Lorsque la grande exposition Fattori est organisée à Florence en 1925 pour célébrer le centenaire de la naissance de Giovanni Fattori (Leghorn, 1825 - Florence, 1908), c’est à la critique Margherita Sarfatti (Venise, 1880 - Cavallasca, 1961), figure de proue de l’art italien du début du XXe siècle, qu’il revient de la chroniquer pour Il Popolo d’Italia. Parmi les passages marquants de cette critique, il faut certainement souligner la comparaison entre Fattori et Claude Monet sur le thème de la mer. En particulier, Margherita Sarfatti s’est concentrée sur Riposo in Maremma (Repos en Maremme ) de Fattori, alors dans la collection du peintre Giovanni Malesci (Vicchio, 1884 - Milan, 1969), et en a parlé en ces termes: “cette note de la mer au soleil, tout en mouvement, alors que la terre est stérile et immobile, est un chef-d’œuvre du style italien, car ce n’est pas la mer de Claude Monet, avec tous les détails analytiques de son mouvement, selon l’heure, la saison, le temps. C’est la mer: résumée dans ses ”caractères atypiques définitifs". Bien sûr, il faut dépouiller le passage cité de toute cette rhétorique, typique de l’époque, qui entend implicitement projeter l’art de Fattori dans une perspective de supériorité présumée par rapport à celui de Monet, mais il est intéressant que ce soit précisément l’élément de la mer qui constitue le terrain sur lequel Sarfatti avance sa comparaison. La mer est en effet l’un des motifs les plus récurrents dans l’art de Giovanni Fattori. L’artiste livournais en était pleinement conscient: dans ses Scritti autobiografici (Écrits autobiographiques), le peintre se définissait comme un “observateur méticuleux de la mer, dans toutes ses phases, car j’aime la mer parce que je suis né dans une ville balnéaire”.
Il n’était pas rare que Fattori et ses collègues se rendent au bord de la mer avec leurs toiles, leurs palettes et leurs pinceaux, qu’ils s’assoient sur les rochers ou sur la plage et commencent à peindre, pour capturer avec leurs couleurs la chaude lumière de la mer Tyrrhénienne et de la côte toscane, les jours ensoleillés, ou par temps variable, et parfois même avec un ciel couvert. En 1866, Giovanni Fattori, âgé de quarante et un ans, se rend au bord de la mer avec un autre grand peintre de Macchiaioli, Silvestro Lega (Modigliana, 1826 - Florence, 1895), et immortalise son ami et collègue alors que ce dernier est occupé à peindre sur les rochers. Conservé dans une collection privée, mais parfois présenté lors d’expositions temporaires, et ayant appartenu à Giovanni Malesci, le petit tableau, une petite huile sur panneau, est emblématique du rapport entre Giovanni Fattori et la mer, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’il évoque une période importante de l’histoire du mouvement Macchiaioli, celle de ses séjours à Castiglioncello, une agréable station balnéaire près de Livourne. Le critique Diego Martelli (Florence, 1839 - 1896) y avait hérité d’une propriété et, à partir de 1862, avait commencé à y inviter divers représentants du mouvement, de Giuseppe Abbati (Naples, 1836 - Florence, 1868), qui résidait également dans la propriété de Martelli, à Raffaello Sernesi (Florence, 1838 - Bolzano, 1866), en passant par Odoardo Borrani (Pise, 1833 - Florence, 1905). Les Macchiaioli, qui séjournèrent longtemps à Castiglioncello, eurent l’occasion d’étudier continuellement les effets des différentes intensités lumineuses sur le paysage et choisirent de réaliser des œuvres de petit format (comme le panneau de Fattori représentant Lega) parce que, d’une part, elles étaient mieux adaptées à la capture rapide d’un moment de la journée (même si les œuvres étaient toujours terminées dans l’atelier) et, d’autre part, parce qu’elles correspondaient davantage à un style qui se voulait essentiel. Fattori lui-même fut l’invité de Martelli à Castiglioncello en 1867, et à cette occasion il représenta son ami alors qu’il se reposait sur une chaise longue au milieu d’une pinède idyllique, avec la mer à l’arrière-plan. Il choisit toujours un panneau de petit format.
