Le slogan "Strangers Everywhere" de la Biennale est-il source de division ? Claire Fontaine répond


L'exposition de la Biennale de Venise 2024 s'intitule "Les étrangers partout" : mais ce slogan ne risque-t-il pas de diviser et de contribuer à une propagande xénophobe et raciste ? Claire Fontaine, le duo qui a inventé cette devise, répond.

Claire Fontaine est un duo fondé à Paris en 2004 par Fulvia Carnevale et James Thornhill : l’une de leurs œuvres, Strangers Everywhere, a inspiré le titre de l’exposition internationale de la Biennale de Venise de cette année, organisée par Adrian Pedrosa. Raja El Fani a rencontré Fulvia Carnevale sans son partenaire James Tornhill, à Rome, après l’ouverture de la Biennale de Venise, venus présenter un nouveau néon de Claire Fontaine à l’Accademia di San Luca. La pratique artistique du duo Claire Fontaine est strictement duchampienne avant même d’être conceptuelle, la tentation de jouer sur le sens des mots et des échos devenant un dogme, un peu rétro. Mais lorsque le mot “étranger” est décliné et mis en exergue, ne risque-t-on pas de raviver, au profit de certaines politiques, un concept dépassé dans un contexte, celui de la Biennale, déjà mondialisé et multiculturel ? Il y a dans cet affichage de la fierté “étrangère” telle que pensée par Adrian Pedrosa à la Biennale, comme un refus inhérent de s’intégrer et d’être intégré qui détourne des questions plus complexes de l’intégration et de l’inclusion. Ils répondent à nos perplexités, dans cet entretien, les Claire Fontaine eux-mêmes, conjointement et comme une seule entité, par écrit.

Fulvia Carnevale et James Tornhill (Claire Fontaine) devant leur installation Foreigners Everywhere au Gaggiandre de l'Arsenale, Biennale de Venise 2024. Photo : Laura Sciacovelli
Fulvia Carnevale et James Tornhill (Claire Fontaine) devant leur installation Foreigners Everywhere au Gaggiandre de l’Arsenale, Biennale de Venise 2024. Photo : Laura Sciacovelli

Votre duo artistique, que vous concevez comme un collectif prêt à l’emploi, évolutif et impersonnel, à contre-courant du concept consumériste de l’artiste individualiste et égocentrique, est né il y a 20 ans : en 2004, vous avez inauguré Claire Fontaine avec Stranieri Ovunque, l’œuvre que vous continuez à rééditer et qui donne son titre à la biennale d’art d’Adrian Pedrosa à Venise, Stranieri Ovunque, que vous avez traduite pour la première fois en soixante langues, est devenue autant de néons dans l’installation très scénique de l’Arsenale : des aspects techniques du néon que vous aimeriez partager ? Qu’est-ce qui vous/nous séduit dans le format du néon ?



Strangers Everywhere est la première œuvre que nous avons réalisée il y a 20 ans en tant que Claire Fontaine et, paradoxalement, elle a été installée pour la première fois au pavillon de Mars, non loin de l’entrée de la Biennale de Venise. Le néon est une lumière vivante car il est créé par deux types de gaz (le néon et l’argon selon celui que vous utilisez), il est très intéressant de l’expérimenter à l’œil nu car vous pouvez sentir la vibration à l’intérieur des tubes, ce n’est pas une lumière constante et continue et c’est pourquoi il est très difficile de la photographier. Son utilisation provient de l’art conceptuel, Bruce Nauman, Joseph Kosuth et d’autres ayant adopté cette forme anonyme dans les années 1960 et 1970, typique du langage publicitaire de l’époque. Aujourd’hui encore, les écritures lumineuses dans l’espace public sont associées aux ordres que nous recevons du monde du commerce ou des responsables de la sécurité des lieux que nous traversons. Il est intéressant d’utiliser ce support pour véhiculer des paroles qui nous obligent à réfléchir ou à porter un regard différent sur le contexte et les personnes qui nous entourent.

