Les nombreuses âmes de l'aéropeinture futuriste. L'exposition au Labirinto della Masone


Compte rendu de l'exposition "Dall'alto. Aeropittura futurista", organisée par Massimo Duranti (Fontanellato, Labirinto della Masone, du 9 avril au 18 septembre 2022).

L’exposition sur l’aéropeinture futuriste qui se tient jusqu’au 3 juillet au Labirinto della Masone de Fontanellato a des objectifs explicites et déclarés d’exhaustivité: Dall’alto. Aeropittura futurista (D’en haut. L’aéropeinture futuriste), l’exposition organisée par Massimo Duranti qui rassemble, parmi des peintures et des sculptures, une centaine de fruits de cette saison, se présente en effet comme un chapitre plutôt exhaustif de la longue succession d’expositions sur le futurisme, et en particulier sur l’aéropeinture, qui se sont succédé ces dernières années. Elle pourrait être définie comme une exposition récapitulative, et en même temps comme une photographie contre les préjugés qui ont toujours accompagné l’aéropeinture futuriste: par exemple, l’idée qu’il s’agit d’un futurisme de second ordre, alors qu’Enrico Crispolti lui-même, qui a inventé la définition de “second futurisme”, a précisé qu’il s’agissait d’un type de recherche différent de celui des premiers futuristes.

Une période fructueuse d’études sur le sujet a contribué à dissiper largement au moins les préjugés les plus tenaces, de sorte qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile de rencontrer des refus obstinés. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, en 2005, le critique d’art du Guardian Jonathan Jones pouvait écrire que les aéropeintres futuristes méritaient d’être enterrés et oubliés pour l’éternité, ou au moins exposés pour ce qu’ils sont: des documents de barbarie. Une exposition d’aéropeinture futuriste avait eu lieu cette année-là à l’Estorick Collection à Londres: Jones trouvait insupportable le lien entre ces artistes et le régime fasciste et leurs passions de guerre, et manifestement la seule conclusion possible pour lui était une critique d’un trait de plume, aboutissant au rejet pur et simple de l’aéropeinture. Que le lecteur se rassure: personne ne pardonne aux futuristes qui ont survécu à la phase dite héroïque du mouvement leur indéniable liaison avec le régime. Mais l’argument est beaucoup plus complexe: l’aéropeinture est une tendance qui se déploie sur vingt ans d’histoire du mouvement futuriste, qu’on ne peut pas faire coïncider exclusivement avec les images des bombardements de la Seconde Guerre mondiale (qui, au contraire, constituent la phase terminale, et aussi la plus obstinément idéologique, d’une expérience qui, en 1940, avait déjà dit presque tout ce qu’elle avait à dire), qui naît de présupposés étrangers à l’exaltation du fascisme, et qui comprend aussi des artistes qui ne s’intéressent pas au régime, s’ils ne deviennent pas alors ouvertement hostiles. Rappelons, par exemple, que lorsque Tullio Crali, Tato et Alfredo Ambrosi s’enthousiasmaient à l’idée de peindre des avions torpilleurs en action pendant les batailles de la Seconde Guerre mondiale, un autre aéropeintre, Uberto Bonetti, était capturé par les fascistes parce qu’il avait collaboré avec les groupes de partisans en action le long de la ligne gothique (et que, de plus, un bombardement détruirait son atelier). Ou que Fedele Azari, l’ancêtre des aéropeintres reconnus comme tels par ses collègues, se soit suicidé bien avant qu’une partie du mouvement ne s’enflamme pour les visions guerrières qui peuplent les œuvres des années 1940. Ou qu’il y eut des artistes qui changèrent radicalement d’idées. On pense à Olga Biglieri, la “Barbara aviatrice futuriste” qui, après la guerre, a embrassé le pacifisme sans hésitation. Ou encore Regina Cassolo qui, selon Vanni Scheiwiller, a refusé de participer à la Biennale de Venise de 1942 en polémique avec le régime.



