Dès sa première salle, l’exposition consacrée à Jean-Auguste-Dominique Ingres (Montauban, 1780 - Paris, 1867), installée à Milan au Palazzo Reale et ouverte jusqu’au 23 juin 2019, s’inscrit dans une dynamique novatrice. L’intention de l’exposition, comme indiqué dans son catalogue et dans le premier panneau explicatif du parcours de l’exposition, est de "rendre à la peinture et à la sculpture des années 1780 - 1820 sa force novatrice, et audacieuse son précurseur le romantisme" et de présenter pour la première fois au public italien la production artistique d’Ingres, un artiste parmi les représentants majeurs de la peinture néoclassique, “dépassant définitivement une vision courante et péjorative du néoclassicisme”. Considéré comme une période caractérisée par un retour banal et froid à l’antiquité, où l’on exaltait la pureté formelle des chefs-d’œuvre de la sculpture et l’héroïsme civique ou privé notamment dans la peinture, c’est Mario Praz qui, avec la publication de son Gusto neoclassico (Goût néoclassique) en 1940, a jeté les bases d’une réhabilitation des propagations de ce mouvement, jusqu’alors discrédité. Une nouvelle vision poursuivie dans les années 1960 par les premiers textes de Hugh Honour et Robert Rosenblum et par deux importantes expositions organisées en 1972 et 1974, à Londres, Paris et New York, intitulées L’âge du néoclassicisme et De David à Delacroix. Dans une intéressante contribution au catalogue de l’exposition de Milan, qui consiste en un entretien approfondi de Stéphane Guégan, commissaire de l’exposition, avec Philippe Bordes, l’un des principaux spécialistes de Jacques-Louis David (Paris, 1748 - Bruxelles, 1825), néoclassique et maître d’Ingres, il est dit que “Praz a toujours rejeté toute réduction rationnelle et a toujours refusé tout rationalisme et tout puritanisme”. a toujours refusé toute réduction rationaliste et puritaine du mouvement dont, au contraire, il a observé différentes facettes et sensibilités“, rappelant comment l’opinion s’était répandue que le mouvement néoclassique, avec David et ses contemporains, avait engendré ”le pire académisme, une peinture froide, pédante, séparée de la vie et de la créativité, étouffée par une vertueuse manie de l’antiquité". En réalité, ce retour à l’antique se dessine non pas comme une simple imitation, mais comme un choc rénovateur, qui rejette la peinture rococo considérée comme fausse et qui prend pour protagoniste absolu la figure de Napoléon Bonaparte, nouvel Auguste ou César. En fait, on parle de la “modernité paradoxale du néoclassicisme”, car les enseignements du passé sont liés à une esthétique contemporaine faite de guerres modernes et de portrait démocratique. En ce sens, l’exposition Jean-Auguste-Dominique Ingres et la vie artistique au temps de Napoléon entend souligner pour la première fois en Italie la “double inspiration d’une époque critique”, celle qui s’étend de 1780 à 1820: une époque marquée par la grande puissance de Napoléon, au cours de laquelle la ville de Milan devient l’une des capitales les plus actives de l’Europe francisée, et par le mélange contrasté de l’exaltation de la virilité et d’ élans sombres et mélancoliques.
La passion pour l’Antiquité s’est ainsi transformée en une nouvelle approche de la nature humaine, du corps et de l’âme, illustrée par la prédominance du nu masculin, symbole de virilité et de renaissance de l’époque et de l’action positive, et par l’exploration de la psyché et de l’éros.
