Les Offices consacrent une exposition aux revues d’art du début du XXe siècle. Intitulée Riviste. La cultura in Italia nel primo ’900, il s’agit d’une nouveauté : du 15 juin au 17 septembre 2023, pour la première fois dans une exposition, le débat intellectuel fervent qui a animé les premières décennies du Secolo Breve est décrit en détail, en montrant les pages des publications d’avant-garde qui en ont été les protagonistes : parmi elles, La Voce de Prezzolini, les feuilles futuristes de Marinetti, les périodiques d’inspiration sociale de Gobetti et de Gramsci. L’exposition présente de nombreuses figures : Giovanni Papini, Giuseppe Prezzolini, Benedetto Croce, Ardengo Soffici, Tommaso Marinetti, mais aussi Piero Gobetti, Antonio Gramsci, Leo Longanesi, Curzio Malaparte, Massimo Bontempelli et bien d’autres encore. Des esprits profonds, des plumes acérées, des personnalités complexes, parfois incendiaires, tous très différents les uns des autres mais unis par une caractéristique fondamentale : avoir (ré)animé et rendu fécond, avec les revues qu’ils ont fondées et dirigées, le débat intellectuel et politique dans le pays au cours des premières décennies du siècle dernier.
Aujourd’hui, pour la première fois, un musée décrit et raconte intégralement, à travers les pages de ses propres protagonistes, cette période agitée et féconde, pleine d’idées, de visions et de provocations dont le génie et la portée avant-gardiste ont résisté à l’usure du temps et continuent de porter leurs fruits aujourd’hui.
Organisée par les Offices en collaboration avec la Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze (sous la direction de Giovanna Lambroni, Simona Mammana et Chiara Toti), elle offre aux visiteurs un panorama complet des publications culturelles les plus influentes parues dans la péninsule au cours du premier quart du court siècle: des débuts avec les invectives rebelles de Leonardo, signées par Giovanni Papini et Giuseppe Prezzolini, à l’évolution pluraliste de La Voce, également signée par Prezzolini, jusqu’à l’acte d’amour pour la liberté absolue de l’art. Lacerba d’Ardengo Soffici, pour passer, en un peu plus d’une décennie, des élans futuristes de la Poesia de Marinetti à une nouvelle approche des questions sociales avec Piero Gobetti(La rivoluzione liberale) et Antonio Gramsci(L’Ordine nuovo). Jusqu’à ce qu’elle se ramifie, juste après le seuil des années 1920, dans la poétique “strappienne” de Leo Longanesi et Mino Maccari(L’Italiano, Il Selvaggio) et dans l’internationalisme poussé de Curzio Malaparte et Massimo Bontempelli(900). Tout cela, même dans la variété des journaux et de leurs créateurs, sans jamais renoncer au regard critique, à l’esprit d’indépendance et à cette liberté de jugement revendiquée qui, à chaque époque, est une caractéristique indispensable des grands intellectuels.
Plus de 250 pièces composent le parcours de l’exposition: non seulement les éditions originales des revues, mais aussi des livres, des affiches, des couvertures, des caricatures et une sélection minutieuse de peintures, de dessins et de sculptures de l’époque.
1903 marque le début de la grande saison florentine des revues, ouverte par Leonardo (1903-1907) de Giovanni Papini et Giuseppe Prezzolini, qui réunit de jeunes intellectuels unis par un idéalisme anti-positiviste et animés par le désir de perturber la culture de l’époque. Toujours à Florence, Il Regno (1903-1906), fondé par Enrico Corradini, est le premier organe de presse important du nationalisme italien. Enfin, Hermes (1904-1906) est une revue littéraire inspirée par D’Annunzio. C’est dans cette même année 1903 fertile que paraît à Naples le premier numéro de La Critica (1903-1944) de Benedetto Croce, avec l’intention d’exercer une activité critique garantie par la présence autoritaire de Croce et de Giovanni Gentile.
