Le pavillon italien de Massimo Bartolini : une invitation difficile à écouter


Compte rendu de "Due qui / To hear", exposition du pavillon italien à la 60e Biennale de Venise, organisée par Luca Cerizza (Venise, Arsenale, du 20 avril au 24 novembre 2024).

On ressent une atmosphère vaguement familière lorsqu’on entre dans le pavillon italien par la porte arrière et qu’on se retrouve immergé dans la forêt de tuyaux innocents avec lesquels Massimo Bartolini, qui s’est vu confier notre participation nationale à la Biennale de cette année, a rempli le deuxième bord du pavillon. On a l’impression d’avoir déjà vu une installation similaire. Un labyrinthe de tubes, une architecture de tubes. On se demande où. Puis, en réfléchissant un instant, la réponse vient : au Fuorisalone ! À Milan, il y a deux ans. Et pas dans un lieu secondaire, mais dans la cour du Statale, l’un des points névralgiques du Fuorisalone : l’architecte et designer Piero Lissoni avait conçu, pour le compte de Sanlorenzo, une installation appelée Doppia presenza, un grand échafaudage de tuyaux innocents dans lequel on pouvait entrer, marcher, toujours enveloppé dans le matériau de construction également cher à Massimo Bartolini. “C’est comme si nous avions transporté un morceau de chantier, l’endroit où l’on construit les bateaux, dans la cour de l’Université d’Etat”, explique l’architecte. Bartolini, moins prosaïquement, n’a pas transporté des morceaux de chantier à Venise, et il serait évidemment excessif, peu généreux et mesquin de rabaisser son entreprise à une simple manifestation d’élan architectural, mais peut-être pourrions-nous nous garder de penser, en attendant, que l’artiste désigné pour représenter l’Italie à la Biennale de Venise est un artiste qui a fait preuve d’un grand sens de l’humour et de l’humour.artiste désigné pour représenter l’Italie à la Biennale a transporté dans la lagune une sorte de réarrangement monumental d’une œuvre déjà présentée ailleurs et imaginée pour des espaces beaucoup plus appropriés, et qu’ensuite cette dimension convient peu à la poésie de son art.

À la Biennale, Bartolini adresse au public une colossale “invitation à écouter”, qui prend la forme du projet Due qui / To hear (le nom en italien est une traduction littérale de l’anglais Two here, qui rappelle au commissaire Luca Cerizza le verbe To hear, "écouter“) et qui se concrétise dans une exposition divisée en trois moments, avec une progression circulaire : chacun peut entrer dans le pavillon italien d’où il veut, en choisissant soit l’entrée habituelle du pavillon, celle qui donne sur le Gaggiandre, soit la porte arrière, qui donne sur le Jardin. Si l’on choisit la porte principale, on entre dans la première Tesa, où l’on trouve un long parallélépipède (une ”colonne posée sur le sol", selon le récit officiel) avec, posée à son extrémité, une statuette représentant un Bodhisattva, un être vivant qui aspire à l’illumination et qui a fait le vœu d’aider d’autres êtres vivants à l’atteindre. La colonne couchée, comme c’est le cas dans les installations de Bartolini, est en fait un instrument de musique qui émet, dans ce cas, un son grave. La deuxième Tesa, accessible depuis la porte du Jardin ou en passant par la première Tesa, se révèle au visiteur avec son imposant échafaudage, qui est en fait un orgue à travers lequel se répand dans le Pavillon un tapis sonore électronique composé par deux jeunes musiciennes, l’Italienne Caterina Barbieri et l’Américaine Kali Malone. Au centre de l’installation se trouve la sculpture Conveyance, une vague qui monte et descend continuellement à l’intérieur d’un cercle en acier inoxydable. L’expérience se poursuit enfin dans le jardin, qui accueille le troisième moment de Due qui / To hear: parmi les arbres résonne la musique composée par Gavin Bryars et Yuri Bryars, A veces ya no puedo moverme, inspirée d’un texte du poète argentin Roberto Juarroz sur un être humain qui se perçoit comme un arbre, relié au reste du monde par ses racines.



Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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L’exposition de Bartolini et Cerizza, en plus d’être l’une des meilleures présentées au Pavillon italien ces dernières années, est certainement un projet raffiné, soutenu par de solides fondations philosophiques (Cerizza cite Byung-Chul Han, entre autres : “En tendant l’oreille, qui est une forme d’inaction, le moi se tait, le présupposé des différenciations et des délimitations, le moi qui tend l’oreille s’immerge dans le tout, dans l’illimité, dans l’infini”), et surtout profondément politique : il n’y a peut-être pas d’activité plus politique que l’écoute. Simone Weil était convaincue que l’écoute était la base fondamentale de l’engagement envers son prochain, que l’attention était le véritable moteur de toute action morale : "Tout être, écrivait-elle dans ses Cahiers, crie en silence pour qu’on le lise autrement. Ne soyez pas sourds à ces cris“. Et c’est en substance ce dont Cerizza est probablement aussi convaincu, du moins lorsqu’il explique dans son introduction au Pavillon que ”le titre du projet suggère comment l’audition, et mieux encore l’écoute, est une forme d’attention à l’autre". Une petite digression peut s’avérer utile à ce stade : quiconque a suivi la Biennale dans ses premières heures (ou quiconque a ouvert un journal télévisé à l’époque assez nostalgique pour consacrer une minute de couverture à la Biennale de Venise à un moment où elle compte moins que le dernier single d’Annalisa).Le maire de Venise, Luigi Brugnaro, s’est livré avec une nonchalance calculée à une sorte de critique en temps réel du projet (“Je n’ai pas aimé le Pavillon italien. Et je le dis : plus on parle d’art, mieux c’est. L’artiste qui m’a précédé s’est mis en colère, il a dit que j’avais offensé tout le monde. Mais je suis pour le figuratif. À Ca’ Pesaro, nous avons un Klimt qui était à la Biennale et j’espère que l’art figuratif, la peinture, la photographie pourront revenir ici aussi”). Aussi cru que l’on veuille, aussi grossier que l’on veuille, aussi irritant que l’on puisse être, à tel point que la foule habituelle et approuvée dumonde de l’art, toujours présente à l’inauguration, après avoir accepté l’invitation de Bartolini à écouter, a voulu montrer qu’elle avait compris le concept en bombardant de sifflets le discours irritant du premier citoyen. Bien sûr, l’indignation envers le maire est la réponse la plus immédiate et aussi la plus facile, mais les remarques de Brugnaro méritent une attention qui va un peu au-delà des marques du territoire dans lequel les indignados de l’art contemporain ont agi. Et pas seulement parce qu’il s’agit d’un homme politique qui commente une exposition profondément politique : elles méritent surtout l’attention parce qu’elles sont la démonstration la plus claire des limites du projet. Il ne s’agit pas d’une question de goût (“je n’ai pas aimé”), car le goût ne devrait pas être un élément déterminant d’un jugement critique : la question concerne, le cas échéant, la réponse d’un visiteur hypothétique au pavillon italien de cette année.

