La galerie Monitor expose les dernières productions de Nicola Samorì.


Un éloge de la douceur : la Monitor Gallery de Rome présente une exposition des dernières productions, très nouvelles et inhabituelles, de Nicola Samorì. Qui, dans la succursale des Abruzzes de la galerie, devient également le commissaire d'une exposition collective d'artistes qui lui ressemblent sur le plan du langage.

La Monitor Gallery consacre un double rendez-vous à Nicola Samorì (Forlì, 1977), l’un des principaux artistes italiens contemporains, dans ses locaux de Rome et de Pereto (L’Aquila). À Rome, du 1er octobre au 26 novembre, l’exposition personnelle Roma (Manuale della mollezza e la tecnica dell’eclisse) est à l’affiche, où sont présentées les dernières productions de l’artiste, avec quelques nouvelles œuvres intéressantes, et à Pereto, du 2 octobre au 14 novembre, Samorì lui-même est commissaire de l’exposition Senza Figura (Sans Figure), une exposition collective à laquelle participent, outre Samorì lui-même, Pierpaolo Campanini, Chiara Lecca et Enrico Minguzzi, avec des œuvres d’un maître de l’art informel italien, Mattia Moreni.

La revue romaine, explique l’artiste, “est ma première exposition qui s’éloigne du musée et présente des formes qui n’ont pas de racines dans les galeries d’art”. En effet, la Monitor Gallery révèle au public la présence dans les images de Samorì d’un code génétique indépendant du courant auquel sa production a été le plus souvent rattachée au cours de la dernière décennie, avec un corpus d’œuvres inédites qui peuvent à première vue désorienter les habitués de son art, mais qui en réalité voient des aspects déjà dans l’ombre d’autres œuvres plus récentes mises en valeur. “Que reste-t-il de mon travail lorsqu’il est arraché à la citation, lorsqu’il doit se tenir uniquement sur les pieds de l’invention ? Telle est la question à partir de laquelle l’exposition commence. La réponse : ”Sans le squelette du fantôme muséal, la forme devient molle, et ce qui est écrit dans la première salle de la galerie de Rome est précisément une sorte de “manuel de la douceur”. Un corps de marbre se courbe jusqu’à s’affaisser sur lui-même, se transformant en une bannière dépliée et faisant ressortir cette catégorie qu’un artiste que j’admirais - Leonardo Cremonini - considérait comme maléfique. Leonardo Cremonini ? considérait comme un mal. Pour le peintre bolonais, en effet, tout se jouait dans l’oscillation entre le dur et le mou, à l’exclusion de cet état du mou, par nature instable, qui me fascinait déjà enfant, lorsque je l’écoutais à l’Académie de Bologne".



Dans la salle consacrée au “manuel de la douceur”, l’artiste met donc en scène une histoire de la douceur à travers une série d’œuvres qui en interprètent le sens. Plus de vingt dessins préparent le marbre La lingua (La langue), qui défie la résistance de la pierre en se pliant à l’extrême limite imposée par le matériau et en se référant par sa forme à la vaste arche qui caractérise la salle d’exposition. Cet éloge du mou se reflète dans les hauts-reliefs jumelés qui servent de trait d’union entre les deux salles de l’exposition : comme une opposition entre le positif et le négatif, l’un est fait de marbre blanc et l’autre de marbre noir de Belgique. Issus du moulage du petit tableau Dolorosas, 2015 (et ici Samorì utilise comme source non pas le musée, mais son propre répertoire, dans une sorte de parthénogenèse), ils fossilisent dans la pierre la douceur des plis qui, dans la source picturale, sont obtenus en drainant le pigment à l’huile avec la paume de la main.

Nicola Samorì, Le miracle des fruits pourris (2021 ; huile sur aluminium, 31,5 x 21 cm)
Nicola Samorì, Le miracle des fruits pourris (2021 ; huile sur aluminium, 31,5 x 21 cm). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Monitor
Nicola Samorì, Abattoir (2021 ; huile sur brèche de Vendôme, 100 x 70 cm)
Nicola Samorì, Abattoir (2021 ; huile sur brèche de Vendôme, 100 x 70 cm). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Monitor
Nicola Samorì, L'éclipse (2021 ; huile sur lin, 300 x 200 cm)
Nicola Samorì, The Eclipse (2021 ; huile sur lin, 300 x 200 cm). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Monitor
Nicola Samorì, La langue, modèle préparatoire (2021 ; marbre blanc de Carrare, 140 x 50 x 45 cm)
Nicola Samorì, The Language, modèle préparatoire (2021 ; marbre blanc de Carrare, 140 x 50 x 45 cm). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Monitor