Une fois passée la phase agitée de Leonardo, Giuseppe Prezzolini fonde à Florence La Voce (1908-1916), une revue destinée à jouer un rôle central dans le débat culturel et politique italien. Grâce à la contribution d’un grand nombre de collaborateurs issus d’horizons différents, elle s’impose comme un organe fondamental pour la circulation des idées, dans un contexte de pluralisme garanti et d’envergure internationale. Dans ses colonnes, signées par Giovanni Amendola, Benedetto Croce, Gaetano Salvemini, Giovanni Gentile et la plupart des intellectuels de l’époque, la nouvelle Italie se dessine et un travail fondamental de diffusion de l’art français, de l’impressionnisme au cubisme, est également réalisé. De cette expérience naîtront d’illustres publications telles que L’Unità et Lacerba. De 1915 à 1916, La Voce se scinde en deux revues à caractère littéraire et politique, dirigées respectivement par Giuseppe De Robertis et Antonio De Viti De Marco.
En 1913, Giovanni Papini et Ardengo Soffici, avec la collaboration d’Aldo Palazzeschi et d’Italo Tavolato, fondent Lacerba (1913-1915). On retrouve les accents héroïques et les tons méprisants de Soffici, auxquels s’ajoute le goût toscan pour la moquerie sarcastique. Protagoniste de la saison florentine du futurisme et de ses soirées mémorables, le groupe Lacerba organise entre 1913 et 1914 des expositions futuristes qui amènent à Florence les œuvres d’Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, Giacomo Balla et Gino Severini. La revue proposait des contributions critiques sur le cubisme, les discours de Papini contre le passivisme, les écrits pleins d’humour de Palazzeschi, ainsi que des vers de Giuseppe Ungaretti et de Dino Campana, des manifestes programmatiques et des tables de parolibères. Après une campagne ouvertement interventionniste, la revue cesse de paraître pour coïncider avec l’entrée en guerre de l’Italie.
Poesia (1905-1909) est fondée à Milan en 1905 par Filippo Tommaso Marinetti, Sem Benelli et Vitaliano Ponti. Tout en promouvant les œuvres de Giovanni Pascoli, Giosuè Carducci et Gabriele d’Annunzio aux côtés de celles de Gustave Kahn, John Keats et William Butler Yeats, elle publie en 1909 le Manifeste du futurisme, devenant ainsi l’organe du mouvement. À Florence, L’Italia Futurista (1916-1918) est fondée et dirigée par Emilio Settimelli et Bruno Corra, puis par Arnaldo Ginna. Un large espace est consacré aux écrits de Marinetti qui, avec Balla, participe également à la réalisation du film Vita Futurista avec le groupe florentin.
L’expérience dramatique de la Première Guerre mondiale a mis en évidence un nouveau besoin de certitude, de “retour à l’ordre”. C’est dans ce climat que naissent à Rome Valori plastici (1918-1921) et La Ronda (1919-1923). Valori plastici se caractérise par un lien fort avec la peinture métaphysique, favorisant la diffusion des théories esthétiques de Carlo Carrà, Giorgio de Chirico et Alberto Savinio, orientées vers un retour au classicisme pictural et à l’exaltation de la culture figurative italienne des XIVe et XVe siècles. De même, La Ronda rappelle l’idée d’un “retour” dans les rangs du monde littéraire : en polémique avec l’avant-garde littéraire, elle appelle à un retour à un classicisme fondé sur les pères littéraires de l’Italie du XIXe siècle, Manzoni et Leopardi.
Dans la Turin de l’après-guerre émerge la figure de Piero Gobetti qui, à seulement dix-sept ans, fonde Energie Nove (1918-1920). Son intérêt pour les questions politiques et sociales le rapproche d’Antonio Gramsci, fondateur avec Angelo Tasca, Umberto Terracini et Palmiro Togliatti de L’Ordine Nuovo (1919-1922), organe du tout nouveau mouvement des conseils d’usine. Avec Rivoluzione Liberale (1922-1925), Gobetti reprend le chemin politique emprunté par Energie Nove, en enquêtant sur les causes historiques des innombrables contradictions de l’Italie. Après l’assassinat de Matteotti, les restrictions à la liberté de la presse empêchent Gobetti de continuer à publier ses écrits politiques : d’où la dernière de ses revues, Il Baretti, dont le caractère purement littéraire lui permet de poursuivre son opposition au fascisme sur le plan culturel.