Et à propos de Barbara et de Regina (les futuristes se signaient souvent soit par leur prénom, soit par un pseudonyme), le néophyte qui aborde pour la première fois une exposition d’aéropeinture futuriste pourrait être surpris de constater le nombre de femmes aéropilotes et aviatrices, surtout si l’on songe aux lectures déformées qui ont été faites du célèbre passage du Manifeste de 1909 dans lequel Marinetti proclame le “mépris de la femme”. Or, on peut peut-être tout dire du futurisme, sauf qu’il s’agissait d’un mouvement misogyne: on sait en effet que les cibles de la polémique de Marinetti étaient d’une part la femme romantique à la Fogazzaro, et d’autre part la femme fatale d’Annunz définie par le poète futuriste comme “snob, vaniteuse, vide, superficielle, culturelle, ennuyée, désabusée”, et que la femme fatale était “une femme qui n’a pas d’argent”, et que dans son Come si seducono le donne (Comment séduire les femmes ) de 1917, Marinetti aspire au droit de vote des femmes, à l’abolition de l’autorisation maritale, au divorce facile, à la dévalorisation de la virginité et à l’amour libre. Sa conception de la femme peut donc être discutée, mais il est incontestable qu’il a voulu exclure les femmes de son action artistique et politique. On sait d’ailleurs que les femmes ont été des éléments actifs du mouvement, et même l’un des manifestes les plus violents, Progetto futurista di reclutamento per la prossima guerra (Projet futuriste de recrutement pour la prochaine guerre), porte la signature d’une femme, Benedetta Cappa, l’épouse de Marinetti qui était également peintre et signataire du manifeste de l’aéropeinture de 1933. L’exposition du Labirinto della Masone a également le mérite d’accorder une place non moins centrale aux expériences d’artistes telles que Leandra Angelucci Cominazzini et Marisa Mori, en plus des Barbara, Regina et Benedetta déjà citées, qu’à celles des hommes.

Montage de l'exposition Vu d'en haut. Aéropeinture futuriste
Plans de l’exposition Dall’alto. Aéropeinture futuriste
Montage de l'exposition Vu d'en haut. Aéropeinture futuriste
Plans de l’exposition Dall’alto. Aéropeinturefuturiste
Montage de l'exposition Vu d'en haut. Aéropeinture futuriste
Installations de l’exposition Dall’alto. Aéropeinturefuturiste

L’exposition accueille le public avec le plus connu des chefs-d’œuvre de l’aéropeinture, Incedio città (Siège de la ville ) de l’artiste ombrien Gerardo Dottori, une œuvre de 1926 qui marque également le début chronologique de l’exposition: les flammes que l’incendie libère prennent la forme de petites pyramides éclairées d’un orange intense, engloutissant les toits rouges d’une ville sinistrée en pleine nuit, et faisant monter dans le ciel des nuages de fumée en forme de cercles légers, rendus comme s’il s’agissait de bulles sombres. La tradition veut que Dottori ait été le témoin direct d’un incendie qui s’est déclaré dans sa ville natale de Pérouse et que, fort de cet événement, il ait décidé de le traduire en une image forte, une vue d’en haut de la ville au cœur en feu (la disposition des flammes rappelle d’ailleurs la forme d’un cœur), où l’on peut peut-être lire une référence au topos futuriste du feu qui, en détruisant la vieillesse, purifie et libère. On peut dire que Dottori est le premier aéropeintre, bien que les affiches de 1931 et 1933 aient attribué le rôle de père du mouvement à Fedele Azari et à sa Prospettiva di volo de 1926, absente de l’exposition mais rappelée par un dessin préparatoire, Architettura futurista, de la même année. Avant cette date, Dottori s’était déjà engagé dans d’autres vues d’en haut, à commencer par ce Primavera umbra (Printemps ombrien ) qu’il avait exposé à la Biennale de Venise en 1924. L’idée de peindre des vues aériennes serpentait déjà parmi les artistes de l’époque: pour preuve, Duranti a apporté au Labirinto une grande toile, intitulée In volo, d’Anselmo Bucci, un peintre qui n’avait rien à voir avec le futurisme (au contraire: il était l’un des sept fondateurs du groupe Novecento, antithétique des futuristes), et qui s’est retrouvé “aéropeintre par hasard”, comme l’écrit le conservateur. Les origines de cette fascination pour l’air doivent cependant être recherchées plus tôt encore: Rappelons au moins le roman à succès de Gabriele d’Annunzio Forse che sì forse che no (Peut-être que oui, peut-être que non) de 1910, et avant cela les “chants ailés” des Aeroplani de Paolo Buzzi, poèmes futuristes loués par Marinetti lui-même qui, en 1910, vola pour la première fois avec le pilote péruvien-croate Juan Bielovucic, une expérience qui lui inspira le Manifeste technique de la littérature futuriste et le roman Le monoplan du pape de 1912.

