Il est difficile de prêter attention au socle lorsqu’on admire l’Apollon et Daphné du Bernin, pris dans cette merveille de marbre, la course d’Apollon, les doigts de Daphné devenant branches et feuilles de laurier, les jambes de Daphné devenant tronc, la légèreté de la nymphe, la sensibilité du Bernin à la matière. Le socle est l’élément que l’on considère le moins, souvent on ne prend même pas la peine de le photographier : C’est pourtant là que se trouve le sens de toute la sculpture, la raison pour laquelle un groupe à sujet païen était exposé dans la villa d’un cardinal au début du XVIIe siècle, et c’est en observant le socle que l’on se rend compte de l’importance de la sculpture dans la vie de tous les jours. c’est en observant le socle que l’on se rend compte à quel point le lien entre art et poésie était étroit à l’époque où triomphait le langage que, plus de cent ans plus tard, d’aucuns qualifieraient de “baroque”. Sur la base de l’Apollon et Daphné , on voit un masque bizarre portant un cartouche sur lequel est gravé un couplet moralisateur composé par Maffeo Barberini peu avant qu’il ne monte sur le trône papal sous le nom d’Urbain VIII : “Quisquis amans sequitur fugitivae gaudia formae / fronde manus implet baccas seu carpit amaras”, ou “Celui qui aime et poursuit les joies de la beauté éphémère, remplit sa main de frondes et cueille des baies amères”. Barberini écrivit ses vers en 1620, cinq ans avant l’achèvement du groupe borgésien, mais cette circonstance n’empêcha pas le Bernin de sculpter ces quatorze mots en latin comme commentaire de l’œuvre, si les vers du premier livre des Métamorphoses d’Ovide attachés à l’autre côté ne suffisaient pas, des vers qui renvoient le spectateur à la source littéraire du moment capturé par le ciseau du jeune sculpteur. Une synthèse d’art et de poésie, des œuvres d’art comme des paroles, des peintures et des sculptures qui se révèlent au spectateur avec une immédiateté égale à celle du vers rimé, des compositions qui cherchent à susciter les mêmes sensations que la vue d’un tableau ou d’un groupe de marbre peut dégager : L’esthétique du XVIIe siècle n’ignore pas ce phénomène, l’échange continu entre l’image et l’écrit qui réinterprète le “ut pictura poësis” d’Horace dans un sens fluide, libre et réciproque.
Les portes de la Galleria Borghese, le lieu où cette synthèse est la plus clairement appréhendée dans le monde, s’ouvrent donc à une exposition, Poésie et peinture au XVIIe siècle, organisée par Emilio Russo, Patrizia Tosini et Andrea Zezza, qui cherche à explorer cet échange, qui étudie l’héritage sophistiqué de l’un des fondements de l’esthétique baroque, qui retrace toute l’histoire biographique et littéraire de l’époque baroque.Il s’agit d’un ouvrage de synthèse qui cherche à explorer cet échange, qui étudie l’héritage sophistiqué d’un des fondements de l’esthétique baroque, qui retrace toute l’histoire biographique et littéraire de Giovan Battista Marino afin de partager avec un large public certains des résultats les plus admirables de cette synthèse et de coudre autour de la figure de Marino ce rôle de théoricien de facto qui étend inévitablement bien au-delà de ses vers l’importance que sa plume a eue pour la culture du XVIIe siècle. Dans son livre The Aesthetics of the Baroque, Jon Snyder, fin connaisseur de l’entrelacement de l’art et de la littérature au début du XVIIe siècle, a écrit que l’intérêt explicite de Marino pour la peinture a facilité “la diffusion de sa poétique et de son goût bien au-delà des limites de la culture littéraire”.Et ce, malgré les événements biographiques troubles du poète, présentés en détail dans l’exposition, malgré la censure ecclésiastique qui s’est abattue surAdonis, et malgré l’importante frange anti-mariniste qui a tenté de déprécier ses mérites pendant une bonne partie du siècle. Les détracteurs de Giovan Battista Marino lui reprochèrent en grande partie son anti-classicisme, parfois discrètement mais plus souvent avec une certaine véhémence, qui alla jusqu’à des épisodes violents : en 1609, à Turin, un poète rival, Gaspare Murtola, envisagea de l’abattre pour régler ses querelles avec Marino : la tentative échoua, Murtola fut arrêté et Marino en tira profit en termes de publicité, dit-on.... en a profité en termes de publicité. Marino lui-même était animé par la conviction qu’il écrivait contre toutes les règles, et que sa seule règle était d’“enfreindre les règles du temps et du lieu, en s’accommodant à la coutume et au goût du siècle”, comme il l’écrira dans une lettre au moment de la publication d’Adonis en 1624. Et il ne s’agit pas seulement d’enfreindre les règles littéraires, il ne s’agit pas seulement de la poésie séduisante, bizarre, extravagante, excessive, inépuisable de Marino, cette poésie qui visait le massacre délibéré de tout ce qui avait été la poésie classique : la bienséance, l’équilibre, l’harmonie, la proportion. Non : l’opération de Marino transcendait le domaine de la poésie et investissait celui des arts visuels.
