L’aspect de John Urbani qui continue à me frapper le plus, moi qui ai été son élève à l’Institut central de restauration (icr), est celui du destin certainement singulier et certainement pas heureux d’être un “grand outsider”. Une condition qui l’a conduit au geste inhabituel mais cohérent de démissionner de la direction de l’icr en 1983. Les raisons de sa marginalisation tiennent peut-être à la culpabilité (impardonnable dans un secteur absolument immobile comme celui du patrimoine culturel) d’avoir tenté, au tout début des années soixante-dix, de sortir du schématisme d’une conception de la restauration uniquement liée aux choix du goût humaniste ; et d’avoir même supposé que la protection pouvait devenir un exercice rationnel fondé sur des bases technico-scientifiques rigoureuses et non pas une “activité facultative” comme celle que mène actuellement le ministère des Biens culturels, comme il tient à le dire lui-même. Pour cette raison, notre conversation tourne surtout autour du fait que ni la loi de protection 1089 de 1939, ni les deux projets distincts de réforme de cette loi récemment présentés au parlement par le Parti communiste italien (PCI) et le ministère des Biens culturels lui-même, ne réglementent, en les rendant finalement obligatoires, les activités fondamentales de protection telles que la conservation, la restauration, le catalogue et même l’instrument de notification.
Note de l’éditeur. Cette contribution (la conversation date de décembre 1989) a été publiée dans: Il Giornale dell’Arte, juillet-août 1990, n° 80, (ins. Vernissage, s. p.). Titre éditorial: Ainsi la nouvelle notification selon PCI et Ministère. Il a ensuite été republié dans Bruno Zanardi, Conservazione, restauro e tutela. 24 dialogues, Milan, Skira, 1999, pp. 31-39.
BZ. Professeur Urbani, il y a environ un an, le parti communiste a présenté un projet de loi qui était censé envoyer définitivement au grenier la loi 1089 de 1939. Aujourd’hui, c’est au tour du ministre Facchiano de présenter un autre projet de réforme qui serait une distillation de trois ou quatre autres projets de ce type produits au fil des ans par l’illustre juriste Massimo Severo Giannini. On a beaucoup parlé de ces projets de loi, en particulier du premier, en les qualifiant souvent de “très innovants”. Quels sont, selon vous, les éléments de nouveauté éventuellement présents dans les deux projets de loi et lequel des deux a votre préférence ?
JO. Si je dois dire ce que je pense, la seule nouveauté me semble résider dans l’intention, peut-être inconsciente, ou peut-être seulement mal déguisée, d’envoyer au grenier non pas tant la loi Bottai de 39, mais les organes techniques territoriaux du ministère, c’est-à-dire les surintendances. Et ce, en donnant simplement mandat aux régions de créer leurs propres organes techniques, avec des tâches en tous points identiques à celles des superintendances de l’État. Si les choses fonctionnent mal aujourd’hui, imaginez comment elles fonctionneront lorsque tout sera réduit à un conflit de compétences permanent entre l’État et les bureaux régionaux: le premier succombant rituellement aux intérêts des potentats locaux et le second aux mains d’un personnel politique, peut-être issu des unités sanitaires locales. Quand je vois à quoi se réduit la réflexion de nos législateurs sur le patrimoine artistique, je me souviens de ce que Cocteau fait dire à un personnage louche dans je ne sais plus laquelle de ses pièces: “Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs”.
Et que pensez-vous du nouveau rôle que le projet de loi PCI confie au Conseil national du patrimoine culturel ?
Je pense que c’est encore pire, si possible. Au lieu de redonner à cet organisme la taille et les fonctions raisonnables d’un conseil supérieur normal, on propose de le confirmer dans sa structure éléphantesque actuelle, et même de le faire ressembler, peut-être en hommage au bicentenaire de 1789 dans lequel nous nous trouvons, à un gouvernement d’assemblée de type révolutionnaire, doté de tous les pouvoirs et de toutes les fonctions du gouvernement proprement dit. Ce dernier, tout en restant responsable devant le Parlement, ne fonctionnerait en fait que sur les directives ou par l’intermédiaire de cette assemblée de plus de soixante-dix membres dûment répartis entre les différents partis.
