Du 18 janvier au 27 avril 2025, l’exposition Giacinto Cerone. L’angelo necessario (L’ange nécessaire), une exposition anthologique consacrée à Giacinto Cerone (Melfi, 1957 - Rome, 2004), un sculpteur singulier à la carrière brève qui a travaillé en s’affranchissant des groupes, des écoles et des mouvements, marquant ainsi l’une des expériences les plus singulières de la seconde moitié du XXe siècle dans le domaine de la sculpture italienne. L’exposition explore en particulier le lien de Cerone avec la céramique et, plus spécifiquement, avec Faenza : le titre même, The Necessary Angel, fait référence à une figure décrite par le poète américain Wallace Stevens qui revient souvent dans la statuaire de Cerone. Sous le commissariat de Marco Tonelli (Rome, 1971), critique et historien de l’art, l’exposition entend non seulement retracer la relation de Cerone avec Faenza, mais aussi dessiner sa figure et la replacer dans le contexte de l’art italien de la seconde moitié du XXe siècle. Nous en avons parlé avec Marco Tonelli, l’interview est de Noemi Capoccia.
NC. Quelle a été l’importance de Faenza dans la carrière artistique de Giacinto Cerone et comment ses expériences avec la céramique ont-elles transformé sa sculpture ?
MT. Giacinto Cerone a commencé à travailler avec la céramique en 1993, aidé par Davide Servadei de Ceramiche Gatti, une figure de référence fondamentale. Ce n’était pas la première fois qu’il s’attaquait à ce matériau, puisqu’il avait déjà réalisé des œuvres en céramique dans d’autres endroits d’Italie, comme à Albissola. Toutefois, à Faenza, il a trouvé un contexte différent, grâce notamment à la collaboration avec un technicien doté d’une extraordinaire sensibilité artistique, capable d’interpréter ses besoins et son style. Au fil du temps, le technicien perfectionne les matériaux et les couleurs, en les adaptant de plus en plus aux méthodes expressives de Cerone, qui jusqu’alors travaillait principalement avec le bois et le plâtre. À Faenza, la céramique devient pour lui un matériau idéal, traité avec la même énergie physique et la même intensité que celles qu’il réserve à d’autres supports. Ici, en utilisant des modules d’argile spécialement préparés par Servadei, il développe une approche presque brutale : colonnes pliées, déchirées, frappées à coups de pied, frappées avec violence. Il en résulte des œuvres d’une extraordinaire force gestuelle. Des céramiques plus riches et plus élaborées voient également le jour, chargées de significations symboliques, parfois d’une veine mortuaire, d’autres d’une beauté somptueuse et raffinée. C’est à Faenza que l’art céramique de Cerone se définit pleinement, tout en se démarquant de la figure traditionnelle du céramiste. Dans ce contexte, Cerone s’exprime comme un auteur complet, capable d’osciller entre des gestes violents et des solutions esthétiques complexes, des éléments qui trouvent une synthèse adéquate dans l’exposition présentée au MIC et intitulée L’angelo necessario.
Pourquoi avoir choisi le titre L’ange nécessaire? Quels liens peut-on établir entre les mots de Wallace Stevens et les œuvres de Cerone ?
J’ai toujours perçu Cerone comme une figure solitaire et indépendante dans le domaine de la sculpture italienne, capable de maintenir un parcours personnel malgré la reconnaissance des critiques et des galeristes, et le contexte romain dans lequel il vivait. Son œuvre et sa vie évoluent avec une légèreté qui porte en elle le poids d’un drame profond. Si l’on regarde ses œuvres, le sens de l’autonomie et de l’originalité ressort fortement et nombre d’entre elles évoquent une dimension sacrée : figures de saints, apparitions, fantômes et monuments funéraires. Ce sont des éléments qui renvoient à une imagerie mortuaire, mais non pas comme une commémoration de la fin, mais plutôt comme une aspiration à l’extrême, un passage vers une autre dimension. Bien qu’athée, Cerone avait une foi absolue dans la sculpture. Pour lui, la sculpture et la vie étaient inséparables, les deux faces d’une même réalité. C’est dans ce contexte que s’inscrit le titre de l’exposition, The Necessary Angel, inspiré du poème éponyme de Wallace Stevens. Dans ce contexte, l’ange n’est pas une figure céleste, mais une entité terrestre, traversant le monde avec ses fragilités, ses souffrances et ses incertitudes. Une figure qui reflète en partie Cerone lui-même : un artiste qui a vécu la sculpture comme une expression poétique et un moyen d’explorer l’indéfini. Bien que Stevens ne soit pas une référence directe, Cerone a été profondément influencé par la poésie, en particulier celle de Hölderlin, de Dino Campana et de Sandro Penna, ainsi que par sa proximité personnelle avec Patrizia Cavalli. Les sculptures de Cerone sont évocatrices et insaisissables : des figures que l’on peut entrevoir sans jamais les définir complètement. Il n’y a pas de visages, de mains ou de membres reconnaissables, seulement des fragments qui suggèrent une présence, comme dans l’ange de Stevens, entrevu et jamais entièrement révélé. La tension vers l’indéfinissable et le poétique caractérise l’ensemble de l’œuvre de Cerone, qui a su transformer le matériau en un moyen d’explorer ce qui va au-delà du visible et reste toujours suspendu entre le concret et l’abstrait.
