Documenter la manière dont le goût baroque romain s’est répandu, au cours du XVIIe siècle (mais aussi au-delà) et dans les domaines de la sculpture et de l’architecture, dans les Pays-Bas méridionaux, un territoire correspondant à peu près à la Belgique d’aujourd’hui: on pourrait résumer en ces termes l’apport de l’exposition Alla luce di Roma. Les dessins scénographiques des sculpteurs flamands et le baroque romain (à Rome, à l’Istituto Centrale per la Grafica, sous la direction de Charles Bossu, Wouter Bracke, Alain Jacobs, Sara Lambeau et Chiara Leporati) entend offrir dans le contexte d’un champ d’étude encore assez jeune mais qui, depuis quelques années, fait l’objet d’une attention particulière de la part des spécialistes, à tel point que l’exposition elle-même s’inscrit dans un ensemble plus vaste de recherches visant à approfondir les liens entre les sculpteurs flamands et la Rome baroque. Néanmoins, il manquait, comme le souligne Alain Jacobs dans le catalogue, “un événement phare pour susciter et cristalliser durablement l’intérêt au niveau international”: La meilleure façon de susciter cet intérêt était donc de partir de Rome, avec une exposition de très haut niveau scientifique, capable de rassembler de nombreux experts en art baroque (le volume des contributions dans le vaste catalogue est impressionnant), d’impliquer de nombreuses institutions dans la réalisation du projet, et de proposer des nouveautés et des découvertes (par exemple, des documents intéressants sur les activités de nombreux artistes de l’exposition ont été trouvés, et des dessins inédits ont été exposés et publiés).
La première salle de "Dans la lumière de Rome |
Comme son titre l’indique, il s’agit d’une exposition essentiellement de dessins: elle ne fait donc pas partie de ces expositions capables d’exercer une emprise particulière sur le grand public. On ne découvre certes pas aujourd’hui que les expositions d’art graphique peinent à intéresser un public autre que celui des spécialistes, des initiés ou des passionnés. Dans le cas de Dans la lumière de Rome, les éléments sont pourtant réunis pour que l’exposition touche un public plus large: plus d’une centaine de dessins sont exposés (tous de très grande qualité et provenant de différents instituts), des noms prestigieux sont présents comme, par exemple, Pieter Paul Rubens, dont le projet pour le maître-autel de l’église des Jésuites d’Anvers est présenté dans l’exposition, ou encore Gian Lorenzo Bernini, qui présente un projet plutôt inhabituel (un macabre squelette ailé soutenant une pyramide, probablement une étude préliminaire pour le catafalque érigé à la mémoire du duc de Beaufort à Santa Maria in Aracoeli). L’exposition, qui occupe trois salles, est en fait divisée en cinq sections thématiques, clairement distinctes mais bien reliées par un fil rouge continu (celui des échanges entre le baroque romain et le baroque flamand naissant).
Gian Lorenzo Bernini, Squelette ailé soutenant une pyramide (1669 ; plume, encre brune et aquarelle brune sur papier blanc, 20 x 13,3 cm ; Rome, Istituto Centrale per la Grafica) |
La troisième salle de "Dans la lumière de Rome |
La première des cinq sections est consacrée à la scénographie baroque: dans la première salle sont donc exposés des dessins qui montrent comment l’art romain typique de l’époque a également été adopté en Flandre. Une véritable “romanisation” des églises flamandes qui a pu avoir lieu grâce à deux circonstances décisives. La première: la diffusion de la Contre-Réforme et, par conséquent, de la liturgie romaine en Belgique. Les Pays-Bas, vers le milieu du XVIe siècle, sont le théâtre de forts affrontements religieux, mais il est intéressant de savoir, notamment, qu’en 1579, les provinces méridionales (celles qui correspondent à peu près à la Belgique actuelle) se déclarent fidèles à Philippe II d’Espagne et choisissent, pour l’essentiel, de rester catholiques, ce qui a pour conséquence que les rites tridentins sont adoptés en Flandre et que, à partir de 1596, l’Église établit qu’il y a également un nonce apostolique à Bruxelles. Ce processus de tridentinisation des Pays-Bas“, expliquent Ralph Dekoninck et Annick Delfosse dans l’un des essais du catalogue, ”a contribué à renforcer l’identité intrinsèquement catholique que les provinces méridionales avaient forgée en réaction aux prétentions calvinistes du Nord“. La deuxième circonstance qui a favorisé la diffusion de la ”romanisation" est au contraire l’opportunité qu’un groupe important d’artistes, provenant de toutes les villes flamandes, a eu de séjourner à Rome: les artistes, en contact avec les nouveautés impressionnantes de l’art local, ont fini par adapter leur style aux nouvelles instances. Et cette floraison d’autels somptueux et scéniques consacrés à la rhétorique et au spectaculaire est adéquatement attestée par les folios exposés dans la première salle.
