Le Labirinto della Masone, l'utopie concrète de Franco Maria Ricci


Ouvert au public en 2015, le Labirinto della Masone, immergé dans la campagne de Fontanellato, est la réalisation d'un rêve, l'utopie d'un humaniste contemporain, Franco Maria Ricci.

De la route, on ne voit pas le Labyrinthe du Masone. Pour y accéder, rien de plus simple : on court le long de la Via Emilia jusqu’à la déviation qui mène à Fontanellato et Soragna, une large allée qui divise le paysage. On passe des entrepôts qui se succèdent à la sortie de l’autoroute à la campagne plate de la plaine de Parme, désormais éloignée de la ville. On suit la route de Fontanellato jusqu’à un bosquet, l’un des rares qui subsistent dans la vallée du Pô. De là, on tourne et on arrive au labyrinthe. À l’extérieur, il est protégé par une couverture de bambous, puis par un mur de briques. Il faut conquérir le labyrinthe, il faut le vouloir, il faut avoir les bonnes dispositions. Franco Maria Ricci voulait que son labyrinthe conserve non seulement la fascination des anciens labyrinthes, leur aura de mystère, et même un réel sentiment de désorientation, compte tenu de sa taille : il voulait que ses hôtes, en le parcourant, vivent quelque chose qui s’apparente à un rituel, à une quête intérieure.

Une fois entré dans le Labyrinthe du Masone, il n’est pas facile d’en trouver le centre et d’en sortir. Ceux qui se promènent dans les parcs et les jardins sont habitués à des labyrinthes de petite taille, ou formés par des haies basses qui leur permettent de toujours contrôler la situation, de sorte que la déambulation à l’intérieur d’un labyrinthe est presque toujours une sorte d’amusement ou un peu plus. Ici, c’est différent : dans un labyrinthe dont chaque côté mesure cent mètres, il faut faire un sérieux effort, car le risque est de marcher, marcher et marcher, une demi-heure, une heure, deux heures, pour se retrouver au point de départ. Les bambous utilisés pour construire le chemin, trois cent mille plantes qui atteignent par endroits une hauteur de quinze mètres, couvrent complètement la vue, s’entrelacent, forment des tunnels, sont denses et impénétrables, et ne permettent presque jamais d’avoir des points de repère. C’est frustrant. Mais il n’y a pas d’autre solution : il faut se concentrer. Raison. Réfléchir à ses erreurs. Retrouver ses repères. Réfléchir pour ne pas se perdre. Et il y a des gens qui se perdent : on raconte que des touristes n’ont pas réussi à retrouver leur chemin et que les employés ont dû partir les chercher dans les voitures de golf mises à leur disposition. Les numéros imprimés sur les panneaux que l’on rencontre parfois sur le chemin servent aussi à cela : signaler sa position au cas où l’on se perdrait.



Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de la Masone
Labyrinthe de la Masone. Photo : Labyrinthe du Masone
Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de la Masone
Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de Masone

L’histoire officielle veut que le Labirinto della Masone soit né, au moins idéalement, en 1977, lorsque Franco Maria Ricci, éditeur, collectionneur d’art, bibliophile, humaniste contemporain, a fait un pari avec Jorge Luis Borges, à qui un autre labyrinthe était également dédié, à Venise, sur l’île de San Giorgio. Le labyrinthe est au cœur de la littérature de Borges. Pour l’écrivain argentin, c’est “le lieu où le chaos et le cosmos se rejoignent”, écrit Domenico Porzio, journaliste, critique d’art et éditeur de l’opera omnia de Borges. “Un lieu contradictoire parce qu’il s’agit d’une architecture qui protège et emprisonne à la fois ceux qui l’habitent”, un lieu qui “se développe en de multiples métaphores”, un symbole du chaos et de l’infini, un lieu du temps, de la pensée, de l’esprit. Pour Franco Maria Ricci, le labyrinthe est une sorte d’archétype. "Il a été présent à toutes les époques, a-t-il déclaré dans une interview, et a été un symbole sacré et profane, du labyrinthe grec et romain, symbole redoutable de pouvoir, au labyrinthe médiéval, symbole de foi, aux jardins ludiques et complexes du XVIIIe siècle, jusqu’aux labyrinthes des sites sacrés de l’Inde et de l’Orient.

