La Fortezza Firmafede de Sarzana accueille, du 23 octobre au 21 novembre, une exposition consacrée à l’un des projets photographiques les plus importants du XXe siècle, Un paese de Cesare Zavattini et Paul Strand, publié par Einaudi en 1955 sous la forme d’un livre de photos ou d’un “film sur papier”. L’exposition, intitulée Un’idea di paese (Une idée de pays), conçue et organisée par Spazi Fotografici (Sarzana) avec la Fondazione Un Paese (Luzzara) et l’ISIA Urbino, est une exposition inspirée par le livre Un paese, qui représente encore aujourd’hui l’une des œuvres éditoriales les plus significatives de l’histoire de la photographie. L’objectif de l’exposition est de rassembler différentes expériences qui partagent une certaine attention aux lieux, aux petites localités de l’Italie intérieure. Une attention qui est d’une part la fille de l’opération photo-textuelle susmentionnée, et d’autre part la fille des tendances (celles qui s’intéressent à la valeur des archives, à l’hétérogénéité, aux expériences de conception participative) qui, au cours des dernières décennies, se sont de plus en plus imposées dans le monde de la photographie, de la culture et de l’art contemporain. Cette exposition, qui utilise une partie importante du patrimoine photographique conservé dans les collections de la Fondazione Un Paese, se veut donc une traversée des séries d’œuvres produites à Luzzara à partir des années 50, pour arriver à nos jours avec la section Bellosguardo Archive et Atena Archive.
L’exposition comprend des œuvres de Hazel Kingsbury Strand, Gianni Berengo Gardin, Luigi Ghirri, Stephen Shore ; Marco Baldassari, Marco Signorini et Luca Andreoni, qui participaient à l’époque à l’atelier de Shore (Linea di Confine) ; Olivo Barbieri, Marcello Grassi, Fabrizio Orsi, Vittore Fossati, David Maialetti et Kai-Uwe Schulte-Bunert. L’exposition est complétée par les projets Archivio Bellosguardo et Archivio Atena, nés d’une idée d’Alessandro Imbriaco puis coordonnés avec Alessandro Coco, dans deux petites villes de la région du Cilento (Bellosguardo et Atena Lucana), consistant en une sélection de 82 tirages comprenant des photographies de famille et des productions de jeunes auteurs invités en résidence. C’est l’âme d’un projet qui a déjà été reproduit dans deux communes et qui est proposé comme un nouveau format, “une autre idée”. En effet, le projet ne veut pas seulement valoriser les expériences présentées dans l’exposition, mais ouvrir à partir de là de nouveaux espaces d’approfondissement et de recherche ; et lancer en parallèle, en Lunigiana, un laboratoire fils du modèle déjà testé avec l’Archivio Bellosguardo et l’Archivio Atena. C’est pourquoi, outre l’événement d’ouverture (dont les informations sont disponibles ici), une série de rencontres et d’ateliers sur les photo-textes et un atelier sur les archives locales, privées ou familiales, sous la direction d’Alessandro Coco et d’Alessandro Imbriaco, sont prévus. Pour toute information, visitez le site de Spazi Fotografici.
Un des premiers livres photographiques italiens et un exemple de référence dans l’histoire des photo-textes, Un paese voit Cesare Zavattini (Luzzara, 1902 - Rome, 1989), écrivain et intellectuel parmi les principaux théoriciens du néo-réalisme italien, rendu célèbre par son association artistique avec Vittorio De Sica, et Paul Strand (New York, 1890 - Orgeval, 1976), photographe américain de renommée internationale, rechercher ensemble, avec des langages différents, un rendu non stéréotypé de la vie et des lieux qui ne sont pas habituellement sous les feux de la rampe. Lorsque Strand et Zavattini se rencontrent à Pérouse en 1949, le moment est propice à une collaboration qui se concrétisera en 1952. D’une part, Strand, pionnier de la photographie directe, poursuit depuis longtemps l’idée d’une histoire en images sur le modèle de la Spoon River Anthology d’Edgar Lee Masters. De l’autre, Zavattini vient de lancer l’idée d’Italia mia, un projet cinématographique infructueux transformé pour Einaudi en un projet éditorial de livres de photos ou, comme ils les appelaient, de “films sur papier” : une œuvre chorale réalisée par des photographes, des réalisateurs et des intellectuels du néoréalisme, destinée à illustrer l’Italie d’après-guerre à travers les voix et les visages de ses habitants. Chaque numéro devait être consacré à un lieu différent. Zavattini décide de consacrer le sien à Luzzara, sa ville natale.
