De toutes les œuvres représentant des corps féminins, porteurs de messages plus ou moins érotiques, L’Origine du Monde de Gustave Courbet (Ornans, 1819 - La-Tour-de-Peilz, 1877) est celle qui s’engage le plus dans la voie d’un réalisme féroce: c’est une œuvre qui permet de comprendre comment, au cours de l’histoire, les canons esthétiques et les valeurs véhiculées par le corps ont connu de brusques changements et renversements, pour aboutir à une société qui, pendant des siècles, a choisi de reléguer la représentation explicite de la sexualité dans l’art au seul domaine de la pornographie.
AvantOrigine du Monde, personne n’avait jamais placé le sujet aussi dangereusement près du sexe féminin. Le point d’observation est placé entre les cuisses de la femme dont la jambe droite suit une diagonale avec le corps allongé, dont la chair réaliste conduit lentement le regard vers la zone génitale exposée sans voile ni inhibition, tandis que le reste de la figure s’éloigne, échappant à la curiosité. Courbet ne se contente pas de suggérer, comme Francisco de Goya quelques années plus tôt avec la scandaleuse Maja desnuda ou Édouard Manet avec la controversée Olympia, une timide pilosité. Ici, l’hirsutisme de la femme est la clé de l’érotisme extrêmement effronté de la toile.
A cette époque, le peintre d’Ornans a pris l’habitude d’être désigné comme un artiste scandaleux, car son réalisme commence déjà à détruire la tradition académique en mettant au premier plan les visages et les postures, souvent courbés et éloignés des mœurs des puissants, des gens du peuple et des pauvres. En effet, les œuvres transgressives de l’artiste pourraient sembler presque infinies, et parmi elles il serait impossible de ne pas mentionner Un enterrement à Ornans de 1849, qui choque par sa représentation grossière de l’enterrement d’un étranger entouré de personnages tantôt éplorés, tantôt indifférents, mais aussi la toile représentant un groupe d’ecclésiastiques ivres marchant sans but, Le retour de la conférence de 1863, qui fut achetée par un fervent catholique pour être ensuite détruite. L’année suivante, en 1864, c’est au tour de Vénus et Psyché, œuvre rejetée par le Salon pour indécence. Et encore, presque pour rire, en 1870, l’artiste refuse la nomination comme chevalier de la Légion d’honneur et dans sa lettre ouverte du 23 juin adressée au ministre des Beaux-Arts, Maurice Richard, Courbet écrit: “L’honneur n’est ni dans un titre ni dans un ruban, il est dans les actes et dans le mobile des actes. Le respect de soi-même et de ses idées en est la partie fondamentale. J’ai cinquante ans et j’ai toujours vécu libre ; que je termine mon existence libre ; quand je serai mort, on dira de moi: voilà quelqu’un qui n’a appartenu à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie”. Il refuse les honneurs, mais beaucoup le décrivent comme un vantard et excessivement imbu de sa personne, comme par exemple Ludovic Halévy, qui dans son Trois dîner avec Gambetta rapporte que le 28 mai 1882, lors d’un dîner Léon Gambetta, devant l’Origine du monde Courbet s’exclame: “ Vous trouvez cela beau et vous avez raison. Oui, c’est beau en effet. Et pensez, Titien, Véronèse, leur Raphaël, moi-même, nous n’avons jamais rien fait de plus beau”.
L’Origine du Monde lui a été commandée en 1866 par le diplomate turco-égyptien Khalil Bey qui possédait une vaste collection d’œuvres érotiques, dont le Bain turc d’Ingres et les Dormeurs de Courbet. Peu d’informations nous sont parvenues sur les propriétaires ultérieurs du tableau, mais nous savons qu’avant d’entrer timidement dans les collections du musée d’Orsay en 1995, le tableau a fait partie de la collection du psychanalyste Jacques Lacan.
DansOrigine du monde, l’artiste abandonne complètement son pinceau avec une audace inédite qui confère à l’œuvre un pouvoir de séduction étrange, mais extrêmement fascinant. Au centre d’une toile d’environ 40 centimètres sur 50, Courbet représente l’organe génital féminin, créant ainsi une œuvre non seulement scandaleuse, mais aussi extrêmement révolutionnaire dans sa composition et son réalisme, à tel point qu’elle est considérée comme un symbole de désordre politique et d’obscénité, représentant le point le plus avancé de la conquête réaliste. Courbet, par quelques coups de pinceau qui positionnent efficacement l’orientation des plis et la superposition du tissu, dont le traitement rapide et vibrant contraste avec la délicatesse du teint, enlève le regard du spectateur en le forçant violemment. Nous savons également, et maintenant avec une certitude absolue, que pour ses œuvres, il n’a pas seulement utilisé la copie d’après nature, plus classique, mais qu’il a préféré se servir d’images vendues au noir par des photographes célèbres comme Auguste Belloc.
Les photographies ne représentant que des organes génitaux féminins sont nombreuses et il n’est pas difficile d’imaginer ce qui a pu inspirer son origine du monde, mais il s’agit malheureusement d’une pratique considérée presque comme un fléau social, à tel point qu’en 1855, la préfecture de police de Paris perquisitionne l’atelier d’Auguste Belloc, y trouve environ 4 000 clichés et dresse un procès-verbal de production de photographies pornographiques.
L’hypothèse de l’utilisation de photographies par l’artiste a été formulée par le conservateur général du musée du Louvre, Dominique de Font-Réaulx, et est confirmée par les études menées sur le dessin fixe et la quasi-absence de repentir sur le tableau. Malgré ces recherches, il serait faux de dire que dès que l’on se trouve devant la toile, petite mais encombrante, le besoin presque morbide de découvrir la ressemblance du modèle pour lui donner un visage ne surgit pas dans notre esprit, peut-être dans le seul but de l’humaniser ou simplement de l’associer à quelqu’un d’éloigné de nous.