Le portrait de Silvestro Lega (mais on pourrait en dire autant de celui de Diego Martelli) rend également compte d’un des moments artistiquement les plus heureux et les plus prolifiques de la carrière de Fattori. Sur le plan personnel, en revanche, il vit le drame de la maladie de sa femme Settimia, décédée en 1867: l’art représente probablement un moment de revanche tenace par rapport aux événements familiaux tragiques qui l’ont durement éprouvé. À cette époque, le jeune artiste de Leghorn s’était déjà révélé un artiste extraordinairement réceptif qui, à la fin des années 1860, au contact des peintres de ce qui entrera plus tard dans l’histoire de l’art sous le nom d ’“École de Castiglioncello”, a pu puiser d’importantes inspirations pour sa peinture. Des contacts que Fattori a pu initier bien avant de fréquenter le village côtier: par exemple, son amitié avec Giuseppe Abbati remonte au début des années 1860. En 1862, ce dernier expose un Motivo près de Castiglioncello à la Promotrice Fiorentina, également connue aujourd’hui sous le nom de Marina a Castiglioncello (également conservée dans une collection privée): il s’agit d’une plage proche du village avec, à l’arrière-plan, la maison de Diego Martelli isolée sur un promontoire. C’est aussi un tableau représentatif du tempérament vaguement mélancolique d’Abbati, avec la chaude lumière rougeâtre, typique des jours de vent chaud, qui enveloppe tout le paysage maritime placide et témoigne de la recherche du peintre napolitain sur les effets luministes des éléments naturels. Ce tableau a eu un écho important sur Fattori qui, à la même époque, a peint un Arno alle Cascine (un motif assez fréquent dans son art à cette époque) qui présente de nombreux traits communs avec l’œuvre d’Abbati: l’atmosphère calme et presque solennelle, la vue horizontale coupée obliquement par des diagonales (créées par le fleuve et les rives chez Fattori, par la mer et la plage chez Abbati) qui créent des masses presque uniformes, la palette de couleurs clairsemées et terreuses.
Giovanni Fattori, Autoportrait (1866 ; huile sur toile, 59 x 47 cm ; Florence, Galerie d’art moderne, Palazzo Pitti) |
Giovanni Fattori, Repos en Maremme (vers 1875 ; huile sur toile, 35 x 72,5 cm ; collection privée) |
Giovanni Fattori, Silvestro Lega peignant sur les rochers (1866 ; huile sur panneau, 12,5 x 28 cm ; collection privée) |
Giovanni Fattori, Diego Martelli à Castiglioncello (vers 1867 ; huile sur panneau, 13 x 20 cm ; collection privée) |
Giuseppe Abbati, Marina à Castiglioncello (vers 1862-1863 ; huile sur toile, 50 x 70 cm ; Florence, collection Siceoli-Orsi Bertolini) |
Giovanni Fattori, Arno alle Cascine (vers 1862-1863 ; huile sur panneau, 6 x 33 cm ; collection privée) |
L’apogée de ce moment fertile et créatif est représenté par l’un des tableaux les plus célèbres de sa production, la Rotonda dei bagni Palmieri, peinte en 1866. L’historien de l’art Dario Durbè a écrit qu’avec ce tableau et ceux qui ont suivi immédiatement (y compris les portraits de Lega et de Martelli), “une nouvelle veine s’est imposée dans la production du peintre: aussi joyeuse, sereine et vivante que dans la période immédiatement précédente où le recueillement, la sévérité et la douce mélancolie avaient dominé”. La Rotonda est un tableau qui immortalise un moment de la vie quotidienne de la bourgeoisie livournaise post-unification, avec un groupe de dames réunies sur la rotonde de l’établissement balnéaire Palmieri, sur la côte labronienne, pour une conversation au bord de la mer, sous un grand auvent qui fait de l’ombre. Les dames sont habillées, mais ce n’est pas un détail significatif pour déduire la saison: en effet, même en plein été, à l’époque, on se rendait au bord de la mer vêtu de neuf, car le déshabillage était considéré comme une honte. La Rotonde est également considérée comme l’un des tableaux les plus importants de la peinture macchia: la composition est marquée par un horizon clair qui la divise substantiellement en quatre parties, représentées par la tente, le contour de la côte, la mer et la rotonde elle-même, sur laquelle les dames prennent place. Leurs figures, comme le paysage, sont construites avec des taches de couleur pure, répondant à la nécessité de capturer une vue de loin, ce qui empêche le spectateur de saisir les détails de la physionomie des femmes: Tout au plus peut-on reconnaître leurs silhouettes, pourtant capables d’une forte expressivité (en les observant, on entend presque leur bavardage mêlé au clapotis du ressac).
