“Terribilis est locus iste”. L’entrée de la basilique “céleste” de Saint Michel Archange à Monte Sant’Angelo, sur le promontoire du Gargano, est surmontée d’une inscription qui résume l’énorme valeur, non seulement spirituelle, de l’ancien sanctuaire. Terribilis est locus iste“, ce qui signifie ”ce lieu suscite la déférence". Comme peu d’autres lieux dans l’histoire de l’humanité, la célèbre grotte du Gargano est en effet caractérisée par une utilisation continue et constante à des fins liturgiques, ce qui en a fait un lieu d’une extraordinaire stratification historique et culturelle. En excluant ici la valeur purement religieuse qui imprègne encore le lieu, cette inscription (qui ne menace qu’une traduction approximative) avertit que le sanctuaire du Gargano est un lieu qui suscite l’attention et le respect, un respect qui n’est pas seulement dévotionnel, mais aussi civique et historique. En effet, parcourir les espaces du lieu de culte séculaire et descendre dans la grotte sacrée, consacrée directement par l’archange selon la tradition, c’est s’immerger dans un espace où l’histoire se greffe sur la foi et les croyances et se manifeste ensuite sous les formes les plus innombrables.
En effet, il est impossible d’étudier ce sanctuaire insolite sans commencer à dérouler le long fil des événements et des témoignages historico-artistiques, en partant précisément de ses origines complexes, entre histoire et légende. Si, en effet, on peut affirmer qu’historiquement, le culte de saint Michel est arrivé sur le promontoire apulien depuis l’Orient, et en particulier depuis Constantinople où il était déjà répandu au IVe siècle, du point de vue de la tradition, le début de la vénération angélique est à situer entre 490 et 493, lorsque le soldat céleste apparut à trois reprises.
L’histoire du sanctuaire et la reconstruction du culte se fondent principalement sur le Liber de apparitione sancti Michaelis in monte Gargano (également connu sous le nom d’Apparitio), un texte anonyme unique probablement composé aux alentours du VIIIe siècle. Le manuscrit fondamental, qui a également servi en partie de source à Jacopo da Varazze pour la rédaction de la Legenda Aurea, divise le récit en trois parties, en commençant par le célèbre épisode du taureau, dans lequel un riche berger, éponyme du promontoire des Pouilles, rentre au bercail avec ses moutons et se rend compte que son meilleur taureau s’est à nouveau échappé. Après de longues recherches, Gargano retrouva son animal dans une grotte et, exaspéré par la fatigue et la énième fuite du bovin, décida de tirer une flèche empoisonnée, qui revint miraculeusement, mais atteignit le berger lui-même. Intimidés par cet incident, les habitants du village de Siponto, sur le territoire duquel se trouvait la grotte, s’adressèrent à un évêque (identifié plus tard comme Lorenzo Maiorano) qui ordonna un jeûne de trois jours à l’issue duquel l’archange Michel apparut miraculeusement à l’évêque lui-même. Le soldat angélique informa le prélat que l’événement avait été organisé par lui pour montrer à la population et à l’évêque lui-même qu’il était le “patron et gardien” de cette grotte et de toute la montagne. La première apparition micaélique, maintes fois représentée dans l’histoire de l’art (de Priamo della Quercia à Lucano da Imola, d’Antoniazzo Romano à Cesare Nebbia), conclut ainsi le premier épisode et cède rapidement la place à la seconde partie de l’histoire dans laquelle les Napolitains (Byzantins) font la guerre aux Sipontins et aux Bénéventins (Lombards). L’archange, apparaissant à nouveau au même évêque du premier récit, qui l’avait invoqué avec la population locale lors d’une brève trêve accordée par les Napolitains, annonce la victoire des Lombards dans la bataille du lendemain grâce à sa prodigieuse intervention. La victoire susmentionnée, qui eut lieu selon l’Apparitio en 492, termine également la deuxième partie pour laisser place à l’épisode final de la “Dédicace”, dans lequel l’évêque habituel, qui jusqu’alors avait eu très peur d’entrer dans la grotte pour vénérer le saint céleste sur le lieu de la première apparition, décida de consacrer la grotte dans l’année qui suivit la grande victoire. Arrivé à l’entrée de la grotte, l’archange apparut une troisième fois pour annoncer qu’il n’appartenait pas aux hommes de consacrer la basilique construite directement par l’émissaire divin: “Moi qui l’ai fondée, je l’ai consacrée moi-même. Mais vous aussi, vous entrez et fréquentez ce lieu, placé sous ma protection”. C’était le 29 septembre de l’année 493, jour où l’on célèbre encore aujourd’hui saint Michel Archange, et le lieu sacré, seul temple de la chrétienté non consacré par la main de l’homme, a reçu au fil des siècles le titre de “Basilique céleste”.