Dans un premier temps, les spécialistes de l’œuvre de Courbet ont émis l’hypothèse que le ventre appartenait à l’une des maîtresses du commissaire Khalil Bey, justement en raison de sa réputation de grand séducteur, tandis que l’historien Gérard Desanges, en 2011, avançait l’idée qu’il pourrait s’agir d’une femme connue pour son salon littéraire à Paris, une certaine Jeanne de Tourbey. Mais aujourd’hui, la grande majorité des historiens, dont le spécialiste de Courbet Jean-Jacques Fernier, s’accordent sur l’identité de Joanna ’Jo’ Hiffernan, épouse du peintre James Whistler puis de Courbet. L’équipe du Centre de recherche et de restauration des musées de France a eu l’occasion d’étudier à deux reprises le tableau scandaleux de Courbet et, à partir de février 2007, ses chercheurs ont procédé à un examen approfondi de l’œuvre qui a permis de dévoiler des secrets et d’infirmer certaines hypothèses.
On a d’abord pensé que L’Origine du monde n’était qu’un fragment de toile d’une composition plus vaste. Cette idée a été présentée au public le 7 février 2013 par l’hebdomadaire Paris-Match, qui a consacré un très long article à ce sujet, intitulé “Le secret de la femme cachée”, dans lequel il raconte comment un amateur d’art a trouvé, auprès d’un brocanteur, une femme cachée.Il y racontait comment un amateur d’art avait trouvé, chez un brocanteur, une tête de femme peinte sur une toile portant le cachet d’un marchand de l’époque, où l’on avait prouvé en laboratoire qu’il s’agissait d’un fragment d’une composition dont les éléments correspondaient fortement à l’origine du monde. Selon cette théorie, Courbet aurait peint un grand nu féminin qui aurait ensuite été découpé en deux morceaux par le même artiste, donnant naissance à deux œuvres distinctes. Des examens effectués en 2013 ont cependant montré que le tableau a toujours conservé son format d’origine et n’a jamais été coupé.
Peintre iconoclaste et ingénieux, Courbet avait l’habitude et aimait beaucoup provoquer, perturber et surtout déstabiliser, c’est pourquoi il changeait très souvent le format de ses compositions au fur et à mesure qu’il travaillait, s’amusant à les réduire, voire à les agrandir. Un exemple significatif en est l’Autoportrait du musée des Beaux-Arts de Besançon, qui provient d’une composition plus grande, alors qu’il semblerait que la genèse et la particularité de L’Origine du Monde n’aient rien à voir avec la simple, et presque prévisible, mutilation d’un tableau de grand format. Cela aurait été bien trop simple, et heureusement Courbet se révèle être un peintre subtil et audacieux, qui parvient à sublimer les thèmes les plus difficiles en n’élevant rien d’autre que la représentation du sexe au rang de sujet du tableau, créant ainsi un chef-d’œuvre là où beaucoup d’autres artistes n’auraient créé que de la banalité.
Les études susmentionnées ont montré comment la composition a été conçue exactement dans le format que nous voyons aujourd’hui sans jamais avoir été coupée par la suite, mais simplement l’artiste a obtenu d’un marchand une toile déjà tendue sur un châssis, préparée et appliquée alors que la toile était encore sur le rouleau. C’est la raison pour laquelle elle débordait légèrement et que l’on pensait qu’elle avait été coupée.
La radiographie a également montré que la matière était très légère et impalpable, découvrant que le peintre travaillait doucement et sans hâte par petites zones, évitant les aplats et ponctuant patiemment la surface de petites touches lumineuses visant à suggérer toutes les imperfections subtiles de la peau, donnant ainsi corps, épaisseur et vie à la chair, la rendant si réelle que l’on peut presque la sentir au toucher. Une autre photographie infrarouge en fausses couleurs met ensuite en évidence quelques petites imperfections, comme une ligne verticale située au-dessus de la cuisse droite qui prend une teinte rose et indique une ancienne déchirure, tandis qu’une autre déchirure est située sous le sein gauche. L’œuvre, contrairement à presque toutes celles de Courbet, n’est pas signée, mais son attribution au Français ne fait aucun doute, précisément parce que la technique utilisée ne pouvait être que la sienne et surtout parce que l’œuvre a été mentionnée à plusieurs reprises par les biographes de l’époque et figurait d’ailleurs, recouverte d’une feuille de vigne, sur l’une des caricatures du peintre.
Il nous est impossible de connaître avec certitude la raison de l’anonymat de cette toile que Courbet lui-même qualifiait de plus belle que les œuvres du Titien et de Raphaël, mais ce que nous savons, c’est que l’artiste n’aura de cesse de revisiter et d’étudier le nu féminin qui, sous ses coups de pinceau précis, n’est jamais pornographique ou libidineux, mais simplement vecteur d’un réalisme cru et audacieux. L’Origine du Monde est une description quasi anatomique d’un organe génital féminin qui n’a rien d’édulcoré et qui réclame d’être regardé sans méchanceté ni voyeurisme car, malgré sa crudité, il s’inspire violemment de la tradition en se tournant vers Titien, Véronèse, Corrège et la peinture charnelle et lyrique.
Cette œuvre choquante a suscité la honte et l’embarras des observateurs, a connu la censure, même récente, mais surtout une célébrité inimaginable. Tout le monde l’a connue, même si très peu ont eu le privilège de la voir à l’époque de l’artiste. Courbet, avec cette toile d’une grande sobriété, rappelle à l’observateur qu’il n’y a rien de plus subversif et rebelle que la réalité pure, créant un dangereux court-circuit entre le présent et le passé.
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