Curzio Malaparte, dans son ouvrage Maledetti toscani (Les maudits Toscans), disait que le libeccio (vent du sud-ouest) n’est pas un vent domestique. C’est le vent humide et chaud qui vient du sud-ouest: il souffle surtout en été, se lève brusquement, fouette la côte avec de violentes rafales qui coupent le souffle, répand le sable du désert sur tout ce qu’il rencontre, agite la mer au point de provoquer de fortes houles. “Il se jette comme un bélier sur les vagues éparses, les malaxe, les rassemble, les pousse, comme un troupeau de moutons hachés, contre les rivages blancs, les falaises pourpres, les jetées noires de charbon”, écrit Malaparte.
Sur la côte toscane, où les habitants connaissent bien le libeccio (vent du sud-ouest) et les conséquences de son action, les visites souvent importunes que ce vent fait à la côte sont appelées “libecciate”: et une libecciata est celle que Giovanni Fattori, un Macchiaioli et Toscan de la côte, a peinte dans l’un de ses panneaux des années 1980, qui se trouve aujourd’hui à la Galleria d’Arte Moderna du Palazzo Pitti à Florence. Il s’agit d’une portion de côte située près de Livourne, la ville natale de Fattori: il s’agit du littoral d’Antignano, un peu au sud du centre ville, un quartier aujourd’hui intégré à l’expansion urbaine du XXe siècle, mais qui, à l’époque de Fattori, n’était qu’un village construit entre les bastions d’une ancienne forteresse des Médicis, autour de la petite église de Santa Lucia. Fattori s’y rendait souvent car la côte qui va d’Antignano à Castiglioncello, autre lieu cher au peintre, est l’une des plus belles de Toscane: Les étroites rives sablonneuses qui accompagnent les derniers regards sur la ville font place à des falaises abruptes plongeant dans la mer, à des dalles de grès accrochées à d’épais buissons de bruyère, à de petites criques cachées parmi les anses et battues par les vagues, à des promontoires sur lesquels, ici et là, quelques pins solitaires ou des tamaris isolés montent la garde sur le littoral.
Et le tamaris que Fattori a peint dans sa Libecciata est toujours là, à sa place, seul sur une étroite étendue de pierres, de sable et de gravier, couché sur un rocher, regardant la mer onduler, un morceau de nature résistant à l’assaut de la ville qui se trouve derrière lui. L’artiste la capture alors qu’elle est courbée par le libeccio (vent du sud-ouest) qui, comme chaque été, a fait son apparition sur la côte toscane. Tous les arbustes qui poussent sur le sable sont courbés par le vent, le sable se soulève, la mer commence à onduler et à blanchir, l’air se gonfle de salinité et le ciel commence à se couvrir des premiers voiles laiteux de la “brume argentée” qui “monte des rivages et des falaises, envahit les villes, les faubourgs, se répand dans les campagnes”: le libeccio s’est emparé de la côte et déchaîne sa fureur. Voici ce vent qui, poursuit Malaparte, “s’abat comme un faucon sur les voiles et les déchire: les lambeaux s’envolent dans le tourbillon, comme des colombes. Son long sifflement rageur, aigu comme une faucille, coupe l’herbe des pâturages marins, où mugissent des troupeaux de chevaux à la crinière écumante, que le sifflement soudain disperse au galop sur la mer verte striée de longs nitrites blancs”.
