Ludovica Carbotta: de bonnes idées, mais encore trop académiques. A quoi ressemble l'exposition du MAMbo à Bologne


Compte rendu de l'exposition "Ludovica Carbotta. Very Well, on My Own", organisée par Lorenzo Balbi avec l'aide de Sabrina Samorì (à Bologne, MAMbo, du 1er février au 5 mai 2024).

L’exposition Very Well, on my own de Ludovica Carbotta (née à Turin en 1982, vit à Barcelone) au MAMbo de Bologne aborde la relation entre l’artiste, sa biographie personnelle et la dimension de la “ville-société”. Le film Monowe, réalisé dans le cadre de l’appel à propositions du Conseil italien, représente une nouvelle étape du projet qui imagine un monde et une société habités par une seule personne. Cette idée nous permet de repenser les “conventions de coexistence” et donc de repenser la relation de l’individu avec le monde qui l’entoure.

Très belles sont les sculptures que j’appelle “grimpables” et qui sont faites de morceaux de ferraille et ressemblent à des voies d’escalade où l’artiste cherche un moyen de “monter” en travaillant dans les interstices du musée. Le spectateur est forcé de marcher le long de ces sculptures avec son regard, essayant de comprendre jusqu’où ces prises et ces marches peuvent le soutenir. La recherche par l’artiste de “son architecture”, d’un refuge, d’un nid plus authentique est évidente et passionnante ; des suggestions qui rappellent effectivement le projet Monowe et le monde habité par une seule personne. L’idée de la sculpture “caméra” qui, à travers la poussière de la ville, parvient à imprimer des images oniriques sur différentes tablettes blanches, est très belle. La sculpture, qui semble émerger de matériaux “bricolés”, donne une vision poétique de la poussière de la ville qui, poussée par le vent, imprime des images d’une autre dimension, mystérieuse.



D’autres solutions, comme la vidéo autour de la ville sans filmer sa propre ombre, ou de nombreuses sculptures “matérielles” réparties dans l’espace, apparaissent au contraire redondantes et trop redevables au parcours académique de l’artiste. En fait, nous voyons la même attitude sculpturale répétée encore et encore et où la perspective “scolaire” de l’artiste est encore évidente et une trop grande dette envers la tradition sculpturale informelle du 20ème siècle.

Montage de l'exposition
Plan de l’exposition Ludovica Carbotta. Très bien, tout seul. Photo : Carlo Favero
Montage de l'exposition
Plan de l’exposition Ludovica Carbotta. Très bien, tout seul. Photo : Car
lo Favero
Montage de l'exposition
Plans de l’exposition Ludovica Carbotta. Très bien, tout seul. Photo : Car
lo Favero
Montage de l'exposition
Plans de l’exposition Ludovica Carbotta. Très bien, tout seul. Photo : Car
lo Favero
Montage de l'exposition
Plans de l’exposition Ludovica Carbotta. Très bien, tout seul. Photo : Car
lo Favero
Montage de l'exposition
Plans de l’exposition Ludovica Carbotta. Très bien, tout seul. Photo : Car
lo Favero
Montage de l'exposition
Plans de l’exposition Ludovica Carbotta. Très bien, tout seul. Photo : Car
lo Favero

On a cependant l’impression qu’il y a eu une volonté de diluer l’attitude de l’artiste jusqu’à ce qu’elle puisse occuper convenablement les grands espaces du musée. Hormis les “sculptures évolutives” et le projet Monowe, les autres œuvres de l’exposition apparaissent presque comme des exercices préparatoires, didactiques et académiques dans lesquels la relation avec la dimension de la ville est développée de manière prévisible et comme un exercice de style. Il semble donc que l’artiste contemporain soit destiné à rester à la traîne d’une époque où tout le monde peut produire des idées, des contenus et des opinions. Il ne suffit donc pas de se limiter à offrir sa propre vision de la ville, mais d’exagérer son regard de manière moins banale et prévisible, comme c’est le cas dans le projet Monowe et les “sculptures évolutives”.