La xénophobie inhérente à la devise Foreigners Everywhere dans la fonction d’interjection est également omniprésente aujourd’hui. Cette œuvre ne risque-t-elle pas de contribuer à la propagande raciste ? Selon vous, qu’est-ce qui a changé dans la perception globale de l’étranger et de l’altérité vingt ans plus tard ? Le terme “étranger” n’est-il pas un peu dépassé ?

Pour nous, Stranieri Ovunque est à l’origine un autoportrait : en effet, à la Biennale de Venise qui porte ce titre, on trouve, en plus du groupe de soixante néons sous le Gaggiandre, deux doubles néons en italien et en anglais (qui sont nos deux nationalités) installés à l’entrée du pavillon central des Giardini et à l’entrée de la Corderie. Ils n’ont rien à voir avec le racisme ou la xénophobie : foreigner n’est ni une insulte ni un mot à connotation négative. Être étranger ou étrangère, c’est le nom d’une relation sociale, car toute personne qui quitte son pays devient étrangère. Dans un moment historique qui voit le plus grand nombre de migrants, de déportés et de personnes extraites de leur patrie dans l’histoire, il faut un certain égocentrisme pour penser que la référence à l’omniprésence des étrangers est négative. Tout notre travail se développe sur la décontextualisation d’objets ou de références (le ready-made n’est rien d’autre que l’objet qui perd sa valeur d’usage et qui est exposé dans un lieu qui lui est étranger). Il est tout à fait normal que nous nous intéressions aussi à la décontextualisation des êtres vivants.

Claire Fontaine, Strangers Everywhere (2004-2024). Photo : Matteo De Mayda
Claire Fontaine, Strangers Everywhere (2004-2024). Photo : Matteo De Mayda
Claire Fontaine, Strangers Everywhere (2004-2024). Photo : Marco Zorzanello
Claire Fontaine, Strangers Everywhere (2004-2024). Photo : Marco Zorzanello

Qu’est-ce que cela fait d’être le titre d’une Biennale ? Quels sont les aspects et les effets plus ou moins agréables de la représentation d’une biennale qui fait appel à l’étranger et à la diversité ?

Adriano Pedrosa est un ami très cher qui nous a surpris avec son idée. Nous avions déjà “prêté” Strangers Everywhere en langue tupi comme titre à l’édition de Panorama dans laquelle il nous avait inclus avec d’autres artistes du monde entier. Il était très intéressant de devoir collectiviser ces deux mots qui nous accompagnent depuis vingt ans - ils étaient le titre de notre première monographie, de notre adresse électronique, des deux expositions que nous avons organisées nous-mêmes dans le passé. Le destin de certaines œuvres d’art échappe au contrôle de leurs auteurs et leur fait vivre une vie propre. C’est une expérience merveilleuse que l’on peut faire en tant qu’artiste.

Comment est née l’idée de faire Claire Fontaine ? S’agit-il d’une marque ? D’une société ? Une autre forme juridique ? Comment travaillez-vous ensemble ? Quel est le rôle, la compétence de chacun ? Êtes-vous un couple ?

Claire Fontaine est un espace de désubjectivation où nous pouvons accueillir des idées et des formes qui ne reflètent pas seulement nos personnalités ou les formes de notre interaction, entre nous et entre nous et le monde. Le reste n’est pas pertinent. Il est évident que nous sommes plus qu’un couple ou que quelque chose de fondamentalement différent de la façon dont les couples fonctionnent. L’objectif est en fait de transcender et d’élargir ce que nous pouvons être ensemble, et non de préserver un espace fermé même lorsqu’il devient asphyxié. Nous travaillons sur tout ensemble et essayons de ne pas fossiliser la division du travail - qui est épuisante - nous n’avons presque pas d’aide et la plupart du travail se fait dans les conversations et les discussions.

Comment définiriez-vous votre recherche et quels sont les objectifs que vous souhaitez atteindre ?

Notre recherche a un but transformateur, nous aimerions que l’art évoque et donne vie à des mondes possibles qui sont actuellement réprimés et écrasés. L’art a pour but de transformer le monde et les gens, ce qui transforme ensuite sa propre lecture à travers les différentes époques. C’est une manière d’être au monde et de faire exister le présent comme une forme de possible, sans se résigner à ce qu’on nous dit être inévitable.


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