Il est certain que l’intérêt pour la peinture et la sculpture a dû guider les idées du poète, et l’exposition, qui débute au Salone di Mariano Rossi, commence par offrir au public une suggestion, c’est-à-dire par établir une sorte de parallèle entre le maître de maison, Scipione Borghese, et Giovan Battista Marino lui-même, tous deux amateurs d’art cultivés, toutes deux personnalités influentes, tous deux bons collectionneurs, bien qu’ils n’aient pas entretenu de bonnes relations, au contraire : Le cardinal n’aimait pas les licences que Marino, considéré comme un poète obscène et lascif, prenait avec ses compositions, et il ne manqua pas de faire sentir son poids lorsque, en 1623, le poète dut subir un procès humiliant qui le conduisit devant l’Inquisition et se termina par une abjuration publique (le pontife de l’époque était Urbain VIII). Dans le portrait de Frans Pourbous, le jeune homme qui rend avec acuité et précision l’image de Giovan Battista Marino (et portrait qui dans l’exposition, finesse des ajusteurs sur laquelle Ilaria Baratta attire l’attention de l’écrivain, est exposé à côté du Meleager du Ier siècle après J.-C. que l’on trouve habituellement dans le Salon de Mariano Rossi), est un des plus grands poètes du monde : à l’époque de Marino, la sculpture était identifiée comme un Adonis), un excellent prêt de Détroit et une œuvre de 1619-1620, nous voyons comment Marino a dû se percevoir à cette époque, au sommet de sa carrière, au moment de la composition de la Galeria (1619), à savoir avec le livre à la main, exhibé comme la croix de l’Ordre des Saints Maurice et Lazare que Charles Emmanuel Ier de Savoie lui avait accordée dix ans plus tôt : un air hautain, presque méprisant, qui se reflète dans la pose détendue, le coude appuyé sur le dossier de la chaise, les vêtements sobres mais fins, les symboles de son succès fièrement exposés (la chaîne avec la croix du mérite tirée de la main droite était une licence que seul un poète excessif comme Marino pouvait s’autoriser). Un an avant que Pourbus ne réalise ce portrait, Marino, dans la Dicerie sacrée, ne se contente pas de souligner le rôle de la peinture et de la sculpture (“elles réjouissent l’œil par la beauté, aiguisent l’esprit par l’artifice, recréent le souvenir par l’art de la peinture”).historia delle cose passati, et incitano il desiderio alla virtù con l’esempio delle presenti“), il a établi une sorte de canon d’artistes qui, selon lui, représentaient le summum dans leurs ”spécialités“ respectives, pourrions-nous dire : Parmigianino pour la ”grâce“, Correggio pour la ”tendresse“, Titien pour les têtes, Bassano pour les animaux, Pordenone pour la ”fierté“, Andrea del Sarto pour la ”douceur“, Giorgione pour les ombres, Francesco Salviati pour les drapés, Véronèse pour ”l’imprécision“, Tintoret pour la ”douceur“.l’imprécision”, le Tintoret la “beauté”, Dürer la “diligence”, Cambiaso le “sens pratique”, Polidoro da Caravaggio les “batailles”, Michelangelo le “raccourcissement” et “Rafaello plusieurs de ces caractéristiques” : beaucoup d’entre eux sont dûment représentés dans cette première section de l’exposition. Pour Marino, la peinture et la poésie partagent le même plan conceptuel : Il s’agit d’arts étroitement liés, comme Vasari l’avait déjà établi plusieurs décennies auparavant (“la peinture et la poésie utilisent les mêmes termes comme des sœurs”) et comme Francesco Furini le reconnaîtra également en peignant en 1626, c’est-à-dire un an après la mort de Marino, un tableau dans lequel les personnifications des deux arts s’enlacent et s’embrassent, sanctionnant une union esthétique et théorique avec ce qui peut être considéré comme un manifeste de la culture du dix-septième siècle.
