéaux dans la vie, la littérature et l’art. Dans les disciplines de la peinture, les révolutionnaires français et les artistes de la révolution se considèrent comme des Grecs revivifiés, car leurs œuvres visent à transmettre le goût de la grandeur antique. À partir de l’esprit de la révolution, de la période des Lumières et de la renaissance grecque des œuvres classiques, un style entièrement nouveau se développe dans l’art et l’architecture : le néoclassicisme, qui prend corps dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et la première décennie du siècle suivant. Le courant néoclassique marque également le début de l’ouverture de nouveaux espaces d’exposition dans lesquels sont placées les sculptures antiques : le but des expositions devient d’évoquer les mêmes espaces que les œuvres occupaient à l’origine. Alors que la culture classique de la Renaissance proposait les œuvres des auteurs grecs et latins comme des canons à suivre pour déterminer un canon objectif de beauté, la culture néoclassique se caractérise par la récupération des formes classiques dans lesquelles puiser pour rechercher la perfection, avec une nouvelle sensibilité à l’égard des arts.

Jacques-Louis David, Léonidas aux Thermopyles (1814 ; huile sur toile, 395×531 cm ; Paris, Musée du Louvre)
Jacques-Louis David, Léonidas aux Thermopyles (1814 ; huile sur toile, 395×531 cm ; Paris, Musée du Louvre)

Au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, les propositions soumises à l’attention des concours promus par l’Accademia di San Luca à Rome manifestent une aspiration à réaliser des projets de dimensions grandioses et une prédilection pour les formes géométriques élémentaires. Les nouvelles idées représentent un élément crucial de la production architecturale de l’époque, contribuant de manière significative à définir les nouvelles orientations de l’architecture au niveau international. À partir de 1750, les élévations titanesques deviennent également un élément récurrent de la production néoclassique française. Dans ce contexte, parmi les architectes les plus influents de l’époque, le nom d’Étienne-Louis Boullée (Paris, 1728 - 1799) s’impose. Marqué par l’évolution des idées scientifiques et philosophiques de l’artiste, le néoclassicisme a conduit Boullée à la réalisation de projets visionnaires basés sur la ville-société idéale et le concept d’utopie architecturale. L’artiste-architecte a réussi à donner vie à des structures néoclassiques qui portent en elles des canons esthétiques précis: ordre architectural classique, symétrie des formes géométriques et majesté des espaces illustrés. Bien que grandioses et imposantes, ses créations possèdent une telle envergure qu’elles restent malheureusement à ce jour des projets non réalisés. C’est de la réunion de ces éléments que Boullée, suivi par l’architecte Claude-NicolasLedoux (Dormans, 1736 - Paris, 1806), a réussi à créer un style inédit : l’architecture enterrée. Une architecture titanesque et évocatrice qui fonde sa construction sur le souvenir des monuments funéraires classiques et égyptiens comme le Cénotaphe égyptien : Perspective Elevation de 1786, ou encore inspirée des catacombes paléochrétiennes, comme dans la Section d’un plan de cimetière pour la ville de Chaux de Ledoux de 1785, exaltant leur grandeur pour la réinterpréter dans une nouvelle architecture monumentale.



Enfin, Pierre François Léonard Fontaine présente en 1785 son illustration aux traits pharaoniques intitulée Monument sépulcral pour les rois d’ un grand Empire, projet également visionnaire et utopique qui s’inspire de l’architecture funéraire égyptienne.

Étienne-Louis Boullée, Projet de tombeau pyramidal tronqué périptère dit
Étienne-Louis Boullée, Projet d’un tombeau périptère à pyramide tronquée dit “ tombeau d’Hercule ” (1781-1793 ; encre noire, aquarelles gris-brun, 75 x 39 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Cénotaphe d'un genre égyptien : élévation en perspective (vers 1786 ; encre noire, aquarelles gris-brun et noires, 111 x 45 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Cénotaphe d’un genre égyptien : élévation en perspective (vers 1786 ; encre noire, aquarelles gris-brun et noires, 111 x 45 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Claude-Nicolas Ledoux, Section d'un plan de cimetière pour la ville de Chaux (1785 ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Claude-Nicolas Ledoux, Section d’un plan de cimetière pour la ville de Chaux (1785 ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Pierre François Léonard Fontaine, Monument sépulcral pour les souverains d'un grand empire (1795 ; Paris, École nationale des beaux-arts)
Pierre François Léonard Fontaine, Monument sépulcral pour les souverains d’un grand Empire (1795 ; Paris, Ecole Nationale de Beaux-Arts)

