“Une sorte de testament aux sels d’argent” avec les clichés les plus importants et significatifs de la carrière du photographe: la Master Collection ou Grand Jeu, corpus universel et illustratif de plus de quarante ans de carrière d’Henri Cartier-Bresson (Chanteloup-en-Brie, 1908 - L’Isle-sur-la-Sorgue, 2004), offre certainement l’expérience la plus authentique par rapport à l’immense production du photographe: c’est lui qui a sélectionné les images parmi les centaines de milliers de négatifs produits, depuis les années 1930 où il s’initie à la photographie jusqu’au début des années 1970 où il décide d’arrêter de travailler.
De retour d’une année en Côte d’Ivoire, il découvre l’appareil photo Leica en 1932 et expose pour la première fois dans une galerie d’art, Julien Levy à New York, dès 1933. Son photojournalisme spontané, magistralement composé, avec lequel il touche le public mondial, est nourri par les voyages internationaux qu’il entreprend dès son plus jeune âge et par son vif intérêt pour le cinéma. Il collabore avec le réalisateur Jean Renoir en 1936 et 1939, réalisant notamment trois documentaires consacrés à la guerre civile en Espagne. Fait prisonnier de 1940 à 1943 pendant la Seconde Guerre mondiale (il tourne un autre documentaire sur le retour au pays des prisonniers de guerre et des déportés), il reviendra peu après pour tourner une série de portraits célèbres d’artistes tels que Pablo Picasso, Georges Rouault et Pierre Bonnard pour les Éditions Braun. En 1947, alors que le MoMA de New York lui consacre une exposition, il fonde avec Robert Capa, David Seymour, George Rodger et William Vandivert l’une des agences les plus renommées au monde, Magnum Photos. En 1952, il publie son premier livre, Images à la Sauvette, dont la couverture est signée par Henri Matisse, premier bilan de ses vingt premières années d’activité.
Henri Cartier-Bresson, Lac Sevan, Arménie, URSS, 1972, épreuve argentique à la gélatine salée 1973 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos |
Henri Cartier-Bresson, Simiane-la-Rotonde, France, 1969, épreuve gélatino-argentique 1973 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos |
La Master Collection de 1973 complètera, en “ bouclant ” la boucle, la présentation de ses meilleures œuvres, outil indispensable à la compréhension de son travail, aussi important pour lui-même que pour les générations de photographes et pour l’accessibilité ultérieure de ce patrimoine. Il n’existe pas d’autre collection de reproductions photographiques, choisies par Cartier-Bresson, d’une telle importance pour les musées.
Il aura fallu environ un an et demi pour faire ce choix, au début d’une période qui, de 1972 à sa mort en 2004, le verra réduire son activité de photographe reconnu pour revenir au dessin, son premier domaine d’étude passionné. À l’âge de dix-huit ans, il aborde la peinture en fréquentant l’atelier d’André Lhote et en suivant de près les surréalistes. Le surréalisme laissera d’ailleurs visiblement une trace dans son œuvre.
Au centre de cette tranche de vie, John et Dominique de Menil, mécènes de Houston au Texas possédant une importante collection d’art (également promoteurs d’interventions notables comme la chapelle Rothko), qui, soutiens de Magnum et amis de longue date de Cartier-Bresson, lui demandent de choisir une série d’images pour leur collection. Cette demande et cette proposition lui sont parvenues à un moment clé de sa vie, alors qu’il était sur le point de quitter Magnum dans la soixantaine, décidant de se concentrer en tant qu’artiste précisément sur le dessin et, en même temps, de mettre en valeur son propre travail photographique du passé.
Faire partie de la Menil Collection sera l’occasion de retracer et de recomposer ses photographies, un grand jeu, personnel: il choisira dans l’ensemble exactement trois cent quatre-vingt-cinq, comprenant toutes les voies qui ont marqué son parcours: l’influence des surréalistes, le photojournalisme, les scènes de rue et les portraits.
Une multitude de photographies numérotées, classées non pas par ordre chronologique mais par pays ; au cours de ses années de photographe, il a beaucoup voyagé, y compris à l’Est, autorisé à pénétrer en Union soviétique depuis le début de la guerre froide. La collection présente ainsi des clichés de diverses époques et “moments décisifs”, en France principalement, en Belgique, en Espagne, en Angleterre, en Irlande, en Allemagne, en Italie, dans les pays de l’ex-URSS, aux États-Unis, au Mexique et au Canada, ainsi qu’en Turquie, en Grèce, au Maroc, dans les pays de l’ex-Yougoslavie, en Chine, en Inde, au Japon et en Indonésie.... en terminant par des portraits, pris ici et là, d’éminents écrivains et artistes contemporains, des personnalités du 20e siècle de son époque culturelle.