Le sanctuaire de saint Michel au Monte Sant’Angelo. Ph. Crédit Ito Ogami |
Le sanctuaire de Saint-Michel à Monte Sant’Angelo. Ph. Crédit: Sanctuaire San Michele |
L’inscription “Terribilis locus est iste” à l’entrée du sanctuaire |
Priamo della Quercia, Apparition de saint Michel sur le Gargano (prédelle du triptyque-tabernacle Brancoli, vers 1430 ; tempera sur panneau ; Lucques, Museo Nazionale di Villa Guinigi). Ph. Crédit Francesco Bini |
Lucano da Imola, Mont Gargano et la ville de Siponto (1550 ; Bergame, San Michele al Pozzo Bianco) |
Cesare Nebbia, Saint Michel apparaît sur le mont Gargano (vers 1592 ; fresque ; Cité du Vatican, Musées du Vatican, Galerie des cartes) |
Si le premier et le troisième épisode ont été interprétés comme le noyau ancien d’une légende fondatrice locale originale, née peu après le début du culte angélique et se rapportant aux premiers siècles du sanctuaire (Ve - début VIe siècle), le deuxième épisode est selon toute vraisemblance le résultat d’une interpolation postérieure (VIe - VIIe siècle) réalisée dans le but de lier le culte, jusqu’alors sous influence byzantine, à la domination lombarde. Ce n’est en effet pas un hasard si le temple, convenablement rénové, devint bientôt un sanctuaire national des Lombards, l’archange Michel leur protecteur et le siège épiscopal de Siponto incorporé à celui de Bénévent, transformant ainsi le culte en un puissant instrumentum regni.
C’est précisément dans cette phase historique primitive du sanctuaire que résident les plus grandes difficultés d’une reconstruction philologique du complexe et de ses nombreuses modifications et transformations ultérieures. La description la plus ancienne nous est fournie par l’Apparitio, qui nous informe qu’au cours des premiers siècles, la grotte était à l’origine divisée en deux: une petite, plus basse, dans laquelle l’archange avait laissé ses empreintes (d’où l’autel des empreintes) et une plus grande dans laquelle, toujours selon la tradition, sur un autre autel, le saint avait déposé son manteau et un petit vase contenant de l’eau miraculeuse. On accédait à ces deux grottes par une étroite fissure dans la roche autour de laquelle était construite une première église, l’ église byzantine, dont les quelques vestiges n’ont été découverts qu’au cours des dernières décennies du siècle dernier grâce à d’importantes campagnes archéologiques. L’édifice byzantin, auquel on a ajouté par la suite un long portique, devait consister essentiellement en une grande salle, une sorte de galerie, qui, par un escalier complexe, menait littéralement à la première crypte, la crypte des empreintes, par laquelle on pénétrait ensuite dans la grotte proprement dite, de dimensions plus importantes.