Vous prétendez que les deux projets de loi n’innovent en rien par rapport à la loi 1089/39. Mais par les temps qui courent, si peu propices aux réformes de bon sens, cet immobilisme n’est-il pas finalement le moindre des maux ?
En fait, je pense que la racine de tous les maux actuels se trouve dans la loi de 39. Je dis bien actuelle, car à cette époque on pouvait se contenter d’une vision aussi réductrice du problème de la protection, où pour sauver les “choses d’intérêt artistique et historique” il suffit de les “signaler” ou de les “déclarer” comme telles, et non pour ce qu’elles sont, combien elles sont et dans quel état elles sont, mais seulement quand l’occasion s’en présente. Essayez de retourner la loi de 39, ainsi que les deux projets de loi dont nous parlons, et dites-moi si vous pouvez trouver une indication ou même un simple indice d’autres moyens possibles d’exercer la protection en plus de la notification. Le plus beau, c’est que plus d’un demi-siècle après sa naissance, ou plutôt sa deuxième ou troisième renaissance depuis l’époque du cardinal Pacca, personne, et surtout pas le ministère chargé de cette tâche, n’est en mesure de préciser quelles et combien d’œuvres sont notifiées.
Pourtant, d’aucuns affirment que la notification est le seul rempart contre les dangers de dispersion et de pillage qu’entraînerait l’ouverture des frontières en 1993.
Mais que voulez-vous qu’il se passe en 1993 qui ne se passe pas déjà aujourd’hui ? Des camions qui franchissent les frontières chargés de matériel archéologique et des yachts qui peuvent débarquer des chefs-d’oeuvre inconnus où et quand ils le veulent, pour autant qu’il en reste. Pour éviter ces dangers, l’État n’a qu’à mettre en place un acheteur équitable et ponctuel. Comme le fait la France avec ses chefs-d’œuvre qui, inconnus ou non, lui coûtent une somme qui, bonne année, mauvaise année, n’excède pas vingt milliards de lires.
Faut-il alors, selon vous, renoncer à la notification ?
Qui l’a dit ? Au contraire, il faudrait plutôt réévaluer l’instrument de la notification, c’est-à-dire l’orienter sérieusement vers des objectifs de protection clairs et définis, et non pas, comme aujourd’hui, vers une thésaurisation pure et simple dont le premier effet - paradoxalement - est de dévaloriser l’objet notifié. Je m’explique. L’“intérêt particulièrement important” de la chose à notifier ne devrait jamais suffire à justifier l’acte de notification. Il devrait bien plus compter que ce bien puisse être mis en fonction d’un objectif de conservation ou de valorisation bien défini, à réaliser à un moment et d’une manière définis au cas par cas. En somme, tant pour les biens meubles que pour les biens immeubles, il s’agit de compléter l’acte de notification par une série de dispositions et d’expédients qui, au lieu de momifier le bien notifié, le font participer, avec les biens publics, à une stratégie de protection unique et cohérente. Je pense en particulier aux biens immobiliers, pour lesquels la distinction entre propriété publique et privée devient inessentielle si l’on décide de faire de ces biens les cibles ou les points d’ancrage de tout projet d’aménagement urbain, territorial ou paysager, ainsi que les critères des “évaluations d’impact environnemental”. Je me rends compte que c’est trop demander que l’actuelle Administration des Biens Culturels soit capable de lier la notification, telle qu’elle la conçoit, à cette sphère d’intérêts et de compétences qui la dépasse en termes de complexité juridique et de niveau technique. Mais j’aurais été satisfait si les deux projets de loi dont nous discutons avaient montré qu’ils possédaient, au moins à l’état larvaire, une conscience de ce type de problème.
Mais au lieu de cela ?