Quels sont les thèmes abordés dans l’exposition MIC ?
Un élément crucial de l’exposition est le thème des matériaux, qui englobe une grande partie du répertoire exploré par Cerone. Le bois, le plâtre, les plastiques, les céramiques émaillées et métallisées sont présents, tandis que le marbre et la pierre, bien que traités occasionnellement par lui (avec un maximum de cinq œuvres), sont absents en raison de problèmes logistiques liés à la difficulté du transport. À côté des sculptures, un noyau important d’une trentaine de dessins complète l’exposition et témoigne d’un autre aspect essentiel de sa pratique artistique. Les dessins en question, réalisés avec différentes techniques, doivent être compris comme de véritables sculptures sur papier. Le geste qui les génère a une portée formelle et expressive similaire à celle que Cerone imprime à ses œuvres tridimensionnelles. Parmi les thèmes récurrents, celui de la céramique se distingue, avec un accent particulier sur les œuvres réalisées à Faenza. Ici, le lien avec la mort se manifeste par une blancheur qui rappelle la solennité et la noblesse d’une mort statuaire. Le dialogue entre la matière et le concept de fin exprime une tension vers l’extrême, un aspect qui résonne dans une grande partie de sa production. Enfin, au centre de l’exposition se trouve le thème de la sculpture elle-même. Toutes les œuvres exposées sont de véritables sculptures, conçues pour un musée de la sculpture céramique plutôt que pour un musée dédié à la céramique.
Cerone est connu pour son impétuosité et sa liberté de création. Ces caractéristiques ont-elles influencé le concept et le montage de l’exposition ? De quelle manière ?
L’espace d’exposition du MIC - Museo Internazionale delle Ceramiche - est un environnement très particulier, capable d’influencer considérablement la mise en place d’une exposition. Pour cette exposition, j’ai construit le parcours en tenant compte de l’espace lui-même, en m’adaptant à ses caractéristiques sans concevoir une exposition abstraite ou sans rapport avec le lieu. Dans le cas de Giacinto Cerone, cette méthode a été particulièrement naturelle grâce à la possibilité d’organiser les œuvres en groupes thématiques bien définis : les mauvaises herbes, les plâtres, les céramiques métallisées, les fleuves vietnamiens et les quatre figures d’héroïnes, anciennes et modernes. Les noyaux, déjà présents dans l’œuvre de Cerone, constituent un point de départ pour disposer les œuvres dans l’espace de manière organique. La première nécessité a été d’identifier et de sélectionner les groupes, en tenant compte du fait que certains étaient naturellement extensibles, tandis que d’autres prenaient la forme d’unités définies. Ensuite, j’ai assigné à chaque groupe la place la plus appropriée dans l’espace, en suivant les coordonnées physiques et visuelles du MIC. La priorité était alors d’enrichir la série thématique en mettant l’accent sur les familles de sculptures conçues par l’artiste et en les distribuant de manière équilibrée pour créer un dialogue continu entre les œuvres et l’espace. Pour enrichir encore l’installation, nous avons décidé de profiter de certains murs apparemment secondaires pour installer des dessins, petits et grands. Tout cela a permis d’établir une relation entre les deux principales techniques de Cerone, la sculpture et la peinture.
À votre avis, quelle est l’œuvre de Cerone la plus significative de l’exposition, surtout pour une meilleure compréhension de l’art de l’artiste ?
