Un jeune homme aux boucles noires tombant sur le front et à la bouche mi-close est assis pensivement dans l’ombre, le regard perdu tourné vers la gauche du tableau. Il porte une armure en écailles d’un bleu profond et est enveloppé dans une riche tunique cramoisie. Son bras droit, avec lequel il tient sa tête, repose sur une peau de lion sur laquelle est également posée une mâchoire d’âne. L’unique protagoniste du tableau est Samson, le héros biblique, auteur du massacre de centaines de Philistins, perpétré à l’aide de la seule mâchoire de l’âne et de sa force illimitée. Avant le massacre et une série d’événements qui allaient conduire à sa mort prématurée, Samson avait tué à mains nues un lion, dans la gueule duquel des abeilles allaient plus tard former leur propre ruche et produire du miel. Les abeilles, bien qu’à peine visibles, sont également représentées dans le tableau, en bas à gauche, et, en plus de faire allusion aux autres exploits du héros, elles jouent un rôle d’encomiastique exquis. Trois abeilles sont en effet présentes dans les armoiries des Barberini, la famille d’origine toscane qui, à Rome au XVIIe siècle, grâce à la longue papauté d’Urbain VIII, rivalisera avec d’autres puissances européennes en termes de pouvoir temporel. Deux autres abeilles, visibles même à l’œil nu sur l’épaule gauche du héros, entourent son armure, rendant encore plus évident le lien de l’œuvre avec son commanditaire. L’auteur, “Valentino le peintre”, certainement guidé par des lettrés, a ainsi donné une interprétation particulière à l’un des sujets bibliques les plus connus et les plus maltraités, en le transformant en une occasion de célébration pour Barberini. Mais commençons par le commencement.
Valentin de Boulogne, Samson (vers 1630 ; huile sur toile, 157 x 125 cm ; Cleveland, The Cleveland Museum of Art) |
L’exposition Valentin de Boulogne: Beyond Caravaggio, présentée au deuxième étage du Metropolitan Museum of Art de New York, est la première à se concentrer sur le peintre français Caravage. L’exposition examine l’ensemble de son œuvre: de ses débuts auprès de Cecco del Caravaggio et Bartolomeo Manfredi à ses chefs-d’œuvre pour la famille Barberini entre la fin des années 1620 et sa mort en 1632. Le MET expose les trois quarts de la soixantaine d’œuvres attribuées à l’artiste, dont les six toiles du Louvre, qui accueillera la même exposition de la fin février au mois d’août de l’année prochaine.
Conçue par Keith Christiansen, conservateur en chef du département des peintures européennes du MET, et Annick Lemoine, maître de conférences à l’université de Rennes, l’exposition témoigne d’une connaissance échelonnée de l’actualité biographique et artistique du peintre. En fait, le lien de l’exposition avec un “premier épisode” de l’exposition, à savoir l’exposition I bassifondi del Barocco, organisée par Francesca Cappelletti et Lemoine elle-même, qui s’est tenue à Rome à l’Académie de France, est évident. L’exposition new-yorkaise (et donc son étape parisienne) représente un approfondissement monographique de la précédente, calibré sur un peintre étranger qui fut parmi les premiers à assimiler et, en même temps, à transformer le caravagisme.