Il est évident que l’œuvre de Bartolini n’a pas atteint Brugnaro : est-ce à cause de l’esprit de contradiction du maire ou parce que le projet n’est peut-être pas tout à fait à la mesure du lieu qui l’accueille, parce qu’il n’est pas immédiat, parce qu’il est compliqué ? Sans entrer dans les mérites de la sensibilité personnelle de chacun (certains peuvent rester indifférents même en entrant dans la Chapelle Sixtine, et pour cela ils ne seraient pas moins respectables que ceux qui, par contre, devant les fresques de Michel-Ange risquent de tomber dans le délire), et en considérant aussi qu’il est complètement insensé d’espérer un retour à l’art figuratif au lieu de l’art conceptuel de la part de Bartolini avec l’idée qu’une figurine dite “traditionnelle” ne peut pas être utilisée pour la construction d’un musée.l’idée qu’une figuration dite “traditionnelle” représente mieux l’Italie (depuis les années 1960, notre pays a écrit les pages les plus importantes de l’histoire de l’art mondial presque exclusivement avec des artistes non figuratifs), il faut entre-temps réfléchir à l’emplacement du pavillon italien. Le public y arrive généralement après avoir visité l’ensemble de l’exposition internationale à l’Arsenale et être passé devant tous les pavillons qu’il rencontre successivement (à l’exception du dernier, celui de la Chine) : une expérience qui est généralement assez chaotique et épuisante, en raison du nombre de visiteurs que l’on rencontre, de la quantité d’informations que l’on reçoit, du changement constant de langue d’une exposition à l’autre, qui oblige le cerveau à passer constamment d’une configuration à l’autre. Le travail zen de Bartolini exige de la concentration : qui peut rester frais après deux ou trois heures au milieu du chaos de la Biennale de Venise, suffisamment pour pouvoir saisir une invitation qui présuppose l’adoption d’un comportement sinon méditatif, du moins absorbé ? Certainement : il est évident que toute exposition, de n’importe quel artiste, exige un minimum de concentration, et l’hypothèse peut donc sembler spécieuse, mais il est tout aussi évident qu’il existe des œuvres qui peuvent atteindre le public avec plus d’immédiateté et placer ainsi le visiteur dans des conditions meilleures et plus confortables pour s’ouvrir au projet de l’artiste. Le pavillon italien de Tosatti, par exemple, bien que nettement plus faible et moins solide que celui de Bartolini, était beaucoup plus engageant parce qu’il était capable de parler au public dans un langage plus direct. Un exemple : si j’arrive à l’hôtel le soir, fatigué par un voyage, et que j’allume la télévision, il sera plus confortable pour moi de suivre un programme moins intéressant mais dont le présentateur s’exprime en italien, plutôt que d’écouter un programme de meilleure qualité mais dont le présentateur s’exprime dans une langue que je maîtrise beaucoup moins bien : cela m’oblige à me concentrer davantage et, après un voyage, je risque de ne plus pouvoir le faire, de sorte qu’il n’est pas certain que je comprenne ce que le présentateur a l’intention de me communiquer. Au contraire, si je regarde le même programme dans une langue étrangère le lendemain matin, plus frais et plus lucide, je pourrai mieux l’apprécier.

Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea Avezzù
Le pavillon italien à la Biennale de Venise 2024. Photo : Andrea A
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C’est pourquoi l’œuvre de Massimo Bartolini s’intègre mieux dans les espaces du Centro Pecci : Due qui / To hear n’est rien d’autre qu’une sorte de suite à Hagoromo, l’exposition que Bartolini et Cerizza ont présentée à Prato il y a deux ans. L’artiste et le commissaire peuvent bien sûr répéter à l’envi qu’il s’agit d’un projet différent (et c’est vrai), mais il n’y a pas un seul élément qui soit vraiment nouveau. Le Bodhisattva est une figure récurrente dans l’art de Bartolini (la colonne couchée ne l’est pas, mais sans le Bodhisattva, nous l’aurions probablement confondu avec une œuvre de Giovanni Anselmo, et le Bodhisattva sans son instrument de musique nous aurait catapultés dans une Biennale des années 1970). Conveyance est une œuvre qui a déjà une vingtaine d’années. Les pipes innocentes reviennent dans la pratique de Bartolini depuis au moins quinze ans, dans une sorte de réédition constante de la même œuvre, avec des hauts et des bas. À Prato, par exemple, l’ensemble a donné des suggestions différentes : dans la solitude des salles du Pecci, le mouvement hypnotique de Conveyance a été une excellente introduction à In là, un serpent de tuyaux innocents serpentant à travers cinq salles, les traversant et faisant résonner les notes de Bryars dans un environnement qui, sans aucun doute, était capable de favoriser l’attitude de l’auditeur.était sans doute à même de favoriser l’attitude nécessaire pour saisir l’atmosphère de suspension que l’installation était censée suggérer (sans parler du fait que l’on y allait exprès, et que l’on n’arrivait pas après vingt autres expositions). In là, à son tour, était la suite d’Organi, une installation placée contre un mur, que l’on pouvait observer d’une manière, disons, traditionnelle. Moyens identiques, intentions différentes, environnement différent : Si Hagoromo était une exposition anthologique bien construite, lyrique et forte, avec une installation clinquante mais non invasive qui servait de cadre, Due qui / To hear apparaît plutôt comme un saut dans une dimension qui n’est pas très appropriée aux éléments qui la composent et qui n’est pas très appropriée pour diffuser cette poésie qui devrait tourner autour des significations qui se cachent derrière les formes (la circularité du temps, l’idée de la musique en tant que moyen de communication). (la circularité du temps, l’idée de la musique comme mouvement fluide unissant les gens, l’écoute comme amélioration de soi, mais j’aime la considérer comme une œuvre ouverte qui communique aussi un sentiment d’instabilité). À cet égard, il serait peut-être utile de se demander s’il est encore utile de confier le pavillon italien à un seul artiste, et pas seulement parce qu’il serait extrêmement réducteur de choisir une seule personne pour représenter l’ensemble de la scène artistique d’un pays comme le nôtre (en supposant que l’on choisisse une seule personne pour représenter l’ensemble de la scène artistique d’un pays comme le nôtre).d’un pays comme le nôtre (à supposer que l’on veuille comprendre ainsi notre participation nationale à la Biennale de Venise), mais aussi parce que, jusqu’à présent, aucun des deux seuls projets monographiques pour le Pavillon italien n’a semblé être à la hauteur de l’énorme espace du Tese delle Vergini.