Du milieu du VIIe au VIIIe siècle, le sanctuaire micélique a fait l’objet de nombreuses rénovations et extensions, financées par les ducs lombards et souhaitées afin d’agrandir les espaces pour en faciliter l’utilisation par des fidèles toujours plus nombreux. Les premières interventions ordonnées par Romuald Ier (662 - 687) ont conduit à la construction d’un nouvel escalier, qui est cependant devenu rapidement obsolète. Après la démolition de la cloison rocheuse qui séparait les deux cavités et la création d’une seule grande salle, il fut décidé de construire un nouvel accès monumental qui, en rejoignant une structure voûtée complexe, prit la forme d’une longue galerie correspondant à l’actuel musée lapidaire de la basilique. La redécouverte de cette zone, réalisée grâce à de longues fouilles archéologiques, a permis de la transformer entièrement en musée, mais surtout d’identifier sur les piliers du grand escalier de nombreuses inscriptions de pèlerins, preuves extraordinaires du succès du culte de saint Michel. Ces nombreuses épigraphes sont une preuve irréfutable de la centralité (non seulement cultuelle mais aussi politique et stratégique) du sanctuaire au début du Moyen-Âge. Une importance que la grotte miraculeuse n’a pas perdue, même après la désintégration des principautés lombardes ou au cours des siècles suivants, comme en témoignent les nombreuses attaques sarrasines de la fin du IXe et du début du Xe siècle, dont la plus forte (en 869) a gravement endommagé le complexe. C’est peut-être à cause de ces dégâts que l’empereur Louis II (825 - 875) décida d’accorder à Aione, archevêque de Bénévent dont dépendait le sanctuaire, les moyens de restaurer l’église.
Inscriptions des pèlerins. Ph. Crédit Longobards en Italie |
Le musée lapidaire |
Bien qu’il soit impossible de connaître l’ampleur des travaux de restauration du prélat campanien, les critiques s’accordent à dire que les quelques fragments conservés de la décoration à fresque des murs, des soubassements et des piliers qui couvraient autrefois les espaces devant la grotte sacrée sont similaires à cette importante commande. Une campagne décorative qui a dû être reprise et transformée à plusieurs reprises au cours des siècles suivants, au gré des domaines qui l’ont adaptée à leurs besoins les plus divers. Les fresques qui subsistent, dont la plupart ont été détachées dans les années 1960, représentent principalement des éléments décoratifs végétaux ou floraux, de petites pièces de faux marbre ou des sujets ayant une signification symbolique, comme le soi-disant Custos Ecclesiae. Trouvé entre 1949 et 1955, détaché en 1965 et aujourd’hui exposé dans la salle de conférence du sanctuaire, le Custos Ecclesiae représente un moine tête nue, aux cheveux courts et tonsurés, aux grands yeux et vêtu d’une tunique blanche. De la main droite, le jeune prêtre tient ce qui semble être une petite coupe, tandis que son visage est au centre d’un nimbe carré, attribut alors réservé aux seuls vivants. La proximité de l’ancienne entrée de la grotte des empreintes, la découverte dans le plâtre de deux deniers d’argent d’Otto II (962-973) et l’interprétation de l’inscription partiellement conservée qui l’entoure, ont permis d’établir un lien entre la grotte des empreintes et la grotte des empreintes.partiellement conservée qui l’entoure, ont permis de l’identifier à un Léon “épiscopal et pécheur”, peut-être l’archevêque de Siponto qui obtint l’indépendance de Bénévent en 1034, ou peut-être le pape Léon IX (1049 - 1054) qui fréquentait assidûment le sanctuaire. Quelle que soit son identification, la fresque détachée est l’un des meilleurs témoignages picturaux que l’on puisse situer entre le milieu du IXe siècle et les premières décennies du XIe siècle, ainsi que l’un des premiers témoignages historico-artistiques du sanctuaire. Un lieu de culte qui, au cours de ces mêmes siècles, a dû être le centre d’attraction d’une œuvre artistique particulièrement raffinée et d’une valeur extraordinaire, comme le démontre le magnifique Archange Michel en cuivre doré du Musée de la dévotion du Monte Sant’Angelo. Grâce au gaufrage d’une fine feuille de cuivre doré, la figure de l’archange se révèle à nos yeux selon une iconographie fondamentalement nouvelle pour le XIe siècle. Le soldat céleste est en effet représenté non pas dans l’habit impérial ou militaire habituel, mais dans une élégante tunique courte, typique des représentations de certains personnages appartenant à la lignée royale lombarde. La robe originale, interrompue aujourd’hui par la rupture postérieure qui sépare le buste des jambes, présente d’élégants motifs décoratifs gravés très légèrement en surface pour imiter les broderies des épaules, du buste et de l’ourlet. Le visage arrondi, peut-être travaillé séparément puis réuni au corps, est entouré d’une chevelure ondulée et d’une auréole finement décorée, tandis que les ailes se déploient pour accueillir les deux mains, dont l’une, la droite, devait autrefois tenir une lance pointée vers le bas, comme le montre le petit fragment subsistant et encore visible entre les doigts. Un objet très raffiné, vraisemblablement un précieux cadeau votif au saint, comme le suggère l’inscription dédicatoire sur le suppedaneo mentionnant Roberto et Balduino style=“font-weight: normal ;”>, peut-être deux pèlerins d’origine franque. L’extraordinaire artefact, fruit d’une découverte fortuite dans un recoin de la grotte en 1900 et datable de la première moitié du XIe siècle, fait partie, avec la fresque du Custos Ecclesiae, des quelques témoignages historiques et artistiques du haut Moyen Âge qui s’est achevé dans la basilique du Gargano avec le retour de la domination byzantine.