Au lieu de cela, ils n’ont fait qu’étendre la notification aux œuvres d’art contemporaines. En effet, le texte ministériel prévoit que celles-ci peuvent être notifiées même si elles ont moins de 50 ans, ce dernier étant le moment légal à partir duquel la logique de protection se déclenche, à condition que l’auteur soit déjà décédé. Au-delà de l’inévitable, nous serions ainsi le seul pays civilisé qui sanctionne par la loi la supériorité d’un artiste décédé sur son homologue vivant, et qui se préoccupe d’entraver la diffusion de sa culture à l’étranger. Et comme il n’y a pas de limites au provincialisme, comme à la bêtise, voici que le projet de loi communiste propose même de notifier les œuvres des artistes vivants, à condition qu’elles aient trente ans d’âge. La voie est donc ouverte à l’attribution d’un label de qualité de l’État aux artistes vivants: bien entendu selon les habituelles attributions du parti. Et au bénéfice exclusif des artistes médiocres ou mauvais, car les meilleurs s’enfuiraient immédiatement à Paris ou à New York.
Ainsi, selon vous, la “déclaration de bien culturel”, comme vous voulez maintenant appeler la notification, pourrait même conduire à la disparition de l’art contemporain italien du marché international.
Elle conduirait certainement à sa dévalorisation sur le marché intérieur, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour l’art ancien. En effet, il ne fait aucun doute que si le marché italien des antiquités est aujourd’hui infiniment plus pauvre que celui de n’importe quel autre pays occidental, cela est dû à l’effet pervers de la notification. Il n’y a pas d’art national, aussi grand soit-il, qui profite sur le marché international de la pauvreté de son propre marché intérieur. C’est ce qui explique que dans les grandes ventes aux enchères de Londres ou de New York, il arrive aujourd’hui que n’importe quelle nature morte hollandaise du XVIIIe siècle surpasse un fond d’or du gothique siennois. Même le plus libre des marchés n’est pas assez libre pour ne pas être affecté par des influences telles que les modes ou les préjugés nationalistes, surtout si ces derniers garantissent un soutien fort et constant de la demande sur les marchés nationaux. Il ne fait aucun doute qu’une bonne politique culturelle devrait d’abord veiller à une libéralisation prudente du marché de l’art, par exemple en favorisant autant que possible les importations. Bien entendu, il ne faut plus se cacher derrière le paravent absurde de l’importation temporaire, mais réduire la TVA à 2 ou 3 %, voire la supprimer, et surtout exempter une fois pour toutes les œuvres importées de l’épouvantail de la notification. Bref, nous devons nous décider à prendre acte du fait que partout où il y a un marché libre, les conditions pour les musées et toute autre institution apparentée sont infiniment plus saines et viables qu’ici. Je ne dis pas qu’il faut y voir une relation directe de cause à effet, mais plutôt la conséquence de ce mouvement de longue haleine qui fait que les collections et les œuvres privées, lorsqu’elles sont vraiment importantes, finissent inévitablement dans les musées. Mais je dirais que cet aspect du problème, pour important qu’il soit, passe après celui qui concerne le patrimoine public proprement dit.
Sur quel aspect du problème devons-nous prendre position ?
Tout d’abord, en ouvrant enfin les yeux sur l’absurdité qui nous conduit à parler d’un patrimoine sans pouvoir préciser en quoi il consiste concrètement, au point qu’au lieu de les désigner par leurs noms (peintures, sculptures, églises, tours, châteaux, etc.), on se résigne à les homologuer sous l’appellation collective de “patrimoine culturel”. S’il fallait désigner la raison principale de nos maux, je pense que j’incriminerais d’abord l’obscure coercition idéologique par laquelle, tout à coup, il y a une trentaine d’années, nous nous sommes tous retrouvés à ne plus parler d’œuvres d’art et de témoignages historiques, mais de patrimoine culturel. Un binôme maléfique fonctionnant comme un trou noir, capable de tout engloutir et de tout réduire à néant sous des formes verbales vides: artistique, historique, archéologique, architectural, environnemental, archivistique, livresque, démoanthropologique, linguistique, audiovisuel, etc. Une énorme boîte vide dans laquelle, selon le noble programme de Spadolini, “toute l’identité historique et morale de la nation” aurait dû trouver sa place, sauf que seul le dernier ou l’avant-dernier des ministères pouvait s’y glisser.
Mais comment remédier à cet état de fait ?