Le contrepoids à ce bréviaire de douceur est l’installation The Eclipse Technique, qui se détache sur l’un des murs de la deuxième salle de la galerie. Disposées comme dans une pinacothèque antique, une quinzaine de peintures de ses débuts sont regroupées, que Samorì choisit d’“aveugler” en les soumettant à un processus alchimique de décoloration et d’obscurcissement. Chaque toile est recouverte d’une feuille de cuivre, puis oxydée à plusieurs reprises au soufre par des lavages successifs qui consomment le métal et ne laissent apparaître que le fantôme de l’image. Un échantillon de gestes où le corps du pigment l’emporte sur le poids de l’iconographie : " Ce qui reste, explique l’artiste, ce sont des lambeaux éclipsés qui écrivent l’histoire de ma formation par le relief. Entre peinture et sculpture, la traduction fidèle en marbre noir de Belgique d’une palette utilisée par l’artiste pour réaliser une partie des œuvres de l’exposition, où la douceur du pigment se cristallise dans la pierre. De la palette de pierre à la peinture sur pierre, il n’y a qu’un pas, comme le montrent les deux natures mortes peintes sur la Brèche de Vendôme et intitulées Abattoir. Les fleurs sont construites en exploitant les taches chromatiques de la surface minérale, qui ressemblent parfois à des tons de chair, une nouvelle allusion au conflit jamais résolu avec le corps. Samorì fait ainsi ressortir les fleurs en pierre en peignant autour d’elles la toile de fond sur laquelle elles se détachent, selon une technique “économe”.

Dans l’exposition Senza figura di Pereto, les natures mortes introduisent les sujets choisis pour l’occasion par Samorì, qui a invité des artistes proches de lui en termes de recherche, de dialogue et d’expériences partagées. Chiara Lecca (Modigliana, 1977), Enrico Minguzzi (Cotignola, 1981), Pierpaolo Campanini (Cento, 1964) et Mattia Moreni (Pavie, 1920 - Brisighella, 1999) prennent la nature à bras-le-corps, l’affrontant dans une confrontation qui n’a rien de pacifique et de fluide, s’intéressant plutôt à son ambiguïté, à ses implications sémantiques, aux distorsions des formes qui s’opèrent dans l’équilibre entre contemplation et collision. Senza Figura se veut aussi une autocensure, une collection de peintures et de sculptures qui excluent la présence du corps, le thème le plus récurrent dans l’œuvre de Nicola Samorì. La voie de l’“in-naturel” est ouverte dans l’exposition, chronologiquement, par un tableau de Mattia Moreni de 1970, L’agonie de la pastèque sur fourrure au clair de lune, l’une de ses célèbres “non-angourdes” où le corps du fruit est marqué par une fente, une évocation du sexe féminin qui deviendra plus tard le protagoniste de ses représentations immédiatement postérieures. Cette ambiguïté sémantique traverse toutes les œuvres de l’exposition, où le rapport avec le naturel n’est jamais didactique. Chez Pierpaolo Campanini, la confrontation quotidienne et obstinée avec un lambeau de nature aboutit à une sorte de transfiguration du feuillage, brûlé par des éclairs qui, dans le tableau d’Enrico Minguzzi, deviennent des résines fluorescentes qui accueillent une nature en forme de pure expulsion mentale, privée de tout support au cintre du réalisme. Chez Chiara Lecca, la présence du fragment animalier pénètre optiquement dans d’autres domaines : les bulles d’alabastrine qui gonflent comme les pastèques de Moreni sont en réalité des vessies animales, tout comme les fleurs coupées sont des oreilles de lapin taxidermisées. Fausses fleurs, comme celles représentées par Samorì dans l’huile sur Breccia di Vendôme selon la nature, car elles n’ont pas été peintes, mais plutôt “trouvées” sur la pierre et forcées à prendre forme à travers le siège de la couleur qui menace leurs périmètres tout en les révélant.

L’exposition est accompagnée d’un texte critique de Davide Ferri. Ouverture : Rome du mardi au vendredi de 13 à 19 heures, Pereto le samedi et le dimanche de 15 à 19 heures, en dehors de ces heures sur rendez-vous à l’adresse monitor@monitoronline.org. Pour plus d’informations, visitez le site web de la galerie.

Pierpaolo Campanini, Sans titre (2013 ; huile sur toile, 50 x 60 x 2 cm). Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de Kaufmann Repetto.
Pierpaolo Campanini, Sans titre (2013 ; huile sur toile, 50 x 60 x 2 cm). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Kaufmann Repetto.
Chiara Lecca, Blackbigbubbles #2, #3, #5 (2013-2021 ; vessie bovine, bois, métal, verre, polyuréthane, 3 éléments hauteur maximale 115 cm). Avec l'aimable autorisation de la Galleria Fumagalli Milan.
Chiara Lecca, Blackbigbubbles #2, #3, #5 (2013-2021 ; vessie bovine, bois, métal, verre, polyuréthane, 3 éléments, hauteur maximale 115 cm). Avec l’aimable autorisation de la Galleria Fumagalli Milan.
Enrico Minguzzi, Arso (2021 ; huile sur résine époxy sur toile, 50 x 40 cm). Avec l'aimable autorisation de l'artiste
Enrico Minguzzi, Arso (2021 ; huile sur résine époxy sur toile, 50 x 40 cm). Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Mattia Moreni, L'agonie de la pastèque sur fourrure au clair de lune (1970 ; huile sur toile, 130 x 130 cm ; collection privée)
Mattia Moreni, L’agonie de la pastèque sur fourrure au clair de lune (1970 ; huile sur toile, 130 x 130 cm ; collection privée).

La galerie Monitor expose les dernières productions de Nicola Samorì.
La galerie Monitor expose les dernières productions de Nicola Samorì.


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