Le pouvoir rétabli opéra une véritable “re-byzantinisation” du culte de saint Michel grâce à la campagne hagiographique en faveur de l’évêque Lorenzo Maiorano, parent de l’empereur Zénon et précédemment envoyé à la tête de l’église sipontine. Lorenzo, identifié de manière appropriée à l’évêque mentionné dans le récit précédent des apparitions, a été largement réutilisé par le premier évêque sipontain indépendant, Leo, peut-être identifiable dans le Custos Ecclesiae susmentionné. C’est précisément à la figure de l’évêque Léon et à son activité de mécène que l’on doit les nombreux témoignages de cette période de grande ferveur pour le sanctuaire, parmi lesquels se distingue l’extraordinaire lutrin de l’ambon aujourd’hui conservé au Museo Lapidario. L’œuvre, datée et signée par le sculpteur Acceptus en 1041, est probablement une commande de Léon qui, dans les mêmes années, avait confié au même sculpteur et à ses collaborateurs une œuvre similaire pour l’église de Santa Maria di Siponto. Le choix précis de l’évêque sipontain de rapprocher le mobilier liturgique de la basilique céleste de celui de son siège épiscopal dénote la centralité du médium artistique dans l’affirmation de l’égale dignité entre les édifices ecclésiastiques et, en même temps, la mise en évidence de la dépendance directe de l’église troglodytique à l’égard du pouvoir épiscopal. L’univers byzantin est également facilement identifiable dans la manière stylistique du sculpteur, qui semble se tourner vers la tradition des objets éburnéens dont il s’inspire non seulement pour l’aspect iconographique, mais aussi pour leur réalisation technique. Cependant, Acceptus se révèle être un sculpteur exceptionnel, capable de réinterpréter la tradition en en donnant une nouvelle lecture avec une extraordinaire force expressive. La récente reconstitution, présentée à l’occasion de la belle rénovation du Museo Lapidario, permet de comprendre encore mieux la valeur extraordinaire de cette pièce, qui faisait partie d’un ambon détruit à une époque indéterminée. L’œuvre était en effet insérée au centre d’une structure à base rectangulaire soutenue par quatre colonnes avec autant de chapiteaux et bordée par quatre plaques de marbre (malheureusement perdues) reposant sur des poutres sculptées. Au-dessus, sous les yeux des fidèles, le grand aigle tient un livre ouvert ayant la fonction d’un lutrin tout en déployant tout son extraordinaire raffinement stylistique grâce à l’expédient de bon goût des deux ailes entrouvertes. Cette œuvre n’est donc pas loin de la fin de la soi-disant domination grecque et de l’intervention des Normands qui, quelques années plus tard, s’établiront dans les Pouilles en tant que seigneurs et maîtres. Avec la nouvelle domination, les premières revendications des droits épiscopaux déjà manifestées par Léon avec la commission ad Acceptus réapparaissent avec encore plus de force, comme le montre la juxtaposition du prélat sipontain avec une autre œuvre extraordinaire: le trône épiscopal de l’église troglodyte. Placé aujourd’hui encore à l’intérieur de l’abside du sanctuaire, l’extraordinaire siège pastoral n’a cependant été approché que bien plus tard par Léon, comme le montre une analyse minutieuse de l’inscription figurant sur le cadre du dossier. La gravure a probablement été réalisée vers 1127, lorsque le pape Alexandre III promulgua une bulle en faveur de la concattredalità de la basilique, qui fut révoquée quelques années plus tard. Cela ouvre une situation chronologique complexe qui illustre la complexité des études sur les objets d’art et l’histoire du sanctuaire. En effet, l’inscription postérieure n’exclut pas la possibilité que l’œuvre soit plus ancienne et qu’au