Giovanni Fattori, La libecciata (vers 1880-1885 ; huile sur panneau, 28,5 x 68 cm ; Florence, Galleria d’Arte Moderna di Palazzo Pitti) |
Giovanni Fattori, Le saute-mouton, détail |
Giovanni Fattori, La Libecciata, détail |
Fattori a peint sur le vif le long sifflement rageur du libeccio. Les analyses de la Libecciata, qui a fait l’objet d’une étude réflectographique en 2019, ont révélé l’image cachée d’un signe synthétique dessiné avec une grande rapidité: l’artiste s’est surtout concentré, comme il est naturel de l’imaginer, sur le contour de la côte et du tamaris, en travaillant avec le crayon directement sur le panneau, sans aucune préparation. On le voit presque, Giovanni Fattori, tenant un morceau de bois rectangulaire et un crayon, marchant vers la côte d’Antignano un jour de grand vent, et là, en plein air, devant les rochers, il épingle rapidement cet aperçu de paysage sur le panneau, puis termine le tableau dans son atelier. Les éléments du paysage, comme c’est le cas dans la peinture de Macchiaioli, sont définis par de grandes taches juxtaposées de couleur pure, appliquées avec des coups de pinceau courts et rapides, les couleurs (on remarque ici les tons ocre et terreux des falaises couvertes de sable, ainsi que le bleu de Prusse utilisé pour évoquer la vraie couleur de la mer devant Livourne) étant elles aussi appliquées sans préparation, directement sur le panneau.elles aussi ont été appliquées sans préparation, directement sur le panneau, à tel point que parfois l’artiste, en étalant les couleurs, a suivi le grain naturel du bois. Tout ce que j’ai vu, j’ai voulu, j’ai voulu le reproduire“, écrit l’artiste à Carlo Raffaelli dans une lettre datée du 16 août 1907. Manquant d’argent et ne pouvant me procurer un animal, des chevalets et un atelier, j’ai cru pouvoir étudier en observant à mon aise dans les rues, et c’est ainsi que j’ai vidé et que je vide encore mes petits albums de signes ; ainsi la misère est bonne à quelque chose, la force d’observer et de dessiner: tout cela était au début de mes études”.
L’art en plein air, donc, comme une nécessité: une nécessité qui a conduit Fattori à se définir aussi comme un “observateur méticuleux de la mer dans toutes ses phases, car j’aime la mer parce que je suis né dans une ville balnéaire”. Méticuleux au point de transformer le littoral de Livourne en une sensation émotionnelle, en avance sur les théories de l’état-paysage de Jean-Marie Guyau et de Paul Soriau. Dans les années 1980, la peinture de Fattori inaugure un nouveau goût pour le paysage, plus poignant et plus émouvant, empreint de lyrisme et de mélancolie. La force avec laquelle le vent souffle sur la nature est presque l’image d’une inquiétude que l’artiste portait en lui dans ces années-là. Un paysage comme miroir de l’âme, donc. Mais son charme réside aussi dans le contraste des émotions que l’on peut y lire. Il n’est pas rassurant, mais c’est un paysage familier. En 1925, Plinio Nomellini, élève préféré et rebelle, évoquait l’intensité de cette relation que Fattori entretenait avec les paysages qui l’avaient vu naître et grandir, avec quelques mots qui pourraient bien convenir à La libecciata: “Sur la plage morne, où seuls les tamaris s’enflammaient, son âme se sentait apaisée, le libeccio (vent du sud-ouest) balayait les nuages et l’inquiétude de ses pensées, la vague clapotant sur le sable lui murmurait une berceuse d’espoir”.
L’intensité émotionnelle de cette peinture n’est pas seulement la raison de sa modernité, qui en fait un chef-d’œuvre d’importance européenne, mais aussi la raison pour laquelle nous la voyons aujourd’hui accrochée à un mur du palais Pitti. En 1908, le tableau était en possession de Giovanni Malesci, un bon peintre, élève de Fattori et son héritier: Fattori était mort le 30 août de cette année-là et la municipalité de Florence avait immédiatement convoqué une commission d’experts, composée d’Ugo Ojetti, Angelo Orvieto et Domenico Trentacoste, dans l’intention d’acheter certaines œuvres de l’artiste pour enrichir les collections publiques. Le 15 septembre 1908, la commission rédige un rapport recommandant l’achat d’"un paysage à l’huile, Libecciata, où même avec des moyens très simples mais précis, sans figures, il a donné à une brève ligne de campagne la même force d’expression qu’un visage humain". Un paysage aussi vivant qu’un portrait. Ou peut-être comme un autoportrait.
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