Un Henri de Toulouse-Lautrec enfin débarrassé des stéréotypes. A quoi ressemble l'exposition de Rovigo


Compte rendu de l'exposition 'Henri de Toulouse Lautrec. Paris 1881-1901", organisée par Fanny Girard, Jean-David Jumeau-Lafond et Francesco Parisi (à Rovigo, Palazzo Roverella, du 23 février au 30 juin 2024).

Le problème du cadrage correct d’Henri de Toulouse-Lautrec et de sa production est ancien : la longue série d’expositions qui lui ont été consacrées s’est intéressée, souvent presque exclusivement, à une partie de sa production, celle du graphisme publicitaire, et l’attention du public a presque toujours privilégié l’homme par rapport à l’artiste. Il s’agit d’un problème ancien, si l’on considère que dès 1951, Giulia Veronesi écrivait dans Emporium que l’évaluation de Toulouse-Lautrec “est souvent invalidée et induite en erreur par divers faits”, en premier lieu “le fait que son œuvre est si chargée de contenu social, si imprégnée de son temps, qu’elle est si pleine de la dimension sociale qu’elle n’est souvent même pas pertinente pour l’œuvre de l’artiste”. Deuxièmement, la distinction souvent faite entre le peintre et le graphiste, et la considération de son art de l’affiche exceptionnel et novateur presque comme une monade, détachée du reste de sa production, et parfois même du contexte qui l’a produite. Pourtant, même la lecture de Veronesi a établi un point de départ qui apparaît aujourd’hui presque restrictif, à savoir avoir basé le début de l’analyse de la production de Toulouse-Lautrec sur une considération de Theodor Däubler, qui était convaincu que le peintre d’Albi était le premier expressionniste de l’histoire de l’art : Toulouse-Lautrec aurait ainsi inauguré, en s’appuyant sur les apports impressionnistes et symbolistes, cette peinture “qui transfère l’expression subjective dans l’objet, le rend expressif en le chargeant d’une force expressive linéaire et colorée”. En réalité, la trajectoire de Toulouse-Lautrec est nettement plus nuancée : tout d’abord, il est aujourd’hui difficile de le définir comme un peintre social. Il est totalement détaché de certains thèmes (le travail dans l’industrie, par exemple, qui préoccupe tant de ses contemporains), et dans son investigation, qui ne se traduit pas par un intérêt pour l’actualité (c’est plutôt la réalité), il privilégie une approche plus intimiste, pourrait-on dire. Toulouse-Lautrec n’est pas un artiste dénonciateur, ni une sorte de reporter au pinceau. Au dévoilement et à la chronique, il a préféré un récit participatif, d’un personnage impliqué, une sorte de description de l’intérieur qui, par sa sincérité et aussi sa variété, a fini par prendre les traits d’un symbole, elle est devenue l’allégorie par excellence de ce tournant des années que l’on définit sous le titre de “Belle Époque”.

À Rovigo, le Palazzo Roverella consacre une exposition au problème de la place historique de Toulouse-Lautrec. Intitulée simplement Henri de Toulouse Lautrec. Paris 1881-1901, et organisée par Fanny Girard, Jean-David Jumeau-Lafond et Francesco Parisi, l’exposition prend en considération la quasi-totalité de la carrière artistique du peintre, en laissant délibérément au second plan certains thèmes largement explorés par les expositions précédentes (le monde du cirque, par exemple, ou celui des cabarets, qui est bien présent mais pas seulement en tant qu’objet des attentions du peintre, mais aussi en tant qu’objet de la vie quotidienne).l’objet des attentions du peintre, mais surtout comme le terreau fertile sur lequel Toulouse-Lautrec a cultivé son art, ou encore le graphisme publicitaire, auquel une section est consacrée à la fin), et en se concentrant surtout sur le contexte du Paris fin de siècle, le Paris des artistes, des hommes de lettres, des cafés et des débats.



Le public, dans les salles du Palazzo Roverella, trouvera avant tout une exposition de peintures : il faut le souligner, car ces dernières années nous avons été habitués à des expositions sur Toulouse-Lautrec construites principalement, et parfois exclusivement, avec des œuvres graphiques. Il est cependant nécessaire de connaître la peinture de Toulouse-Lautrec si l’on veut connaître Toulouse-Lautrec, car c’est de la peinture que naît sa modernité, c’est de l’expérimentation en peinture qu’est né le Toulouse-Lautrec le plus connu du grand public, et l’exposition insiste particulièrement, notamment dans le catalogue détaillé, sur l’attitude fortement expérimentale de cet artiste né dans le sud de la France.l’attitude fortement expérimentale de cet artiste né dans les collines d’Occitanie et arrivé très jeune à Paris pour étudier auprès des maîtres de la capitale, à commencer par ce Léon Bonnat dont la contribution à la formation du jeune Toulouse-Lautrec a été réinterprétée à l’occasion de l’exposition de Rovigo : il faut “repenser l’interprétation consolidée”, écrit Francesco Parisi dans le catalogue, “selon laquelle la période passée auprès du premier maître devait plutôt être considérée comme un passage stérile, consistant en un endoctrinement inutile et seulement propédeutique à l’entrée ultérieure dans l’atelier de Fernand Cormon”.