Ces deux tendances, qui convergent dans le chef-d’œuvre de David devenu la toile-manifeste du néoclassicisme, le Serment des Horaces, de 1785 (l’aquarelle anonyme et inédite du fonds documentaire d’Ingres, aujourd’hui conservée à Montauban, est exposée ici), sont bien décrites dans les deux premières sections de l’exposition milanaise: La première comprend le Nu masculin connu sous le nom de Patrocle de David, un nu héroïque peint en 1780 qui montre la plasticité des muscles tendus et des cheveux balayés par le vent, et le Torse masculin représenté par Ingres, grâce auquel il obtint le Prix du torse en 1801, une récompense qui non seulement offrait une somme d’argent au lauréat mais lui permettait également d’accéder au Prix de Rome, un prix que l’artiste devait remporter peu de temps après, la même année. La seconde comprend des œuvres qui évoquent la mélancolie et l’onirisme, comme la Mélancolie de Constance Charpentier (Paris, 1767 - 1849), élève de David, qui rappelle le groupe de femmes du Serment des Horaces et qui plonge le corps candide d’une jeune fille malheureuse dans un paysage mélancolique typique formé d’un saule pleureur, d’un ruisseau et d’un bosquet ; Le Sommeil d’Endymion, peint en 1791 par un autre élève de David, Anne-Louis Girodet (Montargis, 1767 - Paris, 1824): le berger Endymion, éternellement condamné à un profond sommeil pour avoir courtisé Junon, est observé en extase amoureuse à la tombée de la nuit par Diane, déesse amoureuse de la perfection de son apparence. Et le célèbre chef-d’œuvre monumental d’Ingres, Le Songe d’Ossian, qui lui fut commandé en 1811 pour le plafond de la chambre à coucher de Napoléon au palais du Quirinal: le tableau s’inspire des Songs of Ossian du poète écossais James Macpherson (Ruthven, 1736 - Belville, 1796) et représente dans une scène nocturne le poète Ossian entouré de ses rêves les plus terribles, tels que les héros morts au combat et leurs enfants qui lui apparaissent, tandis que le chien observe l’armée des morts et s’apprête à aboyer. L’œuvre est donc construite sur la coprésence des vivants et des morts, du rêve et de la réalité. Tant le thème de la mélancolie que celui du rêve présentés dans ces chefs-d’œuvre ultérieurs des élèves de Jacques-Louis David peuvent être considérés comme une anticipation du mouvement romantique ultérieur.
Anonyme, Le serment des Horaces, par Jacques-Louis David (s.d. ; aquarelle, 40,8 x 53,7 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Jacques-Louis David, Nu masculin appelé Patrocle (1780 ; huile sur toile, 121,5 x 170,5 cm ; Cherbourg-en-Cotentin, musée Thomas Henry) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Torse masculin (1801 ; huile sur toile, 102 x 80 cm ; Paris, Beaux-Arts de Paris) |
Constance-Marie Charpentier, Mélancolie (1801 ; huile sur toile, 130 x 165 cm ; Amiens, Musée de Picardie) |
Anne-Louis Girodet, Le sommeil d’Endymion (1791 ; huile sur toile, 90 x 117,5 cm ; Montargis, musée Girodet) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Le Rêve d’Ossian (1813 ; huile sur toile, 348 x 275 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Mais le grand protagoniste de cette époque est Napoléon Bonaparte (Ajaccio, 1769 - Île Sainte-Hélène, 1821), qui est représenté par les artistes les plus célèbres de l’époque, à commencer par David: il s’agit en effet du tableau Napoléon franchit le col du Grand-Saint-Bernard de 1803, représenté vêtu d’un grand manteau flottant et monté sur un cheval blanc rampant ; une image qui rappelle l’orgueil du grand chef.