L’un des premiers artistes flamands à séjourner en Italie fut Pieter Huyssens (Bruges, 1577 - 1637): son Projet pour le maître-autel de l’église des Jésuites d’Anvers, comparé à la feuille de Rubens mentionnée plus haut (bien qu’aucun des deux n’ait été suivi dans l’exécution finale), met en évidence les caractéristiques du baroque romain qui avait pleinement pénétré la culture figurative flamande. Frontons brisés, volutes arquées, colonnes torsadées, entablements avec niches: le même lexique exubérant des édifices cultuels romains. Les exemples sont nombreux: un Intérieur d’une église avec monument de Hendrik Frans Verbrugghen (Anvers, 1654 - 1724) propose un type de monument typiquement romain, celui inséré dans une grande niche (faisant écho, par exemple, à celles de la basilique Saint-Pierre), totalement étranger à la culture des Pays-Bas flamands, et toujours de Verbrugghen un Projet pour l’autel et la décoration de l’église des Jésuites d’Utrecht rappelle sans équivoque avec son plafond s’ouvrant illusoirement sur une vision divine, la voûte de l’église de Jésus peinte à fresque par Baciccio, et une autre feuille du même Verbrugghen, un Projet pour l’autel de la guilde de Saint-Luc dans la cathédrale Notre-Dame d’Anvers, s’inspire de la chapelle Fonseca de San Lorenzo in Lucina à Rome, réalisée par le Bernin.
À gauche: Pieter Huyssens, Projet pour le maître-autel de l’église des Jésuites à Anvers (1621 ; pierre noire, plume et encre noire aquarellée, sanguine sur divers fragments de papier assemblés, 110 x 52,5 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes). À droite: Pieter Paul Rubens, Projet pour le maître-autel de l’église des Jésuites à Anvers (1621 ; crayon, plume et encre brune sur papier, 51,9 x 26,1 cm ; Vienne, Graphische Sammlung Albertina). |
Hendrik Frans Verbrugghen, Projet pour l’autel et la décoration de l’église des Jésuites d’Utrecht (1701 ; plume et aquarelle brune sur papier, 20,7 x 16,7 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
Hendrik Frans Verbrugghen, Projet pour l’autel de la guilde de Saint-Luc dans la cathédrale Notre-Dame d’Anvers (plume et aquarelle brune et grise et aquarelle brune sur papier, 55,2 x 30,9 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes). |
Tous ces éléments seront ensuite développés dans des solutions imaginatives utilisées pour ce qui était probablement les deux éléments principaux des églises flamandes: les chaires et les confessionnaux, pour lesquels les sculpteurs flamands ont imaginé des solutions qui, en termes d’étrangeté et de fantaisie, dépassaient souvent de loin les limites fixées par les artistes italiens. La raison en est simple: la chaire, l’élément sur lequel le prêtre devait se tenir pour s’adresser aux fidèles, avec un appareil scénique frappant, renforçait le message du prêtre, qui devait arriver haut et fort dans une région qui, contrairement à l’Italie, était en contact constant et étroit avec les instances réformées, dont les catholiques devaient être tenus à l’écart. Il en va de même pour les confessionnaux: le sacrement de la pénitence (ou “confession”) est absent dans le christianisme protestant, et montrer aux fidèles des confessionnaux magnifiques et pompeux revenait à affirmer la puissance de l’Église catholique. Dans la deuxième section de l’exposition (qui occupe toute la deuxième salle), trois incroyables études de Theodoor Verhaegen (Malines, 1700 - 1759) sont présentées successivement, nous montrant jusqu’où pouvait aller la bizarrerie de certains sculpteurs: le projet pour la chaire de l’église Sainte-Catherine de Malines est imaginé comme une architecture en ruine, couverte d’un toit de chaume sous lequel se trouve un groupe sculptural représentant la Sainte Famille, et au-dessus duquel un grand nuage entouré d’anges et de chérubins escorte l’apparition du Saint-Esprit, qui répand la lumière partout. La conception d’une chaire avec Jésus enseignant aux apôtres, une sorte d’architecture en forme de bosquet sur laquelle se détache une sphère armillaire accompagnée de deux anges, et au-dessous de laquelle on remarque la statue du Christ prêchant avec les apôtres qui se tiennent autour de lui, est également impressionnante.