Avec une nouvelle loi de protection qui, contrairement à l’actuelle et à toutes ses propositions de réforme, ou plutôt de rénovation, devrait reposer sur le principe que le patrimoine appartenant à l’État - et aux différents types d’entités qui en dépendent -, n’est pas assimilable à ce que l’on appelle les “biens non-disponibles”, c’est-à-dire les biens qui ne peuvent pas être utilisés dans le cadre d’une activité commerciale. assimilable aux biens publics dits indisponibles, tels que les ressources en eau ou en sous-sol, car il n’est qu’abusivement réductible à une entité générique, déterminée uniquement par l’abstraction conceptuelle correspondante. Ce patrimoine est au contraire une entité bien déterminée, composée d’un nombre très important, mais certainement fini, de choses concrètes, chacune d’entre elles étant dotée de caractéristiques propres qui la rendent unique et non reproductible. Le malentendu, à mes yeux scandaleux, qui consiste à considérer le patrimoine culturel comme une entité générique et non comme un ensemble de choses individuelles, provient de l’hypothèse totalement erronée selon laquelle la majeure partie de ce patrimoine est constituée de choses privées, dont l’identification ne peut être réalisée que de manière accidentelle, à la suite de circonstances fortuites ou imprévisibles. Or, même si la propriété privée est dans son ensemble indéfinie et indéterminable, on ne voit pas pourquoi le même sort serait réservé à la propriété publique, qui est sous les yeux du public. Dites-moi si ce n’est pas un scandale que les Guides rouges édités par le Touring Club soient infiniment plus utiles pour se faire une idée de ce patrimoine que tous les actes produits jusqu’à présent par l’Administration compétente, y compris les farces des Mémoriaux et des Sites culturels.
Y compris la loi Galasso ?
J’appellerais plutôt cela le rêve d’une personne honnête, à la place de laquelle je n’aurais cependant pas souhaité me trouver le jour où elle s’est réveillée, entourée de Régions et d’un Ministère pour qui un Plan Paysager ne doit pas être différent du phénix.
Je crains d’avoir perdu le fil de l’argumentation précédente. Me suis-je trompé ou en étais-je arrivé au point où, si l’on accepte ses prémisses, il reste à définir ce qui s’ensuit, pour le patrimoine artistique public, des fins pratiques de la protection ?
Il s’ensuit que la protection ne peut être une tâche générique à exercer, comme c’est le cas actuellement, de manière discrétionnaire et en s’appuyant uniquement sur la bonne volonté des surintendants. La protection doit être exercée en relation stricte avec la quantité des choses à protéger, définies une à une en termes de qualités immatérielles, et pour des catégories homogènes bien circonscrites en termes de caractéristiques matérielles, de conditions environnementales limites, d’état de conservation et de tendance évolutive. C’est la seule façon de sortir de l’absurdité d’une législation pour laquelle le patrimoine public est une sorte d’objet mystérieux, une entité aérienne contre laquelle il est donc impossible de mener des actions de protection concrètes et définies. Un peu comme ce qui arriverait à l’ANAS, pour ne citer qu’un exemple, si elle ne savait rien des routes confiées à sa gestion, et donc encore moins des modalités techniques selon lesquelles celle-ci doit s’exercer. Bref, il s’agirait de faire passer le patrimoine public de l’état gazeux à l’état solide ; après quoi on pourrait aussi imaginer le patrimoine privé comme une sorte de ceinture d’astéroïdes, destinée par la loi de l’histoire à rejoindre la planète publique, à condition que celle-ci soit suffisamment consolidée et viable pour exercer une force d’attraction suffisante. Car, comme le disait Tocqueville: “on ne s’attache qu’à ce qui est vivant”.
Si je vous comprends bien, votre proposition de loi serait une sorte de révolution copernicienne: en ce sens qu’elle bouleverserait les termes de la loi de 39, en plaçant le patrimoine public et parapublic au centre du système de protection, et en laissant le patrimoine privé à lui-même, ou presque.