L’alliance entre les deux arts est immédiatement perceptible dans la longue théorie d’œuvres que l’exposition rassemble dans les salles du rez-de-chaussée de la Galleria Borghese pour composer une sorte de collection idéale inspirée de la Galeria de Marino, une entreprise composée de 624 textes (principalement des madrigaux et des sonnets), initialement imaginée pour être publiée avec de nombreuses illustrations, célébrant les œuvres que Marino avait vues dans les recueils qu’il fréquentait. La sélection opérée par l’exposition, même si elle s’écarte légèrement du contexte (par exemple, la Diane et Actéon du Cavalier d’Arpino ne se trouve pas dans la Galeria, où le seul tableau sur le sujet est celui de Bartolomeo Schedoni), et même si elle est forte, a permis de mettre en évidence l’importance de l’histoire de l’art dans l’histoire de l’art. d’une attaque contre le Caravage, qui entretenait des relations avec Marino au point d’être loué par le poète, propose un résumé de la Galeria de Marino, à partir de la Madeleine pénitente de Titien prêtée par le Musée national de Capodimonte (“le Signor était un adepte de Marino”), et de l’œuvre du Caravage.était la suivante et la chère servante du Signor, / et combien du monde errant et fou avant / tout de l’amant bien-aimé de Christo après") au Samson et Dalila de Giovanni Battista Paggi (“Paggi, ton Samson, si bien peint [...] / un miroir peut être vrai, même s’il est faux, / de l’homme, qui a flatté et enjôlé l’homme, qui a flatté et enjôlé l’homme, qui a flatté et enjôlé l’homme, qui a flatté et enjôlé l’homme, qui a flatté et enjôlé l’homme”).de l’homme qui, flatté et ravi / par la chair capricieuse, est ensuite raillé / de telle sorte qu’il reste éteint"), de Saint Pierre en marbre de Nicolas Cordier (“Je suis Pierre, je suis Pierre / en qui le grand Architecte / de sa construction céleste et sainte / a fondé la plante sublime. E se ben fragil vetro parvi agli ass assalti, io sono Pietra in effetto, / poi che novo Mosè mi trae da’ lumi / duo vivi fiumi”) au Léandre de Rubens (“Où emmenez-vous / les nymphes ?Où emportez-vous / Nymphes de la mer, dans une pitié impitoyable, le cercueil funèbre / que le feu amoureux et la lumière vitale / parmi l’écume turbide ont éteint ensemble / de votre élément cruel et barbare ?”).
Ce qui ressort très clairement des compositions de Marino, c’est que la poésie n’est pas pour lui une sorte d’accompagnement de l’image, et encore moins une fonction descriptive, pourrait-on dire : Marino tient à enflammer avec des vers les émotions, les sensations que le sujet éprouve en présence d’une œuvre d’art. De même que la vue d’un tableau ou d’une sculpture suscite une réaction immédiate chez l’observateur, de même la peinture doit-elle susciter une réaction immédiate chez l’observateur. "Bien que toujours de manière différente, écrit Carlo Caruso dans son essai publié dans le catalogue de l’exposition, les compositions de la Galeria évoquent l’excitation suscitée par la rencontre avec l’œuvre d’art [...]. Surprise, incertitude, questions passionnées, parfois confusion (ou même plaisir mêlé d’inconfort), illusions et désenchantements, perplexité, admiration, aphasie sont parmi les réactions les plus fréquemment ’enregistrées’". Le fait que Marino ait été mû par une intention théorique, non déclarée et peut-être pas pleinement ressentie, mais néanmoins vivante et palpitante, est également mis en évidence par la subdivision de la Galeria, qui a en fait établi le canon moderne des genres de peinture : les “fables” (c’est-à-dire les peintures avec des histoires aux sujets profanes ou mythologiques), les “histories” (histoires aux sujets sacrés), les portraits (de princes, de capitaines et de héros, de tyrans, de corsaires et de “scelerati”, de pontifes et de cardinaux, de “nécromanciens et d’hérétiques”, d’orateurs et de prédicateurs, de philosophes et d’hommes d’affaires), les portraits d’hommes d’affaires et d’hommes d’affaires.orateurs et prédicateurs, philosophes et humanistes, historiens, juristes et médecins, mathématiciens et astrologues, poètes grecs, poètes latins, poètes vernaculaires, peintres et sculpteurs, seigneurs et hommes de lettres, portraits burlesques, femmes “belles, chastes et magnanimes”, femmes “belles, impudiques et choisies”, femmes “guerrières et vertueuses”) et des “caprices”, c’est-à-dire des sujets de fantaisie.