moment de l’émission de la bulle papale, seule la gravure ait été réalisée afin de laisser un souvenir de l’événement sur l’objet même qui représente le mieux le pouvoir épiscopal. D’autre part, les deux lions qui soutiennent la simple structure de marbre au dos pourraient même être le résultat d’une culture artistique plus tardive (peut-être du XIIIe siècle?). En outre, il est important de rappeler que le bel objet finement travaillé n’est pas monolithique mais résulte de la composition de plusieurs éléments en marbre, qui pouvaient être facilement remplacés s’ils étaient déplacés ou endommagés. Le trône du Monte Sant’Angelo résume donc l’incertitude qui plane encore sur la période entre la domination byzantine et le nouveau pouvoir normand du sanctuaire, et qui a profondément marqué l’ensemble du complexe. Presque certainement sous le règne de Robert Guiscard (1015 - 1085), la basilique subit d’importantes transformations, dont ne subsistent que le portail d’entrée de l’église et les incomprises mais extraordinaires portes en bronze de Constantinople importées, offertes par le noble amalfitain Pantaleone en 1076.
C’est précisément autour des portes de bronze, qui marquent encore l’entrée de la basilique, que se situe l’une des propositions critiques les plus intéressantes sur la transformation majeure de l’accès à l’espace sacré. Selon toute vraisemblance, en effet, les deux portes, formées d’un lourd cadre de bois recouvert de tuiles d’oricalcus (alliage de cuivre, de zinc, de plomb et d’un peu d’argent) et fixées par de solides cadres faits du même métal et fixés par des goujons, fermaient l’accès à l’église aux pèlerins qui n’avaient pas accès à la basilique.L’accès à l’église pour les pèlerins qui n’entraient plus par le bas à travers la structure primitive, mais descendaient par le haut, c’est-à-dire de l’agglomération urbaine du Monte Sant’Angelo, qui commençait à s’étendre dans ces années-là. La preuve en est l’absence totale, dans l’atrium d’entrée, d’éléments structurels et décoratifs de l’époque angevine ou gothique, qui auraient dû être présents si l’accès par l’amont n’avait été construit qu’à l’époque angevine. Selon toute vraisemblance, une longue volée de marches taillées dans le roc devait donc exister dès la seconde moitié du XIe siècle, avant d’être agrandie et fortement modifiée à l’époque de Charles Ier d’Anjou. Le portail en bronze avec ses 12 panneaux représentant des apparitions des archanges Michel et Gabriel, liés à des traditions locales, romaines et cassinoises, nous fait rapidement sortir de la domination normande, laissant place à la présence souabe, malheureusement très peu documentée en ce qui concerne le sanctuaire. La seule exception précieuse est la stupéfiante croix en cristal de roche et filigrane, traditionnellement considérée comme un cadeau personnel de Frédéric II et aujourd’hui conservée dans la chapelle des reliques. En effet, l’empereur, qui ne dédaignait pas initialement le pillage de la basilique, fit don, à son retour de croisade en 1228, d’un fragment de la vraie croix enchâssée dans ce splendide objet. Peut-être de fabrication vénitienne ou française, la stauroteca peut être datée des environs du XIIe siècle, bien qu’elle ait subi d’innombrables restaurations et interpolations de la part de très habiles orfèvres méridionaux, qui l’ont finalement dotée d’un pied en argent repoussé et coulé. Un objet précieux qui devait redonner vie à l’extraordinaire collection d’œuvres d’orfèvrerie inestimables qui constituait l’ancien Trésor du sanctuaire , conservé dans des espaces qui, contrairement à la précieuse collection, n’ont pas bénéficié d’une attention particulière pendant la domination souabe.
