L’une des plus belles photographies de Pino Pascali a été prise par Andrea Taverna dans l’atelier romain de l’artiste en 1968 : elle le représente en chaman rural, vêtu de costumes de raphia et d’autres objets. Dans ses moments les plus forts, cependant, cette prise de vue avait pris la posture et l’élégance d’une photographie de mode, capturant le profil régulier, séduisant, voire trop maudit, de Pascali. Le rapport de don et de contre-don oscille toujours entre les intentions de l’artiste et le regard du photographe, auquel le premier a certainement attribué consciemment une position cruciale : il avait compris le rôle de la photo d’art pour donner une forme esthétique à des situations qui, autrement, auraient été perdues dans un documentaire, s’il n’avait pas tenté une réinvention avec le nouveau langage et en s’appuyant sur un regard photographique.
De plus, il ne s’agissait pas d’une relation fixe, mais d’un jeu de direction qui changeait de temps en temps en fonction de la collaboration et de l’œil du photographe et de son adaptation aux méthodes de la néo-avant-garde. En 1965, par exemple, Claudio Abate laisse beaucoup d’espace à Pascali, se plaçant dans l’attitude du spectateur qui documente ce qu’il voit en se tenant à l’écart, sans trop s’approcher du sujet, et s’accordant avec l’artiste pour laisser à découvert le dispositif de fiction mis en place dans l’atelier derrière les “armes”. Pascali participe à la mise en scène en se déguisant en soldat ou en chaman, l’atelier ou la galerie étant l’espace des actions scéniques, à dissimuler modérément, pour laisser visible la simulation : on voit bien, dans la série d’Abate, le tissu placé en toile de fond pour couvrir l’atelier de l’artiste, mais pas assez pour ne pas mettre en évidence à la place un sol très usé par les interventions de Pascali.
En arrière-plan, et c’est peut-être l’aspect le plus important, il subsiste une relation intense entre la physicalité débordante de l’artiste, qui s’exprime également dans les séquences vidéo : une approche libre et désinhibée de son propre corps face à la caméra ou à l’appareil photo, et de la matière manipulée face à la première. Il s’agit de gestes simples et d’actions élémentaires, comme labourer avec un râteau et semer symboliquement des brins de pain, qui rappellent des souvenirs ancestraux d’une manière apparemment naïve. Il est difficile de dire si, comme le soutiennent les commissaires de la grande exposition organisée par la Fondazione Prada à Milan, Pascali était vraiment un metteur en scène cynique de sa propre image, calculant la préparation d’un matériel photographique utile pour circuler dans les journaux ou dans ses propres catalogues : il est plus plausible que son approche soit à la fois ludique et narcissique, mais vraiment instinctive et empirique, confiant la restitution esthétique à l’œil du photographe. Pascali n’a d’ailleurs jamais pris l’appareil lui-même, ou lorsqu’il l’a fait, il l’a utilisé comme son propre matériel de travail, non destiné à la publication.
Son profil reste en effet inexpugnable, comme celui des expérimentateurs les plus inventifs : il y a des passages qui rappellent l’œuvre d’autres artistes, et le dialogue avec les tendances de son époque est évident ; mais ce qui pour d’autres artistes était l’idée maîtresse sur laquelle construire toute une carrière, était pour lui un passage qui s’achevait dans quelques séries d’œuvres pour ensuite passer à d’autres choses et explorer d’autres voies. On en a une perception de plus en plus claire au fur et à mesure que l’on avance dans l’exposition de la Fondazione Prada à Milan, qui confie à une section quelque peu didactique sur les matériaux le raisonnement sur le contexte de recherche dans lequel l’artiste s’est déplacé et a travaillé. Pendant les quelques années de sa carrière, brutalement interrompue à l’âge de trente-trois ans, Pascali a expérimenté un peu tout, avec une ouverture, une curiosité et une nonchalance qui l’ont rapproché mais ne l’ont pas aplati sur aucun de ses contemporains ou des artistes plus jeunes : l’attirail des artistes de l’Arte Povera est ici exposé dans son intégralité, tout comme celui des matériaux plastiques et artificiels chers aux tempéraments “pop”. Cependant, comme l’a rappelé Marco Tonelli dans son récent livre publié par Electa, il est resté irréductible à tout courant et a échappé à toute tentative de l’enfermer dans les tendances de son époque, même s’il a multiplié les tangentes avec le monde extérieur. Même les dessins du “cahier d’annotations”, republié par Tonelli pour l’éditeur De Luca dans Pascali dessine Pascali, montrent des harmonies éloquentes avec le design de l’époque, suivant une habitude de visualisation rapide et immédiate des idées figuratives pratiquée avec constance par Lucio Fontana, par exemple : tous deux, dès que l’occasion se présentait, ne dédaignaient pas la rapidité du biros pour fixer encore plus rapidement leurs idées sur le papier, sans les rituels et les exercices de patience qu’exigent la plume et l’encre.