Il est bien connu des connaisseurs des arts des XVIe et XVIIe siècles qu’à partir de Vasari, l’art ne souffre plus d’aucun complexe d’infériorité par rapport à la littérature : c’est avec Giorgio Vasari que s’établit l’équivalence moderne entre les arts visuels et la poésie, équivalence que personne, à l’aube du XVIIe siècle, n’aurait songé à remettre en cause. Au contraire, une conviction plus ou moins consciente de l’écart entre la poésie et les arts visuels s’est répandue. Le prestige acquis par la peinture grâce à nos maîtres de la Renaissance“, écrit Mario Praz en 1970, dans un passage cité par Andrea Zezza, ”a assuré [à la peinture] la victoire dans la comparaison avec sa sœur la poésie, victoire dont témoignent éloquemment les efforts des poètes pour rivaliser avec les pinceaux dans leurs descriptions sensuelles". Et il ne s’agit pas seulement d’une compétition : les images deviennent des sources d’inspiration pour la poésie. La culture des maîtres de la Renaissance prouve qu’il est possible de ne plus considérer le savant comme le seul dépositaire du projet théorique de l’œuvre d’art, le seul gardien des sources de l’image peinte ou sculptée. Le poète ne se contente pas de rivaliser avec la peinture ou la sculpture : le poète, tout en continuant à porter le costume du théoricien, se met à écrire en s’inspirant des œuvres d’art. C’est l’une des réalisations les plus novatrices de la révolution marinienne. Sans cette hypothèse, il ne serait pas possible d’expliquer non seulement certaines compositions de Marino qui suivent des œuvres d’art (par exemple le madrigal Che fai, Guido, che fai ?, initialement dédié au Strage degli Innocenti de Giovanni Battista Paggi, malheureusement mis en pièces au XXe siècle et dont on peut voir un fragment dans l’exposition, mais ensuite modifié en faveur du tableau homologue de Guido Reni, simplement en modifiant le vocatif), mais probablement pas même un chef-d’œuvre tel que l’Adonis, qui a également été lu dans l’exposition.Adonis qui a aussi été lu en vertu de son rapport avec des images que Marino a pu voir, comme les Allégories des cinq sens de Bruegel, qui ont pu suggérer à Marino les trois cantos de l’Adonis consacrés à la célébration et à l’exaltation, précisément, des cinq sens. L’Adonis, écrit Emilio Russo, est en effet “une œuvre construite presque comme un recueil, le chef-d’œuvre symbolique du baroque en poésie ; une œuvre mêlée de matière figurative, suivant la grande passion de Marino pour l’art : ce n’est pas un hasard si, dans les années où il a écrit le poème, Marino a envoyé de nombreuses demandes à divers artistes contemporains pour des peintures et des dessins centrés précisément sur ce mythe”.
Bien entendu, les peintres n’ont pas manqué et se sont laissés séduire par les vers de Marino : La preuve en est la Vénus à Adonis mourant d’Alessandro Turchi, qui était un ami du poète et qui a peint une œuvre redevable à ses vers, puisque la plainte de Vénus sur le cadavre d’Adonis est un thème de l’invention de Marino, qui n’apparaît pas dans la mythologie classique mais qui a inspiré à Marino certains des vers les plus émouvants de son très long poème : Le tableau de Turchi est l’un des points culminants de la section consacrée àAdonis, ainsi que l’un des tableaux qui adhèrent le plus étroitement aux vers de Marino. Une adhésion formelle et substantielle viendra ensuite, quelques années plus tard, de l’un des plus grands peintres du XVIIe siècle, Nicolas Poussin, que l’on peut considérer comme une sorte de création du Cavalier Marino, puisque c’est son amitié étroite avec lui qui a déterminé “la coloration poétique de son œuvre”, écrit Mickaël Szanto : Marino découvre son talent dans le Paris de Louis XIII, le convainc de le suivre à Rome (Poussin vient d’avoir trente ans lorsqu’il arrive dans l’Urbe en 1625) et l’initie à la connaissance de la culture antique et moderne, déterminante dans la poétique de Poussin. Si Morte di Chione témoigne de l’intérêt commun pour la littérature classique, Lamento sul corpo di Adone morente est l’œuvre “qui peut-être mieux que toute autre”, dit Andrea Zezza, "adhère à la stratification complexe de significations, de sentiments et de tons des vers mariniens dédiés à la mort du héros, où l’événement tragique est le résultat de la mort du corps du héros.Les vers mariniens consacrés à la mort du héros, où l’événement tragique est décrit dans des tons lyriques et sensuels, mais aussi avec une multitude d’allusions à des thèmes plus profonds et plus cachés, comme l’anémone qui naît du baume versé par Vénus en tant qu’emblème de la renaissance". Les allusions christologiques ne manquent pas non plus, ce qui avait été l’une des raisons des problèmes de Marino avec l’Inquisition, et le schéma fonctionne également en sens inverse : la Lamentation sur le Christ mort de l’Alte Pinakothek de Munich est remplie d’éléments païens, depuis le décor jusqu’aux deux putti pleurant la mort de Jésus (les mêmes putti qui, dans l’Adonis de Marino, pleurent le chasseur mythologique).
