Le Caravage disparu réapparaît dans une lithographie ancienne de Philippe Benoist


On a découvert la plus ancienne reproduction de l'Oratoire de San Lorenzo à Palerme, connu pour avoir abrité la Nativité du Caravage jusqu'en 1969, date à laquelle elle a été volée. Il s'agit d'une lithographie du XIXe siècle réalisée par Philippe Benoist.

Il s’agit de la plus ancienne reproduction de l’Oratoire de San Lorenzo à Palerme. Une belle redécouverte si, datant du milieu du XIXe siècle, elle avait été perdue de vue. Et pour cause, elle a été publiée dans un ouvrage bibliographique aujourd’hui introuvable: la série L’Italie Monumentale & Artistique. Vues et Monuments Dessinés d’après nature par Ph. Benoist et lithographiés aux deux crayons par Bachelier, Ph. Benoist, et Jacottet. Il a été publié sous forme de fascicules entre 1845 et 1852, pour les éditeurs parisiens Bulla et Delarue, et ces volumes ont été tôt ou tard démembrés afin de vendre les images individuelles imprimées sur chaque page. C’est ainsi que l’église de la Compagnie de San Lorenzo, ainsi appelée dans l’imprécise légende bilingue, vient d’être acquise sur le marché des antiquités de Messine et retrouve avec bonheur le lieu où elle a été conçue.

De l’auteur Philippe Benoist, qui s’est consacré avec brio à la technique lithographique en illustrant “d’après nature” les monuments et les vues de ses nombreux voyages, il est significatif de savoir qu’il a été l’élève du père de la photographie Daguerre. Ses reproductions sont très soignées, comme on peut le constater à l’intérieur de l’oratoire de Palerme. Une scène qui nous permet de remonter le temps, dans un environnement qui n’a pratiquement pas changé depuis, mais qui est animé par la présence, en habits d’époque, de gens du peuple et d’artistes eux-mêmes désireux de copier. Bien qu’inconcevable aujourd’hui, cela fait même sourire sur le côté droit de voir le petit chien se reposer sur les précieux bancs incrustés d’ivoire et de nacre. De l’autre côté, adossé à la base de l’arc de triomphe, se trouve un ancien modèle de confessionnal.



La lithographie Eglise de la Compagnie de St. Laurent/Church of the Company of St. Lawrence, par Philippe Benoist (partie)
La lithographie Eglise de la Compagnie de St. Laurent/Church of the Company of St. Lawrence, de Philippe Benoist (part)


L'Oratoire de San Lorenzo aujourd'hui
L’Oratoire de San Lorenzo aujourd’hui

Tirée de la section “Royaume de Naples” de L’Italie Monumentale, la lithographie a été exposée en 1848 au Salon historique de Paris et a fait l’objet d’un dépôt légal en mai 1847. La fresque de la voûte réalisée par les frères Giacinto et Domenico Calandrucci (1706-1707), qui s’est effondrée lors d’un tremblement de terre en 1823, est donc absente. En revanche, quelques statuettes, vandalisées il y a des années, des “petits théâtres” en stuc de Giacomo Serpotta représentant les histoires des saints Laurent et François (1700-1705) sont documentées.

La Tentation de saint François de Giacomo Serpotta, avant et après la disparition de la figure de la prostituée
La Tentation de saint François de Giacomo Serpotta, avant et après la disparition de la figure de la prostituée.

Par ailleurs, chronologiquement plus tardif que les deux copies anciennes connues (l’une à Catane et l’autre dans la collection Federzoni), Benoist nous offre une reproduction surprenante de la Nativité que le Caravage a peinte en 1600. Bien que, dans ses dimensions réduites et dans la pénombre du presbytère, elle soit nécessairement stylisée et avec une certaine “ licence ” : peut-être en interprétant mal le fond sombre ou en tout cas pour des raisons liées à la lisibilité de l’œuvre, le plafond de la cabane devient un ciel avec des nuages.

Sur cette image ténue, tout converge en perspective et focalise l’attention des nombreux connaisseurs du grand Lombard. Avec l’espoir que, maintenant que le vol de 1969 fait l’objet d’une nouvelle enquête, à l’instar de cette lithographie, la Nativité pourra un jour rentrer chez elle.