On peut donc affirmer sans crainte d’être contredit que les futuristes ont commencé à s’éprendre du vol alors que Mussolini était encore un agitateur de province qui écrivait dans des journaux locaux importants. Dottori l’attribue au journaliste Mino Somenzi, auteur en 1928 d’un manifeste aeropittura e dell’aeroscultura négligé jusqu’en 2001, année où il fut redécouvert par Massimo Duranti, selon qui il représentait “l’intuition primordiale d’un futurisme qui s’élevait du sol pour regarder d’en haut”. C’est donc Somenzi qui en est le principal inspirateur, celui qui, écrit Duranti dans le catalogue de l’exposition, “a eu l’intuition de représenter le paysage d’en haut, à la vitesse, en inventant un monde à voir depuis l’avion en vol” et qui a transmis l’idée à Marinetti, si enthousiaste qu’il l’a développée dans son manifeste de 1931. “L’élément aviation”, lit-on dans le manifeste de Somenzi, “fait irruption avec insistance dans la vie et bouleverse matériellement et spirituellement tous les ordonnancements passés. Il crée implicitement de nouveaux principes, de nouvelles conceptions, de nouvelles sensibilités: il élargit tous les horizons de la logique et de l’imagination. L’art est le premier à en ressentir les effets. L’aéropeinture, l’aérosculpture, c’est en effet ressentir picturalement et sculpturalement d’un point de vue nouveau: hauteur + espace + mouvement”. Telle est, en substance, la triade de l’aeropittura selon les préceptes de Somenzi. La première salle présente en succession rapide les premiers et les plus intéressants produits de la réponse des artistes aux intuitions de Somenzi et aux formulations théoriques de Marinetti et des autres signataires du manifeste, parmi lesquels, pour rendre compte de la complexité du phénomène, il faut au moins mentionner Giacomo Balla, qui n’a jamais été aéropeintre et qui quittera peu après le mouvement, en controverse avec certains de ses collègues, jamais explicitement nommés, coupables selon lui d’y avoir adhéré par opportunisme et par carriérisme.

Les débuts de l’aéropeinture peuvent être divisés en deux grandes catégories, et l’intention de présenter au public cette classification anime la première salle de l’exposition: d’une part, il y a l’aéropeinture animée par une inspiration lyrique, parfois enflammée par des impulsions cosmiques, et qui voit dans le vol une nouvelle perspective, une occasion d’élévation, une nouvelle façon de dépasser les schémas du passé. De l’autre, l’aéropeinture au caractère plus nettement documentaire: peu de tension vers l’infini, voire aucune, et un désir de montrer avec le pinceau ce qu’est la réalité vue d’en haut. La peinture en vol est un fait tellement nouveau que l’aéropeinture de la première heure oublie presque les moyens utilisés pour obtenir cette vision originale du monde: dans les tableaux des premières années, on ne voit souvent pas d’avions, les peintres s’intéressent à offrir au spectateur des images inédites du paysage, des images déformées, synthétiques, inclusives, des images capables de transmettre des caractères de “grandiose dense, éparpillé et élégant”, comme on peut le lire dans le manifeste de 1931. Voici donc les résultats des nouveautés: à côté d’Incendio città de Dottori se trouve une tourbillonnante Acrobazia tra le nubi d’Alessandro Bruschetti de 1934, qui entraîne l’observateur dans un tourbillon de nuages, transmettant tout le vertige d’un vol au-dessus de la campagne du Trasimène, tandis que sur le mur opposé, la vitesse du vol permet à Benedetta de transfigurer un paysage côtier dans Ritmi di rocce e mare (Rythmes des rochers et de la mer), une œuvre datant d’environ 1929 qui représente une autre traduction efficace par l’image de ce manifeste de l’aéropeinture qui visait à imposer le mépris du détail et la nécessité de tout synthétiser.