Paul Strand s’y est donc installé pendant six mois avec sa femme Hazel Kingsbury Strand, pour la photographier à sa manière. Laura Gasparini évoque l’histoire du livre et sa conception avec Alberto Ferraboschi dans Un paese. La storia e l’eredità, publié à l’occasion de l’exposition 2017 de Fotografia Europea. Le texte de Zavattini, qui n’est pas un simple accompagnement didactique des photos de Strand, mais un recueil poético-descriptif de confidences de villageois, le premier parmi les expériences de ce type en termes d’idée, de structure et de forme, offre un aperçu de la mémoire collective, ouvrant la voie à des recherches nouvelles et inédites en littérature et en cinéma. Malgré la notoriété des deux auteurs et l’annonce importante de l’initiative, le livre n’a pas eu le succès escompté. Le projet Italia mia est immédiatement interrompu. Devenu introuvable, il est réédité en 1997 par Fratelli Alinari IDEA avec la Fondazione Aperture, qui détient les archives et les droits sur les œuvres du couple Strand. A partir de là, la longue histoire des pèlerinages artistiques dans une Luzzara mythique. Le premier à revenir dans le village fut Gianni Berengo Gardin, en 1976, suivi dans les années 1980 par Luigi Ghirri, en 1993 par Stephen Shore, qui y organisa son sixième atelier de photographie, auquel participèrent, entre autres, Luca Andreoni, Marco Baldassari et Marco Signorini (des auteurs aujourd’hui reconnus), en 1996 par Olivo Barbieri, en 2004 par Marcello Grassi et Fabrizio Orsi, en 2007 par Vittore Fossati, entre 2014 et 2017 par David Maialetti et en 2021 par Kai-Uwe Schulte-Bunert.
Le parcours de l’exposition s’ouvre sur les photographies de Hazel Kingsbury (1907 - 1982), épouse de Paul Strand, également photographe. Ensemble, ils partent en Europe en 1951 et effectuent des reconnaissances photographiques, lui réalisant sa production, elle l’assistant, documentant, produisant à son tour des reportages très personnels. La redécouverte des œuvres exposées a eu lieu dans les années 1980 grâce au travail de Luigi Ghirri et Paolo Costantini, qui ont publié le livre Strand chez CLUP en 1989. Luzzara: tous deux, avec un grand soin philologique, reconstruisent et contextualisent la figure de Hazel Kingsbury Strand, en lui donnant sa propre dignité. Les photographies retrouvées semblent souligner la thèse de la construction d’une œuvre réalisée sur la base d’une ébauche de scénario, l’élaboration d’un projet pour lequel Ghirri utilise le terme de “sinopia”.