Il a fallu des années pour donner forme à ce concept sur lequel Ricci avait longtemps médité, en lisant les livres de son ami Borges. C’était un rêve qui avait commencé à prendre forme au début des années 2000, un lieu qui puisse le représenter, la maison de sa collection d’art, sa maison d’édition, les archives de FMR, la revue qui a rapproché des générations d’Italiens et d’autres personnes de l’art et qui est encore aujourd’hui un modèle de référence pour l’édition dans le secteur. À la fin des années 1990, la rencontre qui a tout déclenché : Ricci a rencontré Davide Dutto, un jeune étudiant en architecture de Turin, qui lui a parlé de l’architecture de l’île de Cythère décrite dans l’Hypnerotomachia Poliphili, le roman le plus réussi de la Renaissance. Pour Ricci, ces images lui rappelaient la forme d’un labyrinthe. Elles lui rappellent peut-être aussi la promesse qu’il avait faite à Borges plus de vingt ans auparavant. Il ressent alors le besoin de tenir cette promesse, de commencer à traduire l’idée en un projet concret.

Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de la Masone
Labirinto della Masone. Photo : Labirinto della Masone
Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de la Masone
Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de Masone
Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de la Masone
Labirinto della Masone. Photo : Labyrinthe de Masone

La forme du labyrinthe, qui a été ouvert au public en 2015, est née des dessins de Davide Dutto, qui a fait plusieurs tentatives avant d’arriver à une solution inspirée des traités de la Renaissance, des exemples d’urbanisme du XVIe siècle, mais aussi de labyrinthes plus anciens, de sorte que le Labirinto della Masone résulte finalement d’une somme de plusieurs éléments : une conformation typique du labyrinthe classique, comme le labyrinthe crétois à sept boucles, un plan carré qui renvoie aux labyrinthes des mosaïques romaines, le tout enchâssé cependant dans un jardin en étoile qui remonte aux traités de la Renaissance, en particulier au Traité d’architecture de Filarete, qui imaginait un schéma résultant de la superposition de deux carrés, selon une idée qui allait inspirer l’urbanisme du XVIe siècle.idée qui inspirera l’urbanisme des “villes idéales”, à commencer par Palmanova, peut-être la plus fidèle aux idées de Filarete, et Sabbioneta, la ville fondée par le duc Vespasiano Gonzaga, non loin de Fontanellato. Cette étoile aurait vu s’élever des bastions massifs et imposants aux pointes, afin de protéger le cœur de la ville. Et dans la même idée, ici aussi les remparts végétaux et les méandres sinueux du labyrinthe protègent le centre du labyrinthe.

Le bambou qui dessine les couloirs, essence orientale plantée au Labirinto della Masone en différentes variétés, a été choisi pour plusieurs raisons : La curiosité de Franco Maria Ricci et son ouverture aux essences inhabituelles (l’éditeur a raconté qu’un jardinier japonais lui avait suggéré de planter un petit bosquet de bambous dans le jardin de sa maison à Milan), la facilité de gestion (le bambou est extrêmement résistant à l’eau et à l’humidité) et l’absence de risque d’incendie. (le bambou est une plante extrêmement résistante qui ne tombe pratiquement jamais malade), son élégance, ses qualités de plante à feuillage persistant, sa capacité à absorber le dioxyde de carbone et la rapidité de sa croissance.

Avant d’arriver au labyrinthe, on visite la collection, logée dans la première des architectures que l’on rencontre en arrivant au Masone. Un bâtiment carré de cinq mille mètres carrés. Formes inspirées de l’architecture néoclassique. Des murs extérieurs en briques typiques de la plaine du Pô : Ricci a voulu que le Labyrinthe soit en harmonie avec le territoire qui l’entoure. À l’intérieur, des œuvres rassemblées au fil de décennies de collectionnisme cultivé, éclectique et extravagant, réparties dans des salles à thème. Parmi les plus belles pièces, une Vénus de Luca Cambiaso surprise en train de bander les yeux de Cupidon, puis une Sainte Famille de Girolamo Mazzola Bedoli qui touche à l’un de ses plus grands points de tangence avec Parmigianino, un Baptiste du sophistiqué et métallique Bartolomeo Schedoni, le tourmenté Vir temporis acti d’Adolfo Wildt, une austère Elisa Bacioco d’Adolfo Wildt, et enfin, des tableaux de la collection de l’Institut d’Art et d’Histoire de Paris.austère Elisa Baciocchi de Lorenzo Bartolini, un Christ moqué de Valentin de Boulogne, un Tigre de Ligabue, une longue théorie de portraits dont l’éditeur Treves peint par Vittorio Corcos et la noble Francesca Majnoni peinte par Hayez. Une salle entière, la plus macabre, est consacrée aux vanités et aux memento mori. Il y a une salle pour les œuvres d’art déco. Les pièces de la Wunderkammer ne manquent pas non plus : la dent de narval, ici plantée sur une tête de polyphème, est un must. Dans une autre salle, on peut feuilleter tous les numéros de FMR, mis à la disposition du public, qui peut ainsi parcourir toute l’histoire de la revue, en feuilletant chaque page de la perle noire de l’édition mondiale.