Une sélection particulière de “tirages parfaits des meilleures images”, selon ses propres termes dans une lettre de 1972 à John de Menil, conservée aux Archives Menil à Houston. Des tirages réalisés par Georges Fèvre, comme à l’accoutumée dans l’atelier du Pictorial à Paris, avec un tirage de six exemplaires, des séries complètes et uniques sur papier au sel d’argent au format 30 x 40 cm. Exposées pour la première fois en 1974 au Rice Museum de Houston, elles appartiennent aujourd’hui à la Menil Collection, à la Bibliothèque nationale de France et à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris, au Victoria and Albert Museum de Londres et à l’Université des Arts d’Osaka, qui en a réalisé une publication officielle en 1979. Par ailleurs, il y a quelques années, le dernier exemplaire disponible de la Master Collection est entré dans l’importante collection de François Pinault (plus de trois mille œuvres allant du XXe au XXIe siècle), objet de l’exposition inédite Henri Cartier-Bresson. Le Grand Jeu (du 11 juillet 2020 au 26 février 2021), partiellement exposée dans son lieu d’accueil, le Palazzo Grassi de Venise, et publiée dans son intégralité dans le catalogue homonyme, vaste et précieux, édité par Marsilio.
Œuvres d’Henri Cartier-Bresson. Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos. Vue de l’exposition “Henri Cartier-Bresson. Le Grand Jeu”, Venise, Palazzo Grassi, 2020. © Palazzo Grassi, ph. Marco Cappelleti |
Œuvres d’Henri Cartier-Bresson. © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos. Vue de l’exposition “Henri Cartier-Bresson. Le Grand Jeu”, Venise, Palazzo Grassi, 2020. © Palazzo Grassi, ph. Marco Cappelleti |
Œuvres d’Henri Cartier-Bresson. © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos. Vue de l’exposition “Henri Cartier-Bresson. Le Grand Jeu”, Venise, Palazzo Grassi, 2020. © Palazzo Grassi, ph. Marco Cappelleti |
Co-organisée avec la Bibliothèque nationale de France, qui accueillera sa deuxième étape européenne, et en collaboration avec la Fondation Henri Cartier-Bresson fondée par l’artiste lui-même avec sa famille en 2000, l’exposition a vu se réunir autour de lui une liste de “ curateurs choisis ”: en premier lieu le collectionneur français François Pinault, la photographe américaine Annie Leibovitz, l’écrivain espagnol Javier Cercas, le cinéaste allemand Wim Wenders et l’historienne de l’art française Sylvie Aubenas, également directrice du département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, partenaire de l’initiative. Le projet, conçu et coordonné par Matthieu Humery, a permis de pénétrer et de relire les images bressonniennes, en envisageant la coexistence insolite et très intéressante de cinq lignes d’interprétation d’une même collection, à travers l’analyse des cinq commissaires d’exception, appelés à générer autant de parcours, internes à l’exposition et délibérément autonomes les uns des autres. Invités à extrapoler chacun une cinquantaine de photographies parmi les trois cent quatre-vingt-cinq, chacun a choisi celles qu’il considérait comme incontournables, déterminant également les différentes mises en page, mais toujours à l’intérieur d’un même macro-parcours. Si bien que certaines images plus ou moins emblématiques du Grand Jeu sont reprises dans une ou plusieurs sections, qu’elles intègrent ou non le kit et les références fournis dans la progression originale de Bresson.
Unepratique plurielle qui affirme la valeur décisive de la contextualisation de l’œuvre d’art. “Toute exposition, rapporte Humery, consiste à créer des dispositifs visuels qui s’inscrivent dans un environnement précis pour révéler les œuvres. Ainsi, les choix du commissaire influencent, délibérément ou accidentellement, la vision du spectateur. En effet, par leur narration, les cinq commissaires créent un lien entre les œuvres et ouvrent de nouvelles perspectives. De plus, ils nous dévoilent librement leur histoire, leurs sentiments et la place que ces images ont prise dans leur travail et dans leur vie”.
Or, comme il ressort de la contribution plus spécifiquement didactique d’Aubenas, on retrouve dans la Master Collection les points de la légendaire production photographique d’Henri Cartier-Bresson: l’humain, l’accidentel, le merveilleux fortuit mariant ainsi surréalisme et photojournalisme, le “cas objectif”, le “fixe explosif”, la préférence pour le noir et blanc, le cadrage à la seule lumière naturelle sans jamais utiliser de flash, le format rectangulaire, la qualité du tirage... “Ses photographies, en particulier celles de la Master Collection, sont un hymne à la vie”, écrit Pinault, “l’universalité sensible et accessible de son art m’a toujours frappé, Cartier-Bresson est un conteur qui n’impose rien, mais suggère tout”.
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