Tout a été écrit sur la Tempête de Giorgione, mais toute nouvelle contribution qui peut sérieusement aider à éclairer le grand mystère qui pose des questions à tous ceux qui l’observent depuis des siècles est toujours la bienvenue. Car, comme on le sait, le sens de l’œuvre est quasiment inconnu: Giorgione, auteur fondamental pour l’art occidental, mais dont on sait peu de choses, avait l’habitude de travailler pour des commanditaires très sophistiqués, qui partageaient leur propre langage, indispensable à une sorte d’“isolement doré” par rapport au reste du monde. Ce langage était également constitué de répertoires figuratifs que seuls les membres de l’élite culturelle de la Venise de la fin du XVe siècle pouvaient comprendre. C’est dans ce contexte que s’inscrit le grand chef-d’œuvre de Giorgione.
Maria Daniela Lunghi, Giorgione. La Tempête |
Partons d’une conclusion: il n’est pas possible d’établir avec certitude ce que représente La Tempête. Mais on peut déjà le comprendre en feuilletant les toutes premières pages. Cette prémisse étant posée, nous pouvons commencer par dire qu’il existe une œuvre, selon Maria Daniela Lunghi, qui peut être rapprochée du tableau de Giorgion: il s’agit d’une gravure d’Albrecht Dürer, datée de 1496, reproduite en plusieurs exemplaires (l’un d’entre eux est conservé aux Musées civiques de Pavie). Elle représente la légende de saint Jean Chrysostome: un mythe populaire qui a connu une grande popularité à l’époque que nous étudions. Selon cette légende, Jean Chrysostome aurait décidé, à un moment donné de sa vie, de se retirer pour mener une vie ascétique dans le désert de Syrie. Cependant, un jour, il aurait rencontré la jeune fille d’un chef local, dont il serait tombé amoureux, réciproquement. Cependant, après s’être uni à elle, il aurait été pris de remords pour être allé à l’encontre des principes de sa foi religieuse, et il y aurait remédié par un acte encore plus odieux: il aurait jeté la jeune fille du haut d’une falaise, comme pour expier sa faute. Mais une faute ne s’expie pas par un crime, et une réflexion approfondie sur ses très graves péchés aurait conduit Jean Chrysostome à vivre comme un sauvage, en évitant tout contact avec d’autres êtres humains. Un jour, Jean Chrysostome sera retrouvé par des soldats du père de la jeune fille, et le futur saint avouera son crime au roi: ils se rendront tous sur les lieux du crime et retrouveront la jeune fille saine et sauve, ayant miraculeusement échappé à la chute, et avec un enfant, fruit de son union avec Jean Chrysostome, qui sera pardonné.
Giorgione, Détail de La Tempête (vers 1502-1505 ; Venise, Gallerie dell’Accademia) |
Très différente de celle transmise par les voies “officielles”, cette histoire a néanmoins eu le mérite de fournir des suggestions aux artistes, qui ont identifié certains éléments récurrents dans l’iconographie de la légende: la femme nue allaitant l’enfant, le paysage sauvage, le château du roi, et un Jean Chrysostome réduit à marcher nu à quatre pattes, souvent couvert de poils, et complètement privé de sa dignité d’être humain. Maria Daniela Lunghi énumère dans sa discussion d’autres œuvres, outre celles de Dürer, sur le même thème: des gravures de Lucas Cranach, Giulio Campagnola, Andrea Zoan, des frères Sebald et de Barthel Beham. On peut imaginer, à travers l’analyse stylistique de certaines de ses œuvres, que Giorgione connaissait les gravures de Dürer, notamment parce que l’artiste allemand a séjourné à Venise précisément à l’époque où Giorgione se préparait à peindre sa Tempête (nous parlons de la fin du XVe et du début du XVIe siècle: Dürer a fait deux voyages en Italie et a eu l’occasion de s’arrêter à chaque fois sur la lagune). Venise a toujours eu des échanges culturels fructueux avec les pays germaniques: il suffit de mentionner que Venise était, pendant la Renaissance, le principal centre italien de production de l’imprimerie, une invention allemande.
Dans sa Tempête, Giorgione semble reprendre la figuration du mythe de Jean Chrysostome, tout en y apportant quelques modifications: l’accent est mis, comme chez les autres artistes cités plus haut, sur la figure féminine, mais la figure du saint est complètement supprimée et la figure du soldat, absente dans les autres œuvres représentant le mythe, fait son apparition. Nous n’avons pas d’éléments pour savoir si Giorgione a réellement voulu donner sa propre interprétation de la légende, ou si, plus vraisemblablement, la légende n’a été qu’une source dans laquelle il a puisé pour créer une sorte d’allégorie, compréhensible seulement par ceux qui appartenaient aux cercles culturels de Venise à l’époque.
Bref, le message qui se cache derrière le tableau est loin d’être révélé et compris. En revanche, on ne peut qu’apprécier le livre de Maria Daniela Lunghi, qui nous aide à nous immerger dans une réalité culturelle aussi complexe que celle de la Venise de la fin du XVe siècle. Riche en références opportunes, profond à sa manière malgré sa brièveté, dépourvu de rhétorique, écrit de manière claire et facile à comprendre. Comme doit l’être un livre d’histoire de l’art destiné à un large public ! Enfin, un essai qui ouvre des perspectives intéressantes sur l’étude de La Tempête de Giorgione, et je me dois de dire qu’il ne peut manquer dans la bibliothèque de quiconque étudie ou apprécie l’inspiration du grand artiste vénitien.
Giorgione. La Tempête
par Maria Daniela Lunghi
Europa Editions, 2014
52 pages
9,50 €
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