Avec la montée du fascisme, une tendance culturelle opposée à l’extranéophilie et au cosmopolitisme s’affirme en Italie : c’est le Strapaese, qui soutient l’idée d’une culture autarcique, d’un art d’inspiration paysanne qui servirait à orienter l’action politique et à redonner au fascisme sa vraie nature. Les revues Il Selvaggio (1924-1943) et L’Italiano (1926-1942) sont les fers de lance de ce courant. Elles sont nées loin de la capitale: la première, à Colle Val d’Elsa, s’est ensuite installée à Florence sous la direction de Mino Maccari ; la seconde, au cœur de Bologne, a été fondée et dirigée par Leo Longanesi, qui, dans les années 1930, se retrouvera à la tête des deux revues. Toutes deux abandonnent rapidement leur orientation politique initiale pour faire place à des thèmes purement artistiques et littéraires, tout en réaffirmant le droit de rire de tout le monde, y compris des puissants.
Dans les mêmes années où les titres du Strapaese plaident pour la fermeture autarcique, deux revues naissent à l’opposé, prônant l’ouverture aux nouveaux courants européens: 900 (1926-1929) et Solaria (1926-1934). 900 naît de la volonté de ses fondateurs, Massimo Bontempelli et Curzio Malaparte, de créer une réalité éditoriale internationale (le choix de publier en français est emblématique). La Solaria d’Alberto Carocci partage la mission européiste, mais en son sein se divisent d’un côté les “rondisti”, qui aspirent à un art éloigné de tout engagement politique, et de l’autre les “solariens”, qui voient dans la culture un instrument d’analyse et de dénonciation. L’esprit critique, indépendant et cosmopolite des deux revues s’accommode mal de l’intransigeance croissante du régime : “900”, suite à l’imposition de l’usage de l’italien, ferme ses portes après quelques années seulement ; Solaria, malgré d’innombrables interférences et censures, survit jusqu’au milieu des années 1930.
“Les avant-gardes culturelles du début du XXe siècle, dont l’épicentre était Florence, ont constitué un moment de grande originalité et de ferveur pour la culture italienne, qui s’est modernisée et a pris une dimension européenne”, a déclaré le ministre de la Culture, Gennaro Sangiuliano. "Je suis honoré d’accompagner le président du Sénat, Ignazio La Russa, à l’inauguration d’une exposition de grande valeur, qui a le mérite de rappeler ce creuset d’intelligence qu’étaient les revues italiennes au début du XXe siècle. Les esprits les plus vifs et les plus brillants de la politique et de la culture nationales se sont affrontés dans les pages de périodiques qui faisaient autorité, depuis les débuts de Leonardo de Papini et Prezzolini jusqu’à 900 de Bontempelli et Malaparte et Solaria de Carocci, le dernier à exprimer une voix de liberté au tournant des années 1920 et 1930. Les idées nées de cette confrontation, même amère mais toujours vivante et fertile, ont nourri la pensée politique et philosophique italienne pendant longtemps, parfois même jusqu’à nos jours. Après des années de silence, nous revenons, avec cette exposition, au débat sur l’idéalisme et la réponse au positivisme".
"Cette exposition, souligne Paola Passarelli, directrice générale des bibliothèques et des droits d’auteur, constitue une nouvelle occasion de connaître et de valoriser le très riche patrimoine de périodiques (revues, journaux et numéros uniques) de la Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze, une collection sans équivalent dans notre pays. Les plus de 160 000 titres, parfois conservés en exemplaire unique, pour environ 3 400 000 volumes physiques, soit un peu moins de 6 000 titres courants, sont la preuve tangible de son rôle d’“archive nationale du livre”, terme qui désigne l’ensemble du patrimoine bibliographique protégé par l’Institut en vertu de la réglementation sur le “dépôt légal” depuis l’unification de l’Italie. Le projet qui sous-tend l’exposition valorise de manière originale les ressources documentaires et iconographiques de deux institutions culturelles italiennes fondamentales, dans un dialogue fructueux qui donne lieu à une synergie vertueuse entre des mondes, des professionnalismes et des patrimoines différents mais complémentaires".
"L’exposition, explique Eike Schmidt, directeur des Offices, constitue une première absolue par son ampleur et son contenu : les revues, le graphisme des couvertures, les œuvres d’art des grands artistes de l’époque, ainsi que les textes - dont beaucoup sont d’une qualité et d’un engagement extraordinaires - nous font immédiatement entrer dans un monde d’échanges fervents et fructueux entre les intellectuels de l’époque, dont certains étaient très jeunes. C’est comme regarder le film historique de ces décennies du début du XXe siècle qui ont changé le visage de l’Italie et sa position par rapport à l’Europe".
Une exposition sur les magazines culturels du début du XXe siècle aux Offices |
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