Après l’expérience de Zavattini et de Strand, les premiers à revenir à Luzzara sont Gianni Berengo Gardin (Santa Margherita Ligure, 1930) et Luigi Ghirri (Scandiano, 1943 - Reggio Emilia, 1992), pour des raisons et selon des modalités différentes, mais proches au moins en termes d’intérêt et de sensibilité. Le premier est mis au défi par Zavattini de raconter l’histoire de cette ville à sa manière, le second pour cette tension qui lui rappelle toujours la province, le “lieu par excellence”. C’est en 1976 que le livre Un paese vent’anni dopo de Berengo Gardin est publié chez Einaudi : le photographe ligure travaille déjà avec Zavattini, dont il est l’ami, et lui avoue un soir que, malgré toute l’estime qu’il porte à Strand, pour lui “l’image de Luzzara qui en est sortie ne correspond pas à la réalité”. Strand en avait fait une lecture très poétique, trop peu“. Berengo Gardin décide donc de recenser photographiquement tous les habitants de Luzzara, en recherchant notamment les personnes photographiées par Strand, ”en jouant sur les différences", avec les années 1950, le tout dans un style reportage : c’est l’entrée dans la modernité, et à Luzzara comme ailleurs, les caractéristiques de la société des années 1970 émergent. Le projet était de réaliser une œuvre de documentation sociale, en cohérence avec la production de Berenghi. C’est la seule œuvre après Un paese à laquelle participe Zavattini (pour la préface).
Pour Luigi Ghirri, Luzzara est une étape facile et obligée : 1973 est une photo du Caffè Zavattini, de la première série pour l’auteur liée à une commande, puis le retour avec Paolo Costantini pour la redécouverte des photos de Hazel Kingsbury Strand. Puis, dans les années 1980 et peu après, l’occasion d’officialiser la scène : dans les années 1990, Ghirri devait tenir l’atelier promu par Linea di Confine sur Luzzara, qui après sa mort est passé à Shore. Il reste des photographies qui sont les filles d’une poétique précise. L’exposition se poursuit précisément avec l’atelier de Linea di Confine : en raison de la mort prématurée de Ghirri, il a été tenu par Stephen Shore (1947), un auteur auquel les nouveaux photographes paysagistes italiens se sont référés à partir des années 1980, surtout pour rompre avec les stéréotypes post-néoréalistes. Son approche était opposée à celle de Berengo Gardin : l’artiste ne voulait pas documenter les changements dans les paysages et les personnes. Pour lui, “ces types de personnes, de maisons et de paysages existent encore pratiquement sous la même forme”, mais “côte à côte dans le monde d’aujourd’hui”. Ce qui le frappe dans la vie à Luzzara, et dans la vie italienne en général, c’est la persistance d’éléments traditionnels au milieu de la modernité : c’est sur cela que son travail se concentre. Peu après, l’exposition présente des gravures réalisées dans le même atelier par Luca Andreoni, Marco Baldassari et Marco Signorini, alors âgés d’une trentaine d’années.
Nous passons ensuite à 1996, lorsque Olivo Barbieri (Carpi, 1954) passe par Luzzara, invité par l’hebdomadaire Specchio à l’occasion du quarantième anniversaire de Un paese: Barbieri publie ses photos dans un article intitulé Quarant’anni ma sembra ieri, (Quarante ans mais comme si c’était hier), hommage déclaré à l’œuvre de Strand et de Zavattini. Barbieri a fait la même chose que Berengo Gardin, c’est-à-dire qu’il a recherché les personnages représentés par ses prédécesseurs, mais sous une forme différente : dans des diptyques qui capturent le mouvement en brisant la convention de l’instant non répétable. Parmi les personnes représentées, Angela Secchi, qui a été représentée enfant par Paul Strand et qui est apparue par la suite dans plusieurs autres projets. Quelques années plus tard, entre 2003 et 2004, c’est au tour de Marcello Grassi (Reggio Emilia, 1960) et Fabrizio Orsi (Reggio Emilia, 1961). Leur idée, qui a donné naissance au livre Luzzara. Cinquant’anni e più, publié en 2004 par Skira, est la même : suivre les traces des maîtres, rechercher les personnes déjà représentées, celles qui vivent aujourd’hui à Luzzara, retenir les lieux. Grassi est un paysagiste, Orsi est un portraitiste : ils capturent l’architecture, les espaces, les personnes, les professions. Luzzara reste emblématique du fait d’être un village, de changer tout en restant fidèle à lui-même et à ses caractéristiques propres. 