Je proposerais deux solutions pour l’exposition qui reflètent à la fois le caractère de Cerone et celui de l’exposition elle-même. D’une part, l’une des sculptures les plus puissantes et les plus solitaires, Ofelide, méritait d’être exposée dans une salle dédiée. Cette œuvre, créée en 2004, est l’une des dernières de Cerone et porte en elle une signification intéressante. Il s’agit d’une céramique blanche qui rend hommage à Ilaria del Carretto ou au Christ voilé de San Martino, mais aussi d’un autoportrait de l’artiste, qui se représente à travers la figure d’Ophélie allongée, comme si elle était en train de mourir au cours de sa noyade, immergée dans l’eau. Il s’agit d’une œuvre qui marque le passage du vécu à l’imaginaire, dans laquelle Cerone rend hommage à la sculpture et, en même temps, à sa mort imminente. Pour accentuer le sentiment de solitude et de réflexion, la sculpture est accompagnée d’un portrait photographique de Cerone, allongé entre deux autres sculptures, comme s’il était lui-même la figure d’Ophélie. L’installation évoque certainement une atmosphère poignante mais aussi fascinante. En revanche, la série Vietnamese Rivers présente une proposition tout à fait différente : six sculptures, dont quatre sont présentées dans l’exposition, accompagnées de dix dessins analysant le même thème. Par rapport à l’Ophélie solitaire, il y a ici une forte cohésion, un groupe composé de sculptures et d’œuvres sur papier.
Comment l’idée de “sculpture totale” se concrétise-t-elle dans les installations de Cerone et quel impact peut-elle avoir ou provoquer sur le public qui visite l’exposition ?
La relation entre Cerone et la sculpture totale est un concept bien mis en évidence dans l’exposition. Son admiration pour Pino Pascali est visible dans les œuvres qu’il lui a dédiées, comme le grand sol en plâtre réalisé à Turin et qui, malgré les dommages qu’il a subis, continue de parler de la relation entre la sculpture et l’espace, symboliquement et physiquement. La référence à Pascali est forte et constante, un lien qui est également visible dans des œuvres telles que les moulages en plâtre blanc qui rappellent la douceur et la fragilité de la mer de Pascali avec la foudre, et dans les sculptures horizontales qui évoquent une idée de la sculpture en tant que portail ou encombrement total, quelque chose qui va au-delà de la pièce unique pour devenir une intervention environnementale. Cerone, en effet, pousse le concept de sculpture au-delà des limites traditionnelles. Ses sculptures sont des colonnes posées sur le sol, des bois adossés au mur, des tapis horizontaux, des sculptures qui s’intègrent au mur comme s’il s’agissait de tableaux en relief. Chaque pièce semble rechercher une connexion avec l’espace, avec le sol, avec le mur, dans un jeu continu entre la forme et l’environnement. Le concept de sculpture en tant qu’espace en expansion, en tant qu’entité modulaire se déployant dans l’environnement, est également illustré par son Cenacolo, une œuvre composée de cinq parties, qui suggère la possibilité d’une sculpture modulaire. Au MIC, les espaces ne permettent pas de recréer des œuvres qui n’existent plus. Mais en imaginant une intervention environnementale à grande échelle, comme celle que Cerone a réalisée à Tor Bella Monaca ou dans d’autres contextes, une vision se dessine dans laquelle la sculpture occupe des dizaines de mètres et dialogue intentionnellement avec son environnement.
Depuis 1993, la collaboration avec l’atelier Gatti a marqué un tournant pour Cerone. Quelles techniques non conventionnelles a-t-il adoptées et comment ont-elles enrichi sa poétique ?
L’approche de la céramique par Cerone est révolutionnaire. Sa façon de travailler la matière devient un véritable acte de lutte avec la matière, et ce combat avec l’argile, que Cerone affronte avec une force physique et mentale comparable à celle d’un combattant de rue, est un aspect qui distingue son art de celui d’autres sculpteurs contemporains, comme Fontana par exemple. Cerone s’attaque littéralement à la céramique. Sa façon de la briser, de la déchirer, de la perforer avec ses mains ou ses pieds, semble être une attaque directe contre le matériau lui-même, comme s’il voulait remettre en question sa résistance et sa capacité à supporter l’intervention humaine. L’invention du procédé de vidage du bloc d’argile permet à Cerone de repousser les limites traditionnelles de la sculpture. Il a pu donner forme à des structures qui peuvent être déchirées et manipulées sans compromettre leur stabilité. Le fait que la céramique, une fois vidée, devienne une sorte d’enveloppe qui peut être pliée et perforée, est une innovation qui permet à l’artiste de travailler de manière plus physique et directe, en entrant dans le matériau sans risquer de le détruire complètement.