Durbè lui-même émet l’hypothèse que le tournant de Fattori vers une peinture plus vivante, sereine et novatrice a pour origine “le contact avec le climat mondain des bains, produit par on ne sait quelle concomitance précise de choses”: un contact qui “est venu opérer une heureuse transmutation dans son psychisme, et générer en lui une disposition inhabituelle de l’âme, où sans que l’intensité de la vision des années précédentes ne diminue en rien, tout est perçu avec une sorte de palpitation joyeuse, dont le signe n’a pas encore été discerné, sauf peut-être, mais pas avec autant de richesse de motifs, dans les premières expériences de ”macchia“ en 1959”. En outre, la ville natale de Fattori était devenue dans ces années-là un lieu de rencontre et de vie sociale intense, au point d’attirer également un très jeune Giovanni Boldini (Ferrare, 1842 - Paris, 1931), qui avait à peine plus de vingt ans à l’époque, mais qui avait déjà une carrière de portraitiste bien établie et qui, pendant son séjour en Toscane, s’était engagé dans des vues intéressantes, dont Fattori a probablement fait la connaissance. Et c’est peut-être la proximité d’un milieu aussi vivant (bien que Fattori ait un caractère très introverti et qu’il soit encore plus fermé à cause de vicissitudes personnelles) qui a eu un effet bénéfique sur l’art de l’artiste de Leghorn, qui, en effet, à partir de 1866, a connu une saison particulièrement intense. Le portrait de Silvestro Lega, comme nous l’avons dit, illustre cette nouvelle peinture, vouée à la simplicité, à la clarté et à l’immédiateté: son ami est représenté assis sur un rocher, on ne sait comment confortable, tandis qu’il pose le support sur son genou et, à l’abri d’un petit parasol qui le sauve de la chaleur (puisqu’il n’a même pas enlevé sa veste et son chapeau), il peint en se concentrant. La lumière enveloppante fait ressortir la rugosité des rochers et colore la mer de différentes nuances de bleu, tandis que de minces voiles obliques suggèrent presque l’idée d’une brise soufflant sur la côte.
À cette époque, la mer est probablement le motif le plus récurrent dans la production de Giovanni Fattori: paysages marins, longues falaises, représentations de bateaux labourant la mer Tyrrhénienne, portraits de baigneurs saisis de loin comme dans la Rotonda dei bagni Palmieri, il remplit plusieurs feuilles dans ces années-là: des carnets de dessins ont été conservés qui indiquent clairement à quel point la production de Fattori dans ces années-là était fortement consacrée à la représentation de la mer. Observer ces dessins, c’est presque suivre Giovanni Fattori pendant un été au bord de la mer, dans ses promenades le long de la côte à la recherche d’un motif inspirant. Des idées qui déboucheront plus tard sur des œuvres achevées, comme dans le cas de Punta del Romito, une œuvre datant de 1866, où l’étendue de la mer calme, sur laquelle se découpent les collines verdoyantes de la côte au-delà de Livourne, n’est interrompue que par la voile blanchâtre qui sillonne les eaux. C’est d’ailleurs la même vue que l’on peut apprécier depuis la Rotonda dei bagni Palmieri. Le peintre a seulement changé de position pour ne pas avoir l’obstruction de la rotonde devant lui.
Giovanni Fattori, La rotonde des bains Palmieri (1866 ; huile sur panneau, 12 x 35 cm ; Florence, Galerie d’art moderne, Palazzo Pitti) |
Giovanni Fattori, Scogli (1866 ; crayon sur papier ivoire, 15,3 x 8,6 cm ; Florence, Collection privée) |
Giovanni Fattori, Bateaux à voile (1866 ; crayon sur papier ivoire, 15,3 x 8,8 cm ; Florence, Collection privée) |
Giovanni Fattori, La pointe de Romito (1866 ; crayon sur papier ivoire, 15,3 x 8,6 cm ; Florence, Collection privée) |
Giovanni Fattori, La punta del Romito (1866 ; huile sur toile fixée sur carton, 18 x 55 cm ; Collection privée) |
Si les années 1860 sont l’une des périodes où la mer revient le plus souvent dans l’art de Fattori, sa relation avec le thème maritime ponctue toute sa carrière et en marque les différentes phases. En effet, c’est précisément en observant les tableaux qui ont la mer pour protagoniste qu’il est possible de retracer l’histoire des changements qu’a connus la peinture de Giovanni Fattori. Si les années 70 ont été celles du grand succès international, la décennie suivante s’est ouverte sous le signe de l’instabilité (économique avant tout) et l’art de Fattori a commencé à perdre l’aura de poésie joyeuse qui l’avait distingué après le milieu du XIXe siècle, pour s’intéresser aux aspects les plus crus et parfois les plus dramatiques de la réalité. La libecciata, aujourd’hui conservée à la Galleria d’Arte Moderna de Florence, est l’un des chefs-d’œuvre qui illustrent le mieux ce tournant: cette œuvre, construite sur des lignes horizontales (une constante à partir des années 1980), nous présente un paysage maritime, probablement de la Maremme (Fattori s’y rendait souvent à l’époque), secoué par une tempête: les tamaris à gauche sont violemment courbés, la mer est ridée, les arbustes bougent, de petites touches de couleur réparties obliquement sur le sol suggèrent l’idée que le vent soulève le sable sur le rivage. L’afflux émotionnel qui anime cette œuvre, et que l’œuvre elle-même parvient à susciter, a également été reconnu par ses contemporains. Dans un rapport de la commission, formée par Ugo Ojetti, Angelo Orvieto et Domenico Trentacoste, que la ville de Florence avait réunie dans le but de le soutenir dans l’achat de plusieurs œuvres de Giovanni Fattori à Giovanni Malesci, nous lisons en effet que La libecciata est un paysage “où même avec des moyens très simples mais précis, sans figures”, l’artiste “a donné à une brève ligne de pays la même force d’expression qu’un visage humain”: l’œuvre fut alors achetée, ainsi qu’une de ses études sur bois.