Plans d'exposition Henri de Toulouse Lautrec. Paris 1881-1901
Plan de l’exposition Henri de Toulouse Lautrec. Paris 1881-1901
Plans d'exposition Henri de Toulouse Lautrec. Paris 1881-1901
Plan de l’exposition Henri de Toulouse Lautrec.
Paris
1881-1901
Plans d'exposition Henri de Toulouse Lautrec. Paris 1881-1901
Maquettes de l’exposition Henri de Toulouse Lautrec.
Paris
1881-1901
Plans d'exposition Henri de Toulouse Lautrec. Paris 1881-1901
Plan de l’exposition Henri de Toulouse Lautrec.
Paris
1881-1901

C’est dans l’atelier de Bonnat que s’épanouit le premier intérêt de Toulouse-Lautrec pour la réalité, qui s’exprime d’abord dans une peinture aux tonalités sombres, comme en témoigne la seule œuvre de l’exposition qui remonte aux débuts de son apprentissage auprès de Bonnat, Champ de courses , dans laquelle l’artiste représente une course de chevaux qui se déroule en pleine ville.Cette œuvre représente une course de chevaux qui, malgré sa chronologie élevée, témoigne de l’attitude libre et expérimentale d’un Toulouse-Lautrec qui n’a alors qu’une vingtaine d’années, mais qui se projette déjà vers la peinture cursive et les contrastes de couleurs non conventionnels : L’observation de deux œuvres plus tardives, Allégorie, le printemps de la vie et Esquisse, peuplade primitive, tribu préhistorique, le confirme. Deux œuvres de formation, deux œuvres exécutées lorsque Toulouse-Lautrec fréquentait l’atelier de Cormon, deux œuvres aux sujets traditionnels, deux œuvres construites autour de compositions académiques, mais empreintes de cette spontanéité que Cormon (présent dans l’exposition avec un majestueux portrait de pêcheur intitulé Avant la pêche) prônait pour ses élèves. Deux exercices, pourrait-on dire, mais qui laissent déjà entrevoir les futures aptitudes de l’artiste, encore plus perceptibles dans le portrait de son père à cheval, que le public découvre dans la même salle, et qui préfigure les résultats ultérieurs de son art.

Poursuivant le parcours, les commissaires emmènent le public dans le Paris de la fin du XIXe siècle, d’abord parmi les cafés-concerts, les cabarets et les théâtres avec la section Sur la scène, un chapitre vivant de l’exposition qui donne une idée de la variété des lieux qui animaient la scène artistique de la ville. Les panneaux de la salle nous informent sur les lieux de rencontre qui animaient la vie sociale et culturelle de la capitale française, des lieux de “démocratisation des loisirs”, car la situation économique prospère de Paris à l’époque permettait à tout un chacun de fréquenter les nombreux lieux de la ville. C’est ce monde qui a fasciné Henri de Toulouse-Lautrec : on en entend les échos devant des tableaux comme Le Café-Concert de Louis Abel-Truchet ou Le Moulin de la Galette de Charles Maurin, choisis non seulement pour transporter le visiteur dans l’atmosphère de la vie nocturne parisienne, mais aussi pour offrir un signe tangible de la fascination qu’exerçait ce monde sur les artistes (même sur le jeune Pablo Picasso, d’ailleurs : un pastel de lui représentant l’actrice Yvette Guilbert, longtemps inspirée par Toulouse-Lautrec, sur scène), mais aussi de rendre compte des recherches, des idées qui circulaient parmi les artistes qui fréquentaient ce milieu tant mythifié (voir, dans le tableau de Maurin, le contraste entre les personnages de gauche qui observent la scène, définis, et les clients du dancing qui dansent au centre, flous, presque évanescents). Ceux qui observent avec sarcasme les divertissements nocturnes de Montmartre ne manquent pas non plus : en témoigne un tableau significatif comme L’entrée au bal de Félicien Rops, œuvre de jeunesse avec laquelle l’artiste, connu pour son attitude ironique, souvent à la limite de la parodie féroce, entend souligner la distance sociale marquée entre les élégantes qui entrent dans un dancing et le garçon vêtu de haillons qui les observe de l’extérieur. D’autres intentions déplacent le regard de Toulouse-Lautrec qui, bien que proche de Rops (surtout dans les années 1990), se tourne plutôt vers les impressionnistes, notamment Edgar Degas : L’ancien impressionniste est présent dans la section initiale avec une Étude de danseuses qui introduit le public à l’un de ses thèmes de prédilection, celui de la danse, et dialogue à courte distance avec le premier chef-d’œuvre de Toulouse-Lautrec que l’on rencontre sur le parcours, la Danseuse assise sur un divan rose de 1884, prêtée par la Dixon Gallery de Memphis, une toile représentant une danseuse assise sur un divan, à un moment de repos, fatiguée et peut-être un peu ennuyée. Parmi les œuvres de l’exposition, c’est peut-être celle qui se rapproche le plus de Degas, mais pour Toulouse-Lautrec, le collègue n’est qu’un point de départ pour sa recherche. Toulouse-Lautrec veut saisir la vie du Paris fin de siècle, mais avec une attitude qui lui est propre. Il n’est pas un chroniqueur et le rôle de psychanalyste ne lui convient pas. C’est plutôt un initié, pourrait-on dire, qui s’évertue à satisfaire ce “désir de capter”, comme le définit bien Nicholas Zmelty dans le catalogue, “qui passe par la multiplication des moyens expressifs et des développements stylistiques en parfaite harmonie avec ses recherches [...]. Toulouse-Lautrec exploite tous les moyens à sa disposition pour capter dans ses œuvres la vie qu’il aime tant et dont il est à la fois le spectateur avide et l’acteur passionné. Le spectacle, la nuit, l’ivresse, les femmes : Toulouse-Lautrec ne se contente pas d’observer froidement les choses, il les vit, les affronte pour mieux les ressentir dans sa chair, les apprécier et pouvoir les restituer de la manière la plus authentique et la plus concrète possible”. D’où la nécessité de se détacher au plus vite de Degas pour trouver une voie personnelle, plus synthétique, comme en témoignent les tableaux Au bal masqué à l’Élyséet Montmartre, dont on peut imaginer qu’il a été esquissé directement sur place, devant un groupe de personnes dans lequel, selon l’hypothèse d’Agnese Sferrazza, on peut peut-être reconnaître, grâce aux déguisements singuliers, certains membres de la Société des Incohérents, à laquelle une section entière de l’exposition de Rovigo est consacrée, comme nous le verrons par la suite.

