Foreigners Everywhere, Foreigners Everywhere, le thème choisi par le commissaire Adriano Pedrosa pour la 60e édition de la Biennale d’art, est une réflexion très actuelle sur les contradictions de la communauté mondiale globalisée, où les biens circulent librement mais où les mouvements des personnes sont soumis à des restrictions différentes selon le positionnement géopolitique de leurs pays d’origine et où les rivalités entre coalitions internationales ayant des positions différentes sur la scène géopolitique de leurs pays d’origine. Le monde globalisé, où les marchandises circulent librement mais où les déplacements des personnes sont soumis à des restrictions différentes selon le positionnement sur l’échiquier géopolitique de leur pays d’origine, et où les rivalités entre coalitions internationales dotées d’armes de destruction massive rendent de plus en plus plausible la perspective d’une Troisième Guerre mondiale. Si l’exposition internationale finit par résoudre le potentiel disruptif du sujet par une énième revue d’artistes récupérant de diverses manières les pratiques traditionnelles (de préférence issues du patrimoine culturel de minorités blessées par le cours de l’histoire), de nombreux pavillons nationaux apparaissent également uniformisés par un même anticolonialisme maniériste, déclinaison évidente de l’impératif démocratique du politiquement correct dont la société occidentale s’enorgueillit d’être le berceau d’un progrès éthique universel. Il est évident que l’ostentation “de niche”, dans un contexte comme celui de la Biennale, d’un mea culpa généralisé de la part des pays riches (contrebalancé par la stigmatisation circonstanciée de cas spécifiques d’oppression de la part des représentants des pays émergents) conduit le raisonnement dans une impasse qui, en nivelant la pertinence des différences individuelles, finit par générer une forme nouvelle et paralysante d’homologation.
Parmi les projets nationaux qui refusent de se plier à cette simplification non critique, se distingue le pavillon de l’Egypte, entièrement dédié à Wael Shawky, invité de dernière minute en septembre dernier et dont la confirmation officielle n’est intervenue qu’en novembre. L’artiste (né à Alexandrie en Egypte en 1971 et formé à la Graduate School of Fine Art de l’Université de Pennsylvanie, Etats-Unis) présente ici le film musical en huit actes Drama 1882, centré sur le soulèvement nationaliste mené par le colonel paysan Aḥmad ʿOrābī, qui, entre 1879 et 1882, a tenté de déposer le khédivé Tawfīq Pacha et de libérer le pays de toute ingérence extérieure. L’ouvrage relate l’escalade de la violence dans ce conflit, déclenchée par l’assassinat d’un gardien d’ânes égyptien par un Maltais alors qu’il sortait du consulat britannique d’Alexandrie, et le soulèvement populaire qui s’ensuivit, au cours duquel près de trois cents personnes perdirent la vie. Bien que la plupart des victimes de l’émeute aient été égyptiennes, l’affaire a servi de prétexte à l’Empire britannique pour attaquer l’Égypte, sous prétexte de défendre ses citoyens. Un mois après cette émeute, l’armée britannique a bombardé Alexandrie, tuant plus de deux mille personnes, puis a finalement vaincu l’armée arabe lors de la bataille historique de Tel El Kebir, qui a décrété l’occupation de la nation, destinée à durer jusqu’en 1956.
La vidéo qui met en scène les épisodes marquants de cet événement, réalisée en deux mois seulement en menant chaque composante en parallèle, est à proprement parler une œuvre d’art totale au sens wagnérien, Shawky étant l’auteur de la chorégraphie, du scénario, des costumes, des décors et de la bande sonore, cette dernière étant composée par lui à l’aide de son clavier sans aucune notion d’écriture musicale. La projection (d’une durée de 45 minutes, en raison de la file d’attente à l’entrée, qui en vaut certainement la peine) est au centre d’une installation environnementale qui introduit le visiteur dans l’atmosphère du film, en objectivant ses instances contextuelles et en explicitant les dichotomies sous-jacentes. À l’intérieur d’une étagère en bois au biomorphisme ambigu, on trouve une pile de tiges de canne à sucre argentées, allusion à l’ingérence européenne dans les politiques agricoles égyptiennes, qui a conduit à remplacer la culture traditionnelle et florissante du coton par celle de la plante tropicale, originaire des régions indo-malaises, afin de satisfaire la demande croissante de sucre sur le Vieux Continent. Une autre vitrine présente des objets artisanaux raffinés aux connotations ambivalentes, renvoyant à une esthétique élitiste qui assimile l’impérialisme ottoman au colonialisme britannique. En revanche, la grande sculpture centrale en terre ressemblant à un bernard-l’ermite mécanique (figure récurrente dans l’imaginaire de l’artiste) représente la société agraire égyptienne, aussi fragile que monumentale dans son aspiration au changement. C’est d’ailleurs ce type d’œuvres qui, avec les dessins de conception des films, se retrouvent le plus souvent dans les stands des galeries représentant l’artiste, dont l’italienne Lia Rumma (Naples, Milan) et l’internationale Lisson Gallery (Londres, New York, Los Angeles, Shanghai, Pékin), alors que les vidéos dont elles émanent (et dont elles tirent leur sens) ont une circulation essentiellement institutionnelle.
Ce qui donne de la cohérence au large éventail de moyens expressifs utilisés par Wael Shawky, c’est son intérêt pour l’idée d’une société en transition (du nomade à l’agriculteur et de l’agriculteur à l’urbanisé), d’où l’utilisation de l’histoire comme principal support de son art. Contrairement aux nombreux pavillons génériquement “dénonciateurs” que l’on trouve à la Biennale, dans lesquels divers médias contribuent à détailler et à documenter une circonstance spécifique, ce qui tend à nuire à l’autosuffisance de l’œuvre par rapport au fait dont elle est la présentation, ici l’histoire n’est pas une fin en soi, mais un outil et un modèle pour une création de portée universelle.
