On a souvent répété, en suivant servilement un idéal pur et forcément utopique, que l’art élève et purifie l’âme du spectateur perdu dans le monde. Mais l’art n’a pas été (et ne sera probablement jamais) un simple lieu de cette “beauté” tant désirée, ni un refuge pour toutes ces âmes en quête de paix. Au contraire, il a toujours été le théâtre de conflits et de disputes féroces où le désir morbide de possession danse sensuellement avec le tragique, et où la liberté tisse ses toiles avec celles de l’ombre du crime organisé, qui en fait une prison de pouvoir et de silence. C’est dans ce dialogue perpétuel entre lumière et obscurité que s’inscrit l’exposition SalvArti, accueillie au Palazzo Reale de Milan jusqu’au 26 janvier 2025, puis au Palazzo della Cultura “Pasquino Crupi” de Reggio Calabria du 8 février au 27 avril 2025, qui raconte les histoires de salut et de rédemption de quatre-vingts œuvres d’art volées aux mafias.
En se promenant parmi les œuvres de Mario Schifano, Robert Rauschenberg, Carlo Carrà, Salvator Dalì ou Fontana, on peut découvrir une histoire qui va bien au-delà de celle des œuvres elles-mêmes car, comme l’observait en 1903 l’historien de l’art autrichien Alois Ruschenberg, les œuvres d’art de la mafia ne sont pas seulement le résultat des tentatives de la mafia pour sauver le monde, mais aussi celui de la vie des gens eux-mêmes.L’historien de l’art autrichien Alois Riegl a observé en 1903 que les monuments et les œuvres d’art ne sont ni immobiles ni passifs, mais qu’ils portent en eux une pluralité de valeurs et de significations qui interagissent, se transforment et s’entrechoquent au fil du temps. Dans l’avancée frénétique de nos vies et dans le flux incessant de l’histoire, les œuvres d’art ne peuvent être reléguées au rôle de simples objets esthétiques, dépourvus de vie et de sens, mais doivent être considérées comme des mondes infinis qui conservent tous ces nœuds de mémoire collective et tous ces symboles d’identité que chacun d’entre nous, avec son regard unique sur le monde, contribue à façonner. Chaque œuvre ne se contente pas de raconter une seule histoire, elle est un carrefour d’images sédimentées, de reconnaissances et de rivalités cachées ou manifestes, trouvant peut-être dans cette irréductible multiplicité de valeurs la raison de sa fécondité interprétative, mais aussi de sa constante vulnérabilité, qui l’expose à une contestation et à une transformation permanentes.
Les œuvres de l’exposition tissent des histoires complexes, tordant et nouant différentes géographies, et l’un de ses chapitres commence le long de la célèbre, mais insoupçonnée, Via Margutta à Rome, où une galerie d’art s’est avérée être la plaque tournante d’un réseau international de blanchiment d’argent complexe et sophistiqué. En 2013, le groupe des opérations spéciales des carabiniers, en coopération avec le Nucleo di Polizia Valutaria de la Guardia di Finanza, a entamé des enquêtes et découvert un système criminel d’une complexité impressionnante au centre duquel se trouvaient des œuvres d’art de grande valeur attribuées à des maîtres tels que Giorgio de Chirico, Salvador Dalí, Andy Warhol et Keith Haring, exploitées comme instruments d’échange dans le cadre d’activités illicites. Ces enquêtes denses ont abouti à la confiscation en 2018 avec un jugement définitif du Tribunal de Rome.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là et se poursuit à Reggio Calabria, où une deuxième ligne de recherche a mis au jour un autre lien entre l’art et le crime. Un entrepreneur affilié à la pègre dissimulait, par le biais d’une entreprise de location de jeux vidéo, un système d’évasion fiscale destiné à financer des opérations illicites. Dans ce cas, les enquêtes menées par le tribunal de Reggio Calabria ont abouti, en 2015, à la saisie de 22 œuvres d’art qui ont ensuite été affectées au patrimoine de l’État.