Paris est à nouveau le protagoniste des sections suivantes, tout d’abord avec un focus intitulé Paris, ville spectacle, où un groupe de peintures qui racontent la ville dans son ensemble (allant d’un grand tableau à un grand tableau) est exposé. (d’une grande vue du Quai de Bercy par Albert Dubois-Pillet aux femmes devant le Moulin Rouge par Alfredo Müller de Livourne, du lèche-vitrine de George Bottini aux gravures avec des vues de Montmartre par Charles Maurin et Eugène Delâtre : il y a aussi des céramiques de la Parisienne, symbole de l’élégance de la femme parisienne “héroïsée par la mode et l’esprit”, écrit la conservatrice Jumeau-Lafond), puis avec le chapitre Les peintres du petit boulevard, nom donné au groupe d’artistes qui fréquentaient l’atelier de Cormon : Parmi eux, outre Toulouse-Lautrec, Émile Bernard, Louis Anquetin, François Gauzi et même Vincent van Gogh (en ce qui concerne le Hollandais, l’exposition insiste beaucoup sur son rôle d’animateur culturel vivant et participatif : le public qui ne connaît pas cet aspect de Van Gogh sera surpris, il est juste dommage que ses œuvres ne puissent pas être vues à Rovigo). C’est Van Gogh lui-même qui s’est démené pour organiser une exposition des Peintres du petit boulevard en 1887, et les suggestions que Van Gogh a faites à Toulouse-Lautrec sont visibles dans le portrait de François Gauzi de 1888, qui arrive du Musée des Augustins de Toulouse : la coupe verticale audacieuse et fortement raccourcie provient des estampes japonaises, pour lesquelles Van Gogh avait déjà développé une forte passion, qu’il a pu transmettre à son ami. Le désir de modernité nourri par les Peintres du petit boulevard s’incarne dans une peinture attentive à la vie de la cité, sous tous ses aspects (le panneau de la salle renvoie à une Étude de nu de Toulouse-Lautrec de 1883 que le public verra trois salles plus tard) : un nu royal qui critique les nus académiques exposés dans les Salons), est également attestée par le portrait de Carmen la rousse qui, au verso d’un panneau du musée Toulouse-Lautrec d’Albi, où la jeune fille est représentée dans une pose traditionnelle, est peinte le regard baissé, avec l’idée de faire un portrait qui traduise son état d’esprit, sa condition intérieure. Le milieu culturel de Toulouse-Lautrec anime également la section suivante, Les amis littéraires et artistes, une longue liste de portraits d’écrivains, d’artistes et de personnalités du Montmartre de l’époque, ainsi que des portraits de Toulouse-Lautrec peints par ses amis, et des tableaux qui rendent compte de ces ambiances, tels que le tableau de l’artiste, le tableau de l’artiste et le tableau de l’artiste.de ces atmosphères, comme l’Auror du rêve de Charles Maurin, toile inspirée des Fleurs du mal de Baudelaire, que le public redécouvre en Vénétie quelques années après l’exposition Rose+Croix sur le symbolisme mystique qui s’est tenue entre 2017 et 2018 à la Peggy Guggenheim Collection de Venise. Il est difficile de rendre compte en peu de temps de la section la plus importante et la plus ramifiée de l’exposition (trente pièces la composent), mais on peut en trouver quelques sous-ensembles : il y a, par exemple, les œuvres de la colonie d’artistes espagnols à Paris, auxquelles est d’ailleurs consacré un essai de Mario Finazzi dans le catalogue, dans lequel sont analysés les points de tangence et de possible absorption des Ibères de Montmartre par Toulouse-Lautrec. Il y a les portraits d’artistes liés de diverses manières au peintre d’Albi, également en raison de similitudes de connaissances. Ainsi, par exemple, il y a un portrait de Giovanni Boldini peint par Degas, présent d’une part parce que Boldini, comme Toulouse-Lautrec, nourrissait une forte admiration pour Degas, et d’autre part parce que les contacts de l’artiste avec les Italiens de Paris sont bien connus. Et puis il y a les œuvres liées au mouvement symboliste, comme le tableau de Charles Maurin déjà cité, un chef-d’œuvre comme Pornocratès de Félicien Rops, Les Litanies de Satan de Carlos Schwabe, sphinx et chimères diverses, ou le portrait de Paul Verlaine par Edmond Aman-Jean, ou encore celui de Joris-Karl Huysmans exécuté à l’encre sur papier par Félix Vallotton : même si Toulouse-Lautrec ne ressent aucune impulsion symboliste, certaines nuances sombres et oppressantes s’emparent parfois de son œuvre et nous permettent de lire son art dans une perspective nouvelle et originale.

