L'art contemporain au service de la communauté. La deuxième édition de Connexxion à Savone


Compte rendu de Connexxion, deuxième édition, sous la direction de Livia Savorelli (Savone, divers lieux, 20-27 avril 2024).

Identité, mémoire et liberté. Autant de thèmes d’actualité et d’urgence, au centre du débat public de ces derniers jours et présents comme mots-clés dans la deuxième édition de Connexxion, un festival diffus d’art contemporain, sous la direction de Livia Savorelli et promu par l’association culturelle Arteam de Savone. Ici, dans la province ligure qui n’est pas particulièrement dédiée aux événements sur le contemporain, à quelques exceptions près, et peut-être même éloignée à certains égards de la recherche menée par les artistes vivants, l’art contemporain s’est introduit dans la ville, sur les places, dans les lieux symboliques et dans ceux qui ont été oubliés et abandonnés, en interagissant de manière transversale avec les associations, les comités de quartier, les écoles et les réalités muséales.

À travers le festival, avec des expositions, des performances, des installations, des ateliers et des conférences entre le 25 novembre 2023 et le 27 avril 2024, le tissu urbain, déjà au centre de la première édition de Connexxion, est redevenu un élément central et gagnant de toute l’initiative, grâce à la collaboration de divers sujets publics et privés qui, à différents titres, ont permis ou accompagné le succès de certaines actions.



C’est à Silvia Margaria, Filippo Riniolo et Davide Dormino que nous devons certains des moments les plus significatifs, capables de tracer les limites thématiques et émotionnelles de l’édition et d’induire une réflexion qui, à partir de la pratique artistique, passe naturellement, discrètement mais puissamment, à une action collective de mémoire liée aux thèmes de l’histoire, des récits et des lieux. Bandite, la performance de Margaria, a consisté à créer six drapeaux rouges, chacun brodé de fleurs d’espèces menacées de la flore ligure et de mots symboliques tels que “care” ou “resistance”, en hommage aux figures féminines de la résistance de Savona : Clelia Corradini, Ines Negri, Franca Lanzone, Paola Garelli, Luigia Comotto et les religieuses “Maria bambina” de Pietra Ligure.

Outre le travail de recherche effectué par l’artiste sur les biographies de ces femmes, l’action a eu un impact car, à l’approche de l’anniversaire de la Libération, dans une ville décorée d’une médaille d’or de la valeur militaire pour la Résistance, elle a réuni différentes générations, des jeunes agitateurs de drapeaux impliqués dans la réactivation des gestes liés à la commémoration de la guerre de 14-18, aux jeunes femmes qui se sont engagées dans la lutte contre le terrorisme. de l’ANPI, de l’ANED et de l’ISREC, sur la place des Martyrs de la Liberté, où se trouve le Monument à la Résistance, créé par Agenore Fabbri et inauguré il y a exactement 50 ans en présence de dix mille personnes. Une combinaison nécessaire qui fait de l’art contemporain un activateur conscient des pratiques mémorielles, encourageant la participation d’un public hétérogène en termes d’âge et d’intérêts.

Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni
Silvia Margaria, Bandite (2024 ; performance ; Savone, Piazza Martiri della Libertà). Photo : Michele Alberto Sereni

Poursuivant sa réflexion sur les lieux, Connexxion a le mérite d’avoir rouvert, pour la durée des expositions, l’Ex Carcere Sant’Agostino, qui peut être visité occasionnellement lors d’événements promus par la FAI. À l’intérieur des cellules, Alessio Barchitta, Rocco Dubbini, Armida Gandini, Federica Gonnelli, Lorenzo Gnata, Monica Gorini, Carla Iacono, Gianni Moretti et Giulia Nelli ont réalisé des projets spécifiques autour des thèmes de la prison, de l’emprisonnement physique ou mental, et des liens avec des événements historiques connus ou appartenant à la biographie individuelle des artistes.

La chapelle de la prison a également accueilli Selections, l’action touchante de Filippo Riniolo. L’artiste, imitant le processus de sélection des prisonniers à Auschwitz, rapporté par Primo Levi dans les pages de Si c’est un homme, passe son doigt sur son smartphone et récite les noms de plus d’un millier de juifs déportés lors de la rafle du ghetto de Rome. Accompagné d’un fond de musique populaire qui ne cadre pas avec le caractère tragique de l’action et qui est d’autant plus dérangeant lorsqu’on apprend que le même air était joué dans les camps de concentration, l’artiste entraîne son public dans une véritable boucle, où la notion de temps prend une nouvelle valeur.

La réflexion de Riniolo se situe à plusieurs niveaux : le désir de redonner une identité aux individus et une dignité aux histoires individuelles, en sortant de la logique numérique à laquelle les médias nous ont habitués pour chaque guerre, chaque attentat, chaque calamité ; le désir mais aussi le devoir de prendre le temps de l’exercice de la mémoire ; la nécessité, dans tous les contextes, du plus dramatique au plus quotidien, de ne pas réduire les êtres humains et les relations à une simple sélection.