Témoignant du grand nombre de portraits de Napoléon, l’exposition milanaise en présente un florilège, ainsi que divers épisodes de la campagne victorieuse du général en Italie. Après une campagne militaire opportune qui débuta le 12 avril 1796 par le passage du col de Cadibona, l’armée française dirigée par le jeune Napoléon entra à Milan le 15 mai de la même année, après avoir conquis la Ligurie et le Piémont. Et c’est précisément la ville lombarde qui devint la capitale des arts, connaissant un moment de grande prospérité: d’importantes rénovations de monuments et d’espaces verts furent effectuées et de nombreux artistes italiens participèrent à tout cela, augmentant la vague culturelle en cours. C’est également à Milan, dans le Dôme, que Napoléon est couronné roi d’Italie le 26 mai 1805, initiant de nombreuses transformations culturelles et sociales dans le but de"franciser l’Italie" et de la faire dialoguer avec les tendances européennes les plus modernes. Parmi les œuvres célébrant Bonaparte et ses campagnes, on trouve un dessin au crayon exécuté par Andrea Appiani (Milan, 1754 - 1817) en 1801 et conservé à l’Académie des beaux-artsde Brera, qui représente Napoléon le visage tourné vers la droite de l’observateur et les cheveux encadrant son visage (Appiani l’avait déjà représenté en 1796, lorsque le lendemain de son entrée dans la ville de Milan, le général Hyacinthe-François, qui s’était emparé de la ville, s’était emparé de la ville et de ses habitants). de Milan, le général Hyacinthe-François-Joseph Despinoy avait commandé à l’artiste un portrait du commandant, et c’est à partir de ce tableau que d’autres exemples ont été pris, qui ont diffusé la physionomie de Napoléon dans toute l’Italie et la France) ; ainsi que le Général Bonaparte franchissant les Alpes et l’Attaque de la forteresse de Bard de Nicolas-Antoine Taunay (Paris, 1755 - 1830) et Jean-Joseph-Xavier Bidault (Carpentras, 1758 - Montmorency, 1846). Les principaux chefs-d’œuvre exposés sont le colossal Buste de Nap oléon d’ Antonio Canova (Possagno, 1757 - Venise, 1822) et les extraordinaires Fasti di Napoleone, la série complète de trente-cinq gravures représentant les batailles et les épisodes les plus significatifs de la première campagne d’Italie: Le cycle original peint sur toile pour la Sala delle Cariatidi du Palais royal a été détruit par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, mais les gravures exécutées selon la technique de l’eau-forte retouchée au burin ont été réalisées sous la direction d’Appiani par Giuseppe Longhi, professeur de l’école de gravure de l’Académie de Brera, et ses élèves Francesco et Giuseppe Rosaspina, Michele Bisi et Giuseppe Benaglia, entre 1807 et 1816.
Autre témoignage extraordinaire de cette époque, d’un raffinement unique, les quinze miniatures reproduisant la collection Sommariva d’Adèle Chavassieu d’Haudebert (v. 1788 - 1832) en émail sur cuivre: elles représentent des personnages de la mythologie, des allégories et des figures historiques, dont Napoléon en Hercule pacificateur (Allégorie de la République cisalpine). Originaire de Lodi, Giovanni Battista Sommariva (Sant’Angelo Lodigiano, 1762 - Milan, 1826) se trouve à Milan peu avant l’entrée triomphale de Napoléon et parvient à s’introduire dans la sphère politique de la ville, devenant un personnage de premier plan ; entre-temps, il commence à collectionner les œuvres des grands artistes de son temps et, même après la fin de l’Empire, il les soutient, de David à Pierre Paul Prud’hon (Cluny, 1758 - Paris, 1823), de Canova à Appiani. Le portrait du collectionneur de l’exposition, daté de 1814 et conservé à la Pinacothèque de Brera, est celui de Prud’hon. Sommariva y est placé entre les statues de Palamède et de Terpsichore de Canova, afin de souligner son rôle de grand mécène italien et son amitié avec le célèbre sculpteur.