Henri de Toulouse-Lautrec, Champ de courses (1881 ; huile sur carton, 18,6 x 25,6 ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Champ de courses (1881 ; huile sur carton, 18,6 x 25,6 ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Allégorie, le printemps de la vie (1883 ; huile sur toile, 49,7 x 75 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec) Henri
de Toulouse-Lautrec, Allégorie, le printemps de la vie (1883 ; huile sur toile, 49,7 x 75 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Fernand Cormon, Avant la pêche (1888 ; huile sur toile, 77 x 58 cm ; Quimper, Musée des Beaux-Arts)
Fernand Cormon, Avant la pêche (1888 ; huile sur toile, 77 x 58 cm ; Quimper, Musée des Beaux-Arts)
Henri de Toulouse-Lautrec, Le comte Alphonse de Toulouse-Lautrec (1883 ; huile sur toile, 93,3 x 65,4 cm ; Amherst, Mead Art Museum at Amherst College)
Henri de Toulouse-Lautrec, Le comte Alphonse de Toulouse-Lautrec (1883 ; huile sur toile, 93,3 x 65,4 cm ; Amherst, Mead Art Museum at Amherst College)
Charles Maurin, Le Moulin de la Galette (vers 1894 ; pastel sur papier, 593 x 302 mm ; Collection privée)
Charles Maurin, Le Moulin de la Galette (vers 1894 ; pastel sur papier, 593 x 302 mm ; Collection privée)
Pablo Picasso, Yvette Guilbert (1903 ; pastel sur papier et pastel sur toile passe-partout, 189 x 256 mm ; Collection privée)
Pablo Picasso, Yvette Guilbert (1903 ; pastel sur papier et pastel sur toile passe-partout, 189 x 256 mm ; Collection privée)
Félicien Rops, L'Entrée au bal (1858 ; huile sur toile appliquée sur panneau, 30,1 x 21 cm ; Namur, Musée Félicien Rops)
Félicien Rops, L’Entrée au bal (1858 ; huile sur toile appliquée sur carton, 30,1 x 21 cm ; Namur, Musée Félicien Rops)
Henri de Toulouse-Lautrec, Danseuse assise sur un divan rose (1884 ; huile sur toile, 47,6 x 36,2 cm ; Memphis, Dixon Gallery and Gardens)
Henri de Toulouse-Lautrec, Danseuse assise sur un divan rose (1884 ; huile sur toile, 47,6 x 36,2 cm ; Memphis, Dixon Gallery and Gardens)
Henri de Toulouse-Lautrec, Au bal masqué à l'Elysée Montmartre (vers 1887 ; huile sur toile, 55,25 x 46,04 cm ; San Diego, The San Diego Museum of Art)
Henri de Toulouse-Lautrec, Au bal masqué à l’Elysée Montmartre (vers 1887 ; huile sur toile, 55,25 x 46,04 cm ; San Diego, The San Diego Museum of Art)
Albert Dubois-Pillet, Le Quai de Bercy. La Seine à Bercy (1885 ; huile sur toile, 145 x 231,5 cm ; Le Puy-en-Velay, Muzée Crozatier)
Albert Dubois-Pillet, Le Quai de Bercy. La Seine à Bercy (1885 ; huile sur toile, 145 x 231,5 cm ; Le Puy-en-Velay, Muzée Crozatier)
Henri de Toulouse-Lautrec, Portrait de François Gauzi (1888 ; huile à l'essence et pastel sur toile, 80 x 41 cm ; Toulouse, Musée des Augustins)
Henri de Toulouse-Lautrec, Portrait de François Gauzi (1888 ; huile à l’essence et pastel sur toile, 80 x 41 cm ; Toulouse, Musée des Augustins)
Henri de Toulouse-Lautrec, Portrait de Frédéric Wenz (vers 1886 ; huile sur toile, 55,1 x 46 cm ; Houston, The Museum of Fine Arts)
Henri de Toulouse-Lautrec, Portrait de Frédéric Wenz (vers 1886 ; huile sur toile, 55,1 x 46 cm ; Houston, The Museum of Fine Arts)
Henri de Toulouse-Lautrec, Carmen la rouse, tête baissée (1885 ; huile sur panneau, 23,5 x 13,5 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Carmen la rouse, tête baissée (1885 ; huile sur panneau, 23,5 x 13,5 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Edmond Aman-Jean, Portrait de Paul Verlaine (1891-1892 ; huile sur toile, 125,5 x 70 cm ; Metz, Musée de La Cour d'Or)
Edmond Aman-Jean, Portrait de Paul Verlaine (1891-1892 ; huile sur toile, 125,5 x 70 cm ; Metz, Musée de La Cour d’Or)
Charles Maurin, L'aurore du rêve (vers 1891 ; huile sur toile, 81 x 100,4 cm ; Saint-Étienne, Musée d'art moderne et contemporain)
Charles Maurin, L’aurore du rêve (vers 1891 ; huile sur toile, 81 x 100,4 cm ; Saint-Étienne, Musée d’art moderne et contemporain)
Félicien Rops et Albert Bertrand, Pornocratès - La dame au cochon (1896 ; gravure en couleurs au repérage, 695 x 496 mm ; Namur, Musée Félicien Rops)
Félicien Rops et Albert Bertrand, Pornocratès - La dame au cochon (1896 ; gravure en couleurs au repérage, 695 x 496 mm ; Namur, Musée Félicien Rops)
Charles Maurin, Femme nue à demi allongée (vers 1895 ; pastel et crayons de couleur sur papier, 595 x 382 mm ; collection privée)
Charles Maurin, Femme nue à demi allongée (c. 1895 ; pastel et crayons de couleur sur papier, 595 x 382 mm ; collection privée)