La révolution, copernicienne de surcroît, me semble un peu forte. C’est du simple bon sens. Je le répète: d’un côté, il y a un patrimoine public, dont l’étendue est, ou devrait être, si l’on s’en donnait la peine, quantifiable et qualifiable avec une grande exactitude. D’autre part, il y a un patrimoine privé qui, lui, est, en principe et en fait, substantiellement indéterminable, sauf pour la partie immobilière, mais qui, en tout état de cause, pèse infiniment moins que le patrimoine public. Or, l’absurdité du droit actuel est que l’indétermination de la partie privée est prise comme un absolu, qui inclut également la partie publique. Avec le résultat assez absurde que c’est précisément la partie publique du patrimoine artistique - comme vous le dites et comme tout le monde peut le constater - qui est abandonnée à elle-même.
Permettez-moi de mieux comprendre. Une fois les termes du problème inversés, c’est-à-dire une fois que l’Etat aurait, disons, recensé ce qui lui appartient, en le notifiant, en quelque sorte, à lui-même, qu’est-ce qui caractériserait ce nouveau type de protection ?
Simplement qu’elle s’exercerait enfin de manière active et non plus passive. Je m’explique mieux. Nous avons dit que le seul instrument de protection défini par la loi aujourd’hui est la notification. Instrument passif s’il en est, dans la mesure où il est discrétionnaire de la part de l’administration publique, et sans autre incitation pour les particuliers que de cacher la chose notifiée comme un avare le fait avec ses pièces d’or. C’est-à-dire en espérant que tout le monde l’oubliera, et en premier lieu l’État qui l’a notifié: une éventualité, d’ailleurs, parmi les plus probables, comme nous l’avons vu. La fortune veut que cet État soit mieux servi qu’il ne le mérite, à savoir que les Surintendants, sans qu’aucune loi ne les y oblige, et même avec les empêchements ministériels que tout le monde connaît, tentent de conserver la mémoire du bien public avec le catalogue et de retarder sa ruine avec la restauration. Il s’agit d’actions louables et méritoires, mais dont le manque de conséquence, pour le moins, ne peut être négligé. Étant donné que le catalogue a été conçu comme une toile de Pénélope, à défaire et à retisser au fil des études, il est abyssalement loin de toute conclusion ; de sorte que, dans l’indétermination persistante du patrimoine public, nous en savons si possible encore moins sur son état de conservation, et donc sur les critères à partir desquels dériver, par exemple, la décision rationnelle de restaurer une chose plutôt qu’une autre. Ne parlons donc pas de la manière de le restaurer.
Mais au moins sur le principe de l’exercice de la protection sur un patrimoine de biens défini, et par rapport à des causes de détérioration également définies, il semble que le ministre Facchiano ne pense pas différemment de vous. La loi finançant, si je ne me trompe pas, avec 30 milliards de lires, l’opération Risk Map, clairement inspirée de ce que vous avez vous-même proposé en 1976 avec le Plan pilote pour la conservation du patrimoine culturel en Ombrie, est désormais une affaire réglée. Au contraire, je dirais que cette loi vise encore plus haut, puisqu’elle propose d’identifier, même sur tout le territoire, les différents facteurs de détérioration - pollution, sismicité, dépeuplement, etc. Ceux-ci seraient enfin repris dans un “inventaire sommaire” à réaliser en quelques mois, contre les décennies que prendrait le catalogue proprement dit.
Je vous remercie pour l’évocation du Plan pilote, un fantôme qui m’est cher, mais qui n’habite certainement pas les hautes sphères ministérielles. Je voudrais cependant vous signaler que les conclusions opérationnelles de cette étude, qui n’a pas été présentée par hasard comme un Projet de Recherche Exécutive, ont été renvoyées à la vérification sur le terrain des hypothèses de notre projet. Celles-ci consistaient principalement en une série d’indications concernant l’étendue et la distribution du patrimoine ombrien et des différents facteurs de détérioration auxquels il était vraisemblablement soumis. Des indications parfois très détaillées, mais toutes issues de données connues, parce que publiées ou en tout cas déductibles d’informations, de recensements ou de statistiques normalement accessibles. Il s’agissait donc d’identifier la méthode la plus correcte et la moins coûteuse pour évaluer la pertinence de ces données par rapport à l’état des lieux. C’est ce que nous avons fait en indiquant les instruments, les méthodes, les objets et les lieux de ce que j’appelais alors la “vérification sur le terrain”. Les choix à faire dépendraient ensuite du résultat de celle-ci, à l’intérieur d’un certain nombre de variables que nous avions de toute façon définies, concernant la taille, l’organisation et les méthodes de travail d’une structure dédiée à la conservation du patrimoine artistique de l’Ombrie. L’intention finale était évidemment, une fois le plan ombrien réalisé, d’en tirer les lignes directrices d’un plan national. Au lieu de cela, il me semble que le projet Carta del rischio suppose qu’il sera possible d’arriver à ce même résultat sur la base des indications méthodologiques du plan pilote, en partant plutôt de l’Ombrie à partir de trois ou quatre zones d’étude différentes. Je ne saurais dire quel sera l’avantage pour l’économie et la faisabilité de l’entreprise. Quoi qu’il en soit, je vous adresse mes meilleurs vœux.