Theodoor Verhaegen, Projet pour la chaire de l’église Sainte-Catherine à Malines (plume et encre noire et aquarelle grise sur papier, 68,2 x 43 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
Theodoor Verhaegen, Projet de chaire avec Jésus enseignant aux apôtres (plume et encre noire et aquarelle grise sur papier, 56,3 x 33,4 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
La relation entre les sculpteurs flamands et italiens est également étudiée par une série remarquable d’études que les artistes flamands ont obtenues en analysant les œuvres de leurs collègues italiens. Ce travail continu d’analyse a permis aux artistes flamands d’actualiser leur art de manière décisive, en abandonnant le “hiératisme hérité du maniérisme nordique au profit d’une interprétation plus naturaliste dans le rendu du corps humain et l’agencement rythmique des mouvements”. Il est intéressant de noter que les artistes ont acquis leur connaissance de l’art italien de deux manières: en séjournant directement en Italie ou en étudiant des dessins et des gravures d’artistes ayant séjourné en Italie. Le premier groupe comprend des artistes comme Robert Henrard (Dinant, vers 1615 - Liège 1676), présent dans l’exposition avec un intéressant dessin copiant le Saint-André de François Duquesnoy, l’un des premiers (et peut-être le plus célèbre) sculpteurs flamands à avoir séjourné en Italie, ou Pieter I Verbruggen (1615 - Anvers, 1686) dont la composition d’un groupe représentant Borea et Orizia est basée sur le Viol de Proserpine du Bernin. Le second groupe comprend, outre Hendrik Frans Verbrugghen (qui n’a jamais séjourné en Italie mais est paradoxalement devenu l’un des peintres flamands les plus “italiens”), Jan Claudius de Cock (Bruxelles, 1667 - Anvers, 1735), dont l’Apollon et Daphné est clairement inspiré du Bernin (de Cock a étudié les gravures pour le célèbre groupe aujourd’hui conservé à la Galleria Borghese).
Pieter I Verbruggen, Borea et Orizia (crayon, plume et encre noire, aquarelle grise et sanguine sur papier, 21,6 x 13,5 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
Jan Claudius de Cock, Apollon et Daphné (1699 ; plume, encre brune et sanguine sur papier, 17,5 x 15,3 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
La troisième et dernière salle abrite les trois sections restantes: les thèmes abordés sont la fête baroque, la mort et les catafalques. La fête est analysée et décrite sous toutes ses formes, mais c’est surtout le triomphe qui a particulièrement plu aux sculpteurs et architectes flamands, capables de concevoir les apparats les plus scéniques et les plus élaborés qui accompagnaient l’entrée des princes et des souverains dans les villes de Flandre. La Tribune pour l’entrée triomphale de l’empereur Charles VI à Bruxelles, conçue par Pieter I van Baurscheit (Wormersdorf, 1669 - Anvers, 1728) et son fils Pieter II (Anvers, 1699 - 1768), qui ont conçu un grand théâtre destiné à être placé sur la place centrale des Bailles à Bruxelles, est particulièrement remarquable: Se référant à ce que les conservateurs identifient comme l’archétype de ces tribunes, à savoir le théâtre conçu par Rubens en 1635 pour l’entrée de Ferdinand d’Autriche à Anvers, van Baurscheit père et fils développent la tribune sous forme de colonnade, plaçant le trône destiné à l’empereur sous une arche imposante surmontée d’un édicule portant des symboles liés à l’événement. L’imagination des sculpteurs flamands trouve ensuite à s’exprimer dans d’autres types de réalisations: chars de parade, comme ceux que Verbrugghen, déjà cité, conçoit en 1718 pour l’ommegang (sorte de procession composée à son tour d’un cortège religieux et d’un cortège profane) à Anvers cette année-là, arcs de triomphe, théâtres provisoires, etc.