La veine poétique qui imprègne la vision de Benedetta est contrebalancée, sur le mur opposé, par l’ivresse de Tullio Crali, qui restera jusqu’à la fin parmi les adeptes les plus convaincus et les plus exaltés et qui peut peut-être être considéré comme le plus spectaculaire des aéropeintres: Son Incuneandosi nell’abitato est l’une des images les plus célèbres de l’aéropeinture, une vue testostéronée d’un vol du point de vue du pilote se faufilant entre les bâtiments d’une ville, “presque un prélude à la 3D”, comme le résume Duranti. À l’opposé, dans la continuité de la salle, on trouve les visions de Leandra Angelucci Cominazzini(In volo et Eliche in festa), pour qui le vol est avant tout un fait de lumière et de couleur, une vision qui prend la forme d’un rêve qui s’étire vers l’infini. Changement de registre avecAeropittura (Aéropeinture ) de Giovanni Korompay, qui enregistre un passage du ciel et des montagnes vu à travers un tourbillon continu d’hélices, et avec les vues de Tato (Guglielmo Sansoni) et Barbara, qui offrent des aperçus de villes vues d’en haut avec des intentions descriptives.

Anselmo Bucci, En vol (1920 ; huile sur toile, 198 x 237 cm ; collection privée)
Anselmo Bucci, En vol (1920 ; huile sur toile, 198 x 237 cm ; collection privée)
Gerardo Dottori, Incendio città (1926 ; huile sur toile, 211 x 190 cm ; Pérouse, Museo Civico di Palazzo della Penna)
Gerardo Dottori, Incendio città (1926 ; huile sur toile, 211 x 190 cm ; Pérouse, Museo Civico di Palazzo della Penna)
Alessandro Bruschetti, Acrobatie dans les nuages (1934 ; techniques mixtes sur panneau, 174 x 132 cm ; Pérouse, Chambre de commerce de l'Ombrie)
Alessandro Bruschetti, Acrobatie dans les nuages (1934 ; technique mixte sur panneau, 174 x 132 cm ; Pérouse, Chambre de commerce de l’Ombrie)
Benedetta Cappa Marinetti, Rythmes des rochers et de la mer (vers 1929 ; huile sur toile, 80 x 125 cm ; collection privée)
Benedetta Cappa Marinetti, Rythmes des rochers et de la mer (vers 1929 ; huile sur toile, 80 x 125 cm ; collection privée)
Giovanni Korompay, Aeropittura (1936 ; huile sur contreplaqué, 120 x 132 cm ; Gênes, Wolfsoniana)
Giovanni Korompay, Aeropittura (1936 ; huile sur contreplaqué, 120 x 132 cm ; Gênes, Wolfsoniana)
Tullio Crali, Incuneandosi nell'abitato (1934 ; huile sur toile, 130 x 155 cm ; collection privée)
Tullio Crali, Incuneandosi nell’abitato (1934 ; huile sur toile, 130 x 155 cm ; collection privée)
Guglielmo Sansoni (Tato), Sorvolando in spirale il Colosseo (1930 ; huile sur toile, 80 x 80 cm ; Rome, collection privée)
Guglielmo Sansoni (Tato), Sorvolando in spirale il Colosseo (1930 ; huile sur toile, 80 x 80 cm ; Rome, collection privée)
Olga Biglieri (Barbara), Peinture de ville (1939 ; huile sur toile, 143,5 x 108 cm ; collection privée)
Olga Biglieri (Barbara), Aeropittura di città (1939 ; huile sur toile, 143,5 x 108 cm ; Collection privée)