Je m’y associe, même s’il me semble que l’entreprise, en cachant ou presque sa dérivation du plan ombrien, laisse beaucoup à désirer en termes d’honnêteté intellectuelle. Mais à supposer qu’elle réussisse, les moyens, que je suppose énormes, seront-ils alors trouvés pour passer du niveau des études à celui des réalisations concrètes ?
Cela peut paraître étrange, mais la dernière chose dont je me préoccuperais serait justement cela. Répéter, comme on le fait depuis des décennies, qu’il est impossible de répondre aux besoins du secteur en ne lui consacrant que 0,20 %, ou à peu près, du total des dépenses publiques, c’est du ouï-dire pur et simple. Si l’on ne connaît pas la taille réelle du patrimoine, il est insensé de se prononcer sur le montant des fonds qui devraient lui être alloués. Il faut plutôt partir d’une idée précise et rigoureuse, non pas du montant, mais de la manière de le dépenser.
C’est-à-dire ?
Avez-vous déjà vu en quoi consistent les soi-disant projets de restauration et les rapports de dépenses correspondants, sur la base desquels le ministère répartit ses fonds entre les surintendances ? Dans la plupart des cas, les projets se résument à un discours d’une demi-page sur les mérites historiques et artistiques de l’objet à restaurer, suivi d’une autre demi-page de plaintes sur son état de conservation. Les devis ne sont rien d’autre qu’une sorte de note de service, dans laquelle les différentes opérations de restauration sont évaluées, sans aucune logique déchiffrable, quand “par corps”, quand “sur mesure” et quand “au rabais”, c’est-à-dire de deux ou trois manières. En ce qui concerne les prix, c’est l’entreprise qui décide, ou l’on s’ajuste en fonction des listes de prix qui circulent entre les surintendances sur la base de je ne sais quelle coutume officieuse. C’est très bien pour le ministère, qui se trouve dans la situation grotesque que l’on sait, mais est-il possible que même la Cour des comptes ne trouve personne pour constater qu’il n’y a rien dans tout cela qui ressemble de près ou de loin aux règles qui sont en vigueur pour les travaux publics depuis près d’un siècle ? Où sont les relevés de la chose à restaurer, les cahiers des charges, les listes de prix raisonnés, les spécifications des systèmes de mesure, les cahiers spéciaux des charges ? Et puis, une fois les travaux en cours ou achevés, où sont les registres comptables, les carnets de chantier, les manuels du maître d’œuvre ? Qui est chargé des contrôles en cours, qui rédige les procès-verbaux, etc. Je sais bien que la restauration d’une œuvre d’art est très différente de la construction d’un barrage ou d’un viaduc, et qu’il serait donc insensé de la soumettre à la même discipline que celle qui s’applique à la conception et à l’exécution de ce type d’ouvrage. Mais est-ce à dire que la restauration peut se passer d’une discipline spécifique, d’une méthode d’investigation codifiée, d’un corps organisé de règles comptables et de spécifications techniques comparables, en termes de rationalité, à celles auxquelles doit se conformer quiconque entreprend un ouvrage public ?
On croirait presque que vous proposez de refaire une nouvelle Charte de la restauration en ce sens.
