Le traitement des œuvres de grands artistes conservées dans les collections permanentes, notamment lorsqu’il s’agit de les envoyer dans des expositions temporaires, devient de plus en plus une opération politique plutôt que scientifique. La raison sous-jacente est vite énoncée: un musée qui se prive de l’un de ses symboles perd inévitablement une partie de son attrait, ne serait-ce que pour quelques mois. Et le fait que les occasions où les sujets les plus divers s’adressent aux musées pour demander le prêt d’œuvres se multiplient (mais ce n’est pas forcément une bonne chose: on le voit à la qualité de certaines expositions) a conduit les prêteurs à prendre des précautions: c’est-à-dire à demander des compensations adéquates pour compenser la perte. Je vous prête un Vermeer, vous m’envoyez un Michel-Ange. Je vous accorde un Piero della Francesca, mais vous me garantissez un Caravaggio. Lorsque le nom en jeu est d’une certaine envergure, cela fonctionne presque toujours ainsi. Mais il est difficile de transformer la “compensation” en une véritable exposition de qualité qui ne prenne pas l’allure d’une simple ostension. Eh bien, à la Galleria Nazionale di Palazzo Spinola, à Gênes, on a su profiter d’un échange appartenant au genre susmentionné pour créer une occasion intéressante d’approfondissement.
Cette occasion d’approfondissement est l’exposition intitulée Van Dyck entre Gênes et Palerme, qui restera ouverte jusqu’au 26 février, et qui a su mettre à profit le départ d’un des plus illustres chefs-d’œuvre de la Galleria Nazionale di Palazzo Spinola. En effet, la Galerie a dû se priver du portrait de Giovanni Carlo Doria à cheval de Pieter Paul Rubens, l’une des œuvres les plus célèbres de la collection, pour l’envoyer à l’exposition milanaise sur le grand artiste flamand. L’organisation de l’exposition sur Rubens au Palazzo Reale a donc amené un tableau au Palazzo Spinola pour combler cette lacune: en provenance des collections des princes du Liechtenstein, un portrait d’Anton van Dyck (Anvers, 1599 - Londres, 1641) est ainsi arrivé sur les rives de la mer Ligure. Il représente un gentilhomme blond à la moustache frisée, aux yeux bleus calmes et détendus, presque perdus. La critique a longtemps identifié le sujet à un marchand d’origine génoise qui, en 1624, année à laquelle remonte l’œuvre (il s’agit d’une peinture datée), se trouvait à Palerme, où il venait d’être nommé consul de la nation génoise: une sorte de représentant de l’importante communauté ligure qui habitait la ville sicilienne. Il s’appelait Desiderio Segno et nous savons que van Dyck l’a peint car, dans l’inventaire des biens du marchand dressé après sa mort (en 1630), un portrait de l’artiste anversois figurait parmi les différents objets. Nous n’avons pas la certitude mathématique qu’il s’agit de celui qui se trouve aujourd’hui au Liechtenstein (après des décennies de silence, l’œuvre réapparaît à la fin du XVIIIe siècle à Vienne, déjà dans les collections princières: nous ne savons toujours pas comment elle est arrivée là), mais il y a néanmoins des éléments qui renforcent la conviction. Il y a la date, il y a les similitudes frappantes avec le portrait du vice-roi de Sicile, Emanuele Filiberto de Savoie, que van Dyck a peint la même année et qui a été à l’origine du voyage de l’artiste de Gênes à Palerme, il y a le geste de la main droite, interprété comme un “signe” qui fait allusion au nom de famille du personnage, il y a les inventaires de la maison Segno qui montrent que l’homme possédait des vêtements et des objets semblables à ceux que nous voyons dans le tableau.