La deuxième salle restitue la suggestion d’une pinacothèque futuriste avec des peintures et des dessins de différents formats (le public y trouvera surtout des œuvres de petite taille, qui ne perdent cependant pas leur vigueur et leur énergie), en continuant à explorer les différentes âmes du mouvement Aeropittura, avec même quelques juxtapositions entre les peintures et les meubles. Dans un coin de la pièce se trouve la salle à manger que Gerardo Dottori a conçue pour la famille Cimino à Rome, avec une œuvre, Volo sull’oceano (Vol au-dessus de l’océan), qui faisait partie intégrante de l’ameublement: c’est l’une des visions les plus oniriques de l’aéropeinture, avec le soleil qui fouette la mer et le ciel et dont les rayons se transforment en lames d’or, avec l’arc-en-ciel qui encadre le mouvement orageux des vagues, avec le ciel décrit en cercles pour donner l’impression de la vitesse à laquelle l’avion le traverse. Parmi les peintures qui entourent le chef-d’œuvre de Dottori, il faut mentionnerAereo sul lago (Avion sur le lac ) de Wladimiro Tulli, une synthèse extrême organisée avec la technique du collage, et deux dessins de 1936 de Fortunato Depero, Aeroplani su Vienna (Avions sur Vienne ) et Scontro aereo (Choc d’avions). Depero n’a jamais été un peintre d’avions, mais il s’est essayé à des peintures proches du genre pratiqué par ses collègues du mouvement, comme le démontrent ces deux feuilles au goût narratif très vif.

Dans le coin opposé de la salle, un Mobile spatial conçu par Fillia, alias Luigi Colombo, accompagne trois de ses œuvres, qui rendent compte au visiteur de l’âme plus “cosmique” de l’aéropeinture avec des tableaux comme Mistero aereo et Nascita del paesaggio aereo: le vol, dans ses tableaux, s’élève vers des horizons mystérieux et impénétrables, à la conquête de l’espace, devenant presque une peinture abstraite. À côté des œuvres de Fillia se trouvent celles du dernier futuriste, Guido Strazza, qui n’avait que 20 ans lorsqu’il a été invité à participer à la Biennale de 1942, et qui vit encore aujourd’hui, et qui est présent dans l’exposition avec quelques dessins de vol de cette année-là. Sur le mur central, l’exposition présente quelques-unes des œuvres les plus intéressantes de tout le parcours: il convient de mentionner les abstractions d’Osvaldo Peruzzi, peut-être le plus géométrique des aéropeintres(Verso l’alto est la représentation synthétique du mouvement ascendant des avions), puis le vol rapide d’avions au-dessus de Reggio Emilia par Uberto Bonetti, déjà cité, les colorés Aerei d’Enzo Benedetto et l’irrévérencieux Vomito dall’aereo de Barbara: La légende veut que ce tableau, dans lequel tous les éléments du paysage sont mélangés pour suggérer les sensations physiques du vol, ait convaincu Marinetti de faire entrer dans le groupe futuriste le jeune peintre lombard, qui n’était pas encore né lorsque le théoricien du groupe survolait Milan avec Bielovucic.