Et pour comprendre comment ces nuances ont pu entrer dans l’art de Toulouse-Lautrec, il suffit de faire quelques pas de plus et d’entrer dans la section suivante, Paradis artificiels, qui tourne autour du thème de l’addiction à l’absinthe, capable de prendre les traits d’un fléau social dans le Paris de la fin du XIXe siècle : la Fée verte, surnom donné à cette boisson alcoolisée en raison de sa couleur, était une mode très répandue, devenait une sorte de symbole de la vie de bohème et se transformait pour beaucoup en une maladie dévastatrice (l’alcoolisme de Verlaine, par exemple, est bien connu), à tel point que l’absinthe a été déclarée illégale en 1914. Le public est accueilli dans la salle par une peinture d’Albert Maignan représentant une personnification de l’absinthe : la Muse verte est une fée charmante, enveloppée dans une tunique verte, qui s’avance dans le dos du buveur et s’accroche à sa tête, provoquant l’état d’ivresse recherché par les consommateurs de cette boisson forte. L’absinthe se buvait diluée avec de l’eau et un morceau de sucre, qui s’écoulait dans le verre à travers une cuillère spéciale perforée placée sur celui-ci : autour de la table évoquant le rituel de la consommation d’absinthe, placée au centre de la pièce, on peut admirer des œuvres représentant des buveurs d’absinthe. L’un des sommets de l’exposition est la double confrontation entre Toulouse-Lautrec(À Grenelle : L’attente et La buveuse) et Rops(Le Quatrième verre de cognac et La buveuse d’absinthe), l’un des sujets les plus intéressants de l’exposition de Rovigo : "Lautrec, explique Parisi, a réalisé plusieurs œuvres sur le thème de l’alcoolisme féminin [...]. Si la Buveuse de Rops présente des traces d’ivresse et un regard satanique, l’interprétation de Lautrec est plus axée sur le caractère “bestial” de la femme que sur les aspects “transcendants” et culturellement décadents. Bien qu’admirant le talent de Rops, comme le montrent explicitement certaines œuvres, Lautrec était néanmoins très éloigné de la représentation démoniaque de la femme par l’artiste belge, même lorsqu’elle était placée dans des contextes qui lui étaient plus favorables. Dans les deux œuvres de Rops, le regard de l’artiste atteint une sauvagerie totalement inconnue de Toulouse-Lautrec, artiste au tempérament plus mélancolique : À Grenelle, œuvre vraisemblablement inspirée d’une ballade du même nom du chansonnier Aristide Bruant (qui a d’ailleurs fait l’objet de quelques gravures célèbres de l’artiste), capte la solitude, le malaise d’une cliente de bar qui plonge son passé dans le verre d’absinthe posé devant elle, et dont elle détourne même le regard. Il y a aussi des tableaux qui, dans une veine plus réaliste, offrent un aperçu des conséquences de l’absinthe : C’est le cas, par exemple, du Buveur d’absinthe de Gustave Bourgain, portrait impitoyable d’un buveur au regard vide et à l’air dépenaillé devant le verre de l’alcool vert, ou du mélancolique Les incompris, chef-d’œuvre de 1904 d’André Devambez, où l’un des protagonistes assis autour de la table, celui de droite (peut-être Paul Verlaine), semble à la merci des effets de l’alcool. C’est un tableau mélancolique, car s’il représente un certain nombre d’artistes et d’intellectuels discutant autour d’une table, et rend donc apparemment bien le climat de ces années-là, il apparaît cru dans sa représentation de ces personnages en avance sur leur temps qui ne se sont pas encore résignés à l’usure du temps, ce dont est probablement consciente la femme qui s’agrippe, presque avec rage, à la revue L’Art. Nous la connaissons : c’est la peintre Victorine Meurent, celle qui, quarante ans plus tôt, avait servi de modèle à l’Olympia d’Édouard Manet : cette jeune femme nue, parfumée et désinhibée est devenue la vieille femme renfrognée du tableau de Devambez. Mais c’est un autre drame qui se joue dans la Vitrioleuse d’Eugène Grasset, portrait d’une femme à l’allure inquiétante tenant un bol de vitriol, autre allusion, pas trop voilée, aux effets de l’absinthe.