Ce sentiment d’“académisme excessif” était également très présent dans les interventions sculpturales que Ludovica Carbotta a présentées à l’occasion de sa participation à la Biennale de Venise 2019 : de nombreuses solutions sculpturales différentes qui semblaient être autant de tentatives typiques des expériences et des exercices que l’artiste réalise habituellement dans sa phase de formation. C’est comme si Ludovica Carbotta avait bénéficié d’opportunités d’exposition avant d’avoir développé une voie mature et définie, et qu’elle avait donc été contrainte de porter sur le piédestal une recherche en partie encore non mûre.

Il est significatif que les fonds de l’appel à propositions du Conseil italien, qui ont soutenu l’exposition et qui ont été créés pour soutenir la demande de l’artiste individuel, sont maintenant essentiellement gérés par les institutions qui peuvent choisir de soutenir un artiste spécifique d’une manière totalement arbitraire. Cela peut arriver parce qu’en Italie, en ce qui concerne l’art contemporain, il n’y a pas de système critique viable qui puisse définir des “échelles de valeur” et donc des voies véritablement ouvertes et méritocratiques. Ludovica Carbotta, dans le documentaire vidéo réalisé par Sky sur l’exposition, déplore les grandes difficultés auxquelles les artistes doivent faire face aujourd’hui pour vivre de leur travail artistique. Mais ces difficultés naissent précisément de l’absence d’un système critique capable de mettre en évidence les valeurs autour desquelles une communauté pourrait s’identifier. Seule une pensée critique développée de manière publique et équitable peut permettre la “reconnaissance” de l’artiste contemporain et l’aider ainsi à soutenir (également économiquement) sa carrière. En parcourant l’exposition de Ludovica Carbotta à Bologne, on a le sentiment que c’est précisément un système critique plus fort et plus vital qui aurait pu stimuler et aider l’artiste à exagérer et à mieux définir son attitude, en transformant l’expérimentation acerbe de l’académie en des projets plus diversifiés qui auraient défini sa vision et son attitude de manière plus forte.

Ludovica Carbotta, Monowe (2024 ; film, couleur, son, 45 minutes).   L'œuvre a été réalisée grâce au soutien de la Direction générale de la création contemporaine du ministère de la Culture dans le cadre du Conseil italien (11e édition, 2022), le programme de promotion internationale de l'art contemporain italien. Par concession du Castello di Rivoli Museo d'Arte Contemporanea, Rivoli.
Ludovica Carbotta, Monowe (2024 ; film, couleur, son, 45 minutes). L’œuvre a été réalisée grâce au soutien de la Direction générale de la création contemporaine du ministère de la Culture dans le cadre du Conseil italien (11e édition, 2022), le programme de promotion internationale de l’art contemporain italien.
Par
concession du Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli
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Ludovica Carbotta, Monowe
Ludovica Carbotta, Monowe
Ludovica Carbotta, Monowe Ludovica Carbotta
, Monowe
Ludovica Carbotta, The Original Is Unfaithful to the Translation (2015 ; série de sculptures, 2 audio - 5'30'' et 1'39'' -, une vidéo - 7'31'', dimensions variables ; The Place Collection, Rafa Macarron Collection).  Vue de l'exposition Goldsmiths MFA Fine Art 2015, Goldsmiths, University of London, Londres, 2015. Photographie de Ludovica Carbotta
Ludovica Carbotta, The Original Is Unfaithful to the Translation (2015 ; série de sculptures, 2 audio - 5’30’’ et 1’39’’ -, une vidéo - 7’31’’, dimensions variables ; The Place Collection, Rafa Macarron Collection). Vue de l’exposition Goldsmiths MFA Fine Art 2015, Goldsmiths, University of London, Londres, 2015. Photographie de Ludovica Car
botta
Ludovica Carbotta, One Thing After Another #1 (Paphos) (2022 ; bronze, 50 x 50 x 50 cm). Avec l'aimable autorisation de l'artiste
Ludovica Carbotta, One Thing After Another #1 (Paphos) (2022 ; bronze, 50 x 50 x 50 cm). Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Ludovica Carbotta, Plenum (2015, béton, 40 x 60 x 80 cm. et Audioguide, 6'46''). Avec l'aimable autorisation de l'artiste
Ludovica Carbotta, Plenum (2015, béton, 40 x 60 x 80 cm. et Audioguide, 6’46’’).
Avec l’autorisation de l’
artiste

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