Oubliez cette Charte bénie, qui a peut-être sa dignité culturelle en tant que déclaration d’intentions historico-critiques, mais qui, en termes de contenu technique, se heurte aux préceptes de Frère Devin. Il s’agit ici de sortir du cercle pervers qui mène d’un ministère non seulement sourd, mais farouchement hostile à tout progrès technique, à des organes techniques périphériques, les Surintendances, qui lui rendent la pareille par un manque total de confiance et donc par un engagement limité au strict nécessaire pour l’abrutir et le contenter. Ajoutez à cela la démagogie welfariste malavisée qui a conduit à engorger le personnel des Soprintendenze avec du personnel le plus souvent dépourvu de toute qualification professionnelle, comme c’est fondamentalement le cas avec la loi 285/79 sur le chômage des jeunes, et vous aurez achevé le tableau du désastre.
Je suis le premier à ne pas y croire, mais je pose quand même la question. L’entrée sur le marché des grandes entreprises de construction, par le biais des procédures Fio et de l’institution de la concession, ne peut-elle pas servir d’incitation, en les mettant en concurrence, à la croissance technique des Surintendances ? Et de l’unification entre les Ministères de la Recherche Scientifique et du Patrimoine Culturel, au nom des cours de licence en Patrimoine Culturel, qu’en pensez-vous ?
Tout d’abord, il a raison de ne pas croire à la première des deux propositions. Car dans ce cas, les Surintendances se transforment même de bureaux techniques en “stations de contractants”: c’est-à-dire en donneurs d’ordre purs et simples. Et bienheureux celui qui croit qu’en se réservant la direction des travaux, les Surintendances peuvent faire face, par leur expérience et leur capacité, à la gestion du chantier qui incombe aux entrepreneurs. Quant au second cas et au ridicule de la situation, vu l’état de notre Université, son association avec le Ministère me fait penser à l’histoire classique de l’aveugle et de l’infirme.
Mais la formation des restaurateurs, dans les projets de loi Pci et ministériels, sera faite par les régions.
Et là, à mon grand regret, je dois me reprocher de n’avoir pas su prévoir, lorsque j’ai oeuvré en 1982 pour que l’Etat et les régions signent un protocole d’accord pour la formation des restaurateurs, le gâchis que les politiciens et les bureaucrates auraient fait de cette initiative. Mon idée était que les nouvelles écoles-laboratoires seraient créées sur le modèle des cours de trois ans de l’Institut de la restauration, intégré aux anciennes et glorieuses stations expérimentales de l’industrie et de l’agriculture. En d’autres termes, je concevais ces écoles-laboratoires comme des organismes pour le financement et l’organisation desquels le ministère, auquel incomberait en tout état de cause la tâche principale de supervision et de direction, devrait collaborer avec les régions et, éventuellement, l’université et l’entreprise privée. La conception de base était de faire de ces écoles-laboratoires des structures de service principalement pour les Surintendances et ensuite pour les autres, en premier lieu les Régions, intéressées par le développement de la formation des restaurateurs dans des zones territoriales définies. Un développement donc à la mesure des besoins locaux concrets, afin que les Surintendances puissent planifier la formation des restaurateurs en fonction de ces besoins. Ceux-ci pourraient alors être satisfaits soit par du personnel et des étudiants internes, soit par d’anciens étudiants organisés en consortiums ou en coopératives. Au contraire, dans les projets de loi communiste et ministériel, les écoles-laboratoires dépendent totalement et exclusivement des Régions, reléguant l’Administration de l’Etat à un rôle absolument marginal. Cela serait extrêmement préjudiciable aux Surintendances, qui se verraient ainsi privées d’une tâche qui, plus que toute autre, aurait pu les requalifier sur le plan technico-scientifique, et qui trouverait certainement les Régions complètement démunies.
Alors, aucune lueur d’espoir, aucun élément positif dans ce panorama de désastres ?
Cela dépend. Si nous oublions le patrimoine historico-artistique et que nous ne pensons qu’à nos intérêts de contribuables, une note positive existe: les mille milliards de dettes résiduelles que le ministère n’a pas pu dépenser et que l’État pourrait donc récupérer. Qui a dit que la bureaucratie ministérielle était inutile ?
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