Valentin de Boulogne est né à Coulommiers près de Paris en 1591. On sait peu de choses sur ses débuts en France, où il a probablement appris les premiers rudiments de la peinture dans l’atelier de son père. En 1612, il est certainement à Rome, où, comme l’écrit Baldinucci, “il imite beaucoup le Caravage, auquel il ressemble beaucoup par le génie de représenter dans ses toiles des bruits, des jeux, des bohémiens et autres choses semblables”. C’est précisément ce type d’humanité qui revient dans les grandes toiles rectangulaires de Valentin: gitans lisant dans les paumes des clients promptement dévalisés, joueurs de cartes naïfs trompés grâce à la complicité de tricheurs dans leur dos ou, encore, petits groupes de concertistes réunis autour de tables de taverne ou de blocs de marbre taillés. Grâce à la consultation des Stati delle Anime, registres avec lesquels les paroisses romaines recensaient leurs fidèles plus ou moins pratiquants, il a été possible de retrouver les lieux où Valentin a vécu durant ses années romaines. En effet, entre la Via del Babuino et la Via Margutta, dans la zone située entre les églises de Santa Maria del Popolo et de Trinità dei Monti, se concentraient dans les premières décennies du XVIIe siècle de nombreux peintres étrangers, principalement français (et parmi eux Valentin), flamands et hollandais. Ces derniers donnent naissance à une nouvelle forme d’association joyeuse, loin de la “rigide” Accademia di San Luca, une institution qui garantit les droits des peintres en échange d’une cotisation. Les Bentvogels, les “oiseaux de la volée”, comme ils s’appelaient eux-mêmes, étaient pour la plupart de jeunes peintres qui s’adonnaient à la fête et à l’excès, leurs réunions étaient très officieuses et l’accès à leur guilde se faisait par le biais d’initiations spéciales, quelque part entre le paganisme et la vantardise pure et simple. Parmi eux, Gerrit van Honthorst, également connu sous le nom de Gherardo delle Notti, Dirck van Baburen et, bien sûr, notre Valentin qui, bien que français, est entré au Bent en 1624 sous le nom d’“Amador”, l’Amant. Deux ans plus tard, sa première rencontre avec l’Académie de Saint-Luc a lieu, lorsque, certainement par l’intermédiaire des peintres classiques Simon Vouet et Nicolas Poussin, il devient l’organisateur de la fête du saint patron des peintres. À partir de la même année, il commence à recevoir des commandes du cardinal Francesco Barberini et de la famille papale. C’est grâce à l’intérêt du prélat que Valentin réalise deux de ses chefs-d’œuvre: l’Allégorie de l’Italie, aujourd’hui conservée à l’Institut finlandais de Rome, et un retable grandiose pour Saint-Pierre avec le Martyre des saints Processo et Martiniano.
Valentin de Boulogne, Allégorie de l’Italie (1627-1628 ; huile sur toile, 345 x 333 cm ; Rome, Institutum Romanum Finlandiae, Villa Lante sur la colline du Janicule) |
Valentin de Boulogne, Martyre des saints Processo et Martiniano (1629 ; huile sur toile, 302 x 192 cm ; Rome, Cité du Vatican, Pinacothèque Vaticane) |
Le propos de l’exposition est strictement monographique: à l’exception de trois œuvres de Manfredi, Cecco del Caravaggio et Ribera présentées lors du vernissage, seules les œuvres du peintre de Coulommiers sont exposées. Leurs sujets sont principalement des scènes de taverne complexes et parfois désordonnées, avec des lectures de mains, des jeux de cartes et des concerts, mais aussi des sujets bibliques tels que le Jugement de Salomon (dans deux versions très similaires), l’Innocence de Suzanne et le Christ et la femme adultère. À côté de certaines d’entre elles, comme le David avec la tête de Goliath du musée Thyssen-Bornemisza de Madrid, se trouvent des épées provenant des riches collections du MET avec lesquelles les armes peintes peuvent être utilement comparées. De nombreuses peintures représentent un seul personnage à partir des genoux: Moïse, Samson et Judith avec la tête d’Holopherne, par exemple, mais aussi de véritables portraits de personnages gravitant autour des Barberini, y compris, peut-être, un autoportrait en joueur de luth. Parmi les martyrs, celui de saint Sébastien, peint dans ses jeunes années, montre la forte influence de Ribera, tandis que celui de saint Laurent, plus