Selon vous, quelle est la valeur symbolique de la diversité des matériaux utilisés par l’artiste ?
Je ne sais pas s’il y a une valeur symbolique ; il semblait en tout cas avoir une vision très pragmatique et fonctionnelle des matériaux. Pour lui, l’important n’était pas tant le matériau lui-même que la manière dont il pouvait servir à réaliser sa vision sculpturale. Les matériaux étaient des outils qui devaient s’adapter à son geste créatif, qui changeait en fonction du type d’œuvre à réaliser, je ne pense pas qu’il les chargeait d’une signification symbolique prédéfinie. Le blanc, en fait, peut être défini comme l’exception. Dans ses œuvres, il semble évoquer les concepts de vie, de mort et de sainteté. Le choix du blanc pour nombre de ses sculptures dédiées aux saints, par exemple, peut être interprété comme une référence à la pureté, à la transition entre la vie et la mort, ou même au concept de transcendance. C’est comme si Cerone voyait dans le blanc la couleur la plus adaptée à l’idée de transformation et de transition, tant spirituelle que physique. Au-delà de cette réflexion sur le blanc, Cerone ne s’est jamais lié de manière dogmatique à un matériau ou à une technique spécifique. Sa cohérence réside dans le geste, dans l’idée de la sculpture comme expression physique de sa vision. Même lorsqu’il utilise des matériaux tels que le plastique ou le marbre, l’approche est toujours dictée par la nécessité de s’identifier à ce matériau, afin d’adapter sa force et sa technique en fonction de son rendement et de ses possibilités.
Vingt ans après sa mort, quelle trace Cerone a-t-il laissée dans l’art contemporain italien ? Comment pensez-vous qu’il soit perçu aujourd’hui par les nouvelles générations d’artistes ?
La réponse n’est pas simple. Bien que Cerone ait eu un impact considérable dans la sphère artistique, sa reconnaissance n’est pas encore aussi consolidée que celle d’autres artistes de la scène contemporaine, et cela est dû en partie au fait qu’il n’a pas eu un marché stable ou un suivi constant de la part des critiques et des commissaires d’exposition. Bien que son travail soit apprécié et que les galeries qui le promeuvent le soutiennent, il n’est pas parvenu à établir une présence historique établie comme c’est le cas pour de nombreux autres artistes, en particulier ceux qui sont davantage liés à des mouvements reconnus. Cette situation semble être en partie liée à son choix de rester en dehors des circuits traditionnels de l’histoire de l’art, sans s’aligner sur les groupes ou les théories critiques qui influençaient la scène artistique italienne de son époque. Sa carrière a été essentiellement indépendante, ce qui a fait de lui un cas particulier par rapport aux dynamiques traditionnelles de l’histoire de l’art. Cela a certainement limité la connaissance de son art par les nouvelles générations qui, à de rares exceptions près, ne semblent pas avoir pleinement conscience de son impact. Les générations qui ont travaillé avec lui, comme ses assistants à Rome, sont aujourd’hui adultes, et il faut donc espérer que l’histoire de l’art et la critique sauront donner à Cerone la place qu’il mérite, en reconnaissant la valeur et la portée de sa créativité dans le domaine de la sculpture italienne.
Le musée pourrait-il avoir des projets futurs liés à Cerone ou à des thèmes connexes ?
Le processus de planification des expositions est souvent en phase de définition et de nombreuses dynamiques doivent être formalisées avant qu’un programme futur ne soit annoncé. Je ne connais pas les programmes futurs du MIC, à l’exception du prochain Prix de Faenza en juin, consacré à la sculpture internationale, mais ce qui ressort, cependant, c’est que le musée a entamé une importante valorisation de Cerone avec des œuvres déjà présentes dans la collection permanente, et l’exposition actuelle, accompagnée d’un catalogue publié par Corraini avec un texte introductif de la directrice du musée, Claudia Casali, présente sans aucun doute un nouveau regard sur sa production artistique. Il est certain que la publication d’un catalogue bien édité, qui analyse en profondeur la poétique de l’artiste, est toujours un excellent instrument pour enrichir le panorama critique et sensibiliser un public plus large à la valeur de son œuvre.
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