Artiste inconnu, Custos Ecclesiae (milieu du IXe siècle - début du XIe siècle ; fresque détachée ; Monte Sant’Angelo, Sanctuaire de Saint Michel) |
Orfèvre inconnu, Saint Michel (XIe siècle ; cuivre doré ; Monte Sant’Angelo, Musée de la dévotion) |
Acceptus, lutrin de l’ambon (1041 ; marbre ; Monte Sant’Angelo, Museo Lapidario) |
Monte Sant’Angelo, Sanctuaire de Saint-Michel, l’église troglodyte |
Le trône de l’évêque dans l’église rupestre |
Artiste byzantin inconnu, Porte en bronze du sanctuaire de Saint-Michel (XIe siècle ; bronze ; Monte Sant’Angelo, Sanctuaire de Saint-Michel) |
Artiste byzantin inconnu, Porte en bronze du sanctuaire de San Michele, détail |
Au contraire, c’est à nouveau l’architecture et les salles du complexe qui sont les protagonistes au XIIe siècle, lorsque le sanctuaire devient l’objet privilégié des soins et des interventions directes des premiers souverains angevins. En effet, Charles Ier décide d’intervenir fortement en initiant un processus complexe de monumentalisation des espaces, qui conduit à la redéfinition de la voie de descente en un large escalier à plusieurs volées permettant de descendre dans l’église depuis le centre ville en montant. La nouvelle voie d’accès a également entraîné la redéfinition des entrées à proximité de la grotte et la construction d’une grande nef proto-gothique, reléguant les anciennes structures lombardes et byzantines dans les souterrains. Les salles de la grotte ont également fait l’objet d’un réaménagement complet, impliquant probablement tout le mobilier de l’église et le démontage de l’ambon de l’Acceptus, dont une partie a été réutilisée plus tard dans le nouvel autel. La nouvelle entrée près du centre ville a enfin fait l’objet d’une dernière intervention qui a conduit à la création de la petite place devant l’entrée (vers 1271), à la construction du clocher octogonal par le protomagister Giordano et son frère Marando (commencée en 1274) et à l’élaboration d’un important plan de transformation de la ville pour mieux accueillir les pèlerins. Le sanctuaire de saint Michel était alors très proche de ce que l’on peut visiter aujourd’hui, mais de nombreuses décorations et représentations manquaient à l’appel. À partir de ce moment, elles ont transformé la forme et le sens de l’espace sacré au fil des siècles, se superposant ou se remplaçant les unes les autres. Des transformations et des rénovations qui n’ont cependant jamais perdu leur lien étroit avec le pouvoir royal et les différentes maisons régnantes. En témoigne le remarquable portail d’entrée, aujourd’hui celui de droite après le dédoublement de la façade au XIXe siècle, où en 1395, peut-être à la demande de la princesse angevine Marguerite, mère de Ladislas, une lunette sculptée a été placée avec la Vierge Marie et le divin Enfant, entre les saints Pierre et Paul et la commanditaire elle-même. Malgré une certaine dureté formelle, l’œuvre marque le passage définitif au gothique dans le langage artistique local d’un artiste comme Siméon, qui signe l’œuvre dans l’architrave, mais souligne surtout la valeur symbolique de cet accès. En effet, la présence inhabituelle des saints Pierre et Paul, figures par excellence placées à l’entrée du royaume céleste, est parfaitement liée à l’avertissement de Michel mentionné au début sur la révérence que le sanctuaire devait inspirer. Un respect et une dévotion qui ont conduit les mécènes royaux à envoyer à la grotte de Gargano des œuvres d’artistes non seulement de la culture locale, mais aussi plus généralement européenne, comme l’était d’ailleurs la cour angevine elle-même. La Sainte Trinité, retrouvée en 1922 murée dans la niche qui l’abrite encore, exactement derrière la statue du Rédempteur aujourd’hui au Museo Lapidario, dénonce en effet une approche formelle de l’aire provençale ou plus généralement française. Une œuvre très intéressante donc, qui souligne une fois de plus la grande richesse historique inhérente au sanctuaire, protagoniste comme peu d’autres lieux de culte d’une continuité cultuelle peu commune. Ainsi, la représentation de la Trinité, interprétée comme une figure unique enveloppée dans une grande robe d’où émergent deux mains mais trois têtes balafrées, nous raconte comment l’œuvre de l’époque gothique (fin du XIVe - XVe siècle) a dû subir les violences de l’après-Concile (1563) qui ont d’abord irrémédiablement détruit les trois visages puis (vers 1628) ont conduit à l’encloisonnement complet de la niche. De même, le Rédempteur, alors placé pour recouvrir la niche murée, a été déplacé à plusieurs reprises et utilisé comme simple sculpture de dévotion, effaçant son origine catalane que l’on peut voir aujourd’hui grâce à l’analyse des formes et à une bonne utilisation muséale.