L’exposition Van Dyck entre Gênes et Palerme |
Anton van Dyck, Portrait de Desiderio Segno (1624 ; huile sur toile, 131 x 101 cm ; Vaduz, Collections princières du Liechtenstein) |
À la Galerie nationale du Palazzo Spinola, nous pouvons donc voir un portrait résolument important. En effet, le portrait de Desiderio Segno, qui arrive pour la première fois à Gênes, nous présente non seulement l’un des personnages les plus intenses et les plus délicats de l’œuvre de van Dyck, mais il constitue également un témoignage précieux des relations qui existaient entre Gênes et Palerme au début du XVIIe siècle, ainsi que de l’activité de van Dyck en Sicile, dont il ne reste que trois portraits certains (à savoir les portraits de Desiderio Segno, d’Emanuele Filiberto et de Sofonisba Anguissola). En outre, l’œuvre est indissolublement liée aux tableaux de van Dyck de la collection de la Galleria Nazionale di Palazzo Spinola, avec lesquels elle a été comparée. Une comparaison extrêmement intéressante et intelligente: les protagonistes sont le Portrait d’Ansaldo Pallavicino, qui a gravi deux étages (en fait, l’exposition se tient au dernier niveau du palais), et le Portrait d’une dame (ou Portrait de la marquise Spinola), que les commissaires de l’exposition, Farida Simonetti et Gianluca Zanelli, ont placé à côté du portrait de Desiderio Segno, créant ainsi un jeu évocateur de gestes et de regards. Les œuvres, disposées sur trois grands panneaux noirs qui occupent un mur entier (celui qui accueille habituellement le portrait équestre de Rubens), semblent faire partie d’une seule représentation, un grand triptyque harmonieux et scénographique: les regards des personnages latéraux convergent vers le centre et leurs mouvements semblent suggérer à l’observateur qu’ils embrassent cette apothéose de la sobriété typiquement génoise (les riches, à l’époque, étaient tenus d’apparaître en public vêtus de noir, tout comme les deux effigies adultes, pour éviter toute ostentation indécente).
Les trois portraits d’Anton van Dyck comparés |
Anton van Dyck, Portrait d’Ansaldo Pallavicino (vers 1625 ; huile sur toile, 108 x 64 cm ; Gênes, Galleria Nazionale di Palazzo Spinola) |
Anton van Dyck, Portrait d’une dame génoise avec un enfant, également connu sous le nom de Portrait de la marquise Spinola (1626-1627 ; huile sur toile, 124 x 96 cm ; Gênes, Galleria Nazionale di Palazzo Spinola). |
La comparaison avec le portrait d’Ansaldo Pallavicino, peint par van Dyck vers 1625 et présent au Palazzo Spinola depuis 1650, est particulièrement pertinente. À l’époque, cependant, le tableau était encore intact: il a en fait été découpé à une date ultérieure, parce qu’autrefois le petit Ansaldo accompagnait son père Agostino, qui fut nommé protecteur du Banco di San Giorgio en 1625 (nous ne savons pas, cependant, ce qu’il est advenu de la plus grande partie du portrait original, celle avec Agostino Pallavicino, précisément). L’œuvre, qui témoigne de l’habileté exceptionnelle du peintre flamand à représenter la tendresse et la spontanéité des enfants (ses portraits d’enfants sont parmi les plus naturalistes et véridiques de tout le XVIIe siècle), révèle une mise en scène assez semblable à celle du portrait de Desiderio Segno, avec la tête presque imperceptiblement tournée vers l’arrière et la main droite produisant plus ou moins le même geste. Le portrait de la dame, qui pourrait appartenir à la famille Spinola, date également de la même époque (vers 1627, peu avant le retour de van Dyck en Flandre). Il s’agit d’une œuvre d’une qualité non moindre que les deux tableaux du même mur, qui se distingue par la douceur des tissus, la grâce des carnations, la capacité d’introspection psychologique, le raffinement et le soin apportés à la représentation des bijoux et des décorations.