Andrea Appiani, Portrait de Napoléon (1801 ; crayon noir et craie blanche sur papier brun, 13 x 11 cm ; Milan, Académie des beaux-arts de Brera) |
Nicolas-Antoine Taunay et Jean-Joseph-Xavier Bidauld, Le général Bonaparte franchit les Alpes et attaque la forteresse de Bard (tous deux 1801 ; huile sur toile, 183 x 120 cm ; Milan, Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio per la Città Metropolitana di Milano, en dépôt au Museo del Risorgimento) |
Antonio Canova, Buste colossal de Napoléon (1804-1809 ; marbre, 88 x 52 x 42 cm ; Milan, Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio per la Città Metropolitana di Milano, en dépôt au Palazzo Cusani) |
Avec son tableau monumental Napoléon Ier sur le trône impérial, Ingres se différencie de tous les autres artistes qui ont représenté Napoléon jusqu’alors: il le représente assis sur le trône à la manière d’un Jupiter ou d’un empereur romain ou byzantin ; son apparence est comparable à une puissance surhumaine et divine, mais avec des attributs concrets comme le costume de velours rouge et d’hermine, la tête ceinte d’or, le sceptre avec la main de justice, les sphères d’ivoire du trône, le dos du trône formant une sorte d’auréole et l’aigle déployant ses ailes dans la trame du tapis. Une figure puissante destinée à synthétiser et à renouveler les dynasties précédentes. Mais le grand tableau ne plaît pas et suscite critiques et indignations: Champany renonce même à le présenter à l’empereur car il est “trop peu ressemblant et son exécution n’est pas assez perfectionnée”. Elle est donc achetée par le Corps législatif pour décorer le salon du Palais Bourbon et présentée au Salon de 1806. On y souligne même, par un jeu de mots, le “portrait malsain de Sa Majesté”, le"mal ingres" du teint de l’empereur (l’homophone malingre signifie “minable”). Conservée au Louvre depuis 1815, l’œuvre commence à être réévaluée à partir de 1832, date à laquelle elle est transférée à l’Hôteldes Invalides, bien qu’elle soit peu remarquée. Dans la salle d’exposition du Palais Royal, Napoléon Ier sur le trône impérial se détache illuminé, donnant au visiteur un sentiment de puissance et de domination; la toile monumentale est accompagnée de quelques dessins préparatoires conservés au musée Ingres de Montauban, qui mettent notamment l’accent sur la robe de sacre et la main de justice.
La section suivante s’ouvre sur un excursus consacré à la production artistique d’Ingres, de sa formation à ses thèmes et sujets de prédilection, qui témoigne de l’ italianisme manifeste de l’artiste et de son rôle prépondérant dans l’art avant, pendant et après l’Empire.
Le jeune artiste de Montauban, dont l’apparence devait être très proche de l’Autoportrait peint par Julie Forestier en 1807, exposé ici (il s’agit d’une des premières copies sur un modèle de l’autoportrait de l’artiste conservé à Chantilly par la fiancée d’Ingres, également peintre), doit le début de sa formation à son père, Jean-Marie-Joseph Ingres, lui-même artiste. C’est lui qui a vu le grand talent de son fils, encore jeune, et qui lui a fait quitter sa ville natale pour entrer à l’Académie royale de peinture, de sculpture et d’architecture de Toulouse. La reconnaissance de son fils se reflète dans le portrait qu’il fait de son père en 1804, à l’occasion de la visite de ce dernier à Paris et l’année du sacre de Napoléon: pour ce portrait, Ingres s’inspire de la tradition flamande, soulignant l’élégance et le raffinement de l’homme, sans laisser transparaître la véritable vision qu’il a de lui en tant qu’époux et père de famille. Il s’agit en effet d’un mari infidèle qui a abandonné la femme et les petites sœurs d’Ingres sans soutien financier. Il n’a cependant laissé aucune trace de cet aspect malheureux dans le portrait en question, le dépeignant plutôt comme agréable et plus jeune qu’il ne l’est en réalité.
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Napoléon Ier sur le trône impérial (1806 ; huile sur toile, 263 x 163 cm ; Paris, Hôtel national des Invalides, musée de l’Armée) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Objets du couronnement (s.d. ; mine de plomb sur papier, 12,1 x 8,8 cm ; Montauban, Musée Ingres) |
Julie Forestier, Autoportrait d’Ingres, par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1807 ; huile sur toile, 65 x 53 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Portrait de Jean-Marie-Joseph Ingres (1804 ; huile sur toile, 55 x 47 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Comme nous l’avons déjà dit, dans les années qui suivent, c’est David qui se charge de la formation du talentueux artiste, l’accueillant dans son atelier parisien et lui faisant reproduire, à titre d’exercice, quelques-uns de ses chefs-d’œuvre les plus célèbres, comme le Serment des Horaces (l’aquarelle inédite de la collection Ingres conservée à Montauban est présentée dans l’exposition). Dans l’atelier de David, Ingres fait la connaissance du sculpteur italien Lorenzo Bartolini (Savignano, 1777 - Florence, 1850), qu’il représente dans un tableau de 1805, où l’influence de la peinture de la Renaissance italienne, pour laquelle il éprouve une fascination particulière, est évidente. Son amour pour l’Italie l’amène à entreprendre un voyage le long de la péninsule en 1806, dont témoigne une série de près de quatre cents dessins réalisés principalement à Milan et à Rome. C’est lors de son premier séjour à Rome qu’il a l’occasion d’admirer en personne les œuvres de Raphaël (Urbino, 1483 - Rome, 1520) et du XVe siècle italien, des chefs-d’œuvre qui auront une influence décisive sur son style. Toujours en Italie, il épouse en 1813 la jeune modiste Madeleine Chapelle. C’est une période faste pour l’artiste, qui exploite sa grande habileté à dessiner des portraits, exécutant de nombreux portraits de membres de la bourgeoisie française et anglaise résidant à Rome, malgré le peu d’estime qu’il avait pour ce genre.