C’est un tableau qui nous introduit dans la recherche extrême de Giovanni Fattori, dans lequel semblent presque s’installer ces longues et profondes méditations sur les états d’âme qui caractérisent une grande partie de la peinture de la fin du XIXe siècle. Dans les vingt dernières années de son activité, Giovanni Fattori s’est tourné avec une certaine insistance vers une recherche sur la figure humaine dans le paysage. Dans Sulla Spiaggia (Sur la plage), par exemple, notre attention n’est pas tant attirée par la barque qui occupe la moitié de la composition, ni par les deux pêcheurs qui se reposent sans se soucier de trouver de l’ombre, le ciel plombé faisant déjà écran au soleil, ni même par la mer plate: Au contraire, nous sommes amenés à nous concentrer sur le marin qui marche lentement vers la mer, solitaire, de dos, marqué par les mêmes couleurs terreuses que le paysage, presque comme si la couleur était un moyen de fusionner l’homme et la nature, dans un tableau que Raffaele de Grada a décrit comme “l’une des œuvres les plus courbettiennes de Fattori”. Ces sollicitations se font plus pressantes dans l’un de ses derniers chefs-d’œuvre, Coucher de soleil sur la mer (également connu sous le nom de Tempête sur la mer), probablement peint au tournant du siècle. Sous un ciel rougi par le soleil couchant, devant une mer aux teintes brumeuses, un homme, le dos tourné, contemple l’infini qui s’offre à lui. C’est un tableau qui rend bien cette image de “l’état d’âme du peintre exprimé par les choses” dont parlait Anna Maria Francini Ciaranfi en 1944, c’est la “solitude inconsolable d’un coucher de soleil vu par le vieil artiste au cœur sensible”, c’est une œuvre qui transmet à l’observateur l’émotion du peintre devant le paysage, c’est un chef-d’œuvre de syntétisme lyrique qui donne une sorte de halo élégiaque à la vue, l’enveloppant de tonalités mélancoliques et de réflexions existentielles. Il s’agit d’une phase totalement nouvelle dans l’art de Giovanni Fattori, une phase où les “œuvres parfaites” qui caractérisaient sa production jusqu’aux années 1970 semblent dépassées, écrit Raffaele Monti, “dans ces toiles souvent arides comme le sable, dans ces images involuées, abruptes ou violemment contractées”, où c’est le sentiment le plus pur qui insuffle encore au peintre toscan, aujourd’hui âgé de soixante-dix ans, une extraordinaire énergie créatrice.
Giovanni Fattori, La libecciata (vers 1880-1885 ; huile sur panneau, 28,5 x 68 cm ; Florence, Galleria d’arte moderna di Palazzo Pitti) |
Giovanni Fattori, Étude pour La libecciata (vers 1880-1885 ; huile sur panneau, 19,2 x 32,2 cm ; Florence, Galleria d’arte moderna di Palazzo Pitti) |
Giovanni Fattori, Sur la plage (1893 ; huile sur toile, 69 x 100 cm ; Livourne, Museo Civico Giovanni Fattori) |
Giovanni Fattori, Coucher de soleil sur la mer (vers 1895-1900 ; huile sur panneau, 19,1 x 32,2 cm ; Florence, Galleria d’arte moderna di Palazzo Pitti) |
En observant ces tableaux, il nous semble le voir, lui, Giovanni Fattori, marcher le long de la mer, s’arrêtant de temps en temps pour penser à son passé, pour mettre de l’ordre dans ses souvenirs, pour se remémorer une journée passée à peindre devant les vagues, en compagnie de ses proches les plus chers. Le vieil artiste ne renonçait pas à l’habitude de prendre un peu de repos devant la mer de Livourne: et lorsqu’il le faisait, il était assailli par une sorte de mélancolie caressante qui le soulageait. Il ne s’agit pas de simples conjectures: grâce à la correspondance de l’artiste, nous pouvons reconstituer fidèlement et assez profondément son état d’esprit dans les dernières années de sa vie, nous pouvons entrer dans les profondeurs de ses habitudes privées, nous disposons d’éléments supplémentaires considérables pour comprendre les raisons pour lesquelles, dans la dernière phase de sa carrière, les figures de vieux solitaires en contemplation abondent, se dirigeant tristement vers un horizon, vivant dans leur triste silence une dimension d’inquiétude émue.