Labirinto della Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae
Labyrinthe du Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae
Labirinto della Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae
Labyrinthe du Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae
Labirinto della Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae
Labyrinthe du Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae
Labirinto della Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae
Labyrinthe du Masone. Photo : Alessandro Pasquali / Projet Danae

Une fois la visite de la collection terminée, on s’enfonce dans le labyrinthe, enveloppé d’un silence interrompu uniquement par les bruits de la campagne, le bruissement du vent, le chant de quelques oiseaux et le bavardage des visiteurs qui se croisent le long d’un parcours qui, depuis l’entrée, en un peu plus d’une heure, s’il est parcouru avec attention, devrait conduire d’abord au centre puis à la sortie. Au centre, se dresse la grande pyramide, conçue, comme toute l’architecture, par Pier Carlo Bontempi qui, pour ses constructions, s’est inspiré, après les idées de Ricci, des utopies des Lumières d’un Étienne-Louis Boulée, d’un Claude-Nicolas Ledoux, d’un Pierre François Léonard Fontaine : En observant la pyramide de Bontempi, on se rend compte à quel point sa forme rappelle les majestueux cénotaphes conçus par les architectes du siècle des Lumières. C’est le cœur protégé par le labyrinthe de bambous, le centre auquel conduit le parcours Masone, la pyramide dans laquelle le visiteur trouve une chapelle que Ricci, homme d’une profonde foi catholique, a voulu placer au milieu du labyrinthe pour rappeler que le labyrinthe était aussi un symbole religieux dans le passé, l’allégorie de la pyramide de Bontempi. Le labyrinthe a également été un symbole religieux, l’allégorie du chemin, semé d’embûches, d’erreurs et de remises en question, que le fidèle emprunte pour atteindre la vraie sagesse et le salut, au point que le motif d’un labyrinthe, semblable à celui des mosaïques romaines, décore le sol de la chapelle, juste en face de l’autel. Et la pyramide, comme l’obélisque, était devenue un symbole chrétien après l’Antiquité : et si l’obélisque fait allusion à l’élévation de l’être humain vers la divinité, la pyramide est un symbole de perfection, c’est l’image de la Trinité chrétienne, c’est l’image de Dieu veillant sur l’humanité. C’est le centre vers lequel tend la quête de ceux qui parcourent le Labyrinthe du Masone.

Borges ne pensait peut-être pas que Ricci réussirait à réaliser son labyrinthe. Dans l’un des récits de son recueil Aleph, le roi d’Arabie dit au roi de Babylone, après avoir erré confusément jusqu’au coucher du soleil dans le labyrinthe complexe que le roi de Babylone lui-même avait fait concevoir par ses meilleurs architectes, qu’il possédait un labyrinthe plus compliqué et plus inextricable que le sien. Il le lui fera savoir après l’avoir emprisonné : ce labyrinthe, c’est le désert. Il n’y avait pas au monde de labyrinthe plus grand et plus compliqué que le désert. Et Borges l’aurait fait remarquer à Ricci. Ricci, pour sa part, aurait reconnu qu’il avait un peu péché par orgueil dans l’idée de construire le plus grand labyrinthe du monde dans la campagne de Parme. Mais il a réussi : il a donné forme à son rêve, il a concrétisé son utopie. Borges, lui, n’a pas eu le temps de le voir. En 1985, il écrivait dans FMR que le labyrinthe “est un symbole évident de perplexité, et la perplexité, l’étonnement d’où naît la métaphysique selon Aristote, a été l’une des émotions les plus communes de ma vie”. Et s’il avait vu le Labyrinthe du Masone, il aurait probablement complimenté son ami. Car Ricci, en faisant marcher Borges entre les parois de bambou du labyrinthe, lui aurait sûrement fait ressentir, à nouveau, ce vif sentiment de perplexité.


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