Pieter I et Pieter II van Baurscheit, Tribune pour l’entrée triomphale de l’empereur Charles VI à Bruxelles (1718 ; crayon, plume et encre noire, aquarelle et encre grise sur papier, 51 x 13,35 cm ; Bruxelles, Museum van de Stad/Musée de la Ville). |
Hendrik Frans Verbrugghen, Dessin pour le carrlo La montagne des vierges pour l’Ommegang d’Anvers de 1718 (1718 ; crayon, plume et encre brune, sanguine sur papier, 42,3 x 36,4 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
Le grand spectacle baroque ne pouvait manquer d’aborder l’un des thèmes principaux du christianisme, celui de la mort, avec sa charge de peur face à sa venue et en même temps d’espoir comme moment de passage vers une vie éternelle au paradis. À côté d’œuvres où l’élément macabre prédomine (un chef-d’œuvre en ce sens est le Projet de candélabre funéraire monumental attribué à Gaspar Melchior Moens: les bougies reposent sur un socle soutenu par deux squelettes voûtés, pleurant et méditant, et surmonté de deux faucilles croisées qui couronnent l’ensemble de la structure comme des drapeaux), nous en trouvons d’autres où la mort, bien que présente, est vaincue par le Christ: c’est le cas, par exemple, du Projet de monument funéraire avec la Résurrection du Christ de Pieter II Verbruggen (Anvers, 1648 - 1691) où les deux soldats qui gardent le tombeau de Jésus, symbole de la mort, voient celui-ci déchiré par la puissance du Christ qui en sort en se relevant et en montant au ciel. L’idée du “triomphe sur la mort”, plutôt que celle du “triomphe de la mort” (dixit Marcello Fagiolo dans un essai du catalogue), anime les grands projets de monuments funéraires, souvent conçus sous la forme de catafalques solennels, qui pouvaient être érigés de manière temporaire ou permanente: à Rome, ils étaient construits en l’honneur des papes, tandis qu’aux Pays-Bas, ils étaient destinés à célébrer les princes et les souverains. Et si les catafalques portant au sommet des symboles de la mort ne manquent pas (comme celui que Wenzel Hollar a conçu pour le prince Baltasar Carlos, fils de Philippe IV d’Espagne, couronné par un squelette tenant une faucille et un cyprès), il en existe d’autres où les éléments de deuil sont tout de même présents (également en guise de memento mori: le fidèle doit savoir que tôt ou tard son heure viendra), mais ils doivent en fait succomber face au triomphe sur la mort: c’est le cas du Projet pour le cercueil de Marie-Elisabeth, gouverneur général des Pays-Bas, une œuvre dans laquelle l’auteur, Moens (Anvers, 1698 - 1742), a de nouveau placé un aigle monté par un putto (l’aigle est un animal associé à l’ascension vers le paradis) au-dessus de l’ensemble de la structure.
Gaspar Melchior Moens (attribué à), Projet de candélabre funéraire monumental (1744 ; plume et aquarelle brune, aquarelle grise sur papier, 32,1 x 19 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes). |
Pieter II Verbruggen, Projet de monument funéraire avec la résurrection du Christ (pierre noire, plume et encre brune, aquarelle brune et grise et sanguine sur papier, 29,2 x 18,3 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
Gaspar Melchior Moens, Projet pour le catafalque de Marie-Élisabeth, gouverneur général des Pays-Bas (1741 ; crayon, plume et encre brune, aquarelle grise et noire sur papier, 32,3 x 18,9 cm ; Anvers, Plantin-Moretusmuseum, Cabinet des estampes) |
Dans lalumière de Rome est, en somme, un excellent exemple d’organisation et de mise en scène d’ une exposition d’art graphique. Un parcours cohérent, irréprochable d’un point de vue scientifique mais aussi informatif (si l’on veut chercher le cheveu dans l’œuf, il aurait peut-être fallu anticiper le tout avec des prémisses plus larges pour mieux informer le public sur le contexte de référence), un catalogue trilingue (avec des essais en italien, français et anglais), riche et étoffé, qui deviendra, nous en sommes sûrs, un point de référence essentiel pour les études sur les relations entre l’Italie et la Flandre à l’époque baroque. En ce qui concerne le catalogue, nous voudrions souligner un aspect particulier, apparemment peu important mais qui dénote en réalité un soin méticuleux du travail et une attention au lecteur, à savoir le fait qu’il soit doté d’un index des noms, un outil trop souvent négligé mais qui, dans un catalogue scientifique, s’avère toujours très utile. Il ne faut pas oublier enfin que l’exposition est le fruit d’un bon dialogue entre institutions publiques (Academia Belgica, Ministère de la Culture, Institut Central de Graphisme), qui s’est avéré particulièrement intelligent: bravo donc à ceux qui l’ont rendu possible.
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