La visite se termine dans la salle qui explore les dernières recherches en matière d’aéropeinture. Il y a essentiellement deux âmes: d’une part, la peinture de ceux qui ont commencé à peindre des vues aériennes dans une optique descriptive conduit à la représentation de scènes de batailles aériennes et de bombardements, tandis que d’autre part, il y a une succession d’artistes qui, selon le panneau de la salle, “réalisent des formes de plus en plus abstraites, faisant allusion à des messages philosophiques et spirituels”, et nourrissent l’idée que “le vol ne signifie pas seulement survoler des paysages ou exalter l’avion, mais aussi explorer des domaines inconnus du cosmos”. Aux premières appartiennent les images rhétoriques d’une aéropeinture qui devient de plus en plus une parodie d’elle-même, comme en témoignent d’une part les formulations théoriques de Marinetti (en 1941, il publie 56 aeropittura aeropittoriche esaltazioni della nostra guerra, dans lequel il exalte “le bombardement qui est désormais entré dans la vie du peuple”, fournit des prescriptions pour le rendre au mieux sur la toile et se félicitait d’avoir célébré le “patriotisme de la guerre motorisée et la non moins brûlante passion italienne pour l’art”), ou certaines œuvres de l’exposition comme Battaglia aeronavale d’Osvaldo Peruzzi de 1939, les biplans qui apparaissent dans un Sans titre de Tato datant d’environ 1940 mais aussi Volo su Vienna (Vol au-dessus de Vienne ) d’Alfredo Ambrosi de 1933 et Eliche tricolore (Hélices tricolores ) de Tullio Crali qui, dès 1930, laissaient entrevoir comment l’aeropittura se prêterait à l’idéologie, soit par adhésion convaincue, soit par opportunisme. Il est vrai que le futurisme n’est jamais devenu officiellement l’art du régime, mais il avait essayé: et il est vrai que Somenzi avait tracé des frontières très nettes entre futurisme et fascisme, affirmant avec conviction que le premier est de l’art et le second de la politique, mais cette séparation ne l’empêchait pas d’écrire en 1933 que l’“aeropittura” inspirerait l’activité artistique et même politique “de l’Italie fasciste créée par le génie futuriste de Benito Mussolini, l’aviateur”.

Gerardo Dottori, Vol au-dessus de l'océan (1929 ; huile sur toile, 155 x 170 cm ; collection privée)
Gerardo Dottori, Vol au-dessus de l’océan (1929 ; huile sur toile, 155 x 170 cm ; collection privée)
Luigi Colombo (Fillia), Mistero aereo (1930-31 ; aquarelle et tempera sur papier ; Trente, Musée aéronautique Gianni Caproni)
Luigi Colombo (Fillia), Mistero aereo (1930-1931 ; aquarelle et tempera sur papier, 48,6 x 68,7 cm ; Trente, Museo dell’aeronautica Gianni Caproni)
Fortunato Depero, Collision d'avion (1936-1937 ; fusain ; Rovereto, MART - Museo di arte contemporanea di Trento e Rovereto, Fondo Depero)
Fortunato Depero, Scontro aereo (1936-1937 ; fusain, 615 x 426 mm ; Rovereto, MART - Museo di arte contemporanea di Trento e Rovereto, Fondo Depero)
Tullio Crali, Eliche tricolore (1930 ; huile sur contreplaqué, 45,7 x 35,2 cm ; Turin, collection privée)
Tullio Crali, Eliche tricolore (1930 ; huile sur contreplaqué, 45,7 x 35,2 cm ; Turin, collection privée)
Nicolaj Diulgheroff, Aeropittura (1932 ; huile sur toile, 80 x 100 cm ; Turin, collection privée)
Nicolaj Diulgheroff, Aeropittura (1932 ; huile sur toile, 80 x 100 cm ; Turin, collection privée)
Giacomo Balla, Plasticité spatiale (1918 ; tempera sur toile, 36 x 54 cm ; collection privée)
Giacomo Balla, Plasticité spatiale (1918 ; tempera sur papier toilé, 36 x 54 cm ; collection privée)
Enrico Prampolini, Îles dans l'espace (vers 1932 ; huile sur toile, 91 x 72 cm ; collection privée)
Enrico Prampolini, Îles dans l’espace (vers 1932 ; huile sur toile, 91 x 72 cm ; collection privée)
Leandra Angelucci Cominazzini, Éveil (1940 ; huile sur toile, 40 x 55 cm ; collection privée)
Leandra Angelucci Cominazzini, Éveil (1940 ; huile sur toile, 40 x 55 cm ; collection privée)

