Exclue pendant des siècles de la fréquentation des citoyens et de la population, la retraite estivale des pontifes romains, posée comme un joyau sur la rive du lac Albano, connaît aujourd’hui un rôle nouveau et accueillant en tant que siège luxueux avec ses salles meublées historiques et le célèbre complexe de ses fameux jardins, mais surtout en tant qu’aile splendide consacrée à la jouissance la plus intense des chefs-d’œuvre absolus des Musées du Vatican. En effet, la Villa papale et ses annexes, en vertu de son appartenance à l’Église-État, avaient accueilli pendant la Seconde Guerre mondiale des milliers de réfugiés et des familles entières fuyant les représailles nazies. Quelque 12 000 personnes ont pu trouver protection et nourriture grâce à l’intense activité promue par Pie XII, et - détail émouvant - 40 enfants ont pu naître dans le lit même du pape : le lit que l’on peut encore voir aujourd’hui, non sans émotion, dans l’accueillante chambre du rez-de-chaussée. Malheureusement, les alliés anglo-américains, malgré toutes les garanties diplomatiquement assurées, ont bâclé certains bombardements sur les positions allemandes, et il y eut plusieurs centaines de victimes dans la zone extraterritoriale du Vatican. Ce bain d’héroïsme et de sang est rappelé à juste titre par une exposition documentaire et photographique dans les premières salles du rez-de-chaussée que le visiteur peut parcourir pour prendre conscience d’une vie qui ne fut pas seulement formelle à l’intérieur du Palais solennel dont la façade domine la place haute de Castel Gandolfo.
Après la mort de Paul VI (1978), le siège des Monts Alban a connu de nombreuses apparitions de Jean-Paul II, puis le retrait de la fonction papale de Benoît XVI (à 20 heures le 28 février 2013). Une décennie de silence et de stase a suivi. Cela nous incite à nous pencher brièvement sur ce territoire paradisiaque que sont les Castelli Romani, qui s’étendent au sud de Rome et sont formés géologiquement par une vaste zone volcanique qui - en se reposant - a laissé des collines et des ondulations fertiles, très riches en eau de source. Deux lacs sont restés d’autant d’anciens cratères : le lac de Nemi, où Caracalla fit construire les navires d’amusement vantés, et le lac d’Albano, plus grand, sur les rives duquel l’empereur Domitien fit construire sa superbe villa. Ce lac débordait facilement et, à l’époque romaine, un admirable conduit fut construit pour réguler les eaux, qui offre aujourd’hui un parcours archéologique acrobatique. Mais c’est l’ensemble du paysage qui enchante, parsemé de petites agglomérations de producteurs du célèbre vin et entouré de villas historiques des grands siècles qui sont souvent des anthologies fascinantes d’architecture, de sculpture et de jardins modelés.
Cet aperçu du paysage poétique où tant de peintres ont séjourné nous permet de revenir à l’“aedes pontificum”, qui cherche aujourd’hui son propre avenir en attirant des foules animées de visiteurs. En effet, par la volonté du Pape François (qui ne part jamais en vacances), la résidence papale, tout en conservant certaines articulations particulières comme l’Observatoire du Vatican, est désormais transformée en un musée vivant, articulé entre architecture et nature, et se charge de la tâche rare mais extraordinairement efficace de présenter et d’approfondir - de saison en saison - certaines œuvres d’art provenant des innombrables collections d’art du Siège pétrinien. En effet, la visite de l’itinéraire muséal dans l’enceinte léonine, à Rome, plonge le visiteur quotidien dans un océan d’éléments qui rendent floue la perception des titres les plus célèbres et lui enlèvent la participation profonde, la compréhension nécessairement liée à l’époque, au contexte historique et spirituel, à la méthode d’exécution, à l’âme même de l’artiste auteur. Et parfois même l’érudit n’arrive pas à décrypter, à saisir pleinement les multiples aspects.
En revanche, à Castel Gandolfo (dont le nom est lié à une famille ligure qui détenait en son temps le mandat féodal), une offre très particulière sera désormais proposée : celle d’une rencontre directe, personnelle, enveloppante avec un très petit nombre d’œuvres de la plus haute qualité, amenées ici dans leurs meilleures conditions et accompagnées chacune d’un environnement ad hoc, très bien éclairé et richement doté d’un accompagnement critique, informatif et explicatif, afin d’en faire vibrer toutes les valeurs. Ici - presque en paraphrasant le soupir recherché du Docteur Faust agité de la mémoire goethéenne - toute âme avide d’art pourra s’exclamer"stop, tu es beau" au moment de la pause, comme une authentique profondeur de méditation et une alimentation satisfaisante de la substance d’un message convaincant. Beaucoup de temps donc.