Pour Marino, la poésie et la peinture sont bien plus que les “sœurs” de Vasari. Elles étaient de “chères jumelles” nées d’une seule et même naissance, semblables en tous points, à tel point que la poésie pouvait être appelée “peinture parlante” et la peinture “poésie silencieuse”, l’éloquence muette de la poésie, l’éloquence silencieuse de la peinture.L’éloquence muette de la poésie, le silence éloquent de la peinture, tendent tous deux à la même fin, “c’est-à-dire à nourrir délicieusement l’âme humaine et à la consoler avec un suprême plaisir”, et leur seule différence réside dans les moyens : l’un imite avec des couleurs, l’autre avec des mots. Ce que Giovan Battista Marino écrit dans la deuxième partie de la Dicerie sacre est plus qu’une sorte d’écriture programmatique, plus qu’un manifeste idéal : c’est la substance même de sa poésie, une substance qui imprègne l’esthétique baroque, une substance qui façonne la culture d’un siècle, une substance qui recouvre chaque recoin de la Galleria Borghese, lieu plus que tout autre apte à accueillir une exposition cultivée, élégante et complexe telle que Poésie et peinture au XVIIe siècle.
On a souvent dit dans ces pages qu’il était difficile d’organiser des expositions à la Galleria Borghese, étant donné la conformation du musée, qui se prête mal à des opérations qui ne sont pas de petite envergure et qui sont peu compatibles avec le lieu. Il ne s’agit pas seulement d’opérations douteuses comme celles qui, dans le passé, ont amené dans ces salles des œuvres d’artistes du XXe siècle ou contemporains, avec des expositions qui se heurtaient au contexte et s’accrochaient à des justifications bancales : il s’agit aussi d’expositions plus centrées sur la Galerie Borghèse, mais avec des mises en place lourdes et percutantes (l’exemple le plus connu est peut-être l’exposition Guido Reni de l’année dernière, qui n’a pas vraiment marqué les esprits). Cette année, malgré quelques accrocs (le montage de la première section, dans le Salone di Mariano Rossi, peut-être le plus difficile de toute la Galerie, ne restera pas dans les annales), le public se voit proposer une exposition plus délicate que par le passé, une exposition composée en grande partie d’œuvres de la collection permanente, mais avec une approche plus délicate que par le passé.Des œuvres qui font partie de la collection permanente, et où le dialogue entre les œuvres de la collection et celles qui sont prêtées est censé évoquer, à travers une collection réelle, celle du cardinal Borghèse, une collection aussi imaginaire que réelle, celle que Marino a décrite dans sa Galeria. Une idée singulière, celle d’unir deux ennemis, deux personnalités opposées, deux personnalités à leur manière extrêmes, sous le signe de l’art : c’est l’un des sous-textes de l’exposition, comme pour dire que c’est autour des arts visuels que tourne alors tout le débat culturel. Et pourtant, il ne fait aucun doute qu’à terme, c’est Marino qui serait sorti vainqueur de l’affrontement : malgré l’acharnement de l’Inquisition, la poésie de Marino aurait labouré un terrain très fertile, destiné à produire des fruits très prisés, à commencer par ce même Poussin qui n’aurait peut-être pas été le même peintre sans avoir connu Giovan Battista Marino. Tout un siècle aurait été différent si Giovan Battista Marino n’avait pas existé.
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