Au début du XVe siècle, le sanctuaire était donc déjà un lieu chargé d’une histoire pluriséculaire complexe, ainsi qu’un lieu de pèlerinage sous la dépendance directe des souverains qui l’enrichissaient d’œuvres d’art et de dons financiers importants. Mais il est encore loin d’être ce qu’il est aujourd’hui. Située à la périphérie de la ville, non loin de la fortification de Frédéric, les descriptions anciennes la décrivent comme un lieu à la limite du sauvage, entouré de commerces de toutes sortes et de tous genres et d’une masse oppressante de pauvres qui attendent l’aumône. Une belle estampe du Voyage pittoresque de l’abbé de Saint-Non vers 1781-86, bien que caractérisée par ce sens du grotesque propre aux estampes du XVIIIe siècle, nous aide à comprendre une situation très différente de celle d’aujourd’hui. La même estampe nous permet également de comprendre l’aspect du sanctuaire jusqu’en 1865, date à laquelle il fut décidé de doter la basilique d’une façade plus appropriée qui modifiait l’aspect original et supprimait la célèbre colonne avec l’archange qui a donné son nom au hall d’entrée, connu sous le nom d ’“Atrium de la Colonne”. Une transformation du XIXe siècle qui a définitivement nié, peut-être plus encore que les dommages du temps, l ’aspect purement “moderne” du sanctuaire, en effaçant les derniers vestiges historiques et artistiques tangibles, déjà fortement endommagés par les événements historiques (dont la dévastatrice spoliation napoléonienne). Pourtant, bien que peu nombreux, les précieux vestiges historico-artistiques de l’époque moderne marquent puissamment l’image de l’église et la figure de saint Michel lui-même. En effet, c’est entre la fin du XVe siècle et les toutes premières années du XVIe siècle qu’est arrivée dans la basilique la statue de saint Michel Archange, encore vénérée aujourd’hui dans le monde catholique et prototype de la représentation du saint dans les siècles suivants. Une œuvre extraordinaire qui, en raison de sa profonde valeur religieuse et de son aura miraculeuse, a été trop longtemps négligée par les études historico-scientifiques qui l’ont trop souvent considérée comme une simple figure de dévotion. L’œuvre remplace le dernier des trois simulacres du saint qui se sont succédé à partir de 1323, avec celui commandé par la reine de Naples, Marie de Hongrie, épouse de Charles II d’Anjou, jusqu’en 1488, date à laquelle Ferrante d’Aragon a coulé la troisième reproduction en argent offerte par son père, Alphonse Ier d’Aragon, en 1447 seulement. La commande de la sculpture en marbre serait donc liée à la visite de Ferdinand le Catholique, en pèlerinage au sanctuaire en 1507, qui fit commander par Consalvo di Cordova, Grand Capitaine du Royaume de Naples récompensé par l’Honor Montis en 1497, une statue de l’archange digne de l’important lieu de pèlerinage. Le vice-roi dut s’adresser à un sculpteur d’envergure toscane particulièrement au fait de la situation artistique florentine, s’appuyant peut-être sur les conseils de l’archevêque de Siponto, le cardinal d’origine toscane Ciocchi del Monte, qui orienta peut-être la commande vers un artiste d’envergure sansovinienne comme Andrea di Pietro Ferrucci dit Andrea da Fiesole (Fiesole, 1465 - Florence, 1526). La belle sculpture montre en effet une forte influence de Donatello dans le schéma de composition du corps de l’archange qui, grâce à une intelligente structure en chiasme, associe le bras plié derrière la tête à