Plus intéressants sont donc les résultats de l’aéropeinture cosmique, qui procède avec des images de plus en plus visionnaires, au point de frôler le mysticisme: Les peintures d’Enrico Prampolini, qui dans sa jeunesse prônait le bombardement des académies passéistes et qui dans sa maturité a produit des visions comme les Îles dans l’espace qui ressemblent presque à l’avant-garde surréaliste, ou les abstractions de Nicolaj Diulgheroff (intelligemment exposées à côté d’une Plasticité spatiale de Giacomo Balla de 1918) vont dans ce sens, comme pour dire que c’est l’artiste turinois qui est le père de toutes les synthèses futuristes tendant vers l’abstraction), ou l’Éveil de Leandra Angelucci Cominazzini, un ciel qui prend la forme d’un œil dans une image qui rappelle les œuvres des symbolistes. Chronologiquement et idéalement, l’exposition se termine par une vue d’un autre artiste qui n’a rien à voir avec les aéropeintres, le Cimbrien Rheo Martin Pedrazza, qui a peint en 1958 une vue aérienne d’une Dresde défigurée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale (on peut penser qu’il s’agit là du résultat de la guerre vantée par les futuristes...): La voix d’Anton Giulio Bragaglia, l’auteur du Photodynamisme futuriste, qui dès 1916 lançait son exhortation “avant la victoire des armes, il faut faire la victoire civile du cerveau et des œuvres”, était restée complètement isolée). Il s’agit d’un tableau qui représente un hapax dans la carrière d’un artiste qui ne s’est jamais intéressé à la peinture d’en haut, mais qui n’est évidemment pas resté insensible à la fascination de cette poétique, même lorsqu’elle a été dépassée par l’histoire.

L’exposition comprend également des œuvres d’aérosculpture, sans lesquelles la reconnaissance du rapport entre le futurisme et le vol aurait été nécessairement incomplète: il s’agit de sculptures aux formes allongées et verticales, comme l’Oasis de paix d’Umberto Peschi, où la sérénité pour le sculpteur est un vol d’avions, et le Parachutiste en cadence de Renato Di Bosso, un artiste qui “synthétise l’action, en la rendant abstraite, à la manière de Boccioni” (ainsi Duranti). De l’exposition du Labirinto della Masone émerge donc, dans toute sa substance, un panorama beaucoup plus composite et beaucoup moins compact que celui que certaines vulgarisations éculées nous ont proposé au fil des ans. Le commissaire Massimo Duranti a donc le mérite d’avoir commandé une exposition exhaustive, honnête dans l’affirmation de ses lacunes (vénielles: il s’agit surtout de tableaux sur lesquels l’exposition ne pouvait pas s’appuyer) et dans la réaffirmation des liens de l’aéropeinture avec le régime, capable de présenter au public un compendium méticuleux. Mais le mérite principal, outre le réarrangement historique valable (qui réaffirme une fois de plus que la paternité de la conception théorique du mouvement est due à Mino Somenzi, comme nous l’avons mentionné plus haut), est d’avoir commandé une exposition claire et extrêmement précise dans la présentation des tendances diverses, multiples, multiformes et parfois opposées qui ont donné forme à l’aéropeinture futuriste. Dall’alto est d’ailleurs un titre on ne peut plus approprié: car, d’en haut, un monde qui n’avait pas encore été exploré du point de vue du ciel pouvait être vu de tant de manières. Avec l’exaltation de ceux qui glorifiaient la puissance, même destructrice, des nouveaux moyens mécaniques. Avec la sensibilité poétique de ceux qui voyaient dans l’avion une façon d’observer le paysage comme personne ne l’avait jamais fait auparavant. Avec l’attitude de ceux qui croyaient que s’approcher de l’immensité du ciel nourrissait l’esprit, élevait l’âme vers les mêmes hauteurs, favorisait l’union de soi avec le cosmos. Et l’exposition réussit à merveille à faire ressortir toutes ces âmes.


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