Une autre personnalité importante qui a influencé Ingres est Joachim Murat, nommé roi de Naples par Napoléon en 1808. L’artiste vendit à Murat une représentation d’une “femme couchée”, connue sous le nom de Femme endormie de Naples, destinée aux petits appartements du palais royal. L’œuvre originale a disparu après la chute de Murat, mais un dessin préparatoire et une version conservée au Victoria & Albert Museum de Londres sont exposés à Milan. Dans l’intention de commander un pendentif de la femme allongée, la reine Caroline Murat, épouse de Joachim et sœur cadette de Napoléon, commanda à Ingres en 1814 uneOdalisque peinte de dos, ainsi que des portraits du couple Murat et de leurs enfants. L’Odalisque demandée n’est autre que le célèbre chef-d’œuvre de l’artiste, la Grande Odalisque, et grâce à une lettre écrite par Ingres lui-même, nous apprenons que le modèle de ce tableau était “une jeune fille de dix ans” de Rome. L’érudit Dimitri Salmon a proposé qu’il s’agissait d’Atala Stamaty, née à Rome le 11 août 1803, qui avait dix ans à l’époque de la création de la Grande Odalisque. Heureusement, Ingres, après la chute de Murat, réussit à récupérer le célèbre chef-d’œuvre qui, après plusieurs acquisitions, fut acheté en 1899 par les Musées nationaux pour être exposé au Louvre. Si l’artiste avait une certaine prédilection pour le nu, il n’avait pas la même sympathie pour la science anatomique: dans la Grande Odalisque , on peut voir un nombre de vertèbres plus élevé que dans la réalité, ce qui provoque un allongement peu naturel du dos de la figure féminine représentée ; en outre, la torsion du cou et la forme des seins qui dépassent sous l’aisselle sont inversées. Néanmoins, la Grande Odalisque est l’une des figures les plus sensuelles de l’histoire de l’art et les visiteurs de l’exposition seront captivés par elle (elle est toutefois présente dans la version en grisaille du Metropolitan de New York).
Le nu féminin se retrouve dans la dernière section de l’exposition, où l’on peut voir des études pour la Vénus Anadiomène portant sur différentes parties du corps, ainsi que l’étude pour le célèbre Bain turc présentant une femme sensuelle à trois bras. Outre ce sujet, l’exposition se termine par la présentation d’un genre particulier, appelé troubadour, qui s’est répandu en France après la chute de l’Empire grâce à l’impératrice Joséphine, épouse de Napoléon, et à Caroline Murat. Ingres se consacre à ce genre historique renouvelé pendant une dizaine d’années, apportant sur la toile une nouvelle manière de représenter le passé national en s’inspirant des thèmes du Moyen Âge et des XVIe et XVIIe siècles. Les sujets de ces tableaux sont des peintres et des poètes du passé et des hommes illustres, notamment des souverains protecteurs des arts. Dans le premier cas, il s’agit de la série de tableaux inspirés de la vie de Raphaël, artiste qui fut une véritable “idole” pour Ingres (il demanda même au pape que des fragments d’os soient placés dans un reliquaire lors du transfert de la dépouille du peintre au Panthéon en 1833). Sont exposées ici la version de Raphaël et la Fornarina de l’Ohio, ainsi que des études préparatoires pour plusieurs versions de ce sujet, et la copie des Offices de l’autoportrait de l’artiste d’Urbino datant de 1823 conservé au musée Ingres de Montauban. Le tableau Jésus remettant les clés à saint Pierre et les nombreux dessins préparatoires de ce dernier révèlent l’important travail de recherche qu’Ingres a effectué sur l’art de Raphaël, en examinant également quelques gravures avec des détails de personnages d’un des cartons pour les tapisseries réalisées par l’artiste d’Urbino pour la chapelle Sixtine. Ingres s’intéresse en particulier aux draperies et aux visages des apôtres.