Ainsi, au premier coup d’œil sur l’exposition Prada, il y a un peu de tout et elle ne se laisse enfermer dans aucun schéma, sauf à comprendre certaines étiquettes comme des systèmes catégoriels. Il y a des dettes, comme à De Chirico, mais on n’expliquerait peut-être pas le choix des fourrures synthétiques bleues, d’une couleur si peu naturelle, sans la circulation en Italie des monochromes d’Yves Klein. Avec lui comme avec d’autres, Pascali garde cependant une attitude désinvolte et désinhibée, sans aucune obséquiosité, même avec Brancusi, à qui il doit beaucoup.
Ce trait ressort également de la reproposition à la Fondazione Prada, bien que partielle et décimée dans le nombre d’œuvres (plus une reconstitution abstraite qu’une véritable reconstitution) des expositions personnelles de l’artiste, qui en disent long sur une saison de transformations frénétiques. Celle de la Tartaruga en janvier 1965, par exemple, incite à réfléchir sur la sortie de l’Art informel en dialogue étroit avec la Scuola di Piazza del Popolo (on ne pourrait expliquer autrement son Colosseo en tempera sur tissu monté sur un cadre façonné) et inévitablement avec De Chirico (c’est à lui que l’on doit la primogéniture des petits nuages esquissés à l’éponge dans Ruderi su prato). Mais tout cela passe par l’école de Toti Scialoja et son idée d’une peinture faite d’empreintes, entre nature et artifice, comme Tonelli l’a souligné à plusieurs reprises. Chez eux, il y a déjà l’idée d’une exposition comme création d’un environnement, dans lequel, cependant, le jeu des illusions est découvert : il suffit de regarder le carré de gazon synthétique qui occupe deux modules d’un sol/socle fait de toiles blanches posées sur le sol. C’est la scénographie qui pousse vers les toiles façonnées, dans les extraversions aux allusions érotiques et matérielles, des lèvres charnues aux ventres de femmes enceintes.
Les “armes” exposées à la place par Sperone en janvier 1966 poussent un peu plus loin le jeu du faux-semblant : à la croisée des chemins entre une voie conceptuelle, aux prémisses métaphysiques, et une voie d’assemblage ironique, il choisit la seconde option. Le déguisement est explicite, car les pièces mécaniques et les outils utilisés ici sont plus qu’évidents, mais pas immédiatement reconnaissables, car Pascali a tout peint pour dissimuler, ou simuler l’unité d’un complexe. Il n’aime pas la rouille, et la dette envers Dada est donc moins explicite que les échos duchampiens de Colla : ce dernier visait en effet le totem, tandis que Pascali s’est orienté vers la fabrication d’un objet réel et plausible.
On se demande alors si une exposition d’“animaux” comme celle de 1966 à l’Attico était possible sans vivre dans la capitale italienne du cinéma, où une imagerie rudimentaire de science-fiction aurait pu être plus tangible : comment expliquer autrement la profusion de tentacules oblongs, parfois phalliques, ou aux contours déchiquetés, et de fragments de dinosaures prêts à être assemblés comme un jeu de boîtes monumentales de pièces blanches opaques, comme la blancheur mythique des plâtres de l’atelier de Brancusi, mais avec les coutures des toiles bien visibles ? Cette impression est confirmée dans l’exposition suivante au Grenier, avec les lianes en laine d’acier et d’autres éléments d’un éventuel décor dans la jungle.
L’essentiel est que Pascali a réalisé une sculpture entièrement visuelle, conçue pour le regard, ductile à la capture photographique, mais dépourvue de vocation tactile : une structure graphique tridimensionnelle qui l’émancipe du monde visionnaire et holographique d’une certaine peinture surréaliste, mais toujours prête à une restitution bidimensionnelle - et non à une simple documentation - qui accentuerait les profils, toujours nets et clairement lisibles. En définitive, le rendu matériel compte moins, même s’il utilise de grandes copies de matériaux hétérogènes, mais avec la légèreté d’appareils éphémères faits pour durer le temps d’une représentation, avant d’atterrir en morceaux dispersés chez les collectionneurs.
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