En cet été 2024, cette expérience peut être vécue sur deux œuvres, toutes deux choisies par de grands maîtres de la Renaissance italienne : Antonio Allegri dit Correggio, et Raphaël Sanzio d’Urbino. Le mérite en revient avant tout à Mme Barbara Jatta, directrice in capite des Musées du Vatican, qui réalise ainsi un véritable test d’avant-garde dans le rapport avec le public, un rôle décisif et nouveau des expositions sélectionnées à Castel Gandolfo. A cet égard, un mérite particulier a été attribué - également par les Musées du Vatican - à Andrea Carignani, chef du Bureau des expositions, à Matteo Mucciante du Bureau des conservateurs, qui s’est occupé de la technologie de l’éclairage, et à Barbara Bellano de la Sovrintendenza ai Beni Architettonici. Au cours de cette phase estivale, les contributions à l’étude des docteurs Fabrizio Biferali et Alessandra Rodolfo dans leurs spécialisations respectives sont mises en évidence.
Pour mémoire, nous dirons que Correggio (Antonio Allegri ; Correggio, 1489 - 1534) est né et mort dans sa petite ville, capitale d’un fief de l’Empire, mais qu’il a travaillé surtout à Parme avec son célèbre dôme. mais travailla surtout à Parme avec ses célèbres fresques de coupoles, ses joyeux retables et ses mythes amoureux enchanteurs ; tandis que Raphaël Sanzio (Urbino, 1483 - Rome, 1520) poursuivit sa célèbre carrière d’abord à Florence, puis constamment à Rome. Les deux artistes se rencontrent au cours de l’été 1513, lorsqu’Allegri se rend à Rome avec Gregorio Cortese pour recueillir la “Madone Sixtine”, et discutent très certainement des préparatifs picturaux. À la même occasion, Michelangiolo montre à Corrège son “Moïse” qui, exilé du tombeau de Jules II, devenu impossible à prévoir, se tient couvert et dédaigneux dans la grotte sculpturale de Macel de’ Corvi. Antonio l’a reproduit dans sa “Madonna di San Francesco” (1514-1515).
Il s’agit de la toile supérieure d’un appareil global qui fermait l’abside de l’église sodale de Santa Maria della Misericordia à Correggio ; on y voyait en bas la composition statuaire “al vero” de la Vierge à l’Enfant - dont le buste extrêmement précieux se trouve encore aujourd’hui au Musée Civico di Correggio. Le buste extrêmement précieux de la Vierge à l’Enfant, œuvre en terre cuite polychrome de Desiderio da Settignano, se trouve toujours au Musée Civique de Correggio. Il est flanqué des deux toiles allégriennes représentant saint Jean-Baptiste, jeune pénitent dans les bois, et saint Barthélemy en train d’offrir à Jésus la peau qui lui sera enlevée lors de son martyre. C’est l’architecte Gianluca Nicolini qui a conçu la reconstruction monumentale.
Les toiles du Corrège ont été étudiées à l’époque par l’écrivain, Nicolini et Margherita Fontanesi, avec l’importante contribution de Rodolfo Papa et des restaurateurs du Vatican : à tous s’ajoutent les éloges d’Antonio Paolucci et de David Ekserdjian. Dans cette exposition, la toile est proposée par l’excellente exégèse de Fabrizio Biferali. Ici, le Rédempteur en gloire nous apparaît illuminé, une vision aussi béatifiante que celle que nous avons jamais vue dans une pinacothèque, et il est exposé de manière directe avec son iconographie inhabituelle, convaincante et très singulière : il est nu jusqu’à la poitrine, il est assis sur l’iris et tient ses pieds sur les nuages tandis que la lumière divine se répand derrière lui ; il couvre avec force toute la dimension de la toile carrée, il ouvre ses bras en déployant ses mains protectrices et accueillantes avec un regard que l’on peut définir comme étant universel. Il faut penser à l’endroit où se trouvait le tableau : à l’intérieur d’une Confrérie de la Miséricorde, qui soignait les malades, les pauvres, les veuves, et qui élevait les enfants abandonnés par leur famille, en accomplissant une somme d’œuvres de charité qui ne peut manquer de nous émouvoir ! Le tableau se trouvait en hauteur, ce qui a conduit le peintre à des ajustements évidents et définitifs qui aident le spectateur à regarder vers le bas. Pour en revenir à Jésus comme protagoniste, avec sa nudité et son geste, nous pourrions l’appeler le Rédempteur dans la miséricorde, prêt à accueillir et à rendre. Au Paradis, il est entouré de ces enfants qu’il a tant aimés et que nous pouvons, sur le plan pictural, admirer à l’infini, dans leurs merveilleuses expressions et dans leur dissolution dans la splendeur céleste : un chef-d’œuvre réalisé par un “maître sans égal”, comme le définissait Guercino, et sur la toile duquel on retrouve les étonnantes préparations chromatiques que seul Raphaël - dans l’histoire de la peinture - a pu égaler.
Et c’est sur les préparations chromatiques qu’a eu lieu la découverte la plus exaltante de la lecture critique, avec une capacité très actuelle qui nous accompagne vraiment à l’intérieur du processus pictural, pas à pas, d’un Correggio qui vise le résultat final et les pigments finaux à travers une gradation de voiles colorés successifs, fidèles et mélangés, qui rendent la matière visible si tendre et forte, toujours pénétrée par la lumière du soleil. tendre et forte, toujours pénétrable par la lumière, toujours effusive et parlante, jusqu’au résultat que l’épigraphe ci-dessus, tirée de Vasari, déclare “d’une merveille stupéfiante”. Ainsi, grâce à la leçon de Claudio Rossi de Gasperis, elle aussi solidement documentée sur place, nous pouvons nous aussi ressentir l’émotion angélique d’être ensemble avec les “enfants volants - dans les membres des saints - splendeurs errantes - aux chœurs des enfants, des amours”, sur la musique d’Arrigo Boito.