la jambe classiquement tendue et vice versa, le bras tendu tenant doucement le manteau, la jambe pliée écrasant le démon difforme. Tout cela, associé à l’extraordinaire travail de l’armure, des chaussures et des boucles souples, crée une figure que l’on peut définir comme divinement angélique, comme jamais auparavant. Une solennité calme qui deviendra un élément iconographique fixe des futures répliques de l’heureux sujet, bien qu’en 1610 les deux ailes originales aient été enlevées au profit de deux ailes en argent, ciselées aux frais des chanoines du sanctuaire avec l’épée, qui a également été remplacée par une en métal précieux. L’image de saint Michel du XVIe siècle devint ainsi en quelques années la représentation la plus connue du saint céleste, favorisée également par les répliques des sculpteurs du Mont Saint-Ange, les " sanmichelai", qui déjà, par privilège royal des Aragonais, avaient réalisé des œuvres d’art et des œuvres d’art. par privilège royal des souverains aragonais du 13 septembre 1475, avaient le droit exclusif de reproduire en statues et en peintures l’effigie en micaelica dans tout le royaume de Naples (les témoignages du Musée de la Dévotion sont extraordinaires).
L’escalier angevin |
Le clocher octogonal. Ph. Crédit Patrick Nouhailler |
La petite place |
Maître Siméon, Vierge Marie et l’Enfant divin, entre les saints Pierre et Paul et la princesse Marguerite (1395 ; marbre ; Monte Sant’Angelo, Sanctuaire de San Michele) |
Artiste inconnu, La Sainte Trinité (fin du XIVe siècle ; marbre ; Monte Sant’Angelo, Sanctuaire de San Michele) |
Andrea di Pietro Ferrucci dit Andrea da Fiesole, Saint Michel (vers 1497 ; marbre ; Monte Sant’Angelo, Sanctuaire de Saint Michel) |
Richard de Saint-Non, Vue de Monte Sant-Angelo. Prise de l’entrée de l’Eglise et le jour de la fête du Saint (1781-1786 ; gravure sur cuivre, 200 x 260 mm ; Différents lieux) |
Jusqu’à la fin de l’ancien régime, l’église spéciale du Gargano a connu des transformations continues dues à la difficile reconstruction. De nouveaux autels en remplacèrent d’autres, certains furent définitivement supprimés, de nouveaux espaces furent créés pour faciliter la vie difficile des presbytres (comme le nouveau chœur du XVIe siècle créé pour contrer l’humidité très élevée de la grotte). Une nouvelle apparition, en 1656, à l’archevêque Alfonso Puccinelli, redonna vie à un culte un peu souffrant, le transformant en peu de temps en l’un des plus puissants lieux de pèlerinage contre la peste. Au fil des siècles, la dévotion populaire et royale transforma le sanctuaire de Saint-Michel en un lieu plein de richesses et d’histoires qui se dissipèrent rapidement avec les suppressions napoléoniennes, les réquisitions et la dispersion de l’énorme trésor et la fin de l’ancien régime. Après une très courte période de déclin, le sanctuaire a fait l’objet d’une nouvelle campagne de décoration et de restauration qui a transformé la façade et le parvis d’entrée en ce que l’on peut voir aujourd’hui. Il est impossible de décrire en détail l’énorme histoire artistique de la basilique céleste, tout comme une visite rapide ne permettrait pas d’apprécier pleinement son histoire et la stratification dont elle témoigne. Après tout, c’est le saint lui-même qui l’a clairement indiqué à l’évêque sceptique. Pour se souvenir de ses paroles, il suffit de lever les yeux avant d’entrer. “Terribilis est locus iste”.
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