Puis, dans la salle suivante, c’est la révélation de l’exposition, à savoir la section consacrée aux Arts incohérents, ce mouvement singulier mené par Jules Lévy, tombé dans l’oubli, et qui n’a refait surface à l’attention des critiques qu’en 2018, lorsque plusieurs œuvres d’artistes appartenant au groupe ont été redécouvertes, grâce au travail du galeriste Johann Naldi (également auteur de l’essai du catalogue consacré à ce mouvement très particulier) : certaines de ces œuvres, dix-sept au total, ont d’ailleurs été déclarées Trésor National par le ministère français de la Culture. Jusqu’en 2018, on pensait que toutes les œuvres des artistes “incohérents” avaient été perdues : À Rovigo, il est donc possible d’admirer une sélection d’œuvres de ce méli-mélo de personnages qui comprenait des peintres professionnels et amateurs, des écrivains, des journalistes, des dessinateurs, et qui anticipait en quelque sorte le dadaïsme, le surréalisme et une grande partie de l’art du XXe siècle dans le but, résume Naldi, de “remettre en question par le rire - mais pas seulement - le sérieux du monde de l’art”. Des œuvres qui, il faut le souligner, pour la première fois dans l’histoire, proviennent de France : un autre joyau, donc, de cette exposition. Voici donc le premier tableau monochrome de l’histoire de l’art connu à ce jour, le Combat de nègres pendant la nuit de Paul Bilhaud, une toile entièrement noire accompagnée d’un titre ironique pour se moquer du public, et puis encore un proto-readymade, un rideau vert intitulé Des souteneurs encore dans la force de l’âge et le ventre dans l’herbe. âge et le ventre dans l’herbe, une peinture-objet de Gieffe (pseudonyme de François Jules Foloppe) qui donne corps à une fable de La Fontaine, des affiches et des catalogues des expositions que les incohérents, dans leur courte période d’activité, ont réussi à organiser à Paris. Toulouse-Lautrec a également fréquenté ce groupe et l’a aidé à organiser un certain nombre d’expositions, sans compter qu’il a fait partie des artistes qui ont bénéficié du climat profanateur, libre et rebelle qui régnait lorsque Jules Lévy et ses camarades organisaient leurs expositions.