Ce magnifique retable est le premier d’une série de dix scènes commandées à Raphaël par le pape Léon X de Médicis dès 1514 (un an après son élection), pour lesquelles l’Urbinat a exécuté les cartons fondamentaux à l’échelle et à la vie, en y travaillant ingénieusement pendant deux ans. Les sujets vont des derniers épisodes de la vie de Jésus après la résurrection à certains Actes des Apôtres et aux premiers martyrs, complétant ainsi le grand projet théologique de toute la chapelle Sixtine, où - lors d’occasions spéciales - les tapisseries, qui s’ouvrent sur l’histoire de l’Église, peuvent encore être exposées à la place de la draperie peinte. En effet, à l’époque de la commande papale, toute la réception artistique à Rome était imprégnée des grondements héroïques de la voûte de Michel-Ange, où les actes divins et les liens généalogiques bibliques n’étaient pas simplement illustrés par des récits - comme dans les propositions de Pérouse sur les murs - mais se développaient dans l’énergie de la puissance céleste, dans la volonté cosmique, créatrice et impérative du Père Éternel. Raphaël se sentit obligé de répondre à cette intensité, et Alessandra Rodolfo souligne comment il s’éloigna de la continuité de l’engagement des fresques des Stanze pour se concentrer sur les cartons demandés par le pape. Léon X avait été élu comme simple diacre et n’avait pas reçu de formation authentiquement forgée dans les “magnalia Dei”, Sanzio a donc dû chercher une aide adéquate pour saisir les significations profondes de la transmission des pouvoirs sacramentels par Jésus ressuscité aux apôtres, qui étaient encore de jeunes disciples, et faire ressortir par conséquent la transfiguration héroïque intime de ces premiers prêtres. Cette quête fait également partie de l’excellente culture de Sanzio.
La voûte hymnique de Michel-Ange déclamait le Commencement, la Création, le Péché, la première Alliance. Les scènes de l’équipe florentine sur les murs portaient la Libération du peuple élu, la venue du Rédempteur, l’Alliance nouvelle et éternelle. Et maintenant, la série des Tapisseries donnait l’élan de la vie de l’Eglise après la réouverture du Jardin et l’offre du Pardon universel à tous. L’intelligence de Raphaël a donc voulu que la composition des scènes, principalement liées à saint Pierre et saint Paul, soit un puissant contrepoint à l’epos biblique et christologique. Leur position, très proche des visiteurs, et surtout leur admirable qualité, ont étonné tous ceux qui, dès après Noël 1517, ont pu admirer les premiers arrivages dans la chapelle.
Les cartons avaient été envoyés à Bruxelles pour être exécutés sur des tissus par le célèbre maître Pieter van Aelst, qui y consacra tout son atelier. Expliquer la technique d’exécution est très complexe : disons que la tapisserie est un tissu solide, avec des croix et des nœuds, qui est formé de fils colorés de soie, de laine et d’or, qui composent la vaste scène peinte dans le carton livré. L’exécution se fait devant le carton de couleur, toujours très serré ; une grande tapisserie peut demander plus d’un an de travail à des hommes et des femmes habiles. Les tissus étaient ensuite doublés et servaient de somptueux meubles accrochés le long des murs des salles et des chambres, mais bien détachés des murs.
Le sujet figuratif de la pêche miraculeuse est paradigmatique à plusieurs égards : tout d’abord, Jésus lui-même est assis dans la barque de Pierre - une allusion théologique à la présence éternelle du Christ dans la vie de l’Église - et montre également les deux gestes de Pierre : la désillusion de son propre travail et ensuite l’obéissance à Jésus “à ta parole” qui produit la pêche miraculeuse de cent cinquante-trois gros poissons. Nous remarquons que la récolte prodigieuse implique pleinement la deuxième barque, celle des compagnons de Pierre, qui représentent mystiquement les prêtres, solidaires de Pierre, qui - comme cela se produira toujours dans la vie ordinaire de l’Église - sont ceux qui obtiennent les résultats de la Grâce divine. Raphaël nous offre ici une scène puissante et pleine de vie. Une scène dynamique, où le grand rotulus de la présence apostolique s’étend sur toute la vision et s’achève dans le Christ. Il est extraordinaire d’admirer les reflets bleus argentés d’une exécution directement inspirée par le dessin de Raphaël, et de retrouver les scintillements dorés dans les eaux. Une lecture plus analytique, que nous permet cette exposition en pleine lumière et à la bonne hauteur, veut voir depuis le bord inférieur la “ terre mère ”, la création féconde que Dieu le Père a remise aux géniteurs avec l’ordre de la gouverner.
Nous remercions la direction des Musées du Vatican, les chercheurs mentionnés ici et le service de presse des Musées (Dr. Biller).
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