narratif et de format horizontal, est une tentative intéressante de donner plus de fluidité au naturalisme du Caravage. Comme prévu, ce sont les œuvres qui clôturent l’exposition, réalisées pour ou grâce à la famille Barberini, qui représentent l’apogée de la production de Valentini. Bien que l’éclairage ne permette pas de les apprécier au mieux, l’exposition est une occasion unique de voir ensemble l’Allégorie et le retable de Saint-Pierre, qui ont été réalisés l’un après l’autre. En 1963, Francis Haskell s’est montré particulièrement critique à l’égard de l’Allégorie, qu’il a décrite comme “une tentative maladroite d’utiliser sa manière caravagesque sur un thème essentiellement inapproprié” et qui n’avait certainement jamais été réalisée par un peintre caravagesque auparavant. Une fois encore, les abeilles de Barberini voltigent à l’intérieur du tableau, au-dessus du tronc à gauche, rendant le mécène et l’objet de l’adulation de l’artiste encore plus manifestes. Enfin, le martyre des deux saints-commilitones Processo et Martiniano représente le point culminant de la parabole valentinienne. Comme l’a reconnu Roberto Longhi en 1943, Valentin a réussi là où le Caravage avait échoué: après le refus de la Pala dei Palafrenieri en 1605, un retable caravagesque s’est imposé sur l’autel de l’église la plus importante de la chrétienté, sans craindre et même en sollicitant la comparaison avec le Martyre de saint Érasme du classique Poussin. La mort de Valentin en 1632 d’une fièvre causée par un bain nocturne dans une fontaine à Rome mit fin à la production de cet artiste “préromantique” qui pouvait encore dire beaucoup par ses peintures.
Valentin de Boulogne, David avec la tête de Goliath (vers 1620-1622 ; huile sur toile, 99 x 134 cm ; Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza) |
Valentin de Boulogne, Judith avec la tête d’Holopherne (vers 1625 ; huile sur toile, 97 x 74 cm ; Toulouse, Musée des Augustines) |
Valentin de Boulogne, L’Innocence de Suzanne (1625 ; huile sur toile, 175 x 211 cm ; Paris, Louvre) |
L’exposition n’est pas des plus faciles. L’inclusion de “Caravaggio” dans son titre montre clairement que ses commissaires ont voulu s’adresser au grand public et à ceux qui connaissent et apprécient déjà l’œuvre de Merisi. Une telle intention n’est certainement pas à condamner ; cependant, le lien déclaré dans le titre de l’exposition ne trouve pas dans l’exposition elle-même tous les échos que l’on pourrait attendre. En effet, le style de Valentin, fait d’études, de moulages et de réinterprétations de l’œuvre du Caravage, mais aussi modelé sur ses propres ambitions et né dans les mêmes milieux, est parfois déprécié, au point qu’il apparaît parfois comme une imitation superficielle et une banalisation de celui du maître lombard. Une référence au Reniement de saint Pierre du Caravage, à quelques salles de l’exposition, ou à la Vocation de saint Matthieu de la chapelle Contarelli, précurseur de toutes les scènes de taverne de Valentin, aurait certainement été bénéfique à l’exposition new-yorkaise, qui a plutôt voulu maintenir une orientation strictement monographique.
L’idée d’une exposition avec les œuvres d’un seul peintre, dont le catalogue correspondant est proposé comme un essai exhaustif de sa production, se heurte à la nécessité de comparaisons avec ce que les peintres de ses contemporains produisaient: dans le cas de Valentin, qu’ils soient caravagesques ou non. La longue suite de scènes de taverne, même si chacune diffère quelque peu de la précédente et de la suivante, lasse le visiteur moyen qui aurait peut-être préféré une plus grande variété dans les juxtapositions, même au prix d’une “rupture” d’unités thématiques clairement définies. Les bas-fonds du baroque, bien que présentant des œuvres de qualité inégale, mais profitant de la variété des peintres impliqués et de l’hétérogénéité des décors de l’Académie de France, lieu romain de l’exposition, réussit réellement à faire revivre la Rome des premières décennies du XVIIe siècle ; à l’inverse, Valentin de Boulogne: Au-delà du Caravage, bien que scientifiquement plus mûr, ne parvient pas à capter le spectateur de la même manière que son prédécesseur.
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