Plus triste et plus résigné, en revanche, est l’air qui règne dans la salle suivante, consacrée aux Elles, les prostituées représentées par Toulouse-Lautrec dans un célèbre portfolio de lithographies (dont quelques exemples sont présents dans l’exposition) qui n’eut guère de succès commercial, mais souleva des débats, dès sa publication en 1891 : Si cette section n’est pas la plus originale de l’exposition (le thème de la prostitution chez Toulouse-Lautrec est l’un des plus critiqués), elle offre néanmoins une vision plus complète du thème de la prostitution dans l’art de l’époque, en établissant un nouveau parallèle avec l’art de Rops qui, dans Les Deux amies, aborde le sujet sous un angle différent, en mettant l’accent sur l’importance de la prostitution dans la vie quotidienne.aborde le sujet sous un angle différent, en soulignant "l’attrait diabolique de la femme tentatrice, plutôt que l’aspect plus réaliste de la condition féminine" (ainsi Agnese Sferrazza), tandis qu’Albigese, avec ses Études de nu (dont l’une est comparée à une toile de Giovanni Boldini même pose, résultats opposés), en plus de polémiquer sur le nu académique en offrant une représentation simple et sobre de la femme, dénuée de tout érotisme, parvient à entrer dans la vie quotidienne de ses modèles, en dépassant tout stéréotype mais en évitant en même temps le piétisme et la pitié. Chez Toulouse-Lautrec, il s’agit simplement d’une recherche de la vérité. Voici donc des portraits francs et naturels, comme celui de Mademoiselle Lucie Bellanger, ou celui, encore plus éloquent, de Femme se frisant, cliché d’une jeune fille se coiffant devant un miroir. Ces œuvres sont présentées avec l’immédiateté et la spontanéité auxquelles Toulouse-Lautrec était parvenu après des années d’expérimentation intense, y compris sur le plan technique, pour arriver à une peinture faite de couleurs à l’huile dissoutes dans de l’essence de térébenthine, puis étalées sur du carton : le carton brut“, explique Fanny Girard dans son essai entièrement consacré aux innovations techniques de Toulouse-Lautrec, ”absorbe l’essence de térébenthine, ne laissant apparaître que le pigment qui prend une opacité rappelant le pastel“.opacité qui rappelle le pastel”, évite l’effet de brillance que l’artiste fuyait, et donne à l’ensemble cet aspect esquissé que Toulouse-Lautrec recherchait au contraire.

Henri de Toulouse-Lautrec, À Grenelle : L'attente (vers 1887 ; huile sur toile, 56,2 x 47,2 cm ; Williamstown, Clark Art Institute)
Henri de Toulouse-Lautrec, À Grenelle : L’attente (vers 1887 ; huile sur toile, 56,2 x 47,2 cm ; Williamstown, Clark Art Institute)
Félicien Rops, La buveuse d'absinthe (1876 [édition 1905] ; héliogravure, 240 x 160 mm ; Rome, Collection privée)
Félicien Rops, La buveuse d’absinthe (1876 [édition 1905] ; héliogravure, 240 x 160 mm ; Rome, Collection privée)
André Devambez, Les Incompris (vers 1904 ; huile sur toile, 91,7 x 111,5 cm ; Quimper, musée des Beaux-Arts)
André Devambez, Les Incompris (vers 1904 ; huile sur toile, 91,7 x 111,5 cm ; Quimper, Musée des Beaux-Arts)
Eugène Grasset, La vitrioleuse (1894 ; reproduction photomécanique et aquarelle sur papier, 588 x 415 mm ; Amsterdam, Van Gogh Museum)
Eugène Grasset, La vitrioleuse (1894 ; reproduction photomécanique et aquarelle sur papier, 588 x 415 mm ; Amsterdam, Van Gogh Museum)
Paul Bilhaud, Combat de nègres pendant la nuit (1882 ; huile sur toile, 41,8 x 47,5 cm ; Paris, Collection privée)
Paul Bilhaud, Combat de nègres pendant la nuit (1882 ; huile sur toile, 41,8 x 47,5 cm ; Paris, Collection privée)
Alphonse Allais, Des souteneurs encore dans la force de l'âge et le ventre dans l'herbe (rideau de fiacre, 69,5 x 48 cm ; Paris, Collection privée)
Alphonse Allais, Des souteneurs encore dans la force de l’âge et le ventre dans l’herbe (rideau de fiacre, 69,5 x 48 cm ; Paris, Collection privée)
Gieffe, La tortue et les deux canards (huile sur carton, 42 x 67,5 cm ; collection privée)
Gieffe, La tortue et les deux canards (huile sur carton, 42 x 67,5 cm ; Collection privée)
Félicien Rops, Les deux amies (1880-1890 ; gouache, pastel sec, mine de plomb et fusain sur papier de soie, 315 x 220 mm ; Namur, Musée Félicien Rops)
Félicien Rops, Les deux amies (1880-1890 ; gouache, pastel sec, mine de plomb et fusain sur papier de soie, 315 x 220 mm ; Namur, Musée Félicien Rops)
Henri de Toulouse-Lautrec, Étude de nu, femme assise sur un divan (1882 ; huile sur toile, 53,5 x 44,5 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Étude de nu, femme assise sur un divan (1882 ; huile sur toile, 53,5 x 44,5 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Étude de nu, femme renversée sur un divan (1882 ; huile sur carton, 15,5 x 22,7 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Étude de nu, femme renversée sur un divan (1882 ; huile sur carton, 15,5 x 22,7 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Mademoiselle Lucie Bellanger (1896 ; huile sur carton, 79,1 x 58,2 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Mademoiselle Lucie Bellanger (1896 ; huile sur carton, 79,1 x 58,2 cm ; Albi, Musée Toulouse-Lautrec)
Henri de Toulouse-Lautrec, Femme se frôlant (vers 1890 ; huile sur carton, 56 x 39 cm ; Toulouse, Musée des Augustins)
Henri de Toulouse-Lautrec, Femme se frisant (v. 1890 ; huile sur carton, 56 x 39 cm ; Toulouse, Musée des Augustins)
Henri de Toulouse-Lautrec, Divan japonais (1893 ; lithographie ; Suisse, collection Michel & Sonja Langenstein) Photo : David Bordes
Henri de Toulouse-Lautrec, Divan japonais (1893 ; lithographie ; Suisse, collection Michel & Sonja Langenstein) Photo : David Bordes