En bref, l’espace et l’emplacement peinent à favoriser l’expérience que Due qui / To hear voudrait activer. Conveyance est placée au milieu de l’installation éponyme du projet et devrait être une sorte de cœur palpitant, le point d’appui de l’exposition, mais elle semble presque prise et placée au milieu de la deuxième Tesa sans réelle nécessité (parce que le centre de l’installation, celui qui est au centre de l’exposition, n’est pas le centre de l’exposition). le centre de l’installation, celui “d’où l’on entend le mieux”, nous informe le commissaire, est choisi comme lieu d’installation d’une sculpture qui “agit également comme un siège autour duquel plusieurs personnes peuvent se rencontrer” ? Que faire alors ? On écoute ou on parle ?) Et puis, l’installation de tuyaux innocents, qui à Prato était la “colonne vertébrale” de l’exposition, comme l’indique le matériel d’illustration, devient à Venise l’une des deux zones où l’expérience du visiteur doit être activée. Ce changement soudain d’utilisation, pourrions-nous dire, d’une œuvre qui est restée substantiellement fidèle à elle-même au fil des ans (“c’est le plus grand exemple conçu jusqu’à présent d’une série d’installations que Bartolini a conçues ces dernières années”, nous dit le commissaire), ne risque-t-il pas de rendre encore plus insaisissable l’œuvre d’un artiste qui s’est toujours montré résolument changeant au fil des ans ? Et si une œuvre qui risquait auparavant d’empiéter sur le design et l’architecture, tout en restant une “colonne vertébrale”, devient l’un des deux centres, pourquoi, pourrait-on demander de manière un peu provocatrice, un visiteur devrait-il se donner la peine de se rendre à la Biennale de Venise alors qu’il lui suffirait de passer au Fuorisalone ? Le problème n’est certainement pas le support : si nous partons du principe que l’Hébé de Canova et les statues de Padre Pio vendues à San Giovanni Rotondo sont des sculptures en plâtre, nous devons également partir du principe qu’avec des tuyaux innocents, on peut créer une œuvre d’art au même titre qu’un vulgaire échafaudage de construction. Le problème est celui de l’attitude : si l’on s’intéresse à l’architecture ou au design (et, à cet égard, cette Biennale a connu pire : il suffit de visiter les pavillons voisins de l’Argentine et de l’Afrique du Sud), pourquoi devrait-on perdre son temps à visiter la Biennale d’art ?

Enfin, il faut se poser la question de l’actualité du langage de Massimo Bartolini. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne sera pas forcément meilleur à l’avenir. Par les temps qui courent, nous risquons de trouver un rappel à l’ordre Pavillon italien 2026, plein d’hyperréalistes attardés ou de revangélistes arrogants du classique, qui nous fera penser avec nostalgie à l’exposition de Bartolini. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille pas se demander si ce conceptuel est toujours en phase avec notre époque, toujours représentatif des impulsions qui agitent la scène artistique de notre pays, toujours utile pour parler à un public qui n’est pas exclusivement composé d’initiés, qui pour l’instant semblent être les seuls intéressés à s’exprimer sur Due qui / To hear.


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