Filippo Riniolo, Selections (2021 ; performance, Savona, Ex Carcere di Sant'Agostino). Photo : Michele Alberto Sereni
Filippo Riniolo, Selections (2021 ; performance, Savona, Ex Carcere di Sant’Agostino). Photo : Michele Alberto Sereni
Filippo Riniolo, Selections (2021 ; performance, Savona, Ex Carcere di Sant'Agostino). Photo : Michele Alberto Sereni
Filippo Riniolo, Selections (2021 ; performance, Savona, Ex Carcere di Sant’Agostino). Photo : Michele Alberto Ser
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Filippo Riniolo, Selections (2021 ; performance, Savona, Ex Carcere di Sant'Agostino). Photo : Michele Alberto Sereni
Filippo Riniolo, Sélections (2021 ; performance, Savone, Ex Carcere di Sant’Agostino). Photo : Michele Alberto Ser
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Davide Dormino, Semi (2024 ; installation in situ de 7 x 7 mètres ; Savone, Fortezza del Priamàr). Photo : Carola Spina
Davide Dormino, Semi (2024 ; installation in situ de 7 x 7 mètres ; Savone, Fortezza del Priamàr). Photo : Carola Spina
Davide Dormino, Semi (2024 ; installation in situ de 7 x 7 mètres ; Savone, Fortezza del Priamàr). Photo : Carola Spina
Davide Dormino, Semi (2024 ; installation spécifique au site 7 x 7 mètres ; Savone, Fortezza del Priamàr). Photo : Carola Spina
Savone, l'ancienne prison de Sant'Agostino. Photo : Matteo Musetti
Savone, l’ancienne prison Sant’Agostino. Photo : Matteo Musetti
Savone, Monument à la Résistance d'Agenore Fabbri. Photo : Michele Alberto Sereni
Savone, Monument à la Résistance d’Agenore Fabbri. Photo : Michele Alberto Sereni

Le troisième lieu symbolique de cette édition, la Fortezza del Priamàr, a vu naître Seeds, une installation à la fois monumentale et parfaitement intégrée au paysage qui reprend les mots du poète Dinos Christianopoulos, “ils ont essayé de nous enterrer sans savoir que nous étions des graines”. L’énoncé, hymne tenace à la résistance, posé sur la pelouse encadrant la rampe d’accès au Priamàr, est l’œuvre de Davide Dormino, composée de quarante-neuf lettres en argile crue, mélangées à des graines et destinées à être réabsorbées par le sol. Cette œuvre in situ, qui fait référence non seulement à l’actualité mais aussi à l’histoire de la ville de Savone et à ses relations conflictuelles avec Gênes, est ensuite liée à Per uno sguardo libero, une sculpture en bronze représentant un index et un pouce serrant une graine, face à la Jeanne d’Arc de Renata Cuneo, symbole de liberté et de courage.

L’œuvre, également réalisée par Dormino, a été exposée au musée Sandro Pertini et Renata Cuneo, où sont rassemblées les collections données à la municipalité de Savone par le président et la sculptrice de Savone. Connexxion a également collaboré avec des musées locaux, en particulier le Civico Museo Archeologico e della Città, où l’exposition Frammenti. Actes de préservation pour un avenir de liberté, organisée par Savorelli et Matteo Galbiati avec des œuvres de Roberto Ghezzi, Alberto Gianfreda, Laura Pugno, Attilio Tono et Ivano Troisi ; avec le musée Pertini de Cuneo, où Savorelli a organisé l’exposition " Dialogues autour de la liberté", qui comprenait des œuvres d’Elena Bellantino et d’autres artistes.avec des œuvres d’Elena Bellantoni, Davide Dormino, Rocco Dubbini, Armida Gandini et Gianni Moretti, en dialogue avec les collections permanentes ; et avec le musée de la céramique, qui a accueilli des activités d’atelier menées par un certain nombre d’artistes en collaboration avec le personnel du musée.

Une deuxième édition riche, participative et cohérente dans ses différents volets, qui confirme le succès du premier festival et démontre surtout que les langages de l’art contemporain peuvent réellement appartenir à la communauté, en favorisant la coopération entre les différents acteurs, en permettant de rendre à la citoyenneté des lieux oubliés, même si c’est pour des durées limitées, en suggérant de nouvelles possibilités et de nouveaux usages, et enfin en promouvant des regards renouvelés et pluriels sur le patrimoine de la ville. À Savone, qui se prépare à présenter une candidature au titre de capitale italienne de la culture en 2027, cela représente également, en écho aux thèmes de l’œuvre de Dormino, une graine dont les fruits ne porteront que des années plus tard, avec un travail qui devra nécessairement être mené à la manière adoptée par Savorelli, de manière généralisée et chorale.


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