La Nativité du Caravage comparée à sa reproduction dans la lithographie de Philippe Benoist
La Nativité du Caravage comparée à sa reproduction dans la lithographie de Philippe Benoist

Annexe

Depuis 1847, il afallu attendre au moins 1902 pour qu’un premier cliché de la Nativité soit publié dans un ouvrage imprimé, quin’était pas non plus facile à trouver et qui est resté inconnu de la plupart des gens: il s’agissait de la “Kunsthistorische Gesellschaft für Photographische Publikationen”, une série allemande qui publiait chaque année des illustrations de grand format (dans le numéro spécifique, le tableau est attribué à Merisi “par tradition”). L’image en couleur sépia, apparemment non identique mais très similaire à celle - de source et de date non précisées - conservée à la Fototeca Longhi (n° 0970128), documenterait cependant la peinture avant une intervention de conservation du début du 20e siècle. L’iconographie du Caravage sera toutefois connue du grand public grâce à la photographie (réalisée par le studio palermitain Incorpora) publiée en 1922 dans Il Caravaggio de Matteo Marangoni. Il s’agit cependant d’une “illustration pâle et incertaine”, comme la décrit Filippo Meli dans un article de 1925, qui en publie parallèlement une de meilleure qualité (probablement d’Anderson/Alinari).

Toute la curiosité croissante des chercheurs, vers ces années-là, pour le “lointain” chef-d’œuvre insulaire, apparaît dans une lettre de Giulio Bariola datée du 25 juillet 1918, à l’en-tête de la Regia Galleria Estense de Modène, conservée dans les Archives historiques de la Surintendance des BB.CC.AA. de Palerme. Bariola demande si une copie d’un cliché du tableau a été prise et peut la recevoir, ce qui serait pour lui d’un “très grand intérêt” - à tel point qu’il propose de “contribuer à la dépense” par l’intermédiaire de la Galerie, si un cliché est pris spécifiquement (en précisant: "le meilleur possible"). Mais le résultat de la demande, laconique et apposée au crayon rouge sur le même document avec la date du 16 août, n’est pas à la hauteur des espérances: “la photographie n’a pas pu être prise”. De toute évidence, avec la Première Guerre mondiale en cours et les moyens limités dont on disposait, le malheureux Caravage de Palerme n’était pas une priorité.

La demande adressée par Giulio Bariola à la Surintendance de Palerme
La demande adressée par Giulio Bariola à la Surintendance de Palerme

Bibliographie

  • Michele Cuppone,
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  • Palermo Nativity: Caravaggio’s first altarpiece? in Valori Tattili, 9 (2017), pp. 61-83
  • Roberta Lapucci, Caravaggio’s Palermo Nativity.
  • Nuove considerazioni a partire dalle analisi scientifiche in Valori Tattili, 9 (2017), pp. 84-89, in part. 86-87
  • Pierfrancesco Palazzotto, Giacomo Serpotta
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  • Gli oratori di Palermo.
  • Guida storico-artistica
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  • Kalòs, Palerme, 2016
  • Francesco Paolo Campione, Palerme
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  • Memoria di una capitale, Kalòs, Palermo, 2013, pp. 177-179
  • Paolo Emilio Trastulli, Roma, grandezza e splendore. Attraverso un racconto visivo indimenticabile rivivono, nelle lithographie di Filippo e Felice Benoist, il volto e l’atmosfera della città eterna alla vigilia di Porta Pia, Newton Compton, Roma, 1987, pp. 11, 245
  • Jean Laran, Inventaire du fonds français aprés 1800, vol. 2, Bibliothèque Nationale, Parigi, 1937, pp. 202, 211
  • Filippo Meli, L’ultima opera del Caravaggio in Dedalo, 6 (1925), pp.
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  • Matteo Marangoni, Il Caravaggio, Luigi Battistelli, Florence, 1922, pl. XLII
  • Woldemar von Seidlitz, Leipzig’s “Kunsthistorische Gesellschaft für Photographische Publikationen” publications, from 1895 to 1901, in L’Arte, 5 (1902), pp. 189-190.
  • Kunsthistorische Gesellschaft für Photographische Publikationen, 8 (1902), pl. XVI
  • L’Italie Monumentale & Artistique. Vues et Monuments Dessinés d’après nature par Ph. Benoist et lithographiés aux deux crayons par Bachelier, Ph.
  • Benoist, et Jacottet, Bulla-Delarue, Paris, 1845-1862


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