Le discours est complété par une petite Crucifixion, copie d’un auteur inconnu de l’original qu’Anton van Dyck a peint pour l’église de San Michele à San Michele di Pagana, un hameau de Rapallo, et qui est toujours en place. À San Michele di Pagana, un riche marchand de parfums génois, Francesco Orero, possédait une villa et c’est lui qui a voulu l’œuvre pour l’église paroissiale (au point de se faire représenter en adoration devant le crucifix): l’œuvre exposée peut presque être considérée comme un symbole de l’insertion de van Dyck dans les cercles de la haute société génoise, avec laquelle il s’était particulièrement familiarisé. En effet, son séjour à Gênes dura de 1621 à 1627 (si l’on exclut le bref intermède à Palerme, pendant lequel l’artiste continua néanmoins à fréquenter les mécènes génois), et pendant son séjour, outre plusieurs portraits, l’artiste peignit des œuvres sur des sujets variés, dont la Crucifixion pour la ville de la Riviera est l’une des principales. L’œuvre pourrait également servir d’introduction à l’exposition, pour mieux cadrer le contexte historique auquel l’exposition fait référence et pour transmettre au visiteur l’importance de van Dyck pour l’environnement génois (ainsi que l’environnement génois pour van Dyck). Sa présence est donc une petite touche de classe supplémentaire de la part des conservateurs, qui, avec seulement quatre peintures, ont réussi à mettre sur pied une exposition très dense et très significative.
Anton van Dyck (copie de), Francesco Orero dans Adoration du crucifix en présence des saints François et Bernard (première moitié du XVIIe siècle ; Gênes, Galleria Nazionale di Palazzo Spinola) |
Un des panneaux de l’exposition |
Le catalogue, publié par la SAGEP, dans le format désormais classique et pratique de 17 x 22 que la maison d’édition a adopté pour les publications de Palazzo Spinola, est également digne d’intérêt. Il comprend quatre contributions, toutes de très haut niveau: tout d’abord le bel essai de Xavier F. Salomon, conservateur de la Frick Collection de New York et l’un des plus grands spécialistes de van Dyck, sur le séjour du peintre à Palerme et sur le portrait de Desiderio Segno. Vient ensuite une contribution très actuelle de l’historien de l’art Matteo Moretti (qui est également l’auteur de l’excellent appareil didactique de l’exposition) dans laquelle, à la suite d’une enquête basée sur l’analyse des archives historiques du Palazzo Spinola, il fait le point sur la situation d’un grand nombre d’œuvres de la galerie que les sources documentaires renvoient de diverses manières au peintre flamand. Les essais sur le portrait d’Ansaldo Pallavicino et le portrait de la marquise Spinola sont signés par les deux conservateurs, Farida Simonetti et Gianluca Zanelli respectivement.
Van Dyck entre Gênes et Palerme est une courte exposition qui trouve sa raison d’être dans plusieurs raisons. La présence d’un portrait qui met en évidence les relations entre les deux villes, peut-être peu connues du grand public, et qui nous permet d’avoir à Gênes un témoignage fondamental de l’activité artistique de van Dyck liée au mécénat génois. La possibilité de voir côte à côte trois exemples de portraits du peintre de la dernière phase de son séjour ligure (l’intermède palermitain peut presque être considéré comme partie intégrante de celui-ci, car van Dyck a continué à entretenir des relations avec sa clientèle génoise). C’est l’occasion de reconstruire, sur la base des études et des recherches d’archives les plus récentes, et par conséquent de présenter au public, à travers le catalogue, l’histoire du noyau d’œuvres du Palais Spinola liées à van Dyck. La possibilité d’avoir un portrait pour aider le visiteur à se concentrer sur les choix stylistiques du peintre flamand. L’intention de vulgarisation, déclarée dans l’ouverture du catalogue, a, je crois, été pleinement satisfaite. D’un point de vue scientifique, il n’y a pas de nouveautés sensationnelles, mais nous disposons de nombreux éléments utiles (parmi lesquels il convient de mentionner la proposition “à titre d’hypothèse de travail” de Matteo Moretti pour l’identification de la dame protagoniste du Portrait d’une dame autrefois attribué à van Dyck, et récemment retracé par Piero Boccardo à la main de Jan Roos, collaborateur de van Dyck à Gênes) qui feront certainement progresser l’état des connaissances sur l’art d’Anton van Dyck, dont l’exposition au Palazzo Spinola est déjà un autre élément important.
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