Les œuvres présentées dans l’exposition comprennent également celles d’artistes palestiniens tels que Al Malhi, Bishara et Tuma, dont les créations traitent de questions d’actualité liées à l’oppression et à l’identité, comme Apartheid Impression 2 de Rana Bishara, qui utilise un symbolisme extrêmement puissant pour réfléchir au sens du traumatisme et à la perte de la mémoire collective. La Wind Collection de Mary Tuma, quant à elle, capture le vent des lieux palestiniens dans de petites bouteilles, évoquant le lien invisible avec des espaces séparés par tous ces murs physiques et idéologiques, tandis que dans House 197, Jawad Al Malhi explore les vies suspendues en marge de Jérusalem, capturant la tension entre la précarité et la permanence dans les camps de réfugiés.
Le parcours de l’exposition s’enrichit d’œuvres telles que Cantata Bluia Libro Dore, fruit de la collaboration entre Pier Paolo Calzolari et Pierre Thoretton, ou les Nymphéas de Mario Schifano, qui transportent le spectateur dans un univers visuel où les paysages et la nature réinterprètent la tradition picturale avec cette sensibilité subtile propre à l’artiste, tandis qu’Andy Warhol, avec sa fleur sérigraphiée, transforme un simple motif naturel en un manifeste artistique chargé d’implications sociales. Franco Gentilini et Agostino Bonalumi enrichissent le parcours : le premier avec la géométrie stylisée de Ricordo di Venezia, capable de filtrer la mémoire à travers une lentille poétique, le second avec ses études de design qui incarnent la rigueur de la création artistique appliquée à de grandes œuvres environnementales.
Mais l’histoire se poursuit avec des artistes qui sondent les frontières entre la réalité et l’imagination : Leonor Fini, avec Figure, explore la complexité de l’univers féminin, tandis que Jan Van Oost, avec sa poétique qui oscille entre eros et thanatos, nous entraîne dans les méandres les plus intimes de l’existence humaine. Vinicio Berti, avec Ah Ban 9HV, fusionne peinture, illustration et bande dessinée, et parallèlement Robert Rauschenberg et Christo transforment des matériaux quotidiens en œuvres qui interrogent la nature même de l’art et son rapport au temps et à l’espace.
Parmi les salles de cette exposition, le visiteur pourra découvrir un art qui n’est pas seulement un véhicule de la “beauté” tant recherchée, mais qui devient un instrument de résistance, de mémoire et de transformation, capable de témoigner non seulement des contestations les plus féroces et de la possession morbide qui l’ont souvent entouré, mais aussi de sa capacité à ressusciter et à redonner du sens à ce qui a été perdu, volé, réduit au silence. L’art, loin d’être un refuge paisible pour l’esprit ou une oasis sereine, se révèle donc pour ce qu’il est vraiment : une entité vivante et dynamique, chargée des tensions qui ont toujours accompagné l’existence, et jamais un symbole neutre, à l’abri des passions et des conflits humains, mais un champ de bataille où s’affrontent les idéaux et les pulsions les plus obscures.
Et ce cruel désir de possession n’est autre que l’une des forces premières qui poussent l’âme humaine vers l’art, et il semble, à la lumière des confiscations explorées dans les salles de la rétrospective, qu’il n’est pas si rare de découvrir une envie d’art qui n’est pas si rare. Rare de trouver une envie si forte qu’elle tourne à l’obsession, poussant les hommes à posséder ou à déformer ce qu’ils ne peuvent avoir ou contrôler car ce n’est, comme le rappelle le poète et dramaturge Rainer Maria Rilke, pas anodin. “La beauté est le début de l’énorme” : elle est impitoyable, dérangeante et ébranlante, éveillant des passions profondes qui peuvent être aussi élevées qu’écrasantes.
Mais dans la beauté, il y a aussi la terrifiante et irrésistible ambivalence intrinsèque de l’art lui-même, qui séduit et divise : c’est un phare et un cri, une force qui ordonne et bouleverse, comme l’a décrit Charles Baudelaire dans son Ode à la beauté. Une ambiguïté que Riegl lui-même avait parfaitement saisie : le sens des œuvres d’art n’est pas figé, mais résulte de notre regard moderne, de notre capacité à lui attribuer des valeurs et des récits, ce qui en fait une éternelle forge à idées, mais aussi une perpétuelle exposition aux contradictions humaines. Il est le miroir et l’amplification des passions de l’homme, il est son amour et son obsession, son désir d’éternité et son besoin d’affirmer son propre pouvoir, et c’est peut-être pour cela qu’il ne console pas, mais qu’il déséquilibre, car il nous oblige à nous confronter à nous-mêmes, à nos aspirations les plus élevées et à nos faiblesses les plus profondes.
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