2007 est l’année de Vittore Fossati (Alessandria, 1954), qui se concentre plutôt sur les lieux habités, trouvant la présence des gens même lorsqu’ils sont hors de vue. Fossati arrive à Luzzara à l’invitation de la Fondazione Un Paese, dans le cadre d’une initiative promue en collaboration avec Fotografia Europea. Dans tout le travail de Fossati, il y a cette tension vers le lieu à trouver comme un espace qui n’est pas claustrophobe, mais habitable. Le dernier dans l’ordre d’apparition est David Maialetti (1967), photographe pour le journal The Philadelphia Inquirer, initialement envoyé à Luzzara pour un reportage en 2014. L’occasion est donnée par une exposition anthologique sur Paul Strand organisée par le Philadelphia Museum of Art, et dans les mêmes jours il est prévu d’amener Paul Strand en Italie, dans une exposition dans le cadre du festival Fotografia Europea à Reggio Emilia, en 2017. Entre-temps, pendant trois ans, avec différents séjours, Maialetti travaille sur Luzzara : son projet deviendra plus tard un livre intitulé Luzzara. Un autre regard (2018). Le nouveau regard de Maialetti montre une construction narrative capable d’utiliser la vitesse du reportage, mais différente de celle de Berengo Gardin. Comme d’autres avant lui, il revient sur les pas des maîtres, cherche les changements, explore les espaces. L’exposition se termine avec Kai-Uwe Schulte-Bunert (Aschersleben, 1969), auteur du projet multimédia Dante. A Farmer, l’œuvre la plus récente sur Luzzara, réalisée en 2021.
Le projet Archivio, mené dans deux villages de la région du Cilento, Bellosguardo et Atena Lucana, constitue un appendice à Un’idea di paese. Ces photographies sont destinées à contribuer à la construction d’une “idée de village”, une collection de photographies vernaculaires réalisée pour Archivio Bellosguardo (2019) et Archivio Atena (2021). Les deux projets, conçus par Alessandro Imbriaco et coordonnés avec Alessandro Coco, sont nés d’un fort ancrage dans le territoire : dans les deux cas, le choix a été fait de travailler dans un village du parc national du Cilento, où de jeunes auteurs ont été invités à mener leurs recherches visuelles pendant plusieurs jours. En parallèle, une collection de photographies vernaculaires a été constituée dans les mêmes villages, que les habitants ont mis à disposition pour créer des archives numériques de photographies de famille.
Ces deux activités ont ainsi permis de créer un réservoir d’images très articulé en termes d’époques, de sujets, de thèmes, de techniques et d’auteurs. Les jeunes auteurs n’ont pas seulement évolué dans la tradition plus consolidée de la photographie de paysage italienne, mais ont exploré les multiples possibilités du médium : un dispositif technologique de prise de vue, un outil d’investigation, un instrument d’invention narrative et de documentation de gestes, d’activités, d’expressions presque avec une attitude anthropologique. La photographie a été utilisée pour sa capacité à poser des questions, à entrer en dialogue avec une communauté locale curieuse et volontaire qui a non seulement posé, mais aussi raconté son histoire à travers ses récits oraux, ses habitudes, ses rituels.
Le parcours de l’exposition est élaboré en privilégiant les stimuli rétiniens pour mieux prendre en compte les multiples langues plutôt qu’un volet chronologique ou narratif. Ou alors, le récit, comme il se doit lorsqu’on utilise le visuel, s’élabore avec des couleurs, des formes, des évidences et des dissimulations. L’exposition émiette les projets de chaque auteur, et chaque fragment individuel, précisément en raison de ses qualités intrinsèques, est destiné à contribuer à la proposition d’une idée de pays.
Une exposition à Sarzana consacrée à "A Country" de Zavattini et Strand et à ses successeurs |
Avertissement : la traduction en français de l'article original italien a été réalisée à l'aide d'outils automatiques. Nous nous engageons à réviser tous les articles, mais nous ne garantissons pas l'absence totale d'inexactitudes dans la traduction dues au programme. Vous pouvez trouver l'original en cliquant sur le bouton ITA. Si vous trouvez une erreur,veuillez nous contacter.