On descend à l’étage inférieur pour les trois dernières salles de l’exposition : l’une d’entre elles est entièrement consacrée au cabaret du Chat Noir, peut-être le plus audacieux des cafés de la fin du XIXe siècle à Paris. Peintures, dessins, revues (le Chat Noir en possédait une), poèmes, et même des panneaux rappelant l’extraordinaire saison du cabaret anticonformiste fondé par Rodolphe Salis, premier café à introduire un piano, lieu de rencontre entre artistes, écrivains et poètes, et premier à être un lieu de rencontre avec le public.Lieu de rencontre d’artistes, d’écrivains et de poètes qui se réunissaient pour discuter, discuter, chanter, réciter des vers, improviser des récitations, un joyeux point de rencontre mais aussi un “atelier du Décadentisme et du Symbolisme”, comme le restitue bien Jumeau-Lafond : l’exposition est en mesure d’offrir une reconstitution vivante et précieuse de ce que devait être le Chat Noir. La conclusion de l’exposition est confiée aux deux salles plus conventionnelles, celles consacrées aux affiches et au graphisme de Toulouse-Lautrec, pour s’achever sur la partie la plus connue et la plus novatrice de sa production.

Dans un de ses articles de 1899, Julius Meier-Gräfe écrivait qu’avec Toulouse-Lautrec, le “grand art”, celui des Monet, des Renoir, des Pissarro, des Degas, était “en route vers la tombe” : il était certes trop tôt pour célébrer les funérailles de l’impressionnisme, qui aurait encore quelque chose à dire au début du XXe siècle, mais on peut néanmoins affirmer que, dès ces sommets, le critique allemand avait pressenti la portée de l’art de Toulouse-Lautrec. Un art qu’aujourd’hui, à Rovigo, nous relisons dans le cadre d’un contexte plus large, dépouillé des mythographies qui l’ont accompagné dans la plupart des expositions qui lui ont été consacrées, en raison également de la facilité avec laquelle il est possible d’y accéder. (l’avantage de la lithographie, et en général de la reproduction imprimée, réside dans le fait que les idées circulent davantage, et l’inconvénient, aujourd’hui, est que l’image reproduite se prête à des expositions toutes faites et prêtes à l’emploi qui n’ont pas grand-chose à offrir au public en dehors du grand nom de l’artiste).

“Enfin”, pourrait-on dire à la fin de l’exposition de Rovigo : une exposition où le contexte dans lequel l’artiste a travaillé est reconstitué avec une précision lenticulaire et avec des nouveautés surprenantes (la salle des incohérents vaut à elle seule le voyage en Vénétie), une exposition qui ne se perd pas en anecdotes sur l’artiste ou en biographisme, une exposition qui fait ressortir clairement l’esprit de l’artiste. Un esprit qui ne correspond guère à celui de ce prétendu célébrateur de la Belle Époque que Toulouse-Lautrec n’a jamais été, encore moins une sorte d’activiste révélateur des conditions sociales des catégories qui peuplent ses œuvres, à commencer par les prostituées, qui en deviennent le sujet privilégié non pas sur la base d’une volonté de dénonciation mais, plus encore, d’une volonté d’ouverture sur l’extérieur.volonté de dénonciation mais, plus simplement, d’une part parce qu’elles étaient un sujet fréquent dans l’art de l’époque, d’autre part parce qu’elles lui étaient familières. Un esprit certes plus inquiet et décadent que celui chanté par la vulgate. L’exposition en donne une lecture plus complète, certainement plus proche de ce que devait être le véritable tempérament d’Henri de Toulouse-Lautrec. Un Toulouse-Lautrec que nous préférons. Perdu et retrouvé.


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