Quand Fattori ne confiait pas ses sentiments aux formes et aux couleurs, c’était la plume qui était sa compagne: et dans les lettres qu’il envoyait à ses amis, il déversait ses pensées, avec une prose simple et immédiate, marquée par des accents de profonde tendresse et de sincères démonstrations d’affection. Il est donc intéressant de citer ici, dans son intégralité, une lettre que Giovanni Fattori envoya au cours de l’été 1904 à une amie de la famille, Elisa Ciacchi, et qui illustre bien son tempérament, sa façon d’écrire et de s’adresser à ses proches, l’état d’esprit dans lequel il se trouvait à ce moment-là. Le voici donc, Giovanni Fattori, avec sa future troisième épouse Fanny, se promenant sur le front de mer de Livourne et repensant aux années passées, tandis que se matérialisent dans son esprit des images qui lui causent quelques instants de légèreté: “Chère Madame Elisa, Votre lettre m’a fait plaisir et je vais y répondre, je ne dirai pas promptement, mais presque. Elle est heureuse d’être à Florence et sera très heureuse quand elle jouira du beau pays uni à l’objet qu’elle aime et qui mérite d’être aimé. Je profite des brises marines en bonne et chère compagnie, je mène une vie simple et hygiénique. Je me lève, je déjeune, je prends ma petite boîte, je monte dans le tramway et je vais à Ardenza devant la mer ; je fais quelques taches et j’ai plaisir à la voir ébouriffée, orageuse, qui nous a donné et nous donne encore quelques heures d’air frais - vers le soir, avec Fanny, nous allons sur le quai voir les grands bateaux à vapeur qui arrivent de longs voyages, et d’autres qui partent - ces spectacles ne manquent pas de leur sentimentalité, ce sont des familles qui se séparent, ce sont des larmes qui tombent et peut-être ne les reverra-t-on jamais.... C’est triste et ça me fait de l’effet parce que ça me rappelle de tristes souvenirs... que faire? Je suis sûr qu’au sein de la bonne famille Miniati, et de la sienne, au sein de la gaieté toute naturelle des enfants, les jours seront heureux et pleins de douces espérances. La résolution prise ne pouvait être meilleure, et d’essayer poliment de maintenir un plein accord dans leurs familles, surtout avec ses frères, qui après tout sont de bons et parfaits gentilshommes. Quand vous en aurez l’occasion, saluez-les de toute votre amitié pour moi. Écrivez-moi et je me ferai un plaisir de le faire et de m’informer de vos résolutions, que j’approuve déjà parce qu’elles ne peuvent être que bonnes. Me rappeler mes canines ne me fait que plaisir parce que j’aime tant ces petites bêtes, parce qu’elles portent avec elles une histoire de bonheur et des souvenirs chers et tristes ; mais même les tristes sont toujours chers. Quand je passe dans un tramway au bord de la mer, et que je revois un endroit où nous allions joyeusement de l’avant, moi peignant et ma pauvre Marianne allant à la pêche... vous pouvez vous imaginer ce que je ressens ! Pourtant ce tourment m’est cher - mais l’amour que j’ai pour ces petites bêtes et je suis si reconnaissante aux Miniati et surtout à Ida qui s’en occupent. Je te confie les choses les plus affectueuses à Miniati et Ida, je te ferai deux vers ; en te disant que je renvoie les baisers à tout le monde, je te félicite et te remercie pour le soin que tu as de mes canines et je te serre avec toute l’affection de l’amitié dans mes mains, ainsi qu’à Ubaldo. N’oubliez pas Orazio et l’oncle, Emma, Carolina, Maria et les enfants - des baisers à tous - beaucoup de choses à vous avec affection. Ton ami toujours aimant, Fattori”.
Bibliographie de référence
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