L’Aretino et le messager de Charles Quint et La mort de Léonard de Vinci sont davantage liés à des thèmes historiques: le premier représente l’épisode où Charles Quint, à son retour de Tunis, envoie une chaîne d’or à l’Arétin et où celui-ci exprime son mépris en déclarant qu’il s’agit d’un cadeau dérisoire ; le second, commandé par le comte de Blacas, ambassadeur auprès du Saint-Siège qui souhaitait mener une politique d’aide aux artistes restés à Rome après la chute de l’Empire, représente l’artiste de Vinci au moment où il meurt dans les bras de François Ier. Pour la physionomie du souverain français protecteur des arts et des lettres, Ingres s’est inspiré du portrait que Titien (Pieve di Cadore, 1488/90 - Venise, 1576) a fait de lui, semblable par le visage et les vêtements.
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Portrait de Lorenzo Bartolini (1805 ; huile sur toile, 98 x 80 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Grande Odalisque, version en grisaille (vers 1830 ; huile sur toile, 83,2 x 109,2 cm ; New York, The Metropolitan Museum of Art) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Étude pour la Dormition de Naples (s.d. ; mine de plomb sur deux cartes, 14 x 26,4 cm ; Montauban, Musée Ingres) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Étude pour Vénus anadiomène (vers 1808 ; crayon et mine de plomb sur papier végétal, 47 x 24 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Femme à trois bras, étude pour le bain turc (1816-1859 ; huile sur papier, 24,9 x 25,9 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Raphaël et la Fornarina (1814 ; huile sur toile, 64,77 x 53,34 cm ; Cambridge, Massachusetts, Fogg Art Museum) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Copie de l’autoportrait de Raphaël (1820-1824 ; huile sur toile, 43 x 34 cm ; Montauban, Musée Ingres) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Jésus remettant les clés à saint Pierre (1818-1820 ; huile sur toile, 280 x 217 cm ; Montauban, musée Ingres) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, La mort de Léonard de Vinci (1818 ; huile sur toile, 40 x 50,5 cm ; Paris, Petit Palais Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris) |
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Aretino et le messager de Charles Quint (1815 ; huile sur toile, 41,5 x 32,5 cm ; Lyon, musée des Beaux-Arts) |
Cette exposition a donc deux objectifs principaux: faire comprendre au public que le néoclassicisme est en réalité double et ne se limite pas à une pureté formelle , et présenter un artiste dont la production est étroitement liée à l’époque napoléonienne, avant et pendant son avènement et après sa chute. Un artiste qui doit son succès en grande partie à l’influence de l’art italien et qui milite également pour un rôle artistique de premier plan en France. Le tout dans une exposition bien articulée, qui permet des comparaisons avec d’autres artistes du même contexte.
Il convient également de souligner les contributions du catalogue d’ accompagnement qui traitent de l’influence artistique de David sur ses élèves, de la nouvelle interprétation du mouvement néoclassique et de la création d’une nouvelle iconographie de l’empire avec les portraits de Napoléon. Malgré l’absence de fiches sur les œuvres de l’exposition, des études approfondies, petites mais précises, ont été rédigées et suivent l’exposition dans ses différentes sections. Dans son ensemble, l’exposition contribue à l’analyse d’une époque marquée par un lien direct entre la France et l’Italie.
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