L’intérêt de Boullée et des autres architectes est de dépouiller leurs bâtiments de toute ornementation du XVIIIe siècle, en affirmant que la seule fonction décorative autorisée doit être l’ombre et la lumière générées par les formes géométriques qui enveloppent les structures. Pour que les œuvres de l’architecture révolutionnaire aient la même force d’évocation et le même respect pour la grandeur et la majesté des structures des civilisations anciennes, Boulléexamine en profondeur les espaces sombres des pyramides, des nécropoles et des tombeaux qui, dans le passé, n’étaient accessibles qu’à la lumière des torches, car ils étaient à la fois des lieux de sépulture ou des sites sacrés et donc délibérément enveloppés dans l’obscurité, ainsi que des lieux de rencontre pour les services religieux et des lieux de prière. L’objectif de ces espaces était de rester à l’abri de la lumière du soleil afin que personne ne puisse les trouver, à l’instar des catacombes des premiers chrétiens. Les recherches sur la lumière ont également donné naissance à l’architecture de l’ombre: basée sur le jeu de l’ombre et de la lumière, elle confère aux structures illustrées un caractère encore plus sombre, lointain et énigmatique.Les vues intérieures de la métropole au moment de la Fête-Dieu en 1781 (inspirées du tableau d’Hubert Robert de 1773 La découverte du Laocoon ) et le célèbre cénotaphe de Newton, certainement l’illustration la plus célèbre de toute la carrière de Boullée, en sont des exemples clairs.

La conception du cénotaphe de Newton, en particulier, visait à susciter des sensations à la fois grandioses et inquiétantes chez l’observateur confronté à un espace conçu pour reproduire l’immensité de l’univers. La cavité cyclopéenne du cénotaphe, selon l’étude de Boullée, contiendrait le sarcophage commémoratif contenant la dépouille d’Isaac Newton, et pourrait offrir des visions cosmiques différentes le jour et la nuit. Cela permettrait de recréer un modèle miniature de l’univers, dont la dynamique a été découverte par Newton grâce à sa loi de la gravitation universelle.

Étienne-Louis Boullée, Vue intérieure de la métropole au temps de la Fête-Dieu (1781-1782 ; encre noire, aquarelle gris foncé soutenue par du blanc, 99 x 60 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Vue intérieure de la métropole au temps de la Fête-Dieu (1781-1782 ; encre noire, aquarelle gris foncé soutenue par du blanc, 99 x 60 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Cénotaphe de Newton, (1784 ; encre noire, aquarelle grise avec des tons bruns 66 x 40 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Cénotaphe de Newton (1784 ; encre noire, aquarelle grise avec des tons bruns 66 x 40 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Section du cénotaphe de Newton : de jour, (1784 ; encre noire, aquarelle grise avec des tons bruns, 66 x 40 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Section du cénotaphe de Newton : de jour (1784 ; encre noire, aquarelle grise avec des tons bruns, 66 x 40 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Section du cénotaphe de Newton : la nuit, (1784 ; encre noire, encre gris-brun, 66 x 40 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)
Étienne-Louis Boullée, Section
du
cénotaphe de Newton : la nuit (1784 ; encre noire, encre gris-brun, 66 x 40 cm ; Paris, Bibliothèque nationale de France)

Pour la réalisation de la lumière dans ses projets, l’architecte se tourne vers les souvenirs des effets que la lumière naturelle produit dans les espaces ouverts, anticipant en quelque sorte le courant impressionniste, qui se concentre sur l’étude de la lumière et de ses reflets dans des tableaux réalisés en plein air. Presque comme un précurseur de Monet, Boullée analyse l’effet mystérieux de la brume dans les forêts qu’il fréquentait dans sa jeunesse, et le clair de lune du ciel étoilé. Il affirme en effet que les effets de la lumière mystérieuse produisent un ensemble majestueux, émouvant et magnifiquement magique. Pour obtenir le caractère d’une telle composition, il décide de prendre l’hiver comme point de référence, car contrairement à l’été et au printemps, il représente la saison la plus sombre, une saison qui fige le monde. Les forêts restent nues, occupées uniquement par les squelettes des arbres désormais desséchés. Sur le papier, la représentation des effets de la lumière est opaque et froide, restituant à l’architecture les traits d’ombre décisifs qui parviennent à mettre en valeur les formes géométriques essentielles sans ornementation. L’architecture révolutionnaire et visionnaire de Boullée offre ainsi une distorsion de l’héritage de l’antiquité classique, qui acquiert en même temps une profonde signification éthique et évocatrice, enrichie par de ferventes impulsions symboliques et visionnaires.


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