À l’occasion de la 19e Biennale de xylographie contemporaine, les musées du Palazzo dei Pio à Carpi accueilleront, du 13 septembre 2019 au 6 janvier 2020, l’exposition Personae, présentant les gravures sur bois de quatre importants artistes du XXe siècle : Pablo Picasso, Ernst Ludwig Kirchner, Georges Rouault et Marc Chagall. L’exposition, organisée par Enzo Di Martino et Manuela Rossi, a choisi des gravures sur bois qui développent le thème des iconographies de masques africains (en latin, le terme pour “masques” est personae), qui ont été une source d’inspiration pour les artistes européens du courant du primitivisme. À partir des dernières décennies du XIXe siècle, avec l’essor des études anthropologiques, le primitivisme coïncide avec un désir de retour à l’état d’innocence des civilisations préhistoriques et des peuples “sauvages”, et donc avec un rejet de la société moderne.
L’exposition commence par les 47 gravures sur bois de petit format d’Ernst Ludwig Kirchner (Aschaffenburg, 1880 - Davos, 1938), contenues dans le recueil de poèmes Umbra vitae de Georg Haym, auteur visionnaire mort à seulement vingt-cinq ans, prophète de la catastrophe d’un monde submergé par la technologie et précurseur de l’expressionnisme le plus exacerbé. Le volume contient les gravures du Kirchner le plus mûr et le plus inconsolable, comme le montrent les petites scènes noires qui précèdent les poèmes, le frontispice noir et rouge, les pages de garde fuchsia et la puissante couverture en lin vert olive, jaune et noir, avec deux grandes têtes se détachant sur le profil de la montagne. Les têtes allongées, tracées avec des marques épaisses et décisives, les yeux marqués, les bouches ravagées font formellement et psychologiquement référence aux masques rituels et à la magie qu’ils dégagent.
L’exposition se poursuit avec Le chef-d’œuvre inconnu d’Honoré de Balzac, considéré comme le plus beau livre d’artiste de Pablo Picasso (Malaga, 1881 - Mougins, 1973), publié à Paris en 1931 à 340 exemplaires pour les éditions Ambroise Vollard et célèbre surtout pour la manière dont l’artiste catalan développe dès lors le thème du peintre et du modèle. Le volume contient 67 dessins gravés sur bois, petites têtes et figures tracées avec essentialité, une attention formelle qui conduit au cœur de la représentation de l’humain comme forme et comme substance : c’est ici que Picasso se réfère à sa profonde connaissance de l’art africain qui, dès les premières années du XXe siècle, a imprégné toute sa production artistique.
Les 105 gravures sur bois de Georges Rouault (Paris, 1871 - 1958) extraites des Réincarnations du Père Ubu (1932) sont à la fois vives, délicates et puissantes, et suivent la marque tantôt subtile, tantôt plus épaisse de l’artiste. Ce qui frappe dans ces gravures, c’est la caractérisation des personnages, dont Rouault accentue les expressions pour les faire ressembler à des caricatures grotesques et tragiques, qui ont suscité l’admiration des expressionnistes. Si, en effet, dans sa première production, le peintre se consacre à la représentation d’une humanité variée(clowns, criminels, pierrots et prostituées), vue comme le témoin d’une humanité vaincue et humiliée, on sent dans cette œuvre le spiritualisme qui caractérise l’existentialisme du philosophe Jacques Maritain, conseiller spirituel de Rouault, qui amènera bientôt le peintre à devenir l’un des plus grands auteurs d’art sacré du 20e siècle. Ainsi, tout en gravant pour le Père Ubu, il travaille sans relâche pendant des années aux 58 aquatintes du Miserere (1948), dont 6 feuilles sont exposées, qui dépasse en quantité et en format tous les cycles graphiques que l’histoire de la gravure a pu offrir.
L’exposition se termine par les eaux-fortes que Marc Chagall (Vitebsk, 1887 - Saint-Paul-de-Vence, 1985) a réalisées pour illustrer Les âmes mortes de Nicolas Gogol. En faisant revivre la Russie de son enfance, ce sont les personnages de la “comédie humaine”, à la fois grotesques, comiques et douloureux, qui sont les véritables protagonistes de l’histoire, leurs visages aux traits et aux expressions fortes, qui renvoient à l’essence la plus profonde de l’être humain.
L’exposition est ouverte les mardis et mercredis de 10 à 13 heures, les jeudis, dimanches et jours fériés de 10 à 13 heures et de 15 à 19 heures. Les 13 et 14 septembre, les horaires sont prolongés de 10 à 23 heures, le 15 septembre de 10 à 20 heures. Fermé les lundis, Noël et la veille du Nouvel An. Billets : plein tarif 5 euros, tarif réduit 3 euros. L’exposition est accompagnée d’un catalogue publié par Moggio editore, Rome. Pour plus d’informations, visitez le site web des Musei di Palazzo Pio.
Photo : Georges Rouault, Réincarnations du père Ubu de Ambroise Vollard, eaux-fortes et dessins sur bois de Georges Rou ault (1928 ; eaux-fortes et dessins sur bois originaux de Georges Rouault, 295 x 197 mm).
Exposition à Carpi de xylographies de Chagall, Picasso, Kirchner et Rouault inspirées par l'art africain |
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