Scruter l’histoire d’un point de vue arabe - la trilogie de vidéos interprétées par des marionnettes intitulée Cabaret Crusades (2010-2015), qui reconsidère la version occidentale des croisades, est déjà célèbre à cet égard - ne consiste donc pas pour lui à faire émerger une vérité unique pour s’opposer aux mystifications des récits officiels, mais plutôt à démontrer poétiquement la partialité de chaque point de vue au profit d’une vision chorale de l’humanité. S’inspirant de la gestation complexe de l’identité nationale égyptienne et soulignant les contradictions, les ambiguïtés et les mystifications de la politique derrière les événements historiques, son travail est émouvant et efficace pour mettre à nu les vainqueurs et les vaincus comme des ectoplasmes impuissants à la merci de fragiles équilibres de pouvoir. Il ne s’agit donc pas d’une reconstitution historique au rythme des faits, mais d’une monodie dans laquelle les personnages clés, à l’unisson des factions qui leur sont liées et qui répètent leurs mouvements, s’affrontent avec l’arme ambiguë des mots (chantés en arabe et sous-titrés en anglais) dont le calme officieux est glacial. L’attention de Shawky sonde les lacunes de ce moment chaotique et décisif de l’histoire égyptienne à travers une reconstruction méticuleuse de son arrière-plan qui finit par brouiller le concept de vérité, le pulvérisant dans une myriade de récits particuliers dont les raisons sont explicitées. Il en ressort avec force une sorte de contre-épopée au ralenti sur la futilité de la guerre et la nécessité d’une révision historique, dans laquelle la typification et l’inexpressivité délibérée des personnages suscitent une implication qui transcende la localisation spatio-temporelle des événements sur scène. L’épisode du marchandage, dans lequel les représentants des puissances coloniales qui se disputent l’Égypte se réunissent autour d’une table dangereusement inclinée sur des pieds de crustacés déséquilibrés, semblables à ceux de la sculpture centrale de l’exposition, est à cet égard emblématique. Ou encore, la scène où Alexandrina Victoria, reine du Royaume-Uni, déambule placidement dans sa robe de gala sur les ruines de la ville bombardée, glorifiant la beauté du soir, tandis que derrière elle sont traînées des charrettes débordant de cadavres.
La pièce de Shawky pourrait être décrite comme une tragédie surréaliste sans catharsis, dans laquelle les stasmi (les moments où le chœur, par le chant et la danse, commente, illustre et analyse la situation qui se déroule sur scène) prennent le dessus, tissant et dénouant simultanément la complexité de la situation.
L’affinité de la poétique de l’artiste avec la pensée mythopoétique antique est confirmée par l’autre grande exposition qu’il présente actuellement à Venise, intitulée I Am Hymns of the New Temples (Je suis les hymnes des nouveaux temples). Ici aussi, le projet d’exposition est centré sur l’œuvre cinématographique du même nom, réalisée en 2023 au Parc archéologique de Pompéi dans le cadre du programme Pompeii Commitment. Sujets archéologiques.
Dans cette histoire pompéienne interprétée par des performeurs aux visages dissimulés par des masques archaïquement oniriques (étape intermédiaire entre les marionnettes de Cabaret Crusades et les hommes-marionnettes de Drama 1882), la création de l’univers est racontée depuis l’œuf primordial jusqu’à Prométhée et sa trahison des dieux en faveur d’une humanité marquée par la même prédisposition perdue à l’intrigue que les dieux. Ici aussi, le mythe est traité comme un matériau à réviser et à hybrider, mettant en évidence les intersections entre les récits épiques de différentes cultures, où l’on découvre, par exemple, que la prêtresse d’Héra appelée Io par les Grecs était connue en Égypte sous le nom d’Isis, tandis que son fils-compagnon Epaphas est devenu Osiris.
En écrasant les différents récits dans une polyphonie de voix et de danses cadencées, l’artiste semble une fois de plus affirmer la fluidité de la tradition orale comme moyen privilégié de transmettre et de maintenir vivante une identité, qu’il ne sera jamais possible de fixer dans une systématisation écrite définitive et englobante. La même attitude se retrouve dans la vidéo, plus datée, avec laquelle Shawky participe à l’exposition Your Ghosts Are Mine, Expanded Cinemas, Amplified Voices, également à Venise, en cours à l’ACP-Palazzo Franchetti et réalisée en collaboration avec les Musées du Qatar, une exposition intéressante qui rassemble les œuvres de plus de quarante cinéastes et vidéastes de l’Orient de culture arabe et du Sud global. Le film en question, intitulé Al Araba Al Madfuna III (2016) et faisant partie d’une trilogie, s’inspire de la visite de Shawky au village d’Al Araba Al Madfuna, construit à côté du site archéologique d’un royaume pharaonique de l’Égypte ancienne, où l’artiste a vécu pendant plusieurs semaines avec les habitants, assistant à leurs activités d’excavation souterraine à la recherche de trésors, en utilisant l’alchimie et les pouvoirs spirituels. Dans la vidéo, des enfants vêtus de turbans et de moustaches, jouant le rôle d’adultes, explorent le temple et récitent les paraboles racontées dans Le Tournesol (1983) de l’écrivain égyptien Mohamed Mustagab, où le tournesol devient la métaphore d’une invention du changement qui évoque un patchwork inextricable d’angoisses métaphysiques et sociales. Ici aussi, le décalage provoqué par l’altération des couleurs des plans et l’inconscience des interprètes élève l’épisode de départ au rang de mythe génératif, toujours ouvert à d’autres greffes de sens et à de nouvelles interprétations.
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