Onze grands sculpteurs italiens contemporains se mesurent à Canova à Possagno


À Possagno, au Museo Gypsotheca Antonio Canova, onze maîtres de la sculpture contemporaine se confrontent aux œuvres d'Antonio Canova, dans une exposition conçue par Vittorio Sgarbi et ouverte jusqu'au 12 juin.

À l’occasion du bicentenaire de la mort de Canova, le Museo Gypsotheca Antonio Canova a choisi d’utiliser ses espaces pour promouvoir et célébrer l’artiste à travers une série d’expositions. Un parcours qui met en évidence la contemporanéité des grands maîtres et de leurs idées avec les interprètes de notre temps.

L’exposition Antonio Canova et la sculpture contemporaine fait partie de ces célébrations et raconte le défi lancé par plusieurs sculpteurs contemporains, tous en compétition avec Canova: Marcello Tommasi, Wolfgang Alexander Kossuth, Girolamo Ciulla, Giuseppe Bergomi, Giuseppe Ducrot, Filippo Dobrilla, Livio Scarpella, Ettore Greco, Aron Demetz, Fabio Viale et Jago.



Le projet, conçu par Vittorio Sgarbi, est réalisé par Contemplazioni, en collaboration avec le Museo Gypsotheca Antonio Canova, grâce au soutien d’Intesa Sanpaolo.

Canova est certainement le plus grand représentant de l’art néoclassique, avec son goût pour les symétries parfaites, les surfaces douces et lisses, les poses solennelles et contrôlées, les expressions impassibles. Il n’a pas imité passivement l’antique, préférant en interpréter l’esprit, ni ne s’est fermé à l’art baroque, comme le révèle son admiration de jeunesse pour le Bernin et Antonio Corradini.

Issu d’une famille d’artistes, Marcello Tommasi est considéré comme “l’héritier symbolique du néo-platonisme du XVe siècle”. C’est entre 1948 et 1958, alors qu’il fréquente l’atelier de Pietro Annigoni, que Tommasi dessine, peint et s’oriente progressivement vers la sculpture. Il vit principalement entre Florence et la Versilia, se déplaçant souvent dans son Paris bien-aimé. Maître de l’art figuratif, il travaille beaucoup dans l’art sacré et profane, s’inspirant souvent des mythes grecs. Son immense production comprend des centaines d’œuvres: dessins, esquisses, sculptures, peintures et fresques.

Le style de Wolfgang Alexander Kossuth est un style très contrasté, qui s’adonne au naturalisme et le nie en même temps. Peintre, sculpteur, violoniste et chef d’orchestre, Kossuth a consacré toute sa vie à l’art, fusionnant ses passions et faisant de la figuration le fondement de sa poétique. Pathos et théâtralité se dégagent des corps contorsionnés, en résine ou en bronze, qui défient les lois de la gravité jusqu’aux limites du surréel, tantôt idéalisés au point de rappeler les divinités gréco-romaines, tantôt si expressifs qu’ils rappellent la réalité du quotidien.

Les mythes et légendes de Girolamo Ciulla ne sont pas les histoires que nous connaissons, mais les rêves de ces histoires que son imagination transforme en nouvelles images et histoires. Ciulla n’illustre pas, mais crée des mythes à son image. Il est né à Caltanissetta et ses liens avec sa terre natale l’ont amené à développer un syncrétisme sculptural tourné vers l’antiquité, les mythes, les archétypes italiques, grecs et orientaux. Ses sculptures n’ont cependant rien de nostalgique: Ciulla dialogue avec le classicisme en élaborant un lexique contemporain, pour démontrer que les idées vivent au-delà des hommes et du temps.

La sculpture de Giuseppe Bergomi propose à nouveau la recherche figurative comme réponse au tempérament conceptuel, minimaliste et paupériste des années 1970. Bergomi remet au premier plan le sens strict d’une corporalité qui est à la fois discipline technique et recherche poétique. Ses nouvelles sculptures suivent le long sillon déjà tracé par sa vaste production et recherchent en même temps un nouveau dialogue avec la matière, en particulier la céramique et la mosaïque, utilisées pour renouveler des thèmes et des formes qui lui sont chers, comme les portraits de baigneurs et les figures allongées. Ses œuvres, ainsi intouchées et intouchables, atteignent un absolu qui semble contredire ou abolir la réalité, mais qui découle précisément de cette profonde identification avec la réalité.

L’héritier du Bernin est Giuseppe Ducrot. Un artiste original, capable d’inventions imprévisibles. Un sculpteur antique qui semble avoir repris ses efforts et son travail là où Gian Lorenzo Bernini s’est arrêté ; et ainsi, avec une forme ondulante, un goût extraordinaire du détail et une capacité d’exécution correspondante, il peut, dans une église, insérer un candélabre, une chaire ou un autel qui semblent consacrés par l’histoire. Cette capacité est extrêmement rare chez un sculpteur.

Filippo Dobrilla est un peu excentrique, un peu fou, il a sculpté un Géant de la taille de Babel - symbole de l’amour d’un homme pour la grandeur du monde - dans le ventre même des Alpes Apuanes, restant immergé pendant des semaines, frappant son ciseau à l’aide d’un maillet sur la roche nue et monolithique. Il connaît la pierre au plus profond, de l’intérieur, il l’étudie dans ses entrailles. Instinctivement, il sait reconnaître son affaissement, sa pureté, son vers cristallin, parce qu’il a connu ces lieux comme nul autre parmi les sculpteurs.

Parmi les sculpteurs les plus ingénieux et cruellement ironiques de notre époque, Livio Scarpella poursuit une imagerie homosexuelle morbide, dominée par des “bad boys” inconscients qui auraient enchanté Saba, Penna, Pasolini, et qu’il met en scène avec une virtuosité suffisante et un naturel sublime. Le péché, sans pénitence et avec complaisance, est l’état d’esprit dans lequel il s’agite, troublé mais euphorique, poursuivant et représentant de mauvaises pensées qui se transforment en délices de style, en beautés lucifériennes, en méfaits indicibles et impardonnables. Son esprit est dionysiaque, sa forme apollinienne. La synthèse est parfaitement réussie. Ainsi, comme dans ces comparaisons, sa réinterprétation de l’histoire.

Bluesman de l’argile, Ettore Greco raconte sa relation avec le matériau en analogie avec celle d’un guitariste improvisant une mélodie: ses doigts se déplacent sur la sculpture sans partition prédéfinie, mais dans un acte de création toujours spontané qui recherche, comme but ultime, le sentiment. Le sculpteur de Padoue, qui a choisi de rester fidèle à la tradition figurative, est capable d’expliquer l’homme tel qu’il est, au-delà du temps, parce qu’il l’accepte sans le juger. Ses sculptures sont un hymne à l’humanité.

L’œuvre de l’artiste sud-tyrolien Aron Demetz s’est toujours concentrée sur la transformation de la matière, dans une confrontation réfléchie avec l’art classique visant à définir de nouvelles expressions de la plasticité. Des figures humaines grandeur nature en bois, en bronze et en plâtre, recouvertes de résine, carbonisées et sauvagement effilochées sont disposées dans son atelier. Ce qui caractérise l’art d’Aron Demetz, c’est la communication subtile de ses figures humaines avec l’observateur: elles semblent le scruter, il est presque ennuyeux de les regarder. Aron Demetz fait partie des sculpteurs les plus en vue sur la scène internationale, mais cela ne le détourne pas de sa tranquillité: il ne quitte pas Val Gardena, car ce paysage fait partie de son art.

Fabio Viale reproduit les chefs-d’œuvre de l’art occidental avec une précision vertigineuse, perpétuant ainsi la tradition bien connue des ateliers de sculpteurs copistes. Comme à l’époque, chez Viale, le thème de la copie ajoute de la qualité, grâce au choix réfléchi du sujet et à la démonstration de l’habileté sculpturale, et surtout grâce au geste de la réinterprétation contemporaine. Fabio Viale ne s’est jamais lassé d’expérimenter les potentialités du marbre pour reproduire fidèlement des objets que notre raison renvoie à un tout autre matériau. Son extraordinaire habileté technique lui a permis de créer des fictions de matériaux si crédibles en termes de finition, de couleur et de texture qu’elles peuvent susciter chez l’observateur un désir irrépressible de les toucher pour en vérifier la nature réelle. L’œuvre de Viale apparaît ici comme un oxymore stimulant: ce qui semble noble et éternel est le résultat d’une habile tromperie, tandis que ce qui nous apparaît comme un simple produit du présent dans des matériaux habituels est en réalité moulé dans les substances les plus nobles et les plus éternelles.

Jago est un artiste aux multiples facettes qui a fait couler beaucoup d’encre. Son art sur le web est parvenu jusqu’au Vatican, qui a commandé un buste pour Sa Sainteté. Le portrait du pape et ses autres œuvres témoignent d’une discipline dont peu d’artistes ont fait preuve au cours du XXe siècle. Jago travaille le marbre comme de la pâte à modeler ou du plâtre. Ses œuvres prennent littéralement vie grâce aux détails minutieux qu’il parvient à sculpter, notamment lorsqu’il s’agit de recréer les rides du visage et les plis de la peau.

L’exposition met en scène un corps à corps entre la sculpture contemporaine et la sculpture néoclassique d’Antonio Canova, non pas au nom de l’imitation, mais dans la recherche sculpturale de la “vraie chair”, celle que l’artiste admirait, à son tour, dans les œuvres du grand maître classique Phidias.

Pour plus d’informations, veuillez consulter le site officiel du Museo Gypsotheca Antonio Canova.

Photo: Fabio Viale, Venus italica (2016). Collection privée

Onze grands